6. Techniques de manipulation mentale - Premiers mois


 
 
 
 

Question manipulation mentale, les scientologues sont experts. Ils disposent de tout un arsenal de gadgets et de techniques composant la "Tech" mise au point par Ron Hubbard.
 
 
 
 
 

L'intervention de mon père fut un échec car, même dans les premiers mois, les techniques de manipulation mentale avaient étées appliquées sur moi sans que je m'en rende compte. Voici quelques- unes de ces méthodes d'endoctrinement.

Langage ésotérique:

En tant que nouvelle arrivante, j'ai été initiée à un langage totalement nouveau, la "nomenclature de la Scientologie", comme Hubbard aimait à l'appeler. Voici quelques termes ou phrases que j'ai dû apprendre, et qui étaient destinés à me manipuler comme les autres:

- "Q&A": Défini comme une incapacité à achever un cycle d'actions, à terminer ce qui a été entrepris. L'emploi de Q&A était aussi une façon d'interdire de discuter un ordre donné par un supérieur, ou d'empêcher d'exprimer un désaccord. Ce stratagème verbal permettait ainsi d'exiger d'obéir aux ordres donnés, aussi ridicules qu'ils puissent paraître. Par exemple, dans l'organisation maritime, les étudiants pour au cours d'audition classe VIII à Flag avaient l'ordre de passer par dessus bord leurs camarades en cas d'erreur d'audition. Si quelqu'un osait discuter cet ordre, en prétextant par exemple que Ron Hubbard déclarait qu'il ne croyait pas aux punitions, il lui était répondu "Ne faites pas Q&A, contentez-vous d'exécuter !" Cette personne risquait de se faire passer par dessus bord à cause de son Q&A.

Quelqu'un qui fait Q&A est quelqu'un qui, aux yeux de la Scientologie, s'interroge sur les intentions de Hubbard. Quiconque fait Q&A à propos d'un ordre est considéré comme une faible personne, incapable "d'achever un cycle d'actions". Le fait que cet ordre puisse être complètement ridicule ou irrationnel n'est jamais pris en compte. "Faites-le parfaitement !" C'était une phrase couramment employée dans la Scientologie, jusqu'à la nausée. Hubbard avait dit que "la suprême aptitude du Thétan est sa capacité à réaliser ses objectifs parfaitement" (Thétan est un terme scientologue pour désigner l'âme, l'esprit). Cette instruction était utilisée comme une excuse et une justification pour jeter les gens dans les plus horribles situations inimaginables. Par exemple, dans la Sea Org, une personne pouvait se faire retirer ses privilèges, perdre son grade, et être jeté au RPF (Rehabilitation Project Force, voir plus loin, ndt) tout en recevant cet ordre de la part du senior: "Faites-le parfaitement !".

A la fin des années soixante, quand Hubbard créa la Sea Org, certains membres étaient assignés à des postes de marin, bien que totalement inexpérimentés dans ce domaine. Ils reçurent l'ordre "Faites le parfaitement !" au beau milieu d'une tempête...

"NE FAITES PAS Q&A, ESPECE DE SP ! VOUS VOULEZ FAIRE UN BLOW OU QUOI ? CESSEZ CE NATTER DE PTS QUI PROVOQUE DU DEV-T, OU NOUS ALLONS DEVOIR EXTRAIRE VOS O&W AU COURS D'UN SEC-CHECK A L'E-METER AVANT DE VOUS ENVOYER AU RPF !"

- "Personne Suppressive" ou "SP": un SP est une personne hostile à la Scientologie, en particulier quelqu'un qui parle ou agit publiquement contre cette secte. Parfois, même des scientologues des plus hauts niveaux et qui font de leur mieux pour devenir de parfaits scientologues sont déclarées SP, pour diverses transgressions aux caprices de Ron Hubbard. Si un adepte quitte la Scientologie, il est automatiquement déclaré suppressif. Les SP n'ont plus le droit de recevoir des auditions, de prendre des cours de Scientologie ou de parler à un scientologue. Pour un membre de cette secte, se faire déclarer suppressif est pire que la sentence de mort. Hubbard a écrit un bulletin appelé "La personnalité antisociale". C'est davantage une littérature dirigée contre les parents, amis, ou associations de lutte contre les sectes, parce qu'il décrit en détail ce qu'est un SP aux yeux d'un scientologue, et parce qu'il explique que toute personne tentant d'intervenir risque d'être déclarée SP.

