Europe de l'Est

Ananda Marga met la main sur des orphelins roumains

(Source : BULLES du 2ème trimestre 1996)

 

BULLES a souvent eu l'occasion de montrer comment des organisations "sectaires " s'introduisent sous des masques divers, séduisants au premier abord, et cela particulièrement dans les pays où elles ne sont pas encore connues. Le masque humanitaire est un des meilleurs exemples. Nous avons déjà décrit comment la Scientologie, en Russie, exploitait le malheur d'enfants de Tchernobyl, gravement atteints par les radiations, pour faire sa publicité, tout en les endoctrinant.
 
En Roumanie, une organisation très différente, d'origine indienne, ANANDA MARGA (1) a mis la main sur des orphelins, nombreux et en grande détresse dans ce pays. Le texte qui suit est le résumé d'une communication présentée par M. Gheorghe Samoila lors du séminaire du Dialog Center en juillet 1995 à Skade (Danemark).
Une traduction en allemand a été publiée dans la revue "Berliner Dialog" (N° 2, automne 1995).


Ananda Marga (en français : Le chemin du bonheur) est une secte hindouiste, fondée par Prabahat Ranjana Sarkar, comptable dans les chemins de fer indiens (né en 1921). La doctrine de Sarkar mêle les théories spirituelles et les buts socio-politiques : les systèmes actuels doivent être détruits et remplacés par la domination des Sadvipras (moralistes). Autres noms : PROUT (Progressive Utilisation Theory), RU (Renaissance Universal), ... Sarkar est révéré par ses disciples sous le nom de Sri Sri Anandamurti. Il fait pratiquer le yoga tantrique. La structure de la secte est très hiérarchisée et autoritaire ; elle exige la stricte observance de pratiques indiennes. En France, ANANDA MARGA s'est installée dans des ferries sous prétexte d'agriculture biologique; certains jeunes recrutés ont été emmenés en Suède; la secte n'a guère fait parler d'elle depuis plusieures années et elle n'est pas mentionnée dans le Rapport de la Commission parlementaire, mais elle existe toujours.


Le paysage roumain des sectes

Jusqu'à la chute du communisme en 1989, seules étaient actives en Roumanie des sectes issues du protestantisme ou de l'orthodoxie. Confrontées à une persécution rigoureuse, celles-ci (par exemple les Témoins de Jéhovah, l'Armée de Dieu et quelques "nouvelles sectes") agissaient dans le secret. Une exception : la Méditation Transcendantale, apparue dans les années 80, avait recruté au sein de l'intelligentsia roumaine ; elle a été interdite par Ceaucescu lui-même. Aujourd'hui, les sectes prospèrent en Roumanie. Nous pouvons y rencontrer toutes les organisations venues de l'Ouest ou par l'Ouest, plus quelques autres : dissidences de l'église orthodoxe roumaine, annonçant une apocalypse imminente. Mais nous ne disposons actuellement d'aucune statistique sur le nombre de ces organisations ni de leurs adeptes, ni sur leur répartition sur le territoire roumain.

Ces organisations opèrent dans notre pays sous le couvert d'associations culturelles ou charitables, déclarées et protégées par la loi. Les dirigeants de ces associations proposent des secours, des séminaires philosophiques, des rencontres culturelles, etc. Beaucoup de ces activités se déroulent dans des Universités, des Maisons de la Culture ou dans des salles prestigieuses. Si la nouvelle Constitution roumaine garantit à chaque citoyen le droit de s'associer pour créer et pratiquer la religion de son choix, cette liberté n'est pas assortie du droit de s'informer sur qui est une secte; du moins les citoyens n'ont-ils aucun moyen d'en user. Financées de l'étranger, les sectes ont envahi le marché du livre, avec des titres aux prétentions universitaires. Les Roumains sont spécialement attirés par les sectes indiennes, les écoles de yoga qui font leur publicité dans la presse, à la radio et la télévision, privée ou publique. Il n'existe en Roumanie aucun moyen d'information sur ces groupes, en dehors de leur
propre publicité.
 
