Actualités sur les sectes en juillet 1999

 

Sectes Le scandale des sectes. Le sexe et argent
Le Patriarche La Pieuvre du Patriarche
Sectes (*) Le Conseil régional du centre de l'Ordre des Médecins et le Dr Dietrich
Sectes Opération diplomatique pour condamner la lutte de la france contre les sectes
Tradition - Famille - Propriété Le Pr Nisand et Martine Aubry menacés de mort par les anti-IVG
Sectes Communiqué de presse du CCMM
Secte Aum Une secte financée par le busines informatique
Horus Un an de prison pour le gourou d'Horus
Horus La ''gourelle'' d'Horus ira en prison et résumés des trois affaires judiciaires
Contre-Réforme Catholique Quarante-deux enfants renvoyés dans leur famille
Contre-Réforme Catholique Classée secte par un rapport parlementaire
Ordre du temple Solaire Les experts visés
Secte Tournesol Une fourmi au plafond
Secte Falungong Pekin se verrouille contre la secte
Intégrisme Religieux La gendarmerie recherche 32 scouts ayant quitté la Dordogne sans laisser d'adresse
Anthroposophie Votre argent pue la secte
 
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  France : Sectes

Le scandale des sectes. Le sexe et l'argent

L'Express, 1er juillet 1999, par François Koch, Mathieu Verboud

[Texte intégral]

Des rapports parlementaires le prouvent : les organisations sectaires ont une conception très large de la sexualité et un gros appétit financier. L'Express a enquêté sur Le Patriarche. Un cas exemplaire.

Le sel de bien des sectes est fait d'argent et de sexe. L'argent est le but de la plupart des gourous et fait la force de leurs organisations. Le sexe, outre qu'il est un aboutissement de la démence de nombreux gourous, participe de leur domination sur les adeptes, indispensable pour qu'ils soient corvéables à merci et enrichissent leur secte. Argent et sexe, c'est donc le couple moteur des sectes. De rapport en mission, d'enquêtes enrayées en nouveaux scandales, la France découvre l'étendue de la pieuvre sectaire, sa puissance et sa nuisance. Il faut encore inventer les moyens de la combattre et décupler la volonté publique de mener cette guerre. En résistant à l'hallucinante croisade du gouvernement américain qui prétend sans preuve que la liberté religieuse est menacée en Europe.

Argent

«Ce sont des pompes à fric», viennent de déclarer Jacques Guyard (PS) et Jean-Pierre Brard (apparenté PC), les auteurs du rapport de la commission d'enquête parlementaire intitulé Les Sectes et l'argent (1). Rendu public le 17 juin dernier, il conclut que les mouvements sectaires ont gagné depuis trois ans en mercantilisme ce qu'ils ont perdu en spiritualisme.

Les deux organisations les plus riches sont, toujours selon les députés, la Scientologie et les Témoins de Jéhovah, ces derniers disposant en France d'un patrimoine de 1 milliard de francs. Viennent ensuite la Soka Gakkaï, Mahikari, l'Eglise néo-apostolique, le Mandarom, rebaptisé «Vajra triomphant », l'Anthroposophie et Dianova, nouvelle appellation du Patriarche. Laquelle disposerait toujours d'un parc immobilier de 100 millions de francs et «constitue l'exemple le plus représentatif de structures commerciales sectaires, poursuit le rapport, Lucien Engelmajer, fondateur de la secte, ayant bâti un véritable empire économique».

L'enquête de L'Express va plus loin encore en révélant un Meccano international habilement camouflé dans des paradis fiscaux: une maison mère en Suisse, quatre holdings au Luxembourg et deux fondations au Liechtenstein.

Les sectes investissent de nombreuses branches économiques, principalement le juteux marché de la formation professionnelle, où la Scientologie reste le groupe le plus influent. Mais ces mouvements font aussi leur miel du secteur de la santé, ce qui est particulièrement dangereux pour ceux qui tombent dans leurs filets alors qu'ils sont atteints de pathologies graves.

Les gourous de ces prétendues nouvelles religions exploitent aussi la vulnérabilité de leurs adeptes et vampirisent leurs ressources et leur patrimoine à l'aide d'une subtile manipulation mentale. Ils se trouvent alors en possession de magots colossaux en liquide, ce qui leur permet d'échapper au fisc et de passer aisément les frontières. La commission d'enquête Guyard-Brard a par exemple établi que le Mandarom avait transféré 14,7 millions de francs en billets de banque vers l'Italie.

Sexe

Non contents de s'enrichir, certains grands maîtres vont plus loin : ils abusent physiquement de leurs fidèles en habillant leurs forfaits de rites totalement loufoques, à l'abri d'autels clandestins et d'alcôves secrètes. Mais parfois le scandale éclate et dévoile le visage de ces sulfureuses divinités : Guy-Claude Burger, le pape à barbe rousse de l'instinctothérapie, Iso, un illuminé lubrique au front protubérant, feu Gilbert Bourdin, le «messie cosmoplanétaire» au cheveu rare, David Berg, le leader des Enfants de Dieu, accusé d'inceste, ou Lucien Engelmajer, le créateur à barbe blanche du Patriarche.

Leur cocktail de liturgie sensuelle et de sexologie de bazar dissimule leur goût pour la luxure et leur infini appétit de pouvoir. Ces gourous ont compris qu'en faisant tomber les frontières les plus intimes de l'individu, à travers une sexualité imposée, ils accédaient à un niveau de domination bien supérieur sur leurs fidèles. C'est ce qu'a vécu Isabelle Sebagh pendant sept ans dans la secte Iso-Zen (2). Elle se souvient des déclarations emphatiques sur la «libido sacrée» de son ancien «Dieu» à la barbe tressée : «Votre énergie vitale, centralisée au niveau du chakra du sexe, doit s'orienter vers les étages supérieurs de votre être. Alors, vous commencerez à ressentir les effluves subtils des mondes de l'âme en parvenant au paroxysme, l'orgasme cosmique». Iso, qui s'estime investi de pouvoirs divins en liaison avec de puissants extraterrestres, invite ensuite la cinquantaine de jeunes femmes qui forment un cercle autour de lui à «retirer leurs enveloppes» - entendez: leurs vêtements - et à se caresser. Presque en transe, le gourou, revêtu d'une combinaison bleu ciel, enlace chacune de ses adeptes au moment où elle crie de plaisir, afin, prétend-il joliment, de «cueillir la rose d'Eros». Il affirme même que ces «mutations», en fait des séances de masturbation collective, permettent d'accéder à une autre dimension.

Sa Sainteté Hamsa Manarah, Gilbert Bourdin pour l'état civil, était tout aussi extravagant. Dans sa cité du Mandarom, à Castellane (Alpes-de-Haute-Provence), il obligeait ses chevaliers du Lotus d'or à combattre, un poignard dans une main et une clochette dans l'autre, les démons venus de lointaines planètes. Vêtu d'un treillis militaire et la tête protégée par un bandeau de petits miroirs, le leader de l'aumisme exhortait ses moines à sauver la terre de l'anti-Dieu. Mais, lorsqu'il voulait imposer sa sensualité divine, le messie de synthèse était beaucoup plus prosaïque. Florence Roncaglia raconte que le gourou l'a sauvagement violée alors qu'elle n'avait que 14 ans (3). Elle accuse sa mère d'avoir offert sa virginité à son gourou, dans le seul dessein d'obtenir ses faveurs. Avec trois autres jeunes femmes, Florence a porté plainte contre Gilbert Bourdin, qui a toujours nié les faits ; mais ce dernier est décédé l'an passé, au moment où il allait sans doute comparaître devant les assises. La représentation du gourou sous forme d'une statue de 33 mètres de hauteur et de 1 200 tonnes de béton a eu moins de chance, puisque la cour d'appel d'Aix-en-Provence vient d'ordonner sa destruction.

Guy-Claude Burger ne devrait pas, lui, échapper à la justice des hommes. Il a été mis en examen et incarcéré en juillet 1997 pour viols et corruption de mineurs. Juste après la publication par L'Express (voir le n° 2399) de témoignages accusant le gourou de l'instinctothérapie d'abus sexuels sur mineurs. Le pape du manger-cru avait déjà été condamné pour exercice illégal de la médecine par la cour d'appel de Paris.

