Sectes

Résumé de la situation en Russie jusqu'en 1997

par Alexandre Dvorkine, professeur et directeur du Dialog Center - Moscou.
 
(source : dossier du mois de Mars 1998 de l'ADFI)


Une forme de danger jusqu'alors inconnue dans un pays devenu libre

On entend souvent dire par les défenseurs des sectes que celles-ci s'améliorent et corrigent constamment leurs erreurs initiales. La plupart auraient dépassé  leurs débuts fanatiques (par excès d'un zèle de néophytes) et seraient maintenant devenues "respectables", "fréquentables", et en tout point comparables aux "anciennes" religions.

La plupart des sectes internationales sont arrivées en Russie après 1990 ; elle n'avaient aucun passé et pouvaient donc, fortes de leurs expériences antérieures dans d'autres pays, montrer qu'elles avaient vraiment changé. Or il n'en a rien été, au contraire : elles ont repris le modus operandi et le modus vivendi qu'elles avaient manifesté lors de leur début dans d'autres pays.

La nouvelle Russie post-communiste a mis longtemps à comprendre le danger posé par les sectes. Le régime communiste avait tout interdit. Le pendule s'est déplacé rapidement dans la direction opposée, et fort loin. L'opinion générale (dans les médias et le grand public) était toute spiritualité, tout ce qui se présente comme religion, est bon, et tous les chemins mènent à Dieu. Chaque citoyen possède le droit inaliénable d'adhérer à n'importe laquelle d'entre elles. On n'avait pas le moindre soupçon que la religiosité puisse être positive ou négative, qu'il existe des sectes dangereuses et même destructrices. En résumé : tous ce que les soviets avaient déclaré mauvais devenait automatiquement bon.

On admet généralement aujourd'hui que le communisme était fondamentalement un système quasi religieux, de nature sectaire. Lorsqu'il s'est écroulé, les gens ont essayé de remplir le vide ainsi créé à l'aide de quelque chose de nouveau. L'église orthodoxe était grandement affaiblie par soixante-dix ans de persécution, et il lui fallait du temps pour se reconstruire. Les nouvelles sectes ont trouvé bien des gens avant que l'église ne puisse les approcher.

Autre facteur : le passage de l'économie communiste, dirigée, à une économie de marché. Le marché devait résoudre tous les problèmes de la vie. Malheureusement, cette idée a été appliquée à la sphère religieuse. Beaucoup pensaient que nous avions besoin d'un libre marché, de compétition pour rendre vie à notre religion. Naturellement, tout ce qui venait de l'étranger était considéré comme meilleur que ce qui était russe. Les produits étrangers étaient jolis à regarder, agréables au  toucher et c'était vrai aussi en matière de choix religieux.

C'est dans ce contexte qu'a été votée la loi de 1990 sur la liberté de conscience. Le modèle était la loi américaine : toutes les religions étaient considérées comme égales sous tous leurs aspects. L'enseignement religieux a été interdit dans les écoles publiques. Pour être déclarée comme organisation religieuse, il suffisait de trouver dix personnes se déclarant membres de cette organisation, quelle que soit l'objet de leur culte.

Les sectes d'abord reçues à bras ouverts

C'est dans ce contexte qu'une armée de sectes étrangères totalitaires ont entamé leur campagne en Russie. Plusieurs ont été accueillies avec les honneurs royaux sous la perestroïka.

Moon reçu avec les honneurs

Sun Myung Moon est arrivé en 1990 en qualité d'invité officiel de M.Gorbatchev. Son arrivée avait été précédé de plusieurs articles de presse débordants de louanges pour son anti-communisme. Moon a rencontré tous les dirigeants politiques de l'époque et les gens les plus en vue des médias. La plupart de ces derniers avaient déjà fait sa connaissance lors de visite en Corée, toutes dépenses payées par Moon, ou aux USA. De nombreux députés au soviet suprême avait été invités par Moon aux USA et avaient même reçu de lui des cadeaux en dollars. Le journal le plus influent de la perestroïka, les Nouvelles de Moscou, a accepté un don de 100.000 $ de Moon. Tout cela laissait augurer pour Moon un bel avenir en Russie.