Même si on ne peut actuellement parler d'une explosion, ce n'est pas un motif de satisfaction. Les mouvements les plus connus sont la Méditation Vipassana, Ananda Marga, Hare Krishna, Sathya Sài Baba, Sri Chinmoy, SahajaYoga (Nirmala Devi), ainsi que la Dianétique-Scientologie, les Témoins de Jéhovah, la Famille (ex - Enfants de Dieu), le troupeau de Saint Élie, l'Évangile de la prospérité, les Mormons et d'autres.

Main-mise sur les orphelins

Les conditions de vie atroces dans les orphelinats roumains ont été révélées après 1989, mais le nombre d'enfants abandonnés ne diminue pas. En décembre 1989, de nombreuses organisations étrangères ont offert leur aide en faveur de ces enfants ; toutes, sans distinction, ont été reconnues officiellement par le gouvernement. Parmi elles : AMURT-Suisse ("Ananda Marga Universal Relief Team", Équipe universelle de secours d'Ananda Marga), reconnue le 24 juillet 90 par décision du Tribunal de Bucarest (N° 1920) sous le nom d'AMURT-Roumanie. Une lettre officielle du 10 mai 94 a autorisé AMURT-Roumanie à diriger deux écoles (avec internats) à Domnesti, non loin de Bucarest, et à Panatau (district de Buzau) ainsi que deux jardins d'enfants à Bucarest, dont l'un s'appelle "Aurore".

L'Affaire Josif Mina

En décembre 1993, la Ligue Roumaine pour la Défense des Enfants (LDCR) a révélé que Josif Mina,un jeune garçon atteint d'hépatite chronique, qui était soigné dans un hôpital public de Iasi, avait été transféré à l'orphelinat d'AMURT à Panatau. Selon la LDCR, le transfert avait été opéré illégalement, à l'aide de documents falsifiés et grâce à quelques pots-de-vin versés à des fonctionnaires par des adeptes roumains d'Ananda Marga. La LDCR a protesté auprès des autorités compétentes, et entrepris une enquête sur le cas de Josif Mina, ainsi que sur AMURT et Ananda Marga en général. Cette enquête a révélé que le traitement du jeune malade avait été supprimé et remplacé par des soins "holistiques", dits aussi "homéopathiques", associés à un régime strictement végétarien. Et surtout, il était obligé de participer à des séances de "méditation tantrique".
 
Plusieurs membres de la LDCR se sont rendus à l'improviste dans un jardin d'enfants d'AMURT. Ils y ont trouvé plus de vingt-cinq enfants de moins de sept ans, assis par terre en cercle, en posture de yoga, fixant la flamme d'une bougie et répétant un mantra en sanscrit. Josif a confirmé qu'il était obligé de répéter des formules dans une langue qu'il ne comprenait pas. Maintenant, au bout de deux ans de ce régime, il est totalement inféodé à l'organisation AMURT et aux règles d'Ananda Marga. La méditation est obligatoire pour tous les enfants à partir de cinq ans. Pour donner le change, les orphelins de Domnesti sont emmenés le dimanche aux offices religieux orthodoxes à l'église du village ; certains sont même baptisés par le curé de la paroisse.

Ce que sont l'AMURT et Ananda Marga

Sur un plan général, la LDCR a réuni des informations sur Ananda Marga en particulier auprès de la police régionale de Zurich, en Suisse, des centres d'information du Dialog Center à Aarhus (Danemark) et de l'UNADFI à Paris. Elle s'est ainsi rendu compte qu'Ananda Marga est une secte dangereuse, dont le fondateur et chef a été condamné en Inde pour meurtres (lors d'un changement de majorité, il a réussi à se faire libérer "faute de preuves"), accusée de terrorisme international dans plusieurs pays. Un certain nombre de disciples se sont immolés par le feu. Le mode de vie est extrêmement réglementé et autoritaire, imposant de nombreuses pratiques de l'hindouisme le plus strict.