Les 22 adeptes de la secte La Famille, nouvelle appellation des Enfants de Dieu, mis en examen en 1991 pour incitation de mineurs à la débauche ont bénéficié, eux, d'une ordonnance de non-lieu. Mais la mère d'un garçon très perturbé par l' «éveil sexuel» collectif pratiqué dans les communautés de La Famille a fait appel. Le rapport de la commission d'enquête parlementaire d'Alain Gest et Jacques Guyard, en 1996, avait reproduit le témoignage de la fille de David Berg, le gourou aujourd'hui décédé, affirmant avoir été violée, et celui d'un autre fidèle selon lequel des enfants étaient obligés de se prostituer pour «gagner plus d'adeptes et acquérir des appuis».

Chez les Témoins de Jéhovah, l'inceste ne participe pas à l'éveil sexuel des enfants. Cette secte est si puritaine et asociale que, si un adepte commet un tel forfait, l'affaire est étouffée. Décision exceptionnelle, le tribunal correctionnel de Dijon a condamné l'an dernier deux jéhovistes, dont un directeur d'école, pour non-dénonciation de crime : ces deux «anciens» de la congrégation locale savaient que l'un des fidèles violait sa fille de 16 ans et ont fermé les yeux pendant les nombreux mois où l'adolescente a subi les assauts de son père.

Quand on parlait d'abus sexuels au sujet de Lucien Engelmajer, l'empereur du Patriarche, il ne s'agissait que de rumeurs. Mais, depuis quelques mois, la justice a recueilli des témoignages de femmes sur les violences qu'elles affirment avoir subies. Ces accusations, qui s'ajoutent aux informations nouvelles sur le financement international occulte de l'organisation d'Engelmajer, font désormais du Patriarche une secte emblématique. Tout y est : la captation de ressources et l'exploitation des adeptes, taillables et corvéables, la domination physique, la «thérapie par les baffes», et surtout le pouvoir exorbitant d'un gourou, père adulé qui provoque la rupture entre le toxicomane et sa famille.

Lorsque la multinationale de sevrage des héroïnomanes fut épinglée par le rapport parlementaire de 1996 sur les sectes, Engelmajer et ses cadres protestèrent, croyant pouvoir se distinguer des mouvements qui singent un culte. Le leader mégalomaniaque ne prétendait pas, en effet, être le grand maître d'une nouvelle religion. Il déclara tout de même, en 1998, mener un «combat sacré pour la survie de l'humanité» et menaça toute la société, si son organisation venait à être démolie, d'un «déferlement de sida et de toxicomanie». Lorsque la Ddass de Toulouse réduisit ses subventions au Patriarche, Engelmajer manifesta dans les rues en agitant la menace d'un «suicide collectif» ou d'un «lâcher» de malades «sans capotes», avant de conclure: «Cachez-vous ! Tremblez, mécréants ! La colère de Dieu est proche !». Comme la plupart des fondateurs de secte, Engelmajer décrit le monde extérieur comme un enfer et ses pensionnaires se sentent retenus près de lui par une camisole psychologique. L'Express lève le voile sur les dangers de cette association.

(1) Les Sectes et l'argent, rapport de la commission d'enquête parlementaire, par Jacques Guyard et Jean-Pierre Brard, juin 1999. Assemblée nationale, 348 p., 60 F. (2) L'Adepte. Sept ans dans l'enfer d'une secte, par Isabelle Sebagh, 1996. Le Comptoir, 346 p., 120 F. (3) Mandarom, une victime témoigne, par Florence Roncaglia, 1995. TF1 Editions, 282 p., 105 F.


  France : Le Patriarche

La pieuvre du Patriarche

L'Express, 1er juillet 1999, par François Koch, Mathieu Verboud.

[Texte intégral]

Dans la secte fondée par Lucien Engelmajer, on ne faisait pas que traiter brutalement les toxicomanes. Le gourou aimait aussi beaucoup les très jeunes femmes et les gros comptes en banque. Ses lieutenants lui disputent sa multinationale

Sexe, mensonges et toxicos. Le Patriarche, association spécialisée dans le sevrage des héroïnomanes, qui revendique 100 000 drogués soignés depuis vingt-cinq ans dans 16 pays, a défrayé la chronique depuis de nombreuses années, mais, le 23 février 1998, le scandale prend une autre dimension.

Au nord de Miami Beach, en Floride, organisée dans le plus grand secret, une véritable révolution de palais se déclenche, avec pour enjeu le pouvoir sur le magot. Arrivés dès l'aurore dans la villa de 15 millions de francs qu'occupe Lucien Engelmajer sur Bal Harbor Drive, les premiers conjurés cherchent en vain le gourou de 77 ans.

Il est retrouvé dans le fond d'un placard de son garage, apparemment inanimé. Les pompiers et la police débarquent, et l'on découvre qu'il s'est livré à une pathétique comédie. «Le Vieux», surnom habituel du leader mégalomaniaque, doit faire face à 31 cadres venus des quatre coins de la planète pour l'évincer. Ses anciens fidèles, dont certains avaient tenté de le placer sous tutelle en exploitant ses graves problèmes de santé, critiquent cette fois ouvertement ses dérives autocratiques. Puis osent cette redoutable menace : «Si tu ne démissionnes pas, des plaintes seront déposées contre toi pour abus sexuels sur mineures !» Lucien réfute avec force ces graves accusations, mais son charisme est en panne. Seulement soutenu par son avocat, appelé à la rescousse, Engelmajer finit par céder : il signe sa mise à l'écart et s'envole pour le Brésil, avec en poche quelque 25 millions de francs issus de ses comptes personnels, dont une grosse partie sera vite mise à l'abri aux îles Caïmans. Quelques semaines après le putsch, les conspirateurs publient un communiqué très soviétique : leur chef a pris sa retraite pour «raisons de santé liées à son âge».

C'est vite dit. Lucien Engelmajer n'entend pas clore ainsi son fabuleux destin, entamé le 27 novembre 1920 à Francfort-sur-le-Main, dans une famille juive originaire de Pologne. Après avoir grandi à Metz, Engelmajer, apatride, traverse la guerre comme soldat, prisonnier, évadé, puis résistant. Membre des Jeunesses communistes, il abandonne le militantisme politique dans les années 50, absorbé par sa nouvelle activité, la brocante, qu'il déploie dans son magasin, Les Meubles Lucien. En 1963, il liquide son affaire et se retire dans la campagne toulousaine, arborant barbe, cape et poncho pour mener sa «retraite spirituelle». Un look de gourou qui ne sera pas étranger à la dénomination et à la célébrité du Patriarche.

C'est aux alentours de Toulouse, dans le domaine à l'abandon de La Boère, qu'Engelmajer en pose les fondations, en accueillant dès 1971 des toxicomanes. L'association n'est officiellement créée que trois ans plus tard, quand ouvre un centre voisin, à La Mothe. Avec le site inauguré en Espagne en 1979 démarre le développement international du Patriarche, qui comptera jusqu'à 250 centres sur les continents européen et américain.

Par les résultats qu'elle obtient dans le traitement des toxicomanes, l'association acquiert très vite notoriété et soutiens, mais elle soulève également une odeur de soufre. Dès 1978, une controverse passionnée démarre autour de témoignages faisant état de violences au centre de La Boère. Au cours des années 80, deux enquêtes de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), jamais rendues publiques, sont diligentées, tandis qu'une inspection interministérielle menée en 1985 demande à l'Etat de retirer sa caution et son soutien financier au Patriarche. Puis un nouveau scandale éclate en 1988, quand Engelmajer lance des centres de soins que certains qualifient de «sidatoriums».

Mais il est bien tard pour qu'une action efficace soit menée contre Le Patriarche, devenu un véritable empire, rebaptisé en 1992 «Organisation internationale Lucien Joseph Engelmajer». Ce n'est donc pas de l'extérieur que la forteresse est attaquée, mais de l'intérieur, tant elle suscite la convoitise de ceux-là mêmes qui la dirigent sous la férule du Vieux. Le 23 février 1998, ils croient bel et bien avoir emporté la partie, mais le putsch n'est en fait que le point de départ d'un âpre conflit entre Engelmajer et eux, une guerre ouverte que L'Express révèle aujourd'hui dans ses moindres détails.