Selon Hubbard, le SP a commis dans son passé (y compris les vies antérieures) un crime d'une extrême gravité contre l'humanité. C'est la raison pour laquelle le SP doit être harcelé. Le SP est "prisonnier" de cet "incident de son passé" et fustige en permanence quiconque agit pour le bien (le bien étant évidemment la Scientologie !). Hubbard ajoute qu'un SP peut être très sympathique, mais qu'en dépit des apparences c'est un esprit misérable et torturé qui ne désire rien d'autre que détruire toutes les personnes autour de lui. Il n'y a aucun espoir pour sauver de telles personnalités. Les bons scientologues doivent "manier" les SP ou se "déconnecter" de tous ceux avec qui ils étaient en relation. Dans le cas de ceux qui ont quitté la Scientologie, le mot d'ordre est systématiquement "déconnecter". A cette époque, les adeptes devaient "déconnecter" de leurs parents si ceux-ci devenaient trop critiques ou impossibles à "manier". Mais cette pratique fut par la suite suspendue car Hubbard prétendait avoir développé la "tech" pour "manier" les membres en relation avec des SP. Ces membres étaient déclarés "PTS" (Potential Trouble Sources, Source Potentielle d'Ennuis). En fait, je crois que ce règlement sur la "déconnection" vis-à-vis des parents a été suspendue afin d'éviter de porter préjudice aux relations publiques de la Scientologie.

- "Overts/Withholds" ou "O/Ws": avec le phénomène O/W, Hubbard réussit brillamment à incorporer trois des huit critères de contrôle de la pensée décrits par Robert J. Lifton et employés par les sectes. Ce n'est pas seulement une partie du langage spécifique de la Scientologie, c'est aussi la principale technique de blocage de la pensée employée par les scientologues, qui se servent des auditions comme d'un moyen de contrôler et manipuler les gens. D'après Hubbard, quiconque se montre critique envers la Scientologie, qu'il soit un bon scientologue ou un adepte voulant quitter la Scientologie, dissimule des "crimes" non avoués. Un Overt est défini comme un "acte nuisible" et un Withhold comme un "refus d'avouer cet acte". On enseigne aux scientologues pratiquement tous les jours que s'il leur vient à l'esprit des idées critiques envers la Scientologie, ils doivent se demander quels Overts ils ont bien pu commettre contre la Scientologie. Si au cours d'une audition le patient exprime des propos critiques envers la secte, l'auditeur doit l'interroger immédiatement: "Qu'avez-vous fait ?". En général, cette méthode est assez efficace pour stopper les pensées critiques. On nous demandait, en tant qu'auditeurs, d'obtenir tous les éléments du passé du patient parce qu'une pensée critique n'est que le symptôme d'un crime non avoué. Chaque fois qu'une personne a envie de quitter la Scientologie, la première action entreprise est donc "d'extraire ses Overts et Withholds", c'est-à-dire dévoiler les actes nuisibles qu'il a commis contre la secte, et tout autres crimes que l'auditeur peut débusquer.