Une campagne d'information

À la suite des révélations du LDCR, une campagne d'information s'est développée dans une partie de la presse roumaine; la LDCR a informé l'UNICEF, le Conseil de l'Europe, le Comité des Nations Unies pour les Droits de l'Homme, ainsi que Défense des Enfants International à Genève, etc., en se référant à l'article 14, points 1 et 2, de la Convention des Nations Unies sur les Droits de l'enfant (liberté de pensée, de conscience et de religion). Entre autres, la presse a révélé que les affiches demandant de l'argent, en Suisse et en Allemagne, ne mentionnaient ni Ananda Marga, ni AMURT, mais étaient signées par une association "La Vie pour tous", qui n'existe pas. La photo de Josif Mina était exploitée pour la publicité de l'orphelinat de Panatau (Opinia, Iasi, 23 / 09 / 94 ; Romania libera, Bucarest, 07/09/94, etc.). Le 11 mars 95, la télévision nationale roumaine a diffusé la photo d'un membre d'AMURT, accusé d'escroquerie aux dépens de nombreux citoyens. Le commentaire ajoutait : " AMURT est une branche d'une secte dangereuse de terrorisme international ".

L'AMURT réagit

Les nombreuses révélations ont ralenti l'expansion d'AMURT en Roumanie. Mais cela n'est pas sans danger pour le petit groupe de citoyens qui a essayé de réagir.

P. Bhola Sha, patron d'AMURT en Suisse, a convoqué une conférence de presse en Roumanie. Tablant sans doute sur l'ignorance des Roumains, il s'est attaché à démontrer qu'AMURT ne fait pas partie d'une secte, mais n'a réussi qu'a faire rire le public (24 ore, Iasi, 31/10/94). À la suite de quoi, cette "association charitable" s'est mise à envoyer des lettres diffamatoires aux journaux et à diverses organisations, à la police, dénonçant de prétendues violences commises par la LDCR (Jurnalu national, Bucarest, 15/11/94).

En juin 94, AMURT a déposé une plainte contre la LDCR pour diffamation, réclamant des dommages et intérêts pour l'équivalent de 3.000 $, pour préjudice moral (somme énorme en Roumanie, où le salaire moyen équivaut à 60-80 $ par mois). Le procès est toujours en cours. AMURT s'est abondamment vantée de tout le bien qu'elle aurait fait en Roumanie, pour les orphelins, comme par ses cours de médecine "parallèle", y compris dans les Universités. Elle fait état de nombreuses lettres de remerciement venues d'Afrique (l'une est signée de Nelson Mandela !), de Russie, de Croatie, etc. Et, bien entendu, elle affirme respecter la liberté des enfants et les Droits de l'homme en général. Sachant qu'elle a beaucoup d'argent et peut par conséquent corrompre presque tout le monde, dans un pays pauvre comme la Roumanie, on comprendra aisément qu'il n'est pas facile de l'affronter, malgré tous les faits décrits plus haut. Nous n'avons pas en Roumanie de centre de recherche sur les sectes comme dans les pays d'Europe de l'Ouest. Nous nous sommes adressés à des associations d'autres pays, mais les réponses se font attendre. (Heureusement, la documentation transmise par l'UNADFI et le Dialog Center d'Aarhus, entre autres, nous a été très utile pour présenter le problème dans son ensemble).

Le danger des sectes

Il ne faut pas ignorer le danger que représentent les "sectes" pour l'avenir, si aucune information sérieuse n'est faite. Dans le cas d'AMURT, qui  ne voit que ces orphelins, soumis dès leur jeune âge au conditionnement exclusif d'Ananda Marga, privés de toute attache familiale, donc totalement endoctrinés, pourront être "lâchés" non seulement sur la Roumanie, mais dans d'autres pays pour pratiquer un recrutement intensif ? Craignons aussi que cette exploitation abusive du "charity - business" ne pousse les autorités roumaines à refuser toute aide pour les orphelins, alors que les besoins sont si urgents. Et n'oublions pas que derrière cette façade humanitaire, Ananda Marga a révélé son vrai visage en Australie, en Nouvelle Zélande, et ailleurs - et d'abord en Inde.
Gheorghe Samoila (IASI, Roumanie)
(Traduction et sous-titres de la rédaction de Bulles)

  

 
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