Quatre mois après la conspiration, le narcissique Lucien Engelmajer a vendu chèrement son pouvoir à la tête de l'étonnant Meccano financier assis sur des paradis fiscaux: quatre holdings au Luxembourg, deux fondations au Liechtenstein et des comptes bien garnis en Suisse. Celui qui se présente comme un bienfaiteur de l'humanité a obtenu une compensation de 31 millions de francs. 22 millions de francs auraient été versés au Banco Roberts, un établissement de Montevideo, en Uruguay. Mais, à l'automne 1998, les 9 millions de francs restants manquaient à l'appel et, suprême affront, les «traîtres» avaient rebaptisé son empire sous le nom de «Dianova».

Pour le monarque déchu, c'en est trop. Lucien Engelmajer vient d'ailleurs de déposer une plainte de 28 pages auprès d'un tribunal de Miami contre les 31 conjurés - dont François, dit «Bibi», l'un de ses fils ! Avec l'aide de Charles Spencer, son avocat américain, un ancien agent de renseignement qui a notamment plaidé dans l'affaire de l'Irangate, le Vieux a repris l'offensive, sans doute avec la folle illusion de reconquérir son trône. Il réclame 319 millions de francs de dommages et intérêts, évaluant au passage ses biens personnels confisqués par les insurgés à 159 millions de francs - sans donner la moindre précision - et le patrimoine de l'organisation internationale qui porte son nom à 1,28 milliard de francs!

Laver le linge sale en famille

Lucien Engelmajer espère-t-il mettre en pièces l'unité de ses cadres rebelles réalisée contre lui ? Il est peu probable qu'il y parvienne. «Trois mois avant le putsch, une mineure avait fini par se confier, explique Claude, le nom que se donne l'un des conjurés qui demande l'anonymat. Ainsi, des accusations d'abus sexuels sur cette adolescente clairement identifiée ont pu être évoquées au cours de la réunion de Miami. C'est surtout autour de ce témoignage que l'union contre Lucien s'était faite.»

Mais pourquoi les familles d'enfants présentés comme victimes n'ont-elles pas porté plainte ? Salvador Arcas, ancien responsable de la branche espagnole, évincé malgré sa participation à la rébellion, y voit malice: «J'ai entendu deux des principaux cadres à Paris lancer de graves accusations contre Lucien. Et je leur ai dit: ''Allez en justice ! " En réalité, ceux qui menacent le leader de plaintes pour abus sexuels ne souhaitent pas que la vérité éclate ni que la justice passe; ils veulent seulement le pouvoir et l'argent.» Effectivement, on retrouve, quelques mois après le putsch, le père de la jeune fille mise en avant par les conjurés dans le conseil de l'une des fondations au Liechtenstein. De là à supposer, comme le prétendent d'anciens cadres du Patriarche, que des parents d'adolescentes accusant Lucien auraient exigé de figurer en bonne place dans les nouveaux organigrammes... Rien ne permet de confirmer ces thèses. Mais elles sont symptomatiques d'une association dite «caritative» où chaque cadre suspecte les autres des pires turpitudes. Et où l'on préfère laver son linge sale en famille, en raison d'une intense allergie à toutes les institutions, en particulier la justice, la police et la presse.

Ne cherchant pas à démontrer qu'ils ont réellement entamé une saine oeuvre de rénovation et qu'ils se démarquent des habitudes d'Engelmajer, Montserrat Rafel Herrero et Philippe Lion, présidents respectifs de Dianova International et de Dianova France, ont refusé de répondre aux questions de L'Express. A Dianova, comme au Patriarche depuis toujours, la paranoïa constitue-t-elle un réflexe de survie?

Il y a sans doute une autre explication à ce curieux pacte du silence. «Bibi et ses proches ne voulaient pas que le nom de la famille Engelmajer soit souillé par des plaintes portant sur des abus sexuels», confie le parent d'une jeune fille que le Vieux aurait, elle aussi, importunée. Bibi a donc joué une partie délicate: organiser un complot pour éjecter son propre père tout en lui évitant de devoir s'expliquer sur des mises en cause à la fois intimes et graves devant la justice. Membre, un moment, du directoire qui a succédé à son père, il n'exerce aujourd'hui plus aucune responsabilité à Dianova, même s'il ne cache pas sa solidarité avec la démarche affichée de rénovation de l'empire. L'homme n'a pas accepté, lui non plus, de nous rencontrer.

Bibi a pourtant joué un rôle clef dans la préparation du putsch. Près d'un an plus tôt, Lucien lui fait part de son nouveau projet: aider les pauvres à Haïti. Il propose donc à son fils de créer ensemble une fondation au Liechtenstein. Dans ce paradis fiscal, pense-t-il, des fonds pourront être discrètement transférés et disponibles. L'avocat suisse Jean Heim, l'un des principaux conseils d'Engelmajer, se charge d'immatriculer cette fondation, intitulée Heston Investments Establishment, à Vaduz, au Liechtenstein. Outre Bibi lui-même, le Vieux choisit, pour constituer sa direction, six cadres fidèles, parmi lesquels Dominique Julien, l'une de ses plus proches collaboratrices, et Jean-Paul Séguéla. La présence de ce dernier est pour le moins singulière.

Ancien député et toujours membre du conseil national du RPR, le Pr Jean-Paul Séguéla, 61 ans, spécialiste de parasitologie, est doyen de la faculté de médecine de Toulouse-Rangueil. C'est en 1993, alors conseiller pour la lutte contre la toxicomanie du ministre Charles Pasqua, que Lucien Engelmajer aurait pris contact avec lui. Ce notable gaulliste apparaît officiellement au sommet de la pyramide du Patriarche de décembre 1997 à août 1998, en tant que secrétaire général de l'association OILJE (Organisation internationale Lucien Joseph Engelmajer), dont le siège est en Suisse, à Lausanne. Mais quel rôle jouait-il ? Contacté au cours de notre enquête dans sa mairie de Bessières (Haute-Garonne), Jean-Paul Séguéla a catégoriquement refusé de répondre à nos questions.

Lucien Engelmajer l'a pourtant souvent présenté comme son conseiller personnel. «En 1995 et en 1996, j'ai eu à deux reprises à effectuer des recherches de financement pour Addepos, l'association des séropositifs du Patriarche, auprès des collectivités locales, se souvient Pascale Bastiani, 38 ans, ancienne responsable de la branche suédoise. Lucien m'a recommandé de ''voir cela avec Séguéla". Ce dernier m'a chaque fois aidée, mais toujours par téléphone. Jamais un papier signé ou annoté par lui ne m'est passé entre les mains. Sans doute par prudence.» Le Pr Séguéla paraît aussi s'être comporté comme le médecin personnel du Vieux. En janvier 1997, il est destinataire d'un rapport médical sur Lucien Engelmajer adressé par le service de cardiologie du CHU Purpan de Toulouse.

Si la fondation Heston, où Séguéla devait être membre du conseil, n'a, semble-t-il, pas vraiment fonctionné, tel n'est pas le cas d'une seconde fondation créée, également à Vaduz, le 5 février 1998, soit dix-huit jours seulement avant le putsch. Elle s'intitule, comme l'association mère, OILJE. Si les fidèles du Vieux, comme Jean-Paul Séguéla, Salvador Arcas, Thierry Bourdonnais, Marcel Ernzer, financier luxembourgeois, ou le père Bartolomé, confesseur du roi d'Espagne, sont encore présents, ils sont très vite marginalisés par Bibi et ses amis.

Un empire financier très convoité

Six semaines après le putsch, Lucien Engelmajer s'envole pour les îles Caïmans afin de participer à une épuisante séance de négociation face à son fils et à un autre conjuré, Michel Costil, en présence de Marcel Ernzer. Des pourparlers indispensables, car les mutins découvrent que le Vieux n'a pas lâché toutes les manettes de son empire financier, que chaque partie convoite. Dans sa récente plainte contre les 31 «félons», Engelmajer les accuse d'avoir «transféré le contrôle sur toutes les entités à une nouvelle organisation au Liechtenstein». Autrement dit, d'avoir mis la main sur le coffre-fort de l'OILJE ? Charles Spencer ajoute que son client suspecte les putschistes de brader le patrimoine immobilier de l'association.

