Actualités sur les sectes en août 1999

 

Anthroposophie Médecine anthroposophique et sectes
Sectes Les sectes ne préparent pas la fin du monde
Sectes Les recettes d'Alain Vivien contre l'embrigadement
Falungong Une reflexion de Jean Pierre Jougla sur un article du journal Le Monde
Sectes Une des régions les plus touchées
Le Mandarom Le Mandarom veut payer moins d'impôts
Sectes L'Eglise catholique compromise avec un défenseur des sectes
AMORC Un véritable droit de réponse.


  France : Anthroposophie

Médecine anthroposophique et sectes

Vous et votre santé n° 74, août 1999.

[Communiqué de Robert KEMPENICH, Président du MercureFédéral, Fédération des associations médicales anthroposophiques de France -texte intégral]

Les médecins pratiquant la médecine d'orientation anthroposophique en France ont appris, avec stupeur que le rapport "Les sectes et l'argent" publié par la Commission d'enquête parlementaire le 17 juin 1999, rangeait leur pratique parmi les activités caractéristiques des sectes.

Nous tenons à souligner qu'aucun des dix critères permettant de définir "une secte" retenus dans le rapport parlementaire de 1995 et repris dans celui de 1999 ne peut s'appliquer à la pratique médicale en question.

Le texte du rapport laisse entendre que les médecins qui pratiquent cette médecine se laisseraient aller à des dérives dangereuses, en particulier dans les traitements des  maladies graves comme, par exemple, le cancer. Ces affirmations, sans fondement nous paraissent particulièrement diffamatoires.

Les traitements en question seraient faits de "poudres manipulées spirituellement, etc."

Les médecins membres de notre fédération sont tous inscrits à l'Ordre des médecins et pratiquent, dans le cadre des conventions prévues par la Sécurité Sociale; ils s'entourent, comme tous les médecins, des conseils de spécialistes et les suivent. Ils participent aux formations médicales continues et respectent le code de déontologie.

Leurs patients, lorsqu'ils sont atteints de cancers, sont régulièrement suivis dans les centres anticancéreux. Les traitements anthroposophiques qu'ils proposent sont toujours prescrits en complément des traitements classiques du cancer qu'ils ne demandent pas d'arrêter. Il en va de même pour toutes les autres pathologies rencontrées dans la pratique quotidienne. L'état de santé des partients,  dans la grande  majorité des cas s'en trouve amélioré.

Les médecins, membres de nos associations, sont, bien evidemment diplômés en médecine (la médecine générale mais aussi toutes les spécialités sont représentées); ils pratiquent librement leur art et ne subissent de pression de la part d'aucun mouvement, bien sûr, les patients viennent les consulter de leur plein gré, souvent, sur les conseils d'autres médecins pratiquant exclusivement la médecine universitaire.

Tous les médicaments prescrits dans le cadre de cette médecine sont préparés conformément aux normes pharmaceutiques en vigueur en France.

Ce rapport diffamatoire, par delà des médecins eux-mêmes et leurs patients, atteint profondément et injustement la relation  médecin-malade fondée essentiellement sur la confiance.

Sur le plan Européen, dans la directive 92/73 concernant les médicaments homéopathiques, la médecine anthroposophiques est citée, en tant que telle, dans le préambule, en même temps que l'homéopathie.

La médecine anthroposophique est également prise en compte dans le texte de la résolution concernant "le statut des médecines non conventionnelles en Europe", adoptée par le Parlement européen, le 31 mai 1997, à côté de l'acupuncture, de la phytothérapie, de l'homéopathie et des médecines manuelles.

Les associations de médecins anthroposophiques sont invités à participer à des études cliniques, financées par la Commission européenne.

Le Lancet du 1er mai 1999 a publié un article relatant une étude  pilotée par la clinique universitaire de Stokholm, qui démontre que dans le cas de l'allergie de l'enfant (atopie), le bien-fondé de la méthode anthroposophique. Soulignons que l'allergie est une des pathologies qui augmente le plus aujourd'hui  et dont les traitements classiques ne viennent pas à bout.