Aum

SHOKO ASAHARA (AOUM) a obtenu pour ses projets le soutien des échelons les plus élevés du pouvoir russe. Il a été reçu par le vice-président, Alexandre Rutskoî , et par le président du soviet suprême Rouslan Khasbulatov. Asahara a été spécialement patronné par le secrétaire du conseil de sécurité, Oleg Lobov, qui lui aurait vendu la formule pour la production du gaz sarin. La secte a eu droit à une heure d'émission quotidienne sur la radio nationale, plus un programme hebdomadaire à la télévision russe. Un nombre non négligeable d'entreprises appartenant à la secte ont été lancées sur le marché russe. A notre connaissance, elles sont toujours la.

Scientologie

La Scientologie à commencé la conquête de la Russie en 1997. Le premier pas : attirer plusieurs célébrités russes au moyen de Narconon, son prétendu programme de sevrage et de guérison des drogués. La secte elle-même est arrivé en Russie en 1991 ; elle a ouvert un centre de dianétique à Saint Petersbourg et à Moscou. En 1992 a été ouverte à l'école de journalisme de Moscou la salle de lecture de Ron Hubbard (universités d'Etat de Moscou), et cette université a décerné à Hubbard un doctorat posthume (le premier dans l'histoire de cette université!).

Début 1993 : présentation en fanfare de l'édition russe du livre "Dianétique", au palais des congrès du Kremlin. De nombreux exemplaires ont été envoyés à des députés au soviet suprême. Sergeï Stepatchine (futur chef du KGB, puis ministre fédéral de la justice) a porté Hubbard aux nues ; puis Rutskoï, alors vice-président, a embelli son interview à l'hebdomadaire Literaturnaia d'une citation du " grand écrivain et philosophe L. Ron Hubbard " ; avec l'aide de ces trois dignitaires (entre autres) la secte a commencé à se répandre rapidement.

C'est ainsi que les sectes ont commencé leur conquête de la Russie : l'amitié des médias, une opinion favorable à tout ce qui était occidental et "spirituel", et des accords intenses au sein du gouvernement, et la loi de leur côté.

N'importe qui pouvait venir en Russie avec un  visa de tourisme et commencer une campagne missionnaire pour fonder une nouvelle organisation religieuse. Au début, les groupes étaient anonymes, où se présentaient sous des noms fantaisistes ; on se présentait comme très proche de l'église orthodoxe, ou au moins en accord avec celle ; ou comme chrétien. Le résultat: le nombre de recrues augmentait de façon vertigineuse.

Premiers symptômes constatés pas des parents

Les premières réactions sont venus de parents qui se demandaient ce qui arrivait à leurs enfants : après avoir adhéré à ces religions inconnues auparavant, ils changeaient complètement, pour le pire ; ils devenaient, disaient-ils, des "Zombies".

Les parents, il faut le noter, n'avaient pas de préjugés au sujet de ce que les défenseurs des sectes veulent appeler les "nouveaux mouvements religieux" (NMR). Ses défenseurs prétendent que lorsqu' un fils ou une fille adhère à un nouveau mouvement religieux, les parents se précipitent vers des organisations anti-sectes ou vers des déprogrammeurs qui les épouvantent  avec des histoires de lavage de cerveau, de crime des sectes; les parents deviennent anti-sectes, provoquent leurs enfants, et la famille est détruite.

Ce scénario ne peut s'appliquer à la Russie ; quand les parents ont commencé à s'inquiéter, il n'avaient aucun accès à une information négative sur les "sectes destructrices". À l'époque, il n'y avait en Russie de médias anti secte, ni mouvement anti-secte, et personne n'avait jamais entendu parler d'un animal aussi exotique qu'un "déprogrammeur". Il n'y avait que des familles, souffrant de voir leurs enfants happés par Krishna, Moon, le "centre de la mère de dieu" où la "fraternité blanche" ; elles ont commencé à se renseigner, partager leurs expériences, et essayé de trouver des moyens de réagir.

La structure d'informations sur les sectes s'organise...