Quel est le montant actuel des réserves de l'organisation ? «A l'été 1997, le magot suisse s'élevait à 400 millions de francs français, confie Jean-Yves Le Garrec, ancien bras droit financier du Patriarche, qui a d'ailleurs quitté l'association pour des raisons personnelles à cette époque. A quoi il faut ajouter 50 millions d'actifs au Luxembourg.» L'essentiel de ces actifs provenant de sommes évaporées ; en clair: transférées en liquide. Selon Lucien Engelmajer, il y avait à son départ 350 millions de francs sur les comptes, sans aucune dette. Où se trouve précisément cet argent ? Sur ce point, le Vieux comme Le Garrec restent muets. Le second est en revanche plus bavard sur la pompe à finances qu'il a largement contribué à mettre sur pied.

Financement public

«En France, l'organisation pesait à elle seule 10% du dispositif national de prise en charge des toxicomanes, explique Le Garrec. Mais elle n'avait que 1% des subventions, à cause de l'image sectaire que nous véhiculions. Il fallait donc trouver de l'argent par nos propres moyens, le faire fructifier pour exister et garantir notre pérennité.» Pérennité que les pouvoirs publics se sont longtemps gardés de mettre en question malgré les controverses internes au ministère de la Santé sur l'opacité de l'association par rapport à sa tutelle administrative. Ce n'est qu'en 1996 que l'Etat français prend la décision de ne plus subventionner Le Patriarche, quelques mois après la publication du rapport parlementaire sur les sectes. «Un financement public qui avait commencé une vingtaine d'années auparavant et que le gouvernement Barre avait déjà envisagé de supprimer en 1980», explique en souriant Le Garrec. Selon nombre de hauts fonctionnaires chargés du dossier, Le Patriarche présentait l'avantage, aux yeux de bien des hommes politiques de droite comme de gauche, de gérer une population «encombrante» à moindre coût. De surcroît, des notables y ont envoyé leurs enfants.

Cependant, dès la fin des années 80, les cadres de l'association ne se soucient plus guère des états d'âme de l'Etat à leur égard. L'organisation vient en effet d'amorcer un virage décisif vers les activités lucratives. Des journaux et des ouvrages à la gloire de Lucien sont diffusés par centaines de milliers et vendus dans les rues : entre 30 et 40 millions de francs de recettes brutes annuelles rien qu'en France. En liquide, bien sûr.

C'est aussi la période où Le Patriarche commence à vendre, sous forme de grandes Braderies de l'espoir, les dons en nature effectués par des entreprises. L'organisation avait des moyens logistiques : selon son assureur toulousain, elle possédait le septième parc automobile privé en France. Mais un tel système de vente d'objets récupérés était-il légal ? «Nous ne craignions pas les contrôles administratifs, reconnaît Le Garrec. L'Igas, malgré deux passages dans les années 80, n'a jamais rien trouvé de grave chez nous. Notre hantise, c'était le fisc.»

Au fil du temps, le système fonctionne tellement bien qu'il finit par prendre un tour industriel. Jouant les «mules», les cadres de confiance passent et repassent les frontières. Les transferts de fonds en liquide sont un véritable sport. «Lorsque nous allions en Suisse ou à Miami, on nous donnait de grosses liasses de billets», témoigne Pascale Bastiani. «Je suis allée trois fois au Luxembourg avec de gros sacs de lires, d'escudos et de pesetas», ajoute Valérie, 27 ans, en instance de divorce avec Jean-Yves Le Garrec. «J'ai transporté du Portugal en Espagne et d'Espagne en France des millions d'escudos et de pesetas», confirme Pascale A., 40 ans, ancienne secrétaire particulière du Vieux. A Genève, Jean-Yves Le Garrec est toujours là pour accueillir les ex-toxicos aux poches bien remplies. Pour les très grosses sommes, il assure lui-même le voyage. Souvent? «Ma Mercedes avait beaucoup de kilomètres au compteur», se borne-t-il à répondre. «Le vice-président de l'association L. J. Engelmajer a été, à deux reprises, arrêté par les services des douanes en provenance d'Espagne alors qu'il était en possession de 1,5 million de francs en espèces», peut-on lire dans le tout récent rapport parlementaire Guyard-Brard.

Autre source de financement: les pensionnaires eux-mêmes, qui paient leur cure... et continuent à verser de l'argent une fois le sevrage achevé. Tout en effectuant un travail très rentable pour l'organisation d'Engelmajer : des ventes de revues ou de livres aux braderies ! Au début des années 90, on voit même apparaître une kyrielle de petites sociétés à but lucratif: Paella Store Olé, Fiesta Paella ou Exquise Extase (restauration), Ebénolé (brocante), Aménolé (construction), Goile (stations-service), Etoile (éditions musicales), Archange Courtage International (assurance), etc. Des enseignes ou des noms de société se terminant souvent par «olé», pour Organisation Lucien Engelmajer, et où les pensionnaires ont le plus grand mal à être payés. Des structures dont la majorité a été liquidée après le putsch.

La Cour des comptes, qui publie en juillet 1998 un rapport sur le dispositif de lutte contre la toxicomanie, débusque un holding luxembourgeois lié au Patriarche: la Sopasofie SA (Société de participation sociale et financière Engelmajer SA). Jean-Yves Le Garrec rit sous cape : «Ils n'ont pas vu qu'il y avait en tout quatre sociétés au Luxembourg.» Information que nous avons pu vérifier. En plus de la Sopasofie ont été immatriculées dans le grand-duché la Fondation sociale Holding SA, la Social Foundation Holding SA et l'Action Holding SA, trois sociétés aux noms étrangement voisins. Au total, ces quatre holdings luxembourgeois détenaient 85 millions de francs d'actifs en 1995, puis 49 millions en 1997. Qui contrôle ces fonds ? Ces actifs sont actuellement l'objet d'une bataille d'avocats entre Lucien Engelmajer et les putschistes.

Dans son rapport, la Cour des comptes fait également une révélation sur un curieux prêt de 600.000 francs accordé par Le Patriarche à une «personnalité du monde médical». Officieusement, on indique, Rue Cambon, que ce prêt a été effectué, à partir d'un compte de Lucien Engelmajer dans une petite agence du Crédit lyonnais très proche de Toulouse, au profit de Jean-Paul Séguéla. Ce dernier a reconnu l'existence de l'emprunt en le présentant comme soldé. Mais l'ancien leader du Patriarche affirme, de son côté, que ce prêt n'a jamais été remboursé par son ancien ami, dont il se dit sans nouvelles depuis le putsch. Interrogé par L'Express, Séguéla refuse de fournir la preuve qu'il s'est réellement acquitté de sa dette.

Témoignages troublants

Si Lucien Engelmajer évoque sans pudeur les questions de «gros sous», surtout dans sa récente plainte contre les «usurpateurs», avec des revendications se chiffrant en centaines de millions qui donnent le vertige, il est presque muet sur ses «comportements prétendument criminels» dont il se dit accusé par les mutins. Des griefs que la direction internationale de Dianova refuse même, étrangement, de confirmer. Pourtant, les témoignages que nous avons recueillis sont très troublants.

Il y a près de quatre ans, le Vieux prit ses quartiers au Chalet Grand-Borde, à Aucamville (Tarn-et-Garonne), dans ce qui aurait été jadis une maison close et qui devint manifestement, pour Engelmajer, le palais des favorites. «J'ai aperçu Lucien tenter d'embrasser une jeune fille de 15 ans dans le jardin du Chalet», confie Pascale Bastiani, qui a fui Le Patriarche avant le putsch. Tout comme Monique, 41 ans. Au Chalet, cette dernière partageait sa chambre avec deux toutes jeunes femmes - appelons-les Mathilda et Dolores. Un jour, Monique surprend une conversation au sujet de leur gourou. «Et toi, il te touche?» demande Mathilda. «Oui, et je ne peux rien y faire», répond Dolores. «Il a essayé avec moi, mais je suis partie», reprend Mathilda. Selon Monique, le Vieux a mis au point un piège difficile à éviter : chaque soir, il désigne une jeune fille ou une jeune femme chargée de lui monter sa tisane et il tente de la retenir le plus longtemps possible ; elles craignent, en cas de désobéissance, d'être reléguées dans un centre lointain. «Quelques jours plus tard, Mathilda est montée dans la chambre de Lucien à 21 heures et n'en est redescendue qu'à 4 heures du matin, se souvient Monique. Elle pleurait sous ses draps.»