La médecine anthroposophique bénéficie d'un statut officiel en Autriche, en Allemagne, en Hollande et en Suisse: remboursée officiellement par les caisses de sécurité sociale et représentée dans des commissions ministérielles.

En Allemagne, plusieurs cliniques appliquent la méthode anthroposophique. L'une d'elles, dénommée Universitat Klinik : Witten Herdecke est habilitée à former  les étudiants en médecine, aucours de leurs dernières années d'études.

Dans toute profession existent des cas d'exception à déplorer. Nous voulons souligner que ce n'est pas parce qu'un ou plusieurs médecins pratiqueraient mal  et déshonoreraient la médecine universitaire que celle-ci devrait être considérée comme mauvaise et dangereuse ; de même ce n'est pas  parce que la médecine d'orientation anthroposophique pourrait être mal pratiquée par quelques praticiens, qu'elle devrait être classée dans les pratiques dangereusement sectaires. C'est pourtant ce qu'a choisi de faire la commission d'enquête sur les sectes.

Soulignons qu'aucun membre de notre fédération n'a été contacté par les rapporteurs de la commission avant la rédaction de leur texte.

Essayer d'élargir le champ de la pratique médicale vers le psychisme et l'individualité spirituelle de l'homme est-ce coupable ?

Nous pensons pourtant que le réel mobile de la diffamation se situe précisément là.

Nous voulons que ce rapport parlementaire soit corrigé et que la vérité soit rétablie, afin de permettre aux centaines de médecins d'orientation anthroposophique en france, de retrouver le respect auquel ils peuvent légitimement prétendre.



  France : Sectes

Les sectes ne préparent pas la fin du monde

Le Parisien, 8 août 1999, par Christophe Dubois.

[Extraits]

Les enquêteurs craignent surtout les réactions individuelles. Les sectes ne préparent pas la fin du monde.

Aucun signe suspect. Officiellement, les services chargés de la surveillance des sectes n'ont jusqu'à présent rien repéré d'inquiétant. « Ni messages ni regroupements de personnes », résume un spécialiste. Une organisation - une seule - fait précisément référence à l'éclipse. Il s'agit de SHY (Spiritual Human Yoga, ex-Energie universelle et humaine), une secte qui compte environ 80 antennes locales et revendique 20.000 membres dans le monde.

« Nous sommes sur le qui-vive »

Maître Dang, son gourou, sorti de prison en Belgique au début de l'année, annonce l'inondation de la planète après la fonte brutale de la banquise. Dans le petit village espagnol d'Aleixar (Catalogne), les membres de SHY ont entrepris la construction d'un bunker au sommet d'une colline afin d'échapper au déluge. En France, SHY ne paraît pas inquiéter les autorités. Les observateurs des sectes disent craindre davantage les réactions de « micro-groupes incontrôlables sous l'influence d'un illuminé ». « Nous sommes sur le qui-vive », témoigne ainsi Jeanine Tavernier, présidente de l'Unadfi (Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu). Elle cite l'exemple de l'association Tournesol, dont les dirigeants sont actuellement en fuite, mais qui compterait encore une dizaine d'adeptes entre le Cher et la Bretagne. Stéphane de Keyser, ex-adepte de cette secte d'obédience « catholique et apocalyptique », confirme : « Ce type de structure représente un danger à un moment ou un autre. L'élément déclencheur peut être l'éclipse tout comme des poursuites judiciaires, qui sont assimilées au diable... » Le mouvement Tournesol entre dans la catégorie « apocalyptique » ou « millénariste » (environ une trentaine de sectes en France), qui prédisent régulièrement la fin du monde.

(*) Renaud Marhic est l'auteur de « Voyage au bout de la secte », éditions Buchet-Chastel.



  France : Sectes

Les recettes d'Alain Vivien contre l'embrigadement.

Le Parisien, 13 août 1999, par Guénaèle Calant..

[Texte intégral]

L'ancien maire de Combs mobilise les conseils généraux.

Alain Vivien a choisi... la Seine-et-Marne.

