14. L'internat d'auditeur Flag


 
 
 
 
 
 

L'un des nombreux documents de propagande interne, dont l'imagerie grandiose et pompeuse est caractéristique du style de la Scientologie.
 
 
 
 
 
 
 

Peu après avoir reçu mes premières instructions, je fus emmenée dans la salle des cours d'internat et présentée au Superviseur, une femme sévère et collet monté d'environ 35 ans, au visage pâle et couvert de taches de rousseur, aux cheveux bruns clair coiffés en queue de cheval. Elle souriait rarement et je ne me rappelle pas une seule fois l'avoir entendue rire.

La vie à Flag était une affaire extrêmement sérieuse. Il y avait des écriteaux sur les murs de la salle de classe affichant une citation du genre (je ne me rappelle plus des termes exacts) "La seule chose que j'attends, c'est la perfection", rédigés par Ron Hubbard. Nous consacrions notre temps à étudier les cours, faire des TRs, et auditer des Préclairs. Il y avait 10 à 15 internes comme moi, sur le bateau, qui venaient d'Orgs extérieures pour s'entraîner à un haut niveau d'auditeur Flag, avant de retourner dans leurs Orgs respectives.

Nos journées étaient longues, de 8 h 30 à 22 h 30. Si nos "stats" augmentaient - en d'autres termes si nous avions des résultats corrects - nous avions droit à une journée de repos toutes les deux semaines. Chaque matin, tous les internes et auditeurs se rassemblaient pour l'appel et nous récitions à l'unisson les différents préceptes de "Comment faire en sorte que la Scientologie continue de fonctionner", d'après une circulaire signée Ron Hubbard:

1. "Avoir la technologie correcte"
2. "Appliquer la technologie correctement"
3. "Éliminer l'existence de la technologie incorrecte"
4. "Fermer la porte à toute possibilité de technologie incorrecte"
5. "Fermer la porte à toute application incorrecte"
Dans la même lettre de règlement, Hubbard dit: "Nous sommes dans un univers très dur, et seuls les tigres peuvent survivre". A Flag, j'allai effectivement apprendre très vite ce qu'était un univers très dur. Chaque jour, on nous assignait des Préclairs - généralement des membres du personnel - à auditer. Depuis que j'étais OT III, certaines personnes que j'avais auditées se situaient dans la plus haute hiérarchie. Une des premières personnes que j'ai auditées était une femme sympathique d'une cinquantaine d'années, qui se trouvait sur le bateau depuis la fin des années soixante.

PASSÉS PAR DESSUS BORD SUR ORDRE DE RON HUBBARD !

Tout ce que racontait un PC était noté, séance par séance, puis archivé. Ma première tâche, quand on m'assignait un PC, consistait à étudier les archives d'audition de cette personne afin de me familiariser avec son cas. L'une d'entre elles était arrivée à bord du navire à la fin des années soixante, à un moment où sévissait une discipline très stricte. A l'époque, tout auditeur commettant une erreur était passé par dessus bord dans la mer très froide, sur l'ordre de Ron Hubbard. Cette femme avait elle-même subi ce triste sort, c'était enregistré dans ses archives. Depuis, elle devait traiter son traumatisme humiliant au cours de ses séances d'audition. Encore une fois, j'étais complètement écoeurée par le fait que Ron Hubbard puisse donner un tel ordre, mais je ne me permettais pas à moi-même d'y réfléchir. Avoir une pensée critique au sujet de Hubbard était considéré comme un crime majeur. Je fus cependant rassurée d'apprendre que cette pratique de passage par dessus bord fut finalement abandonnée, à cause de sa mauvaise image auprès du personnel local.

En 1973, nous n'étions plus jetés à la mer, mais d'autres moyens avaient été mis au point pour nous punir et nous humilier si nos auditions laissaient à désirer. Si un PC avait un mauvais rapport d'examen, en d'autres termes pas d'aiguille flottante sur l'Électromètre (voir plus haut ma description du procédé d'audition), l'auditeur était systématiquement blâmé. L'auditeur devait revoir les notes des cours précédents pour déterminer ce qui avait été mal compris. Il était impensable de remettre en cause le procédé d'audition. Par définition, la "tech" de Ron Hubbard "fonctionne toujours". Si les résultats n'étaient pas corrects, ce ne pouvait être que de la faute de l'auditeur - et éventuellement celle du Superviseur des Cas - mais jamais celle de la tech, puisque la tech a été créée par Ron Hubbard, et Ron Hubbard ne commet jamais d'erreur. Dans le cas d'un mauvais rapport d'examen, la fiche était marquée en rouge, et le PC devait reprendre son audition dans les 24 heures afin de rattraper l'erreur commise. Si un auditeur néglige trop souvent son travail, ou si LRH ou n'importe qui d'autre est mal embouché, l'Éthique est appliquée, ou pour parler plus simplement, l'auditeur est puni.

NOUVELLES TROUVAILLES DE RON: LES "CONDITIONS D'ÉTHIQUE"

Un des moyens de punir un auditeur ou tout autre membre du personnel est de le mettre en basse condition d'Éthique. Tous les membres se voyaient assignés à une condition d'Éthique spécifique chaque semaine, en fonction de leurs résultats. Leurs performances étaient mesurées sous forme de statistiques ("stats"). Par exemple, les statistiques, ou performances, d'un recruteur pouvaient être le nombre de personnes qu'il avait amenées dans les locaux de l'Org durant la semaine; celles d'un auditeur, le nombre d'heures d'audition effectuées avec succès. Les statistiques d'un membre se devaient d'augmenter chaque semaine. Si elles augmentaient, il accédait à une condition supérieure, telle que Opération Normale, Affluence ou Puissance, et se voyait attribué des privilèges comme un jour de détente toutes les deux semaines. Si ses statistiques étaient en baisse, il était placé dans une condition inférieure, telle que Urgence, Danger, Non-Existence, ou pire encore.

Chaque condition présentait une peine sévère à appliquer. Toute personne intégrant un nouveau poste était considérée comme en condition de Non-Existence et devait suivre les instructions suivantes:

1. Trouver une ligne de communication
2. Se connaître soi-même
3. Se renseigner sur ce qui est nécessaire et demandé
4. Le faire ou le produire
Dès que ces objectifs étaient atteints, la personne grimpait d'un niveau de condition jusqu'à ce qu'elle atteigne le niveau Opération Normale ou plus. Si les agissements d'une personne étaient perçus comme nuisibles par le groupe, elle descendait à un niveau plus bas que Non Existence. Dans l'ordre décroissant, il s'agit de: Risque, Doute, Ennemi, Trahison et Confusion. Et la peine appliquée à ces conditions est du genre: la personne doit effectuer un travail supplémentaire durant son temps libre (c'est-à-dire aux heures des repas ou de sommeil) pour se racheter. A Flag, il était très fréquent de se voir assigné à une basse condition - en particulier les auditeurs et le personnel travaillant directement pour LRH.


chapitre 15/28: Le Commodore à bord

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