Monique souligne aussi l'existence de «rapports» sur les nouveaux pensionnaires et le traitement spécifique réservé aux filles mineures: «Dès qu'une gamine sortait de l'ordinaire, jolie avec du caractère, Lucien la convoquait immédiatement.» Comment le gourou à barbe blanche attirait-il auprès de lui des jeunes femmes qui auraient pu être ses petites-filles ? Grâce à son charisme, à son éloquence, à son habileté. Persuadé d'être le dernier rempart contre la drogue et le sida, il n'hésite pas à proclamer : «Je donne l'amour, le bonheur, la joie de vivre à des gens qui étaient dans la rue !» Les anciens toxicos le vénèrent comme un sauveur: «Après m'avoir sorti de la drogue, Lucien m'a donné une seconde chance dans la vie», expliquent-ils souvent. Le Vieux a laissé se développer complaisamment autour de lui une cour de flatteurs, lui donnant à penser que tout lui était permis. Celui qui se faisait appeler lui-même «patriarche» exigeait que les femmes de sa grande communauté l'embrassent sur la bouche. Très difficile d'y échapper, affirment toutes celles que nous avons pu rencontrer. Et le Vieux savait choisir pour victimes celles qu'il avait envoûtées.

C'est ce qui arrive à Monique, à l'été 1996. Illuminée par son prophète, perpétuellement couvert d'éloges, elle lui envoie une lettre bien singulière : «Je t'écris pour t'encourager encore et toujours à continuer l'OEuvre admirable que tu as créée avec tant d'amour, intensément présente, lumineuse [...]. Un voyage extraordinaire, merveilleux et serein dans l'Infini, d'où tu sais pouvoir recueillir et transmettre des vérités [...] puissantes, belles et pures [...]. Grâce à toi, j'ai enfin ouvert et franchi la porte de la Vraie Connaissance, donc de la Joie !» Un délire typique de bien des sectes. Et Engelmajer, manifestement à l'aise dans les oripeaux d'un gourou, voit dans l'auteur de cette missive une nouvelle proie à accrocher à son tableau de chasse.

Rapports sexuels sous la contrainte

«Je l'admirais tant ! J'étais à la fois fascinée et pétrifiée en entrant dans sa chambre», raconte Monique. Le Vieux cherche à la mettre à l'aise, lui affirmant qu'il a été sexologue et se fait fort de la débarrasser de son «problème d'homosexualité», un challenge excitant pour lui. «Il m'a enrobée d'un flot de paroles flatteuses, m'expliquant que ma gêne était normale, poursuit Monique. Il m'a déshabillée et conduite dans son lit alors que j'étais toujours paralysée. Après des caresses, il m'a violée avec ses doigts et m'a imposé une fellation.» Monique n'en peut plus et veut s'enfuir. «Il m'a retenue en me faisant du chantage : ''Je risque de ne pas passer la nuit."» Le Vieux savait, semble-t-il, inspirer pitié à l'aide de ses antécédents : accidents vasculaires cérébraux et crises cardiaques. Il n'empêche. Passé la honte et la douleur d'en parler, Monique a été entendue il y a trois semaines par la police judiciaire, à la demande du procureur de Toulouse.

Tout comme Valérie Le Garrec, en mars dernier. «Un mois après ma séparation avec Jean-Yves, Lucien a tenté de me violer dans sa chambre, à Trouville, en 1997, raconte-t-elle avec difficulté. Il a réussi à me toucher les seins et le sexe. Ma résistance l'a mis hors de lui et il m'a cogné la tête contre le mur.» Valérie se méfiait énormément de Lucien. «En 1996, à l'Institut de thalassothérapie Louison-Bobet, à Biarritz, j'ai vu une fille de 16 ans sortir un matin de son lit», ajoute-t-elle. «Certaines filles finissaient par se laisser sauter par Lucien pour obtenir en cadeau des vacances à Miami», affirme Nadia Santiago, 34 ans, qui a géré les stocks du Patriarche jusqu'en 1997. «Le plus terrible, c'est que certains parents encourageaient leur progéniture à déclarer leur admiration à Lucien, à lui écrire, à passer du temps avec lui l'après-midi, confie Claude, l'un des conjurés de Miami. Et, lorsque je leur indiquais le risque que couraient leurs enfants auprès du Vieux, il arrivait qu'on m'envoie promener.»

Delphine de Morant, 28 ans, a passé, elle, dix-huit mois dans un centre du Patriarche au Chili, en 1995 et 1996. «Lucien s'est présenté comme sexologue et m'a très rapidement laissé entendre que nous coucherions un jour ensemble. ''Pour ton bien", disait-il.» Delphine ajoute que le Vieux n'hésitait pas à commenter publiquement les performances sexuelles des femmes qui l'entouraient. «Un jour, poursuit-elle, j'ai dû céder à ses avances pressantes, ne me voyant plus lui répondre non pendant des heures.» Pour elle, c'était sans ambiguïté «un rapport sexuel sous la contrainte».

Camisole psychologique

Nous sommes parvenus à entrer en contact avec Lucien Engelmajer, avec un fax relais dans la région de Toulouse, donc sans pouvoir connaître son lieu de résidence actuel. Par l'intermédiaire de son avocat de Miami, il nous a répondu qu'il niait catégoriquement tous les faits évoqués, y compris l'information selon laquelle il avait coutume d'embrasser les femmes sur la bouche.Son conseil tient à préciser que ces accusations, qu'il qualifie de "rumeurs infâmes"  ont profondément affecté son client et que leur évocation dans la presse l'a «physiquement atteint». Engelmajer, entouré de Michèle, sa nouvelle compagne, 47 ans, ne veut pas en dire plus.

Il aurait pu souligner que ses prétendues victimes ont rarement pris la fuite et n'ont pas porté plainte. Mais cet apparent mystère s'explique. «Un ex-toxico, qui plus est séropositif, a très peur de partir, car il se sent rejeté par la société, explique Pascale Bastiani. Au Patriarche, le monde extérieur est diabolisé, comme dans les autres sectes. On est libre de partir... mais il y a une camisole psychologique.» Le gourou exhortait ses pensionnaires à continuer de l'aider à «bâtir un empire» et à ne pas se réinsérer hors de l'organisation, où leurs enfants seraient exposés à la drogue, au sida et à l'alcool. Tout départ était qualifié de «trahison».

Ces dernières années, fort de son emprise sur ses ouailles, Engelmajer ne s'en cachait plus : " Paola, qui a un très beau derrière et que j'ai baisée  pendant un an", dit-il d'une femme dont il soutient le transfert en Argentine, au beau milieu d'un long discours devant une assemblée de responsables du Patriarche, en janvier 1998, à Tibidabo, un centre de Barcelone. Un exemple de ces propos machistes et graveleux qui finissent par inspirer le dégoût chez son auditoire un mois avant le putsch.

Pascale Bastiani, Pascale A., Valérie Le Garrec, Nadia et Antoine Santiago ont tous été témoins de tels comportements. Ces cinq anciens pensionnaires du Patriarche ont porté plainte en décembre dernier auprès du procureur de la République de Toulouse pour abus de faiblesse, nouveau délit voisin de l'escroquerie, parce qu'ils ont exercé une responsabilité dans l'organisation d'Engelmajer sans toucher la moindre rémunération.

Mais, selon leur avocat, Jean-Michel Pesenti, leurs témoignages devraient aussi orienter l'enquête dans une seconde direction : la mise en cause de Lucien Engelmajer pour des violences sexuelles. Le procureur de Toulouse a lancé en décembre 1998 une enquête préliminaire qui tarde à déboucher sur l'ouverture d'une information judiciaire et la désignation d'un juge d'instruction.

Parallèlement, un parent d'une adolescente qui affirme avoir été « importunée » par le Vieux soutient que trois plaintes ou dépositions en gendarmerie concernant des victimes mineures devraient très bientôt parvenir entre les mains de la justice. Une information confirmée officieusement au tribunal de Toulouse. Pour la première fois, des magistrats français pourraient dès lors s'intéresser au passif du Patriarche: l'exploitation financière et physique d'ex-toxicos particulièrement vulnérables par un gourou guérisseur aimant trop les femmes. Dans ce cas, peut-être, Lucien Engelmajer cessera de rôder autour de Grenade, près de Toulouse, et surtout du siège national de Dianova, comme il le faisait, il y a quelques mois encore, dans sa superbe Bentley.



  France : sectes

Opération diplomatique pour condamner la lutte de la France contre les sectes.


Réseau Voltaire. Notes d'informations n°99/0145.