Le président de la mission interministérielle de lutte contre les sectes, qui relève du Premier ministre, essaie de se rapprocher des assemblées départementales, dans toute la France. Et Jacques Larché est le premier parmi les présidents de conseil général à avoir été contacté par le Monsieur Anti-Sectes. « L'une de nos missions, fixée par décret en octobre 1998, est d'informer pour mieux prévenir. Nous avons déjà rencontré de hauts fonctionnaires de l'État et des magistrats. Notre idée, maintenant, est d'entrer en contact avec les élus cantonaux ou les maires. La tutelle des enfants incombe, je vous le rappelle, au conseil général », explique Alain Vivien. Raison pour laquelle l'ancien maire de Combs, également ancien secrétaire d'État, a récemment rencontré le directeur de cabinet de Jacques Larché. « Je viendrai en Seine-et-Marne en octobre pour rencontrer ceux que le président aura invités : des conseillers généraux, des fonctionnaires ou des maires. Je leur parlerai du sectarisme, du droit français, de la mission interministérielle. De tout ce qui peut les intéresser en fait. Certains élus sont désemparés face aux sectes qui tentent de s'implanter dans leur commune ou leur canton », poursuit Alain Vivien.

En clair : la mission interministérielle n'est pas seulement un observatoire. Elle se doit également de mobiliser les forces sur le terrain. Actuellement, c'est un fonctionnaire de la préfecture qui est chargé de coordonner les actions des uns et des autres.

Ponthierry donne l'exemple

Pour le moment, seul un conseiller général est déjà très impliqué dans la lutte anti-sectes. Du moins, en tant que maire. Lionel Walker, le premier élu de Saint-Fargeau-Ponthierry, met sa mairie à la disposition du « CCMM Centre Roger-Ikor (Centre contre les manipulations mentales) ». Une antenne de l'association est installée dans sa commune depuis février dernier. A sa tête : François Limoge, un habitant de Saint-Fargeau-Ponthierry. Depuis qu'il a pris ce poste, l'homme est déjà intervenu en faveur d'une dizaine de Seine-et-Marnais, dont les proches étaient embrigadés dans une secte, en France ou à l'étranger.« Le maire de Saint-Fargeau a immédiatement accepté ma proposition d'installer une antenne dans sa commune », insiste-t-il. Le délégué départemental du CCMM a donc, en mairie, un bureau, un téléphone et une photocopieuse à sa disposition. Et Lionel Walker d'assurer : « Ce sont des dossiers d'intérêt public. Ces problèmes de sectes peuvent toucher des habitants de la commune ou du secteur. C'est comme les accidents de la route, ça n'arrive pas qu'aux autres. Et la prévention fait partie de nos missions. » Que pense Lionel Walker d'un éventuel rapprochement entre la mission interministérielle et le conseil général ? « Je ne sais pas ce que Jacques Larché décidera. Mais s'il s'implique, je suivrai, évidemment. Il faut être cohérent. » Si vous voulez obtenir un conseil ou une aide auprès du CCMM, contactez l'antenne de Saint-Fargeau-Ponthierry, au 01.64.38.11.52.



  Chine : Falungong

Une réflexion de Jean Pierre Jougla  sur un article du journal Le Monde du

9 août 1999.


Le journal Le Monde des 8 et 9 août 1999 a publié un article de Francis DERON intitulé « Le retour des vieux démons chinois » à propos de la réaction du gouvernement chinois contre la secte Falungong.

Quelques passages de cet article, peuvent être reproduits en les coupant de leur contexte chinois. Ils  apportent en effet sur la compréhension du phénomène sectaire en général un éclairage pertinent qui n'est jamais utilisé dans l'analyse du fléau sectaire à l'intérieur des démocraties occidentales.

Pourtant les mêmes réflexions pourraient être faites en ce qui concerne nos sectes occidentales.

Mais la plupart des observateurs intimidés par le terrorisme intellectuel des sectes se refusent à porter un jugement sur le contenu des « enseignements » sectaires, se refusent à considérer que nos sociétés et nos politiques aient une quelconque responsabilité dans le succès de nos sectes, se refusent à considérer que le phénomène sectaire soit une régression archaïque, une négation de la « rationalité élémentaire », et se refusent enfin à considérer  « la réalité de l'influence des sectes sur le devenir du corps social. »

La Chine nous permettrait-elle de prendre la distance nécessaire et de voir une fois encore nos propres démons à l'ouvre.