Ces parents cherchaient de l'aide, mais personne ne les écoutait, jusqu'à ce qu'il contactent l'église russe orthodoxe en 1992. À cette époque j'avais juste commencé à travailler avec le patriarcat de Moscou.  Mes supérieurs m'ont demandé d'aider les parents ; ils pensaient en effet qu'étant citoyen américain, ayant vécu, étudié, travaillé quinze ans aux USA, en Italie et en Allemagne, je serais le mieux qualifié pour cela. Pour finir, je suis arrivé à la conclusion que la composante la plus importante de la liberté de choix est la liberté d'information. Quand l'information est refusée, une personne ne peut pas faire un choix et vraiment s'informer. Donc, afin de préserver nos libertés, tout juste recouvrées, si précieuses, nous devons essayer de fournir au gens toute l'information concernant un groupe donné. Nous devons fournir au public les faits que les sectes cachent sur elles-mêmes. Cette idée, simple, est devenu la philosophie du centre d'information et de consultation Saint Irénée de Lyon, que j'ai fondé, auprès du patriarcat de Moscou.

... et le looby des sectes aussi !

Par comparaison avec les sectes, nous avions peu de ressources ; nous étions tout mentionnés ci-dessus. Leur force était multipliée du fait que beaucoup d'entre elles avaient passé une sorte de pacte mutuel, et que Scientologie, ISKCON (Krishna), l'Eglise de l'unification (Moon), la "Famille" (ex "enfants de dieu") et récemment les Témoins de Jéhovah, sans compter diverses autres, plus petites, ont commencé à en échanger des informations stratégiques. Leur coopération est vite devenue manifeste quand les premiers articles négatifs ont paru dans les médias russes. En réponse, les rédacteurs ont commencé à recevoir des lettres pratiquement identiques de protestation, jointes à des paquets de documents, de tous les groupes mentionnés ci-dessus.

Après ma première publication au sujet de la Scientologie, j'ai reçu la visite de Miss Birte Heldt citoyenne danoise, qui était alors directrice du " Centre humanitaire Hubbard " à Moscou. Bien qu'elle essayât d'avoir l'air aimable, le but principal de notre rencontre devînt vite évident : " Nous voudrions que vous sachiez que tout ce qui barre la route à la scientologie finit très mal " - " est-ce que vous me menacez ? " lui ai-je demandé." Non, c'est seulement un avertissement " a-t-elle a répondu.

Un mode de propagande adapté à la situation du pays

On aurait presque dit qu'il y avait un gentlemen's agrement intensif entre les sectes concernant leur sphère d'influence (il faut se souvenir que l'ensemble de la population, en Russie, est très pauvre ; les sectes qui cherchent le profit doivent inventer des moyens originaux pour y arriver, vu qu'elles ne pourront guère extraire d'argent de l'homme de la rue.

Secte Moon

Les moonistes travaillent d'abord dans les écoles publiques. Ils ont établi des relations avec le ministère de l'éducation, ils ont fait des séminaires pour les enseignants, dans des centre touristiques prestigieux  (il y a eu plus de 60.000 participants), ils ont réalisé et publié un manuel pour les lycéens, appelé " Mon monde et moi " (utilisé actuellement dans plus de 2.000 écoles russes, en violation de la constitution. Ils ont aussi essayé d'établir des liens avec l'armée. Il y a eu plusieurs réunions stratégiques et l'Eglise de l'Unification commencé à travailler à un nouveau manuel, " Le monde intérieur du soldat ", conçu comme un outil d'éducation morale et religieuse de base pour toute l'armée.

Scientologie

La Scientologie a pris pour première cible l'administration locale et l'industrie lourde (y compris militaire). Elle a pénétré dans ce domaine par le " Collège  Hubbard d'administration des entreprises " qui proposé d'introduire les seules méthodes efficaces d'administration et d'élever le niveau de productivité. Selon les publicités en langue russe présentées aux clients potentiels, les méthodes à Hubbard d'administration ("tech") sont utilisées par des multinationales prospères telles que : Volvo, Chanel, Boeing, Ford, general Motors, AGFA. En quelques années la Scientologie a réussi à convertir des gens comme Vladimir Fil, qui était alors maire de Perm ; Anatoly Boïtsev, président de la Douma régionale de la province de Novgorod ; et bien d'autres responsables locaux. Elle a aujourd'hui des bureaux dans plus de trente-deux villes russes. Elle est particulièrement forte à Moscou St Petersbourg, Perm, Novgorod, Ekaterinburg, Nijni-Novogorod, Ussolie-Sibirskoye, Kemerovo et Obninsk.