[Texte intégral]

L'Office pour les institutions démocratiques et les droits de l'homme (ODHIR) a organisé au Hofburg de Vienne, le 22 mars 1999, un séminaire sur la " liberté religieuse " en Europe, sous la présidence de Leif Mevik (ambassadeur de Norvège). La première partie, intitulée dialogue religieux et prévention des conflits, fut consacrée à une analyse du rôle des religions dans la guerre de Bosnie-Herzégovine. La seconde partie de la réunion était consacrée au pluralisme religieux et à la violation des libertés religieuses. Elle était coanimée par Massimo Introvigne (directeur du CESNUR), le Rev. Michael Bourdeaux (fondateur du Keston Institute et administrateur du Comité tchèque de la Fédération internationale Helsinki des droits de l'homme), et Me Alain Garay (avocat des Témoins de Jéhovah). Le rapport du panel consultatif auprès de l'ODHIR fut présenté en conclusion des travaux par le Rév. Rüdiger Noll.

Au cours du séminaire, les orateurs, s'appuyant sur le rapport de la Fédération internationale Helsinki des Droit de l'homme, ont violemment dénoncé la persécution dont les nouveaux mouvements religieux feraient l'objet en France et la création de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes.

Répondant pour le gouvernement français, Denis Barthélémy, secrétaire général de la Mission interministérielle, a rappelé que la liberté religieuse ne se comprenait que dans le cadre plus vaste de la liberté de conscience. Puis il a souligné la responsabilité des États de protéger les enfants et les personnes faibles de toute forme de contrainte insurmontable. Ainsi, les articles 3 et 29 de la Convention internationale des Droits de l'enfant protègent-ils les plus jeunes. Enfin, il a fait état de divers rapports intergouvernementaux sur les trafics internationaux et la corruption générés par certaines sectes.

[L'ODHIR est un office de l'OSCE (ex-CSCE), initialement créé en application de la Charte de Paris pour une nouvelle Europe (1990) aux fins de contrôle de la régularité des élections en Europe. En 1994, le sommet de Budapest a élargi ses compétences au respect de la dimension humaine dans les institutions démocratiques et à la prévention des conflits. Sous l'influence des sénateurs américains Dennis DeConcini et Alphonse d'Amato, qui furent l'un et l'autre présidents de la CSCE, l'ODHIR est devenu un instrument des services américains pour promouvoir l'Église de scientologie en Europe.



  France : Tradition-Famille-Propriété

Le Pr Nisand et Martine Aubry menacés de mort par les anti-IVG

Le Parisien, 7 juillet 1999, par Eric Giacometti.

[Texte intégral]

ENQUETE : avec le Pr Nisand, auteur d'un rapport commandé par le ministre, Martine Aubry menacée de mort par les anti-lVG.

L'AVORTEMENT reste un sujet toujours sensible au sein de la société francaise. Martine Aubry et un professeur de médecine, auteur d'un rapport sur l'interruption volontaire de grossesse IVG) commandé par le ministre des Affaires sociales, reçoivent des menaces de mort et des centaines de lettres d'injures.

Le professeur Israël Nisand, gynécologue obstétricien, détaillait dans son rapport rendu public en mars dernier les difficultés des femmes à avorter en France. Il proposait plusieurs mesures dont un numéro vert d'information, une extension du délai légal de trois mois au terme duquel il n'est plus possible de subir une IVG et une révision de l'autorisation parentale pour les mineures désirant avorter. Il n'en fallait pas plus pour que les associations anti-IVG Droit de naître et Laissez-les vivre s'enflamment et envoient des pétitions de protestation contre le « lobby de la mort ».

Selon le Quotidien du médecin, près de 45.000 cartes-pétitions avec un texte standard ont déjà été déposées au ministère de la Santé depuis la mi-juin. La missive de Droit de naître se termine par la phrase « ne vous salissez pas les mains du sang des innocents ». Là où l'affaire se corse, c'est que parrni ces lettres se sont glissées des insultes du style « vous voulez faire la place à l'islam, les égouts de la France » ou d'autres menaces à caractère antisémite. De leur côté, les associations anti-IVG veulent dissocier les textes de protestation standardisés, où n'apparaît aucune insulte, des annotations rajoutées à la main par certains expéditeurs.

Le zèle des militants les plus extré mistes n'a pas été du goût des pouvoirs publics. Le 23 juin dernier, à l'Assemblée nationale, Martine Aubry a confirmé qu'elle avait bien recu des menaces de mort à propos du rapport Nisand sur l'IVG. Pendant cette même séance, lors d'une question orale, le député Vert Guy Hascoët a désigné l'association Tradition, famille, propriété comme instigatrice cette opération. Or cette organisation a été classée comme secte dans le dernier rapport parlementaire Guyard. La mission inter-ministérielle de lutte contre les sectes, dirigée par Alain Vivien, a aussi été saisie du dossier TFP.

D'origine brésilienne et d'inspiration intégriste, TFP, qui nie être une secte, s'est spécialisée dans les campagnes de protestation postales qu elle utilise aussi pour faire un appel à la généroslté. Le rapport Guyard a estimé à environ 10 millions de francs le patrimoine de TFP dont un château situé en Eure-et-Loi et des appartements à Paris. TFP aussi à l'origine d'une campagne actuelle en France contre la firme Walt Disney, productrice via sa filiale Miramax du très controversé film américain « Dogma », qui attaque, selon TFP, les valeurs chrétiennes.

Quant au professeur Nisand, il décidé finalement de porter plainte avant-hier à Strasbourg pour insulte publique. De son côté, Martine Aubry a précisé que " le gouvernement accompagnerait financièrement politiquement " son action en justice.



  France : Sectes

Communiqué de presse du CCMM

CCMM, 7 juillet 1999.

[Texte intégral]

Le CCMM, Centre Roger Ikor se félicite de l'adoption - à l'unanimité - par le Conseil de l'Europe du rapport sur les sectes élaboré par M. Adrian Nastase (Roumanie).

En dépit des pressions exercées sur les parlementaires du Conseil de l'Europe par différents lobbies pro-sectes, l'adoption du rapport Nastase marque une nouvelle étape de la prise de conscience par les autorités européennes du fléau que constituent les activités sectaires devient une réalité de plus en plus effective.

Toutes les manouvres ont été tentées pour empêcher le vote de cette résolution courageuse . M. Massimo Introvigne annonçait sur le site internet du CESNUR que le rapport avait été retiré de l'ordre du jour. Plusieurs parlementaires américains, probablement encouragés par la secte de scientologie, avaient eu l'audace de mettre en garde leurs collègues du Conseil de l'Europe contre cette dangereuse atteinte à la liberté religieuse etc.

Les parlementaires du Conseil n'ont pas cédé. C'est tout à leur honneur.

Désormais, avec la recommandation 134 de la Commission des Libertés de l'union Européenne, les nations démocratiques ont fixé les limites à ne pas franchir par les adeptes et les groupes du nouvel obscurantisme sectaire.



  Japon : Secte AUM

Une secte japonaise financée par le business informatique


ZDNet France ,7 juillet 1999, par Frédéric Ploton.

[Texte intégral]

La police japonaise a réalisé un coup de filet chez un constructeur de PC lié directement à la secte Aum Shinri Kyo (également connue sous le nom de Vérité suprême), a révélé l'agence de presse Kyodo news. Le nom de la société n'a pas été communiqué mais Kyodo news indique qu'un fidèle de la secte, âgé de 32 ans, a été arrêté dans le cadre de ce raid.

Cette action s'inscrit dans une vaste opération visant à mettre au jour 23 sociétés qui ouvrent, au-delà de leur activité écran, pour le redéploiement de la secte dans l'archipel. Cette dernière avait été partiellement démantelée à la suite de l'attentat au gaz Sarin dans le métro de Tokyo en mars 1995 (12 victimes), et l'arrestation de son gourou Shoko Ashara.

Selon un rapport publié par les services secrets japonais, le millier de fidèles subsistant aurait réussi à réouvrir depuis 1997 une dizaine de "départements", cinq délégations régionales et un centre d'entraînement. Un nouvel essort financé en partie par le business informatique de la secte. La police japonaise estime en effet à 58 millions de dollars (350 millions de francs) les revenus provenant de cette activité en 1998.

En détention préventive depuis 1995, Ashara n'a toujours pas été jugé.