Parler des autres, c'est une façon de parler de soi. Il y a déjà longtemps, l'on se demandait  « Comment peut-on être Persan ? »

Les propos de Francis Deron peuvent donc être lus mutatis mutandis.

Ils ont le mérite de poser quelques-unes des vrais questions soulevées par le phénomène sectaire :

« La secte Fa Lun Gong, bizarre nébuleuse de défavorisés qui tentent de se rassurer en communiant dans un incompréhensible galimatias mystique rythmé par une gymnastique traditionnelle. »

« A bien lire les « ouvres » de ce prophète là (le gourou Li Hongzhi), on retrouve la vieille pulsion chinoise du rejet de l'étranger, une très ancienne et viscérale fuite vers un passé mythifié devant les progrès les plus simples venus de l'extérieur ou perçus comme tels : médecine, hygiène, science, pour ne pas dire de la toute bête rationalité élémentaire. »

« Ce n'est pas surprenant. Longtemps le régime a été dominé par des hommes à la mentalité enracinée dans les superstitions de la « vieille Chine » ..., plus confiants dans les recettes empiriques liées aux superstitions et croyances ancestrales que dans les mérites du savoir moderne. »

Que l'on aimerait lire de telles lignes à propos de nos sectes locales tant ces propos peuvent s'appliquer à la plupart d'entre elles.

Et pourtant la plupart des observateurs se refusent à porter un jugement négatif sur le contenu des «enseignements » sectaires sous prétexte que leurs élucubrations seraient protégées par la liberté de pensée et la liberté de conscience lesquelles relèvent du nombre de nos libertés publiques. Pourtant une connaissance du contenu sectaire est essentielle à la compréhension de leur dangerosité en ce qu'il enferme les adeptes dans une vision close, simplificatrice et illusoire d'un monde réel complexe et en devenir.

Le galimatias mystique rythmé par des pratiques superstitieuses ou magiques n'est pas l'apanage de la seule secte du gourou Li Hongzhi, loin de là.

A lire l'article du Monde, il peut sembler évident que la politique chinoise porte une  responsabilité dans le succès de la secte interdite :  « Tout porte à croire que l'émergence de cette secte... est directement en rapport avec un état de malaise préoccupant au sein de la société chinoise. »

La même réflexion peut être faite en Occident si l'on considère que l'essentiel du phénomène sectaire est la question du pouvoir et de la participation de chaque individu à un pouvoir. Complexification des rouages sociaux, marginalisation d'un nombre croissant d'individus, pseudo professionnalisation de la chose publique qui est accaparée par une sorte de caste moderne, etc., sont autant d'éléments qui privent le citoyen d'une prise sur le réel.

Cette privation d'action permet aux sectes de tous acabits de proposer aux déçus d'avoir une prise sur un monde illusoire prétendument supérieur, présenté comme plus réel que le monde profane, grâce à des pratiques magiques dont chacun est prompt à se persuader de l'efficacité.

L'essentiel dans la démarche sectaire étant d'accéder à une parcelle de « pouvoir » sur un réel,  ce réel fut-il virtuel.

Cet aspect de recherche d'un pouvoir, que ce soit par le gourou de façon évidente ou que ce soit par l'adepte au niveau de bribes d'un pouvoir qu'il croit pouvoir obtenir tant par imprégnation que par « connaissance » permet de comprendre le risque politique que représentent les sectes non seulement pour le gouvernement chinois, mais pour toute forme de gouvernement et plus particulièrement pour les démocraties.

« Il ne s'agit pas d'un inoffensif groupement de farfelus sans influence (sous influence pourrait-on lire aussi). Horrifiée, la haute direction chinoise a découvert que certains de ses membres, et non des moindres, s'étaient laissé charmer par les sirènes de l'obscurantisme. »

Dans nos société occidentales, le danger ne réside pas tellement dans ce risque de voir tel ou tel homme politique succomber au chant d'un gourou. Le véritable danger représenté par les sectes est plutôt de défaire en chaque individu le citoyen dont le tissu repose sur la rationalité, l'instruction, l'ouverture au monde, patiemment acquises, et qui sont autant de valeurs incompatibles avec la situation d'adepte.