Dans bien des régions, les administrations locales ont été les fondateurs et les sponsors de collèges Hubbard locaux. Vladimir Fil a promis qu'il allait faire fonctionner toute sa ville conformément aux idées de  Hubbard en l'espace d'un an. Des collèges Hubbard ont été ouverts dans nombre d'usines militaires ultra secrètes dans l'Oural ; personne ne sait quelle quantité d'informations sensibles les scientologues ont réussi à collecter. Ils ont essayé de pénétrer dans l'industrie spatiale militaire, et ont établi des rapports avec de nombreuses banques et compagnies d'assurances. Certes, bien des entreprises où ils ont pénétré on commencé à avoir de sérieuses difficultés, et beaucoup ont finalement fait faillite.

Détail important: a un certain M.Theodorovitch, secrétaire et conseiller particulier du premier vice premier ministre de Russie, Boris Nemtsov, est diplômé du collège Hubbard de Nijni-Novogorod, scientologue confirmé. Les scientologues se sont donné beaucoup de mal pour entrer en relation avec le ministère de l'intérieur et pour introduire leurs programmes Criminon dans les prisons  russes, mais ils n'ont eu qu'un succès limité.

C'est dans le domaine de la santé que les six entre l'ordre ont remporté leur succès les plus spectaculaires. En août 1994, ils ont réussi à obtenir du ministère de la santé l'autorisation d'installer le "programme de purification" dans le système de santé publique de Russie, et ils ont aussitôt commencé à faire payer à leurs clients de 1.000 à 500 dollars chacun.

Autres sectes

La branche russe d'ISKON (Krishna) édifie activement un empire dans l'industrie pharmaceutique et alimentaire ("médecine ayurvedique"). Le programme " aliment de vie " reçoit des subventions publiques, ce qui leur fait beaucoup de publicité. Les témoins de Jéhovah recrutent surtout parmi la classe ouvrière et les paysans tandis que les églises du christ internationales (mouvement de Boston) concentrent leurs efforts autour des campus universitaires. Le centre de la Mère de Dieu a tenté de créer des liens avec le ministère de la défense, et à accès à plusieurs unités militaires.

Certains sectes sont localisées : ainsi "et l'église du dernier testament", dont le chef est un certain Vissarion (de son vrai nom de Sergeï Torop), qui se proclame la nouvelle incarnation du christ, a établi son centre en Sibérie du sud, tandis que "Livets Ord" (originaire de Suède), charismatique extrémiste, a inondé le nord-est de la Russie.

Un lobby pro-secte qui vise les pouvoirs publics

Ce ne sont là que quelques exemples. Il faut bien souligner que tous les groupes cités, et d'autres, cherchent activement à s'implanter au plus haut niveau du pouvoir, et qu'ensemble ils ont établi un lobby pro-sectes ayant de puissantes relations. L'un des membres les plus bruyants de ce lobby est Valéry Borchov, député à la douma et président de la chambre des droits de l'homme du conseil politique du président  russe. Son secrétaire particulier est  Lev Levinson, qui ne se cache pas d'être membre de la Scientologie. Autre membre très actif de ce lobby : Anatoly Pchelintsev, ancien procureur militaire de la division de l'ancien KGB de F.E Djerzinski. Aujourd'hui Pchelintsev se dit baptiste, et il dirige " l'institut de la religion et du droit "; cet institut n'est en fait qu'une toute petite entreprise privée financée par des dons. Étant donné la position pro-sectes militantes de M. Pchelintsev, nous pouvons deviner sans peine d'où viennent ces dons, pour la plupart. Si je mentionne cela c'est parce que le 18 septembre 97, il y a eu au congrès américain une réunion d'information ("hearing") sur " l'intolérance religieuse en Europe aujourd'hui ", avec la participation par M.Pchelintsev.