  France : Horus

Un an de prison pour le gourou d'Horus

Le Parisien, 8 juillet 1999.

[Texte intégral]

Deux ans de prison dont un ferme : la cour d'appel de Grenoble a confirmé, hier, la peine infligée en première instance par le tribunal correctionnel de Valence à l'encontre de « Maïté », le gourou de la secte Horus.

Marie-Thérèse Castano, 54 ans, et trois autres responsables de la communauté drômoise étaient poursuivis pour avoir laissé mourir sans soin deux des leurs ou refusé un traitement approprié à deux enfants malades. La cour, qui rendait son arrêt en délibéré, a confirmé toutes les peines. Elle a en outre délivré un mandat d'arrêt à l'encontre de Maïté et Juliette Boillon, médecin de la secte, qui n'étaient pas présentes au prononcé du jugement. Me Jean-Pierre Joseph, avocat de Maïté, a déclaré que sa cliente n'avait pas l'intention de se pourvoir en cassation.



  France : Horus

La gourelle d'Horus ira en prison

France-Soir, 8 juillet 1999 par Serge Thomas.

[Résumé]

Le 7 juillet dernier, la Cour d'appel de Grenoble a confirmé les peines requises en première instance contre la gourelle et plusieurs adeptes, pour avoir laissé mourir sans soin deux membres de la communauté, et refusé un traitement médical et des vaccinations à des enfants. Soit deux ans de prison dont un avec sursis contre Maïté Castano et un médecin, assorti d'une amende de 30 000F pour la gourelle. De plus, la présidente du tribunal a  délivré un mandat d'arrêt l'encontre des deux femmes. Des parents ont également été condamnés à des peines de prison avec sursis pour avoir refusé un traitement médical à leurs enfants. Un couple en fuite, condamné à un an de prison ferme en première instance, est sous le coup d'un mandat d'arrêt.


Résumés des 3 affaires judiciaires

Cour d'Appel de Grenoble, 07.07.1999, confirmation des condamnations prononcées par le Tribunal Correctionnel de Valence :



  France : Contre-Réforme Catholique

 Quarante-deux enfants renvoyés dans leur famille

Le Parisien, 10 juillet 1999, par Frédérick Colas.

[Extrait]

Le camp de vacances était géré par une secte - Vannes (Morbihan)

C'est un  très beau manoir boisé du XVIIe siècle. Sur la grille d'entrée, un simple papier : « Par décision  préfectorale, le camp Notre-Dame-des-Enfants est  fermé à compter du 8 juillet à minuit. » Plus loin, dans le parc, des tentes blanc et bleu et des vélos entassés  témoignent de l'activité de cette propriété.Quarante-deux mineurs ont été rapatriés vers Troyes ou renvoyés à leurs parents jeudi sous le contrôle de gendarmes.

Quatre-vingt-quatorze enfants résident encore dans le parc du château, mais avec leurs parents, seule condition pour qu'un tel camp puisse exister sans le contrôle de l'Etat. « Il y a des règles à respecter applicables par tous et cette décision est une façon de le rappeler au début de l'été », indique Serge Agrecke, le directeur départemental de la Jeunesse etdes Sports du Morbihan, qui se défend de tout débordement « laïcard ». La liste des infractions constatées au camp Notre-Dame du château de laBeraye à Caden est longue. Dans ce centre géré par la Communauté du Sacré-Coeur de Saint-Parres-lès-Vaudes, aucun diplôme parmi le personnel d'encadrement : la plupart sont des parents.

 Le camp n'était de surcroît pas déclaré et les cuisines hors normes. Reste qu'une fermeture définitive, la première de la saison en France, est une sanction rarissime.



  France : Contre-Réforme Catholique

 Classée secte par un rapport parlementaire

L'Est Républicain, 10 juillet 1999, par Patrick Perotto.

[Texte intégral]

Le camp de vacances privé de Caden, qui hébergeait 136 enfants, a été fermé mercredi en raison de "graves irrégularités".
Fondée par l'abbé Georges de Nantes, âgé aujourd'hui de 75 ans, la communauté du Sacré-Coeur ou communautés des petits frères et petites soeurs du Sacré-Coeur, est implantée à une vingtaine de kilomètres de Troyes, à Saint-Parres les Vaudes depuis 1971 quand les premières moniales ont été accueillies à la Maison Sainte-Marie.

Cette communauté a été considérée comme un mouvement sectaire par le rapport de la commission parlementaire sur les sectes. Elle est plus connue sous le nom de Contre-réforme catholique. Née en 1970, celle-ci est une association loi 1901 et dispose d'une antenne au Canada.

L'abbé de Nantes est un farouche opposant au concile Vatican II, qui a été suspendu " a divinis " dès 1966, bien avant Mgr Lefebvre. Il célèbre la messe selon Saint-Pie V et défend une vision très traditionnelle de la société, avec des convictions politiques très affirmées.

Une véritable industrie

Ses discours ont pour but d'exhorter les fidèles à se joindre à la " grande croisade contre-révolutionnaire ". C'est pourquoi, pour lui, " le fascisme est une réaction de salut contre la démocratie parlementaire et le péril bolchévique ". Véritable gourou, pour qui " un jeune phalangiste (NDLR : il appelle ainsi ses fidèles) ne se marie pas sans mon avis " (" La morale phalangiste cassette " de Georges de Nantes). Les camps, selon des témoignages, servent à culpabiliser des enfants à partir de sept ans.

Les ressources de l'association proviennent essentiellement des dons des fidèles, mais aussi des produits vendus par les maisons Saint-Joseph et Sainte-Marie, véritables maisons d'édition et industrie audio-visuelle.

La Société civile immobilière montée par l'abbé de Nantes est particulièrement prospère.

[Commentaire de Mathieu Cossu]
Cet article reprend, en partie, le précédent, mais  pour la CRC et Monsieur l'Abbé de nantes," bis repetita placent" !



  France : Ordre du Temple Solaire

Les experts visés

 L'Express, 15 juillet 1999, par François Koch.

[texte intégral]

La famille Vuarnet, touchée par le suicide collectif de 1995, s'en prend à deux spécialistes

Petit coup de théâtre dans la discrète instruction que mène le juge grenoblois Luc Fontaine sur le massacre de l'Ordre du temple solaire (OTS) qui fit 16 morts, le 16 décembre 1995, dans le Vercors. L'ancien champion de ski Jean Vuarnet (dont l'épouse et un fils périrent au cours de ce «transit»), son fils Alain et deux autres parties civiles ont porté plainte contre les deux experts judiciaires Jean-Marie Abgrall et Jean-Luc Chaumeil.

Ce dernier, écrivain-journaliste spécialiste des mouvements templiers, est notamment accusé de complaisance à l'égard du mis en examen Michel Tabachnik, chef d'orchestre franco-suisse et conférencier de l'OTS.

A Jean-Marie Abgrall, expert psychiatre près la Cour de cassation et membre de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes, il est surtout reproché de tenter d'influencer l'enquête au travers de son dernier livre (Les Sectes de l'apocalypse, Calmann-Lévy).

Le magistrat grenoblois devrait boucler son instruction à l'automne prochain.



  France : Secte Tournesol

Une fourmi au plafond

 Charlie Hebdo, 21 juillet 1999, par Renaud Marhic.

[Résumé]

Fondée en 1982, l'association Tournesol de Barlieu (Cher) avait amassé des sommes considérables pour "l'accueil des petits orphelins des pays martyrs", grâce à la contribution de 500 donateurs, essentiellement en provenance de la bourgeoisie locale. Mais en février 1998, trois anciens adeptes ont dévoilé l'arnaque : les orphelins sont en fait les propres enfants des dirigeants de cette secte.

Drôle de petit monde que cette communauté : la fondatrice, Sophie Gibas, 51 ans, se présentait comme une "petite enfant polonaise" qui "portait les stimates du Christ", et sujette à des "apparitions de Jésus ou de la Vierge", voire de "Dieu le Père"... Pour se soigner, elle avale des tartines de fourmis, arrosées de sang ponctionné sur l'âne qui broute dans le parc...

En mai dernier, les dirigeants ont été mis en examen pour les chefs suivants : détournement de fonds, abus de confiance, faux et usage de faux en documents d'état civil, et même subtistution d'enfant (Gibas a déclaré à son nom le bébé d'un de ses adeptes). Depuis, les dirigeants ont pris la fuite vers la Pologne...