La négation de la « rationalité élémentaire » sur laquelle se fonde l'édifice sectaire constitue sous cet angle, l'influence la plus pernicieuse des sectes sur le « devenir du corps social », au delà des drames sectaires abominables qui sporadiquement défraient la chronique, que ce soit dans la lointaine Chine ou dans nos propres démocraties.



  France : Sectes

Une des régions les plus touchées

Le Parisien, 12 août 1999, par Nicolas Borvo.

[Texte intégral]

 Jean Albouy est chargé de mission auprès du député de l'Essonne Jacques Guyard (PS). À ce titre, il a beaucoup travaillé pour la commission parlementaire sur les finances des sectes, qui a rendu son rapport en juin dernier.

Le Parisien - L'Ile-de-France est-elle particulièrement concernée par l'implantation des sectes ?

Jean Albouy - C'est une des régions les plus touchées. On recense au moins 83 sectes (sur 173 au niveau national) qui ont leur siège social ou une filiale dans la région. La plupart sont à Paris, comme la Scientologie, Moon, l'ancien Paraclet, l'ex-Patriarche, Travail Famille Propriété... Mais également dans les départements voisins, comme les Hauts-de-Seine, où les Témoins de Jéhovah ont leur maison mère à Boulogne. Ces derniers sont par ailleurs présents dans tous les départements de la région avec 92 salles du royaume et des milliers d'adeptes.

- Les sectes sont donc facilement repérables ?

Malheureusement non. Lorsque les adeptes s'installent quelque part, ils font rarement leur publicité. Les lieux de culte ou de rassemblement ne sont pas toujours reconnaissables. Bien souvent, il s'agit de maisons ou d'appartements, achetés légalement, dans lesquels ils se réunissent discrètement. On les découvre beaucoup plus tard, en observant les va-et-vient, et lorsqu'ils font du prosélytisme auprès de la population. Une fois repérés, s'ils veulent continuer tranquillement certaines activités, ils déménagent aussi sec.

- Une fois que vous les avez repérés, vous pouvez agir ?

Le simple fait de créer une communauté pour prier, d'acheter une maison ou de prendre des parts dans une société n'est pas répréhensible en soi. Il est impossible de condamner une secte en tant que telle, car le législateur n'en a pas donné de définition légale.

On ne devrait d'ailleurs par parler de sectes, mais d'associations coercitives ou totalitaires. On ne peut donc rien faire contre elles tant que leurs agissements ne sont pas illégaux. Seules les plaintes de certains adeptes permettent d'agir contre leurs pratiques. Sinon, il faut chercher à les coincer sur des aspects techniques ou financiers (non-respect des mesures de sécurité, absence de permis de construire, fraude fiscale)...

- Quel est alors le rôle d'un représentant de l'ordre face à l'implantation de ces sectes ?

Notre devoir est avant tout d'être vigilant afin de repérer les sectes qui s'installent, et surveiller leurs agissements. Ensuite, même en dehors de toute illégalité, nous avons un devoir d'information. Ainsi, lorsqu'une société de plongeurs dans les travaux publics, implantée à Paris et dans les Yvelines et rachetée par une secte, a passé des contrats auprès d'entreprises travaillant dans le nucléaire, nous avons jugé utile d'informer l'entreprise sur le vrai visage de celle-ci. Pourtant, il n'y avait, a priori, rien d'interdit derrière tout ça.

Il faut également être très prudent dans le domaine de l'informatique. Il ne faut pas confier ses ordinateurs à n'importe qui. Mais encore faut-il le savoir. Les sectes ont des ramifications.



  France : Le Mandarom

La secte du Mandarom veut payer moins d'impôts

Le Parisien, 12 août 1999, par Jean Yves Averso.