Il est un autre genre de personnes qui ont été recrutés activement par le lobby pro-sectes : les anciens professionnels de l'athéisme militant. La chute du communisme les a privés de leurs emplois lucratifs, et certains se sont retrouvés " experts en religion " au service d'intérêts sectaires, je n'en nommerai que deux, qui ont tous deux actuellement des situations comme conseillers du conseil de la fédération (la chambre haute de l'assemblée fédérale de Russie) : Sergueï Ivanenko et Mikhaïl Sivertsev. Ce dernier, nonobstant le fait qu'il est l'auteur de textes scientologues, a récemment annoncé la création d'un " centre de consensus chrétien " avec les objectifs suivants : " promouvoir l'intensification de réformes en Russie et créer une base spirituelle pour les réformes et la transition de la période de changement économique et politique dictée par le sommet vers une époque de développement organique en Russie, basée sur ses traditions et l'expérience de la civilisation mondiale. "

Un phénomène sectaire qui n'est pas irréversible

Nous constatons donc que l'absence de normes légales en la matière, et le non-respect de celles qui existent ont causé une situation absurde et horrible, où les sectes ont pratiquement les mains libres dans les écoles, les hôpitaux, l'armée, l'industrie d'armement et les milieux dirigeants. La situation économique difficile, la pauvreté générale de la population font qu'il est très facile pour des sectes riches d'acheter de l'influence dans notre société.

Mais il y a aussi un autre aspect : une caractéristique de la société russe, ce sont les liens très forts entre parents et enfants, liens qui se prolongent même quant ceux-ci sont adultes, et ces liens donnent une grande efficacité aux associations de parents (contre les sectes). C'est ce qui a rendu possible un procès intenté par le comité moscovite de parents contres Aum Shinrikio qu'ils ont gagné malgré la toute puissance financière de la sectes japonaise et ses relations haut-placées. Ceci a été le principal facteur pour changer la vitesse d'abord presque illimité des sectes en Russie ; mais ce n'était nullement le premier. Le premier se fût la secte fanatique de la "fraternité blanche" et ses prédictions fausses de la fin du monde. On se rappelle ces manifestations à Kiev en novembre 93. Pour la première fois, le public russe a pris conscience de la nature des techniques de manipulations mentales, et des conséquence d'une hystérie religieuse de masse. Ce fut ensuite l'interdiction légale de la branche russes d'Aum, qui a coïncidé presque exactement avec l'attentat au gaz dans le métro de Tokyo.

La chute du rideau de fer a causé l'expansion des sectes en Russie, mais en même temps a fait sauter les obstacles à l'information à leur sujet. Ces organisations sont arrivées sur notre territoire en espérant que leur réputation a l'ouest demeurerait inconnue. Elles ont été déçues. Nous avons été bientôt informés de leur méfaits passés et de leurs pratiques actuelles, ce qui a ralenti leurs marches victorieuses à travers la Russie. Beaucoup de sectes qui avaient surestimé leurs forces connaissent maintenant de sérieux revers.

Revers de la Scientologie

Un exemple typique : celui de la à Scientologie à Novgorod. Dans cette ville, le collège Hubbard a été fondé par l'usine chimique géante Akron et des membres du gouvernement local. En trois ans, plus de 400 citoyens, y compris la plupart des employés de l'administration provinciale, et nombre des administrateurs du canton, ont obtenu des diplômes de ce collège. Les théories de Hubbard se sont répandues à travers toute la ville sans opposition, jusqu'en novembre 96. C'est alors que Serge Darevski, directeur de l'information à la télévision locale a trouvé par hasard un exemplaire de Time magazine du 6 mai 91, avec en gros titre: " Scientologie : la sectes de l'avidité ". Darevski a contacté Moscou, trouvé davantage d'information, et produit et diffusé plusieurs programmes anti-Scientologie à la télévision locale. En mars 1997, le représentant de l'administration provinciale a annoncé qu'il coupait tous les liens avec le collège Hubbard. Bientôt les scientologues ont dû déménager leur vaste domaine dans le centre de la ville. Tous les employés de l'administration locale ont enlevé leur diplôme du collège Hubbard, affichés sur les murs de leur bureaux. Le seul à soutenir encore la sectes, parmi les dirigeants, est Anatoli Boïtsev, président de la Douma provinciale.

Fin 1996, Vladimir Fil, qui n'avait pas réussi à convertir tout Perm à la scientologie, a été battu aux élections et, la plupart de son équipe scientologue l'a été avec lui.

Mais le revers le plus cuisant pour la scientologie s'est produit le19 juin 1996, quand le ministère russe de la santé a annulé l'autorisation précédemment accordée aux "programmes de purification" et a interdit l'usage de méthodes scientologiques dans la médecine publique.