  Chine : Falungong

Pékin se verrouille contre la secte

Libération, 27 juillet 1999. Par Caroline Puel.

[Texte intégral]

Pékin de notre correspondante.

Un énorme dispositif policier filtre les accès, de peur d'une manifestation.

La capitale chinoise reste sous très haute surveillance, alors que la campagne de répression contre la secte Falungong se poursuit. Dans tout le centre ville un impressionnant dispositif policier garde désormais étroitement les accès au quartier de Zhongnanhai, où se trouvent les hauts dirigeants, ainsi que les principales avenues et grands magasins. Tous les accès routiers vers la capitale sont également filtrés, par des points de contrôle policiers, les voitures transportant un nombre important de passagers, ainsi que les bus étant systématiquement arraisonnés et les voyageurs interrogés. Même opération dans les gares les plus « sensibles ». Plus de cinq mille personnes ont été arrêtées depuis la semaine dernière, retenues dans des stades ou écoles avant d'être renvoyées à leur domicile.

Les autorités chinoises, qui ont interdit la secte Falungong, le 22 juillet, redoutent en effet que ses adeptes ne viennent une nouvelle fois en masse protester devant le gouvernement central. Cette secte millénariste, qui trouve ses racines dans la grande tradition chinoise du « qigong », la maîtrise de l'énergie intérieure par des exercices de respiration, avait révélé son importance le 25 avril, en organisant un rassemblement silencieux de plus de dix mille membres qui avaient entouré Zhongnanhai pendant toute une journée, prenant par surprise toutes les forces de sécurité. C'est la capacité de rassemblement de cette secte, qui revendique 80 millions de membres en Chine, même si la police chinoise n'en compte officiellement que 2 millions (le chiffre réel se trouve sans doute autour de 20 millions d'après les spécialistes), qui a provoqué cette décision des autorités après plusieurs semaines d'enquête et de mises en garde auprès de ses membres.

Depuis son interdiction formelle jeudi, la propagande a déclenché une énorme opération dans tous les médias pour discréditer le gourou de la secte, Li Hongzhi, 48 ans, qui vit en exil aux Etats-Unis, et exhorter les adeptes à renoncer à ces pratiques. La télévision chinoise a ainsi montré des scènes d'inquisition moderne au cours desquelles des « repentis » remettaient à la police les livres et cassettes vidéo réunissant l'enseignement du gourou. Leur vente est désormais interdite dans tout le pays.

Les personnes arrêtées doivent également abjurer leur appartenance à la secte avant d'être relâchées et les quelques dizaines de dirigeants et coordinateurs du mouvement risquent des peines de prison pouvant aller jusqu'à dix ans de détention, laissent entendre des sources dans les milieux judiciaires.

Hier, le parti communiste a appelé une nouvelle fois ses cadres à quitter la secte. L'une des raisons de la nervosité du pouvoir à l'égard de Falungong est que la secte a séduit non seulement des retraités et laissés-pour-compte du système, mais aussi un nombre impressionnant de fonctionnaires, membres du parti, intellectuels et militaires, constituant ainsi un réseau souterrain, intolérable dans ce régime de parti unique, même si le gourou Li Hongzhi et tous les membres de la secte se sont toujours défendus d'avoir la moindre ambition politique. Dans sa campagne de propagande, le régime mise sur un abandon de la secte par la plupart de ses membres, mais son interdit pourrait bien pousser les plus convaincus à poursuivre leur pratique en secret.



  France : Intégrisme religieux

La gendarmerie recherche 32 scouts ayant quitté la Dordogne sans laisser d'adresse

 Associated Press, 29 juillet 1999.

[Texte intégral]

PERIGUEUX -- La gendarmerie et les fonctionnaires du ministère de la Jeunesse et des Sports tentent depuis deux jours de localiser 32 scouts de la troupe ``La Rochejaquelin'' qui ont quitté leur camp installé depuis mi-juillet à Savignac-Lédriller (Dordogne) sans laisser d'adresse.

Les scouts ont disparu que le camp a reçu la visite des gendarmes et des inspecteurs de la Jeunesse et des Sports. En effet, le camp avait été installé en infraction car il n'avait pas été déclaré par ses dirigeants. La troupe, proche des milieux intégristes, n'est pas affiliée à l'une des fédérations de scoutisme reconnues par les pouvoirs publics. En conséquence, le personnel d'encadrement est dépourvu des diplômes exigés par l'administration.

Comme les jeunes garçons, âgés de 12 à 17 ans, avaient l'intention de remonter à La Sauve (Gironde), les recherches se poursuivent dans ce département.



  France : Anthroposophie

Votre argent pue la secte

Charlie Hebdo, 29 juillet 1999, par Xavier Pasquini.

[Extraits]

Chez Bull, les comités d'entreprises placent leur argent auprès de la NEF (Nouvelle Économie Fraternelle), masque économique de la secte Anthroposophie.

« L'harmonisation » des gogos

En septembre 1995, Traverses n° 1, journal du comité d'entreprise de Bull à Louveciennes (Yvelines), annonce son projet de placement de 2,4 millions de francs de réserve auprès de la NEF.

Toutefois, la mobilisation opportune de 500 salariés signataires d'une pétition permet alors de bloquer le projet de Louveciennes.  Les élus CFDT d'Échirolles et de Massy  pour justifier leur choix, expliquent que, grâce à la NEF, le CE de Massy a participé au redressement financier du journal La Rue, à l'ouverture d'un « supermarché bio » à Paris, etc.

 Jean Semard, le président du CE d'Echirolles, informe que 300.000 F ont bien été investis dans un fonds commun de placement de la Fondation France Active, mais il conteste le lien entre la NEF et la secte et précise par e mail  : « Sans préjuger des actions juridiques que nous serions amenés à entreprendre pour rétablir la vérité des faits, je peux affirmer que le CE d'Échirolles n'a aucun lien ni aucune relation avec la NEF, n'a entrepris aucune action avec cette structure et n'en prévoit aucune. Le CE d'Échirolles a investi 300.000 F dans le fonds commun de placement France active destiné à soutenir l'emploi. La NEF, ne participe ni de près ni de loin à l'administration de ce fonds. »

 Un trac d'Avenir syndical Bull  rappelle la tenue d'une réunion le 2 décembre 1994 à laquelle participaient Benoît Granger, responsable de Fondation France Active, et Henry Nourit, président de la NEF. Dans le compte rendu, Michel Lebailly (élu CFDT) indiquait que « la NEF et la FFA travaillent en complémentarité et non en concurrence [...], l'éloge de la NEF nous étant fait par Benoît Granger (FFA ) ».

Trois jours plus tard, Jean Semard baisse le ton et envoie un autre texte qui dit exactement le contraire : « Les projets financés par France activité dans le secteur de la promotion de l'emploi sont multiples et la NEF figure effectivement parmi les projets qui ont été financés par France Active. » Cela fait désordre...

La secte s'occupe des âmes et des portefeuilles.
Le dernier rapport sur les sectes signale que la Société financière de la Nouvelle Économie fraternelle avait en 1994 un capital social de 9,3 millions de francs, un encours d'épargne de 13 millions de francs pour les comptes à terme et de 10 millions de francs pour les livrets.
Pour les parlementaires, « la technique de "la fraternisation financière" consiste à convaincre les adeptes de placer leur argent dans un organisme spécialisé dans l'octroi de prêts à des projets [...] qui ne trouveraient pas leur financement dans le circuit bancaire normal ».

Les sectes et notamment l'Anthroposophie, sortent « de leur cadre pseudo-religieux pour investir les secteurs économiques à leur portée : l'éducation, la santé, la formation professionnelle ». En France, une trentaine d'écoles se réfèrent à la pédagogie de Rudolf Steiner.

Pour ses activités thérapeutique, la secte regroupe des médecins au sein de l'Association médicale anthroposophique de France. Cette médecine ne demande pas l'abandon de la médecine traditionnelle. Cependant, le rapport relève que dans des cas « de leucémie, de troubles neuroleptiques ou de cancer du sein, [...] on avait arrêté le traitement médical pour [...] soigner exclusivement avec des poudres ayant subi des "manipulations spirituelles", des massages des tisanes et... le port du maillot de corps en soie susceptible de guérir le cancer ». Argent, éducation, santé : l'Anthroposophie a réponse à tout...