Communauté du Caillou

En Belgique, une secte parmi les chasseurs de sectes

(source : Le Journal du Mardi, 21 septembre 1999 par Donatienne STEVIGNY )

 

 

La communauté du Caillou rayonne dans les milieux intellectuels. Nombreux sont les enseignants, les juristes et cadres qui apprécient les lectures bibliques qui y sont données. Les membres du Caillou sont également de tous les combats: correspondants belges de la revue Golias, ils dénoncent à juste titre, la rigidité de la hiérarchie de Église et les attitudes intransigeantes de certains mouvements. Ils organisent également des actions humanitaires et sociales en faveur du Tiers monde. Bravo! Mais derrière cette façade sans tache se cachent de curieuses pratiques. La Commission d'enquête parlementaire sur les sectes avait déjà pointé les comportements de type sectaire au sein du Caillou et le Parquet de Bruxelles a ouvert une information judiciaire. Le Journal du Mardi a mené l'enquête et recueilli des témoignages qui jettent une lumière crue sur les agissements de cette communauté.

Au numéro 29 de la rue Général Lartigue à Woluwé-Saint-Lambert se dresse une maison mitoyenne. Une façade toute simple. Une plaque en cuivre apposée sur la porte nous signale que nous sommes au "Caillou" C'est là que les jeudis soirs, l'avocat bruxellois Georges Lethé anime des lectures bibliques en hébreu.

Des réunions que les différents témoins que nous avons rencontrés au cours de notre enquête jugent fort "intéressantes", "fascinantes" et "terriblement enrichissantes sur le plan philosophique et spirituel".

Ces "Jeudis du Caillou" réunissent en général une vingtaine de personnes. Outre le noyau dur de la communauté, on y côtoie des avocats, des enseignants, des hommes politiques, des cadres... À côté des lectures bibliques, le Caillou organise également des conférences sur des thèmes divers.

C'est ainsi qu'il a accueilli le représentant de l'OLP à Bruxelles ou encore l'avocat Michel Graindorge pour parler du terrorisme. Des sessions d'études sont également organisées dans une maison de campagne à Gimnée près de Givet.

"Le but du Caillou est limpide:changer le monde au profit de Georges Lethé"

Le Caillou, par l'intermédiaire de Johannes Blum, est encore le correspondant belge de la revue française Golias qui a notamment dénoncé les mouvements sectaires au sein de l'Église (l'Oeuvre l'Opus Dei ... ). Les membres de cette communauté ont encore monté des actions sociales et humanitaires en faveur du Tiers monde. Ils ont notamment accueilli et soutenu un journaliste chilien qui avait fui la dictature d'Augusto Pinochet. Ils ont aussi milité aux côtés des organisations juives contre le carmel d'Auschwitz. Par ailleurs, Georges Lethé est un des fondateurs du SEL, le Syndicat de l'Enseignement Libre.

Autant d'actions et de combats que nous ne pouvons que saluer, mais derrière cette façade, le Caillou cache une réalité plus équivoque. En effet, le Journal du Mardi a rencontré différents témoins qui révèlent des comportements de type sectaire. Plusieurs observateurs tant du monde profane que religieux ont été interpellés par les agissements de la communauté du Caillou, également appelée "La Cité" et regroupée autour de Georges Lethé et de son bras droit Anne-Marie Burny.

Ainsi le chanoine François Houtart, professeur retraité de l'Université catholique de Louvain: "J'ai connu des gens qui ont été littéralement embrigadés dans ce groupe, des étudiants étrangers mais des Belges également On exigeait d'eux une soumission totale. Cela allait jusqu'à les menacer de sanctions physiques s'ils ne se pliaient pas aux règles édictées par le chef du mouvement. il existe au sein