Revers de la secte Moon

À la même époque, l'église de l'unification (Moon) a réalisé que malgré ses investissements massifs en Russie elle avait très peu de résultats. Elle a cessé de financer ses projets, mais c'était trop tard. Aussi bien la sciento que l'unification avaient de sérieux problèmes avec la police fiscale de Saint Petersbourg pour 1996/1997. La branche Mooniste de Saratov avait de sérieux problèmes avec la police pour une affaire de faux documents, et nombre d'autres sectes se sont retrouvées devant les autorités.

Une pseudo-indigèneïsation des sectes

En réponse à leurs ennuis les sectes ont procédé à une tentative de ce que j'appelleraie "de pseudo-indigèneïsation". Pour avoir l'air de religions russes authentique, certains groupes ont nommé des russes à tous leurs postes dirigeants. Mais ceux-ci restaient des prête-noms ; les étrangers qui avaient démissionné pour la forme ont gardé le pouvoir absolu, agissant en coulisses.

Krishna

Ce sont les Krishnas qui sont sans doute allés le plus loin dans ce sens. Ils se sont associés à des groupes néo-nazis et néo-païens de nationalistes extrémistes, prétendant que la religion russe traditionnelle est en fait le paganisme védique, qui aurait été remplacé de force par un complot maléfique judéo-chrétien et remplacé par la religion chrétienne (qui serait en fait une pernicieuse invention juive).

Scientologie

Dans la même direction, un certain Vitali Bogdanov  a écrit une brochure intitulée " respect pour la foi", ou " pourquoi est-il stupides de combattre la scientologie " (Moscou 1997). Cet ouvrage a été manifestement commandé par la Scientologie, car il  a un double copyright au nom de Vitali Bogdanov et celui de L. Ron Hubbard décédé depuis longtemps. Cette brochure prétendument objective porte aux nues la sciento et son fondateur : ce sont des methodes scientifiques de génie et la percée décisive de la pensée religieuse et humaine. Le contenu est ouvertement prosoviétique (" la seule erreur de Ron est qu'il a sous-estimé la puissance des sciences soviétiques " page 57 et 58) et, à mots couverts, antisémite ( "c'est du territoire de Judée, une province de l'Empire romains sur lequel les romains n'avaient pas mis la main (?NdT) que la religion chrétienne est arrivée dans l'empire" page 63), extrêmement chauvin et anti Chrétien (" il faut comprendre que la mission de la Russie n'est pas de se cantonner à une version du christianisme empruntée autrefois à Byzance - orthodoxie qui lui a été imposée -, mais au contraire d'offrir à l'humanité des idées neuves dans leur principe, non seulement en maths et en chimie, mais en théologie " page 67). La brochure se termine par le conseil suivant : " Il semble que le développement potentiel de la Scientologie en Russie soit conditionné par la possibilité de mettre en harmonie ses positions dogmatiques avec les valeurs de base des doctrines éthiques en faveur auprès des intellectuels, en particulier "l'éthique vivante" de Roerich. Il ne suffit pas de démontrer que la scientologie ne contredit pas l'orthodoxie, ou une vision religieuse du monde. On serait bien avisé de démontrer que le codex des scientologues est tout à fait acceptable pour ceux qui professent le paganisme néo-védique (Slavo-aryen) et d'autres situés au dessus du vecteur moyen de développement spirituel de groupes sociaux. Stratégiquement il est plus utile de se faire des alliées au préalable, plutôt que de se battre avec les rivaux de l'église orthodoxe, après avoir tout juste fini de se battre contre elle " (page 72 et 73).

Il est possible que ces composantes néo-paîennes représentent  l'avenir des sectes en Russie. Cependant les autres groupes ne vont pas (encore) aussi loin. La plupart tentent soit d'utiliser des symboles orthodoxes, soit de dépeindre leur doctrine comme étant en pleine conformité avec les enseignements de l'église orthodoxe. Bien entendu, il préfèrent ne pas informer leurs recrues potentielles de la décision du conseil des évêques de l'église orthodoxe (1994). Celle-ci annoncé l'excommunication de tous les membres de " nouveaux mouvements religieux ".