[Texte intégral]

 Le mouvement est en guerre contre le préfet de Seine-et-Marne

LE Mandarom d'Ile-de-France déclare la guerre au préfet de Seine-et-Marne. Le mouvement, catalogué comme secte par la mission interministérielle d'Alain Vivien, ne supporte pas que Cyrille Schott, représentant de l'État dans ce département, lui ait refusé le statut d'association cultuelle. « Nous avons entrepris cette demande pour bénéficier d'exonérations fiscales, et surtout pour ne plus être taxés à hauteur de 60 % sur les dons que nous recevons », indique Edgar Cosani, président du Mandarom, basé à Vaux-le-Pénil (Seine-et-Marne) depuis une dizaine d'années. Divergence de vue oblige, le préfet, en date du 10 mars, a signifié son refus d'accorder le moindre avantage à la secte. Depuis, Edgar Cosani a déposé un recours au tribunal administratif. Lequel devrait rendre sa décision dans trois ou quatre mois. « Pas question d'accepter sans réagir la position de M. Schott, s'insurge le représentant du Mandarom en Ile-de-France. Son arrêté est truffé d'erreurs. Par exemple, il assure que nous ne disposons d'aucun lieu de culte, alors que nous en louons un de 70 m2 dans un immeuble de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). »

Une centaine d'adeptes

Argument balayé par Patrick Pincet, le directeur de cabinet du préfet : « Ils ne peuvent pas avoir de lieu de culte, puisqu'ils ne sont pas reconnus comme culte. Ces gens-là ne doutent de rien. Mais en Seine-et-Marne, nous sommes extrêmement vigilants. La préfecture abrite un réseau anti-sectes composé de différents services. En début d'année, nous avons déjà pu éviter l'implantation des Témoins de Jéhovah à Brie-Comte-Robert. » Un discours ferme qui ne semble pas décourager le Mandarom. « Nous revendiquons une centaine d'adeptes en Ile-de-France, dont une vingtaine en Seine-et-Marne, précise Edgar Cosani. Malheureusement, nous sommes habitués à l'hostilité des pouvoirs publics. Le préfet n'a pas pris la peine de venir nous voir avant de prendre son arrêté. Il évoque même des troubles à l'ordre public, dont nous ne sommes pas responsables. » Patrick Pincet contre-attaque aussitôt : « La préfecture s'est fondée sur des arguments de droit pour expliquer son refus. Le Vajra triomphant ou Mandarom a bien été recensé par la mission interministérielle, non ? En Seine-et-Marne, nous disposons de tout un arsenal pour empêcher les sectes de faire n'importe quoi. Personne ne passera au travers des mailles du filet. Et si par hasard le tribunal administratif nous donnait tort, nous ferions appel. »



  France : Sectes

L'Eglise catholique compromise avec un défenseur des sectes

Libération, 26 août 1999, par Daniel Licht.

[Texte intégral]

Un article de Massimo Introvigne révèle les ambiguïtés de l'Eglise.

 Deux mois après le rapport exhaustif d'une commission d'enquête de l'Assemblée nationale dénonçant les malversations des sectes dans le domaine économique et financier, celles-ci viennent de trouver un allié objectif inattendu : une partie du monde catholique français. C'est ce que l'on constate dans un numéro paru le 15 août de la Documentation catholique, bulletin de référence dans l'Eglise, édité par la congrégation des assomptionnistes (propriétaires du géant Bayard-Presse) qui, sous la rubrique «Sociologie», publie une quinzaine de pages d'un historien des religions, l'Italien Massimo Introvigne.

Un article qui tend, entre autres, à minimiser l'importance des sectes : «Il est impossible de fixer une ligne de démarcation précise entre sectes dangereuses et mouvements religieux légitimes», écrit-il. Et de souligner qu'elles ne concernent que «1% de la population...» (1). Assez pour déclencher la colère de Jacques Trouslard, prêtre de Soissons, chargé par l'épiscopat français de suivre certaines sectes chrétiennes et consultant auprès de la mission interministérielle de lutte antisecte. «Je trouve cette publication intolérable. Elle entretient la confusion entre sectes et religion. Etant donné la notoriété de la revue, c'est très grave dans la mesure où cela laisse à penser que l'Eglise soutient Introvigne, ce qui n'est absolument pas le cas.» De fait, en 1996, le Vatican a rendu public un courrier de Mgr Fitzgerald, responsable du dialogue interreligieux, dans lequel il niait l'existence de liens entre Introvigne et l'institution ecclésiale.

