Sectes : Les risques pour les enfants

 

(source : Conférence par l'association Attention enfants en novembre 2001 )

Compte-rendu aimablement communiqué par la FCPE (Fédération des Conseils de Parents d'Elèves) avec mes remerciements à Céline.

Une fois de plus, l'association "Attention ENFANTS" informe et dénonce les agissements des sectes. Le 20 novembre 2001, jour anniversaire des Droits de l'Enfant, Christine Rose et Xavier Laugaudin, responsables de l'association avaient convié au patronage laïque (Paris XV) Michel MONROY, psychiatre, auteur de nombreux ouvrages sur les risques sectaires et travaillant avec la MILS (Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes), et Catherine PICARD, députée de l'Eure, rapporteuse de la loi du 30 mai 2001 sur les mouvements sectaires.

Dans le public se côtoyaient des élus de droite et de gauche, des partenaires de lutte contre les sectes (UNADFI), des parents, des grands-parents… et quelques scientologues dont un groupe massé à l'entrée distribuait des tracts pour l'association qu'ils parrainent : "Non à la drogue, Oui à la vie".

En guise d'introduction, Xavier Laugaudin a fait acte de la prise de conscience du danger des phénomènes sectaires pour les enfants. Des spécialistes se penchent sur le problème, des lois sont votées mais la responsabilisation des pouvoirs publics, des parents, des enfants est encore insuffisante, alors qu'elle est beaucoup plus avancée aujourd'hui en ce qui concerne un autre fléau pour l'enfance : la pédophilie. C'est dans le sens de la sensibilisation par l'information que Attention ENFANTS entend apporter son concours.

Michel Monroy s'intéresse également à la prévention des risques sectaires. Il souligne que la sensibilisation a été initiée par les parents à travers diverses associations, suivis dans un deuxième temps par les professionnels ("psys" en tout genre et élus). Il insiste sur la nécessité d'une analyse critique pour bâtir une prévention efficace des dommages causés par ces mouvements. En effet, si les caractéristiques des sectes sont extrêmement diverses, le système d'embrigadement est toujours présent. Cependant, il est essentiel d'admettre que la volonté criminelle initiale, elle, est souvent absente, et beaucoup de mouvements sectaires sont animés par une grande sincérité.

Il existe trois grandes classes de risques pour les enfants :
- Les agissements criminels sont les plus graves, les plus rares, les plus connus, sanctionnés par la loi donc les mieux réprimés.
- Les contraintes et carences éducatives sont beaucoup plus fréquentes.
- L'embrigadement est l'acte le plus fréquent et le plus difficile à contrôler. C'est celui qui sera développé dans la suite de son exposé.

L'embrigadement satisfait le rêve de Pygmalion : être maître de la création humaine. Il y a bien sûr différents degrés d'emprise, mais l'enfance est une cible
privilégiée : énergie, disponibilité, propension à l'idéalisme et au mimétisme, c'est aussi une clientèle captive (les enfants sont confiés à la responsabilité d'adultes).

L'embrigadement de type sectaire part souvent de la volonté sincère de servir le bien de l'enfant, et se matérialise par une entreprise de transformation - souvent consentie - en adepte. Finalement, l'adepte "achevé" s'en remet systématiquement au groupe (phénomène de délégation, de substitution d'identité), se méfie du monde extérieur, remet tout en question en faveur du groupe : son histoire personnelle, sa mémoire, ses projets, ses liens contractuels, ses systèmes de valeurs…
Il est devenu un outil. Sa conscience n'est pas diminuée mais transformée.

L'alibi du projet éducatif est souvent avancé lors d'une tentative d'embrigadement sectaire. Or, un enfant soumis à un projet éducatif doit être exposé à des concepts contradictoires de façon à respecter sa personnalité. Dans les couples de concepts qui suivent, la deuxième partie est souvent éliminée :
- Faire des acquisitions MAIS apprendre le discernement
- Progresser, être performant MAIS à sa mesure (et non : exploitation pour le groupe)
- Adhérer à des valeurs MAIS tolérer les différences
- Se conformer aux règles MAIS apprendre l'autonomie
- Participer à la vie du groupe MAIS avoir un esprit critique (sur ce groupe)
- Se défendre MAIS éviter la paranoïa
- Se soumettre à une autorité MAIS savoir critiquer cette autorité, et savoir s'en passer

Catherine Picard est députée socialiste de l'Eure et rapporteure de la loi About-Picard du 30 mai 2001 (votée à l'unanimité) "tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales". Elle s'est attachée dans son intervention à retracer la chronologie des événements et actions qui on ponctué ces dernières années dans le domaine de la lutte contre les sectes :

C'est dans les années 80 que la préoccupation des phénomènes sectaires se distingue, avec notamment la création d'associations telles que l'UNADFI (Union Nationale des Associations de Défense des Familles et de l'Individu) et le CCMM (Centre Roger Ikor Contre les Manipulations Mentales). Au niveau politique, Alain Vivien, alors député, écrit un premier rapport en 1983 faisant acte des manipulations mentales de certains groupes. Parallèlement, une accumulation d'événements (massacre Guyana, drame de Wako, attentat au gaz Sarin dans le métro de Tokyo, massacre en Ouganda, suicide collectif de l'Ordre du Temple Solaire…) est remarquablement médiatisée par la presse d'investigation française.