Des sectes discréditées par leurs activités destructrices

Sous la conduite de la Scientologie, les sectes ont commencé une nouvelle campagne de publicité, très agressive, la Méditation transcendentale, des adeptes de Sri Chinmoy et d'Iskon (Krishna)

La Scientologie a même annoncé la création de sa propre école secondaire privée. Cependant, pour les russes ordinaires, les sectes étaient de plus en plus associées avec des activités destructrices - de l'Etat, de la famille, de la personnalité -, avec la manipulation mentale, l'exploitation, la criminalité. Le mot de "sectomafia" devenaient d'usage courant.

Les journaux les plus importants ont rendu compte de morts par malnutrition, ou de meurtres caractérisés. Dans la secte de Vissarion, au sud de la Sibérie, les médias locaux de Novosibirsk ont raconté le meurtre d'un bébé par sa mère, adeptes de Sahaja Yoga (Sri Matadji). Récemment les grandes chaînes de télévision ont couvert l'histoire de Sacha, un garçon de 12 ans, battu et violenté  par sa mère, adeptes de Krishna. Elle l'a emmené de force dans la gurukala de vrindaban (Inde; centre Hare Krishna) finalement Sacha a réussi à s'échapper, a pris l'avion pour Tachkent (Ouzbékistan), d'où il est allé en stop à Moscou. Une autre affaire montrée à la télévision russe : un membre Krishna, arrêté à Ekaterinbourg, inculpé de participation à une série de meurtres programmés et de trafic de drogue. La police d'Ekaterinbourg a dit qu'elle suspectait la branche d'Ikscon dans l'Oural d'avoir des liens étroits avec la mafia locale dans le but de blanchir de grosses sommes d'argent par le biais de son programme "nourriture pour la vie".

Il semble que ce genre de comportement ait rendu l'opinion publique russe allergique aux activités des sectes. Cette opinion a été résumée par Victor Navarnov, du bureau du procureur général russe : il a déclaré en août 1997 que plus 250.000 familles russes ont été détruites par les sectes. Un nombre similaire d'enfants ont été abandonnées par leurs parents, entrés dans ces groupes, a-t-il ajouté. Navarnov a cité la Scientologie comme l'une des sectes les plus agressives du monde, ses enseignements fournissent des justifications pour le meurtre et le suicide. Le procureur a dit qu'en Russie, ses méthodes de prosélytisme sont définies comme pernicieuses, et comme une menace publique (il a cité une autre secte dangereuse : le Centre de la Mère de Dieu). Mais il a ajouté qu'en l'absence d'opposition de la population dans son ensemble, les sectes recrutent des russes en nombre croissant. Cela explique pourquoi les gouvernements provinciaux, réalisant les limites de la loi existante sur la liberté de conscience, ont commencé à promulguer leur propre loi limitant les activités de sectes totalitaires et de propagandistes inconnus auparavant. C'est ce processus qui a amené à l'adoption de la nouvelle loi fédérale sur la liberté de conscience.

La nouvelle loi

Juste après ce procès, la nouvelle loi "sur la liberté de conscience et les organisations religieuses" a été votée par la Douma et par le conseil de la fédération, à une majorité écrasante. 5 députés sur 4150 ont voté contre. Nous savons que le président Yeltsine, sous des pressions extérieures, a mis son veto à cette loi... La nouvelle version qu'il a proposée n'était pas très différente de la première. Celle-ci a été votée à son tour par une écrasante majorité des députés à la Douma, le 19 septembre 1997. Il est important de noter que la nouvelle loi (ses deux versions) est le produit de douloureux compromis et n'est pas du tout se que proposait l'Eglise orthodoxe : un modèle européen de relations Eglise-Etat, dans lequel un état "laïc" pourrait définir un concordat avec les religions traditionnelles de la population. Bien que la nouvelle loi ne donne pas à l'église (orthodoxe NdT) rien qu'elle n'ait eu auparavant, l'Eglise a choisi de la soutenir parce que c'est une première (bien que très faible) tentative pour limiter l'activité de sectes totalitaires. Et la campagne que ces sectes ont lancée contre cette loi montre qu'elles n'ont pas l'intention de la tolérer. La coopération entre les sectes est apparue clairement le 19 septembre, quand, toute ensemble, elles ont fait une manifestation devant la Douma pour protester contre le vote de la loi. Nous pouvons, sans grand  risque de nous tromper, prédire que leurs efforts  réunis continueront.


 
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