Ceci est réalisé avec le fameux contrôle de sécurité, ou "sec check", lui-même composé d'une série de questions conçues pour découvrir ses crimes. Cette procédure, comme toute les auditions scientologiques, est effectuée avec l'aide de l'Électromètre, ou E-meter, un appareil qui mesure la résistance électrique d'un PC tenant deux électrodes dans ses mains, l'appareil étant censé révéler ce qui se passe dans la tête du patient, un peu comme un détecteur de mensonges. Par exemple, cette question peut être posée: "N'as-tu jamais volé quelque chose à notre organisation ?" et l'aiguille de l'E-meter bouge. C'est censé indiquer que quelque chose dans la pensée de la personne est en rapport avec cette question. La personne répond, par exemple: "Un jour, j'ai volé un crayon". La même question est ensuite répétée et si l'aiguille réagit à nouveau, il lui est demandé d'en dire plus encore. La question est répétée jusqu'à ce que ce soit "propre", en d'autres termes jusqu'à ce que l'aiguille ne bouge plus. En audition normale, l'auditeur doit respecter le code d'Éthique, qui indique que l'auditeur ne doit pas juger son PC, l'invalider, ou se fâcher contre lui au cours d'une séance. Le code indique aussi que l'auditeur ne doit jamais révéler ce que dit un patient pendant la séance. Ce code n'est pas respecté dans le cas d'un "sec-check", car l'auditeur est amené à faire le maximum pour obtenir des informations. Quiconque veut quitter la Scientologie et exprime un tel désir est soumis à des heures, voire à des jours et des semaines de "sec- check" pour débusquer les crimes qu'il aurait commis contre la Scientologie. Des récentes affaires juridiques ont mis en évidence le fait que les informations révélées aux cours de ces "sec-check", et même au cours des auditions normales, ont été utilisées contre les adeptes qui exprimaient leur envie de quitter la Scientologie, et contre des ex-scientologues qui tentaient de dévoiler les méfaits de la secte.

Les informations soigneusement archivées pour chaque PC peuvent être utilisées pour faire de la propagande noire contre eux. Quand j'étais auditrice, je n'avais pas conscience de cela. Je croyais que les informations révélées par mon patient, et que je notais dans son dossier, restaient strictement confidentielles. En tant qu'auditrice, j'employais ces techniques de blocage de la pensée sur bon nombre de mes PCs. S'il leur arrivait d'exprimer une pensée négative envers la Scientologie, je devais immédiatement lui demander: "Qu'avez-vous fait ?".

Hubbard décrivait le phénomène O/W en détail, d'une façon qui me paraissait très sensée à l'époque. D'après lui, cela fonctionne ainsi: un individu commet un Overt contre un groupe. Cependant, l'être humain est fondamentalement bon, même le plus corrompu. Quand une personne commet un Overt, du fait qu'il est fondamentalement bon, il a donc le sentiment de devoir se séparer du groupe pour éviter de continuer de lui nuire. Cette idée de séparation rend la personne critique envers le groupe, ainsi il se persuade lui-même que le groupe est mauvais - et par conséquent, il se différencie de lui. A travers ces critiques, la personne justifie son envie de quitter la Scientologie, ou en termes de la secte, "faire un blow". Quand une personne cesse d'avoir des pensées critiques sur la Scientologie en se demandant quels Overts il a bien pu commettre, il élimine toute pensée négative envers Hubbard et la Scientologie. C'est un rempart efficace contre la capacité de juger rationnellement et objectivement la Scientologie, parce que toute pensée critique est écartée, peu importe qu'elle soit légitime. Si vous travaillez avec un membre déjà endoctriné, vous pouvez être certain que dès qu'un doute s'éveille en lui au sujet d'une information donnée par la secte, il se demandera lui-même quels Overts il a bien pu commettre, qu'il exprime ses pensées ou non.

- "Dev-T" (abréviation de "Developed Traffic"): ce terme signifie le désordre inutile qui entrave ou retarde la réalisation d'un objectif particulier, particulièrement un objectif scientologique. Je voulais devenir un auditeur et faire tout mon possible pour aider à clarifier la planète. Aller à l'université était considéré comme un Dev-T, donc j'ai abandonné mes études.

- "Natter" (abréviation de "Negative Chatter", bavardage négatif): le terme Natter s'applique évidemment quand il s'agit de bavardage négatif sur la Scientologie. Toute critique sur la façon dont fonctionne le groupe, est considérée comme un Natter, peu importe qu'elle soit fondée. J'ai souvent été accusée de faire du Natter quand je n'appréciais pas ce qui se passait et que je le disais franchement.

Tout ceci n'est qu'un aperçu de la terminologie employée dans le langage hermétique de la Scientologie. Pour une liste plus complète, je suggère de regarder dans un dictionnaire scientologue et de discuter avec un ex-adepte sur la façon dont ces termes sont employés pour asservir les gens.


chapitre 7/28: Aliénation du monde extérieur

Mes neuf vies dans la Scientologie: SOMMAIRE