En 1995, sous le gouvernement Juppé, est créée la première commission sur les sectes qui produit un rapport sur "Les sectes en France", dont le député Alain Gest est le rapporteur. Catherine Picard souligne ici la valeur d'outil démocratique d'une telle commission, dont le rôle est d'effectuer des enquêtes à travers des convocations, les Renseignements Généraux, la gendarmerie, la Direction de la Surveillance du Territoire. Le rapport établit une liste indicative (état des lieux de l'époque et sans valeur juridique) de 170 mouvements sectaires à degrés de dangerosité variables, selon des critères prédéfinis (qui peut également évoluer) tels que la pression financière conséquente, le comportement associal, les troubles à l'ordre public, la prédomination d'un individu sur les autres, etc.

Pourquoi la non-définition du mot "secte" ? Depuis 1905, il n'y a plus de reconnaissance des Eglises au niveau de l'Etat, ce dernier n'a donc pas le rôle de définir ce qu'est une religion, sinon de la considérer comme une association cultuelle. Il en va logiquement de même pour les mouvements sectaires. Le danger serait d'être trop restrictif, ou au contraire d'entamer le droit fondamental de la liberté de conscience. La non-définition complique le travail du législateur mais c'est la position la plus adéquate.

A la suite du rapport de la commission, Alain Juppé crée l'Observatoire de lutte contre les sectes, très décrié pour sa lourdeur (45 experts travaillant en réunions pleinières), mais une première incontestable. C'est l'ancêtre de la MILS (Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes) : Lionel Jospin reprend les 45 experts et les coiffe de quelques autorités : un président et un secrétaire général, un spécialiste fiscal, un magistrat, un représentant de l'Education Nationale, un représentant de la Jeunesse et des Sports, un diplomate, et un responsable RG du ministère de l'Intérieur.
Hormis les réunions régulières des 45 experts de la MILS, un groupe parlementaire d'horizons divers continue également de travailler au rythme d'une réunion mensuelle depuis 4 ans.

La continuité de la réflexion dépasse donc les clivages politiques, et les propositions sont reprises et retravaillées depuis la première proposition de loi jusqu'à l'adoption du texte final par le Sénat et l'Assemblée Nationale. Parmi les principales avancées :

- Loi de 98 (et décrets d'application quasiment immédiats) sur l'obligation scolaire permettant l'augmentation du contrôle de la scolarisation hors normes : Le contrôle consiste en l'intervention annuelle et non annoncée d'un inspecteur de l'Education Nationale accompagné d'un psychologue. Le but est de vérifier le niveau d'instruction de l'enfant et l'absence de maltraitance à son égard.

- Réforme de la justice selon laquelle les associations peuvent se porter partie civile à l'encontre des mouvements sectaires (ce qui était déjà possible à l'égard des problèmes de racisme).

- La responsabilité pénale de la personne morale incitatrice de maltraitance envers un enfant est désormais prise en compte tout comme celle du parent maltraitant lui-même.

- Réforme du code pénal qui permet la dissolution judiciaire d'un mouvement sectaire, à l'instar des mouvements terroristes, dès lors qu'il a subi plusieurs condamnations pénales définitives (i.e toute mesure d'appel épuisée) pour certaines infractions.

- Le terme de "manipulation mentale" très controversé a été remplacée par la notion voisine de maintien ou exploitation de "la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités".

La loi adoptée en mai 2001 est une première. L'Europe était dans l'attente de l'action française. 80% des mouvements sectaires ont leurs racines aux Etats-Unis. En France, la liberté de culte et de conscience cohabitent avec la défense des droits de l'homme… et des enfants. La prise de conscience évolue : Les 5 principaux mouvements religieux classiques en France ont eux-même créé des commissions afin d'estimer si les mouvements se réclamant de ces religions doivent être légitimés ou non.

La meilleure arme reste encore la vigilance et l'esprit critique. Une fois le mal fait, il faut jongler avec le droit d'opinion, d'expression, d'exercice d'un culte religieux, et les perversions de ces règles d'or républicaines.

  

 
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