France

Procès de Toulon
Un expert-psychiatre contre trois scientologues

Note préalable

Lors du procès de Toulon, Mme Patricia Forestier était prévenue de complicité de vol. Par lettre du 29 décembre 2000, elle nous précise qu'elle a été totalement blanchie par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, puisqu'une relaxe définitive a été prononcée à son bénéfice. 

Voici l'analyse sur le plan de la jurisprudence du jugement de la cour d'appel :
 

COUR D'APPEL, AIX EN PROVENCE, CHAMBRE CORRECTIONNELLE 13, 
NO 12 D-13-98 12/01/1998, Docum.No 040222 (L) 

Infractions des simples particuliers, corruption active de fonctionnaire, article 433-1 du code pénal, article 179 de l'ancien code pénal, relaxe (oui), médecin expert judiciaire, désignation dans une affaire concernant des membres de l'église de scientologie, offres ou promesses pour obtenir un acte de la fonction (non), prévenu étudiant en médecine, demande d'une présentation favorable de la secte, caractère vague et imprécis des avantages proposés, offre d'une présentation de clientèle, avantages financiers et voyages, simple contexte d'une conversation cordiale, réformation. Infractions contre les biens, complicité de vol simple, article 121-6 du code pénal, article 121-7 du code pénal, articles 59 de l'ancien code pénal et 60 de l'ancien code pénal, article 311-1 du code pénal, articles 379 de l'ancien code pénal et 381 de l'ancien code pénal, relaxe (oui), vol de correspondance par l'auteur principal, provocation ou instruction (non), absence d'enquête sur les activités professionnelles du médecin expert, instructions données par un membre actif de l'église de scientologie à un autre adhérent, acte spontané de l'auteur principal, enquête faisant partie d'une mission, réformation. 

Ne constitue pas un acte de corruption active le fait de tenir auprès d'un médecin, désigné par ailleurs en qualité d'expert judiciaire dans une affaire concernant des membres de l'église de scientologie, des propos relatifs à l'intérêt professionnel et financier de travailler en accord avec l'église de scientologie et conformément à ses intérêts, en raison du caractère particulièrement vague et imprécis des avantages évoqués, des personnalités respectives des interlocuteurs, médecin et étudiant en médecine, et du contexte même d'une conversation cordiale. Ne constitue pas le délit de complicité de vol de correspondance auprès de ce dernier médecin, le fait pour un membre actif de l'église de scientologie d'avoir donné à un adhérent des instructions ayant pour but de réaliser une enquête sur l'expert désigné, consistant notamment à recueillir toutes informations sur ce dernier et à se procurer tous documents "légaux", à défaut d'instructions suffisamment précises incitant à la commission d'une infraction caractérisée. De plus, l'acte de vol a été apparemment spontané, l'adhérent s'étant pris "au jeu de détective" et cela nonobstant une influence certaine mais insuffisante desdites instructions.

Décision attaquée : TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE TOULON DU 11 OCTOBRE 1996 

La partie concernant Patricia Forestier est mise en caractères gras par nos soins. Il intéressant de constater que ce n'est pas la matérialité des faits qui est contestée, mais son incrimination pénale...

Tribunal de Grande Instance de Toulon.

 Numéro de jugement DM. 2655.

 Extraits du délibéré du vendredi 11 octobre 1996.

Les trois prévenus ont fait appel de ce jugement.

Affaire Jean-Marie Abgrall contre:


1. Les faits reprochés

Le 6 septembre 1990, le Docteur Jean-Marie Abgrall déposait plainte auprès du SRPJ, Antenne de Toulon, en exposant les faits suivants.

 En mai et juillet 1990, il avait été désigné expert judiciaire par un juge d'instruction de Marseille, puis de Lyon dans le cadre d'informations judiciaires ouvertes contre la Secte de Scientologie, appelée Eglise de Scientologie.

 Dans l'après-midi du 28 août 1990, il avait reçu la visite de deux nouveaux clients; d'abord un homme, qui avait "provoqué" et "importuné" ses patients dans la salle d'attente ainsi que sa secrétaire et qu'il avait dû "expulser physiquement" pour ce motif, sans avoir noté son nom; et ensuite une femme qui s'était présentée sous l'identité de NS.

 Cette dernière avait sollicité un traitement et des examens; elle lui avait dit appartenir à "l'Association de citoyens pour la défense de l'homme" (émanation de l'Eglise de Scientologie) et lui avoir été adressée par le Docteur JPL, membre de cette église. Ce dernier avait d'ailleurs déjà rencontré le docteur Jean-Marie Abgrall fin juillet 1990, pour l'entretenir de l'Eglise de Scientologie et l'inciter à rendre des conclusions favorables dans l'information ouverte au Tribunal de Grande Instance de Marseille, et notamment dans le rapport d'expertise qu'il devait établir sur EO, concubine du docteur JPLécrouée à Marseille par le Juge d'Instruction (Mme Sayouz) sous l'inculpation de complicité d'escroquerie.

 Après le départ de la jeune femme, le docteur Jean-Marie Abgrall avait constaté la disparition d'un paquet de cartes de visite et d'un ordonnancier.

 Déjà, le 4 août 1990, et à trois reprises, un interlocuteur avait téléphoné successivement, au docteur Jean-Marie Abgrall (par ailleurs Président d'une association écologique Cérastes), à M. Couderc (Vice-Président de cette association), puis au docteur Robert Martin (médecin généraliste à Hyères) pour avoir des renseignements sur l'expert Jean-Marie Abgrall, en faisant allusion à des détournements de fonds commis par l'expert psychiatre à l'occasion de l'examen de majeurs protégés.

 Le correspondant du docteur Martin disait se nommer PR et le contenu de ses propos laissait penser qu'il était employé ou client de la compagnie d'assurance Les Mutuelles Unies.

 Il s'était en tout cas présenté comme "membre de l'association de défenses des droits des citoyens". Le Docteur Jean-Marie Abgrall déclarait que ces divers incidents étaient évocateurs de la "propagande noire", terme utilisé par l'Eglise de Scientologie et recouvrant un processus allant de la calomnie, aux pressions procédurielles, et à l'élimination physique de tous ceux qui s'opposaient à cette secte.

 Selon N, entendu dans le cadre de l'information, et se présentant comme "officier d'éthique" de l'Eglise de scientologie de la Mission de Nice la "propagande noire" consistait à faire de fausses déclarations et à salir la réputation d'une personne de manière à lui nuire.

 Le 13 septembre 1990, le Docteur Jean-Marie Abgrall déposait une nouvelle plainte au SRPJ pour vol de correspondance dans sa boite aux lettres, après avoir constaté la diminution du nombre de son courrier et la non réception de relevés bancaires ainsi que d'une mission expertale adressée par une compagnie d'assurance. Cette plainte était jointe à l'enquête, en cours dans ce service.

 A la mi-novembre 1990, Claude Girieu, un ancien infirmier du Centre hospitalier spécialisé de Pierrefeu (où avait exercé le Docteur Jean-Marie Abgrall) déclarait avoir reçu d'une dénommée LF, membre de la "ligue de défense des droits des citoyens un appel téléphonique au cours duquel elle lui avait demandé des renseignements d'ordre privé sur ce médecin.
 

2. Déclaration des prévenus

NS, entendue une première fois le 5 février 1991, ne niait ni sa visite au Docteur Jean-Marie Abgrall, ni son appartenance à l'Eglise de Scientologie; mais elle affirmait avoir consulté ce médecin pour raisons exclusivement médicales et être totalement étrangère à la disparition de l'ordonnancier et des cartes de visite.

 La perquisition effectuée à son domicile le même jour, si elle ne permettait pas d'y retrouver ces documents, amenait la découverte d'un carnet d'adresses sur lequel figuraient les numéros de téléphone de PF et PR.

 PR, entendu le 19 février 1991, se déclarait "conseiller pastoral au sein de l'Eglise de Scientologie" et membre de la "commission des citoyens pour les droits de l'homme". C'était à ce titre qu'il avait "enquêté" sur le Docteur Jean-Marie Abgrall pour vérifier si ce dernier ne se rendait pas coupable "d'abus psychiatriques".

 Il affirmait avoir agi de son propre chef et niait tout vol, comme toute intrusion dans le cabinet du plaignant.

 La perquisition effectuée à son domicile se révélait négative et il n'était pas reconnu par la secrétaire du docteur Jean-Marie Abgrall.

 JPL, entendu le 21 février 1991, confirmait être le concubin d'une certaine EO.

 Il affirmait n'avoir rencontré le Docteur Jean-Marie Abgrall que dans le but d'obtenir des nouvelles de sa compagne, et en aucun cas pour faire pression sur l'expert.

 Après un avis de classement sans suite adressé au plaignant le 17 mai 1991, pour auteur inconnu en ce qui concernait les vols et infraction insuffisamment caractérisée en ce qui concernait les autres faits, une information était ouverte, sur constitution de partie civile, le 28 juin1991 contre NS, JPL et PR, des chefs de tentative de corruption, menaces et subornation de témoin.
 

3. Les attendus

Sur l'action publique

Attendu que l'information et la perquisition effectuée le 21 janvier 1993 dans les locaux de la "mission de Nice", succursale niçoise de "l'Eglise de Scientologie" ont permis la découverte d'un manuscrit, signé par PR dont les termes relataient, à un officier d'éthique de l'église, la confession de ses fautes et notamment le vol, en compagnie d'un dénommé PR, dans la boîte aux lettres du Docteur Jean-Marie Abgrall, d'un courrier destiné à ce médecin.

 Attendu que PR reconnaissait avoir agi sur l'invitation expresse de PF pour mener une enquête de profil professionnel sur le Docteur Jean-Marie Abgrall; qu'il admettait sa présence aux côtés de RP lors du vol de la lettre destinée au Docteur Jean-Marie Abgrall et déclarait avoir été d'accord avec RP pour prendre ce courrier, précisant qu"'il l'aurait remise à l'Eglise de Scientologie, c'est à dire à PF s'il s'était agi d'un document intéressant".

 Attendu qu'il indiquait également avoir immédiatement rendu compte à PF de leur visite dans l'immeuble du Docteur Jean-Marie Abgrall.

 Que par ailleurs, il résulte des déclarations de RP tant devant les Services de Police que devant le Juge d'Instruction que en sa qualité de membre de l'Eglise de Scientologie et de la commission des citoyens pour les droits de l'homme, filiale de la précédente, il avait reçu pour instruction, en août 1990, de PF, de "développer selon la tactique dite de la propagande noire définie par Ron Hubbard, une contre-attaque concernant les affirmations du médecin-psychiatre Jean-Marie Abgrall, de Toulon, qui était un opposant notoire à l'Eglise de Scientologie..." au point d'avoir été, selon PF, la cause de la fermeture du Centre de Scientologie de Nice.

 Attendu que RP déclarait que, conformément aux instructions de PF, en compagnie de PR, il avait enquêté sur le compte du Docteur Jean-Marie Abgrall, cherchant à savoir "tout ce qui était de nature à compromettre sa réputation"; qu'il admettait avoir avec PR, dans le cadre de sa mission "avoir émis des doutes sur l'honorabilité du Docteur Jean-Marie Abgrall tant sur le plan de la compétence professionnelle que sur son intégrité morale".

 Attendu que RP indiquait même qu'à la suite de diverses interpellations, mises en garde à vue et suite à la fermeture du CCDM de Nice, il avait reçu l'ordre, avec PR, de la Direction du CCDM à Paris de "trouver de toute urgence des éléments de discrédit du Docteur Jean-Marie Abgrall...". Il fallait absolument réagir et prouver que le Docteur Jean-Marie Abgrall était une canaille...".

 Attendu qu'il précisait également, qu'avec PR, ils n'agissaient jamais de leur propre initiative et qu'ils recevaient leurs missions, par téléphone, de PFqui était leur principale interlocutrice et à laquelle ils rendaient compte, une fois leur mission effectuée.

 Que les déclarations de RPétablissaient également que PF leur avait demandé de se renseigner sur la vie privée du Docteur Jean-Marie Abgrall, pour savoir par exemple s'il se droguait ou s'il avait une maîtresse".

 Attendu, dans ces conditions, que les instructions données et les méthodes utilisées (investigations dans la vie professionnelle et privée du Docteur Jean-Marie Abgrall), la recherche de preuves destinées à discréditer le Docteur Jean-Marie Abgrall ainsi que l'urgence dans laquelle devait s'effectuer la mission de PR et de P impliquaient nécessairement la commission d'actes illégaux dont la soustraction frauduleuse de courrier au préjudice du Docteur Jean-Marie Abgrall.

 Qu'en effet les ordre donnés par PF ne pouvaient qu'engendrer un comportement délictueux de la part des personnes utilisées pour accomplir les missions confiées et dont l'obéissance était acquise, RP précisant à cet égard qu"'en bon scientologue, il avait obéi à sa hiérarchie".

 Attendu enfin qu'il ne peut être tiré argument des déclarations de RP devant le Juge d'Instruction, RP indiquant :

 "...PF nous avait précisé que si nous trouvions des documents et si ceux-ci étaient légaux nous devions les prendre...".

 Qu'en effet cette déclaration laisser supposer que l'enquêteur devait se procurer des documents officiels et légaux, sans qu'il soit pour autant possible d'en déduire que le procédé employé pour se le procurer devait être nécessairement un procédé légal.

 Attendu qu'en conséquence le délit de complicité de vol est établi à l'encontre de PF qui recourrait pour sa part, avoir dirigé "l'enquête" menée par PR et Psur le profil professionnel du Docteur Jean-Marie Abgrall.

 Attendu par ailleurs qu'il résulte des déclarations précises et circonstanciées du Docteur Jean-Marie Abgrall, que lors de la visite qu'il lui avait rendue, fin juillet 1990, le Docteur JPL avait fait allusion aux problèmes divers qu'il pourrait rencontrer s'il ne se montrait pas compréhensif a l'égard de Mlle O sans s'étendre sur ces problèmes, étant précisé que le docteur Jean-Marie Abgrall devait établir un rapport d'expertise a l'égard d'EO, concubine du Docteur JPL, écrouée a Marseille dans le cadre d'une information pour complicité d'escroquerie.

 Attendu que le Docteur Jean-Marie Abgrall précisait que si les propos étaient insidieux, sans menace directe, il n'en demeurait pas moins que le Docteur JPL lui avait fait valoir que des conclusions favorables pouvaient lui apporter une clientèle recommandée par l'Eglise de Scientologie ainsi que des faveurs accordées par ladite Eglise, tels que des voyages et une rémunération financière.

 Qu'outre les déclarations du Docteur Jean-Marie Abgrall, il est établi par l'information qu'un mois environ après l'entrevue avec le Docteur JPL, le Docteur Jean-Marie Abgrall recevait une jeune femme, NS, membre de l'Eglise de Scientologie, qui lui avait été adressée par le Docteur JPL, et qui était venue solliciter un traitement médical.

 Attendu en conséquence qu'il y a lieu de déclarer les prévenus coupables des délits qui leur sont reproches et de les condamner aux peines suivantes :

Sur l'action civile

Attendu que le Docteur Jean-Marie Abgrall s'est constitue partie civile le 17 Juin 1991 et a consigne la somme de 3.000 francs ;

 Que sa demande tend à la condamnation des prévenus au paiement de la somme de 100.000 francs a titre de dommages et intérêts, au versement provisoire en totalité des dommages-intérêts alloues en vertu de l'article de 515-1 du Code de Procédure Pénale ;

 Attendu qu'une somme de 30 000 francs est demandée au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;

 Attendu qu'il y a lieu de le recevoir en sa constitution de partie civile ;

 Attendu que les agissements des prévenus destines a déstabiliser le Docteur Jean-Marie Abgrall, expert judiciaire, dans le cadre de missions qui lui avaient été confiées, ont été générateurs d'un préjudice qu'il y a lieu de réparer en accordant au Docteur Jean-Marie Abgrall une somme de 50.000 Francs a titre de dommages-intérêts, outre 15.000 F au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;

4. Condamnation des prévenus

Sur l'action publique

Le tribunal déclare: coupables des faits qui leur sont reprochés.

 En répression, condamne:

Le Président, en application de l'article 132-29 du Code Pénal, ayant averti les condamnés, que si ils commettent une nouvelle infraction, ils pourront faire l'objet d'une nouvelle condamnation qui sera susceptible d'entraîner l'exécution de la première condamnation sans confusion avec la seconde et qu'ils encourront les peines de la récidive dans les termes des articles 132-8 à 132-16 du code pénal.

Sur l'action civile

Déclare la constitution de partie civile du Docteur Jean-Marie Abgrall recevable et régulière.

 Condamne solidairement JPL, PR et PFà verser au Docteur Jean-Marie Abgrall la somme de 50.000 francs à titre de dommages-intérêts, outre 15.000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale.

 La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600,00 francs, dont est redevable chaque condamné.


Le tout en application des articles 406 et suivants et 485 du Code de Procédure Pénale et des textes susvisés.

 Prononcé par Mme Verdeaux, Président, assistée de Melle Berthou, Greffier.
 



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