Sectes

À quand l'espace judiciaire européen ?

(source : BULLES du 2ème trimestre 1998)

L'extrême facilité de transferts de toutes sortes à travers l'Europe, la crispation des États sur leurs prérogatives judiciaires ; voici un terrain idéal pour les pires trafics.


Les impasses pour le magistrat instructeur de Madrid après qu'il eut envoyé soixante-douze leaders mondiaux scientologues à la prison de Carabanchel il y a une dizaine d'années, les multiples perquisitions effectuées en Autriche le 29 septembre 1994, les tragiques affaires du Temple Solaire non encore élucidées, les valises portées au Luxembourg évoquées lors des procès de Lyon, tout ceci a fourni un matériel considérable, mais pour quels résultats en dépit des efforts méthodiques des magistrats instructeurs ?

De tels épisodes, auxquels s'ajoutent tant d'autres démonstratifs de purs trafics mafieux ont poussé les sept magistrats européens auteurs de l'Appel de Genève d'octobre 1996, à amplifier leur effort. Les 13-14 décembre 1997 deux cents magistrats européens se sont réunis à Bruxelles sur le thème "La justice entravée", pour demander à l'Union Européenne d'accroître la coopération internationale face à la grande délinquance financière.

La poussée des magistrats semble être à l'origine du document de travail de l'U.E. " Pour un espace judiciaire européen " paru en février 1998, qui rapporte l'audition publique des 15-16 avril 1997, organisée par la Commission du Contrôle Budgétaire et par la Commission des Libertés Publiques et des Affaires Intérieures du Parlement Européen , document Libe-101 FR, 02.1998.

Ce document nous intéresse directement car, au delà de nos opinions de simples citoyens, les exactions liées à des sectes y sont évoquées à trois reprises .

L'appel de Genève, reproduit en annexe à ce document de 80 pages, débute ainsi  : " Conseil de l'Europe, traité de Rome, accords de Schengen, traité de Maastricht : à l'ombre de cette Europe en construction visible, officielle et respectueuse, se cache une autre Europe plus discrète, moins avouable. C'est l'Europe des paradis fiscaux qui prospère sans vergogne grâce aux capitaux auxquels elle prête un refuge complaisant. C'est aussi l'Europe des places financières et des établissements bancaires, où le secret est trop souvent un alibi et un paravent. Cette Europe des comptes à numéro et des lessiveuses à billets est utilisée pour recycler l'argent de la drogue, du terrorisme, des sectes, de la corruption et des activités mafieuses. "

Le juge Renaud Van Ruymbeke (p.44) : " Au delà des raisons institutionnelles, il existe un problème criant que personne n'ose aborder de front. L'Europe abrite en son sein de multiples paradis "fiscaux", qui assurent dans l'ombre l'ano-nymat de l'argent sale et le fondent avec l'argent propre. Ils gèrent en bons pères de famille les fortunes colossales de trafiquants dont ils tirent honteu-sement profit. Le secret bancaire arboré par ces États protège les réseaux crimi-nels des regards indiscrets, ceux des juges bien sûr, mais également ceux de millions de chômeurs et des centaines de millions de citoyens dupés "... " Qu'adviendra-t-il de la Suisse, mais aussi du Luxembourg, qui assurera prochainement la présidence de l'Union, des îles Anglo-Normandes, de l'île de Man, du Rocher de Gibraltar, du Liechtenstein, de Monaco, de l'île franco-hollandaise de Saint-Martin, si demain le citoyen européen se réveille ? Comment pourront-ils justifier le recyclage systématique de l'argent de la drogue et des jeux, la protection des corrupteurs et corrompus, l'abri donné aux fortunes de dictateurs qui se nourrissent de la misère du monde, la complaisance face aux mafias du Sud, de l'Est ou de l'Extrême Orient, l'aide apportée aux trafiquants d'armes et d'uranium, le secret garanti aux terroristes, aux sectes, aux pédophiles, aux trafiquants d'oeuvres d'art, bref à toutes les formes de criminalité internationale ? "

M. José-Maria GIL-ROBLES, Président du Parlement Européen, concluait : " Il est évident que l'expérience de coopération dans la sphère communautaire peut constituer un modèle important pour la réalisation d'un espace juridique et judiciaire européen commun qui, face à toute activité criminelle, allant du trafic de stupéfiants au terrorisme en passant par les activités illégales des organisations sectaires, la corruption ou les activités mafieuses, protégerait le citoyen en tant que contribuable et de manière plus générale ".

Les propositions très fermes incluses dans ce document pour la constitution d'un " corpus juris " européen suffisamment homogène sont soutenues par la France, du moins officiellement (voir la circulaire du Ministre de la Justice aux parquets de décembre 1997, enjoignant d'harmoniser l'action des juridictions financières et pénales). Au total, ce document plaide pour un véritable espace judiciaire européen, où les missions d'instruction ne seraient plus entravées, mais aidées avec détermination .


 
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