Peu connu du grand public français, cet avocat de profession, directeur du Centre d'études sur les nouvelles religions (Cesnur), est cependant repéré depuis longtemps par les spécialistes de la lutte antisecte en France pour s'être engagé depuis plus de quinze ans dans un combat de légitimisation des sectes auxquelles il applique son concept de «religion émergente». Joignant la spéculation intellectuelle à l'action de terrain, Introvigne a également délivré son argumentation prosectaire lors de quelques procès retentissants, celui des témoins de Jéhovah en 1995, et celui de la scientologie à Lyon en 1996. Dans leurs publications ou leurs discours, la plupart des sectes ne manquent d'ailleurs pas de s'appuyer sur les thèses d'Introvigne pour qui, entre autres, «la scientologie est un système religieux dont le mode de fonctionnement consiste à vendre des services, avec des méthodes de persuasion parfois inhabituellement dures pour le consommateur européen». Des propos qu'il sait tempérer d'une rhétorique habile : «Peut-être ai-je fait une erreur en apportant mon témoignage... Mais on n'est pas responsable des tentatives de récupération.»

Consultant du FBI. Personnalité plutôt secrète et controversée, Introvigne voit dans la dénonciation de ses travaux en France «une caractéristique d'un état laïque qui déguise à travers la lutte antisecte un combat contre le religieux. Il y a certainement des groupes malfaisants, mais de là à classer 173 groupes comme sectes (rapport parlementaire de 1995, ndlr), c'est de l'amalgame». En plus de l'animation de son centre d'études religieuses, l'historien italien se vante aussi de son activité de consultant auprès du département d'Etat américain ainsi que du FBI. Une diversité de centres d'intérêts qui le conduit aussi à donner des cours à un ordre religieux très traditionaliste à Rome (les légionnaires du Christ), ainsi qu'à écrire dans des publications proches de Travail Famille Propriété, secte catholique d'extrême droite récemment condamnée par l'épiscopat du Brésil, d'où elle est originaire.

«Réflexion de qualité».

Autant de détails biographiques inconnus des responsables de la revue la Documentation catholique, qui expliquent avoir publié l'article surtout parce qu'il était paru dans Seminarium, organe officiel de la Congrégation pour l'éducation catholique. «C'est une réflexion sociologique qui nous a semblé de qualité. Si M. Introvigne est publié dans Seminarium, on peut imaginer que ses thèses sont peu ou prou celles du Saint-Siège», observe le rédacteur en chef adjoint de la Documentation catholique, Vincent Cabanac. Mais lui qui a pris part à des groupes de réflexion de la mission interministérielle voit dans la lutte antisecte du gouvernement un éventuel danger pour des mouvements catholiques. «La laïcité pure et dure revient à nier l'existence des Eglises, c'est un mauvais principe. Avant de condamner, il faut établir une grille de lecture. Il faut contrecarrer les groupes néfastes sans pour autant faire en sorte que ce soit l'Etat qui décrète qui est bon ou mauvais, comme le fait le rapport de 1995.»

Ces propos font sursauter Jean-Marie Abgrall, expert-psychiatre auprès des tribunaux, auteur des Sectes de l'apocalypse (Calmann-Lévy) et membre de la mission interministérielle. «On a démontré que les groupes sectaires sont coupables de délits, voire de crimes. Tant qu'on n'aura pas défini juridiquement le délit de manipulation mentale coercitive, on constatera toujours les mêmes dérives... Il est certain qu'une fraction de l'Eglise catholique redoute une véritable législation antisecte, car elle permettrait aussi de sanctionner certains mouvements qu'elle protège.» De fait, le théologien Jean Vernette, délégué de l'épiscopat pour les questions de sectes, préfère tabler sur «la longue tradition mystique du christianisme, avec d'autres, pour aider à un discernement dans le maquis des nouvelles propositions spirituelles».

(1) Ce «1%», semble-t-il négligeable pour Introvigne, représenterait pourtant 600 000 Français, alors que le vrai chiffre est de 300 000 adeptes ou sympathisants de secte en France, dont 50 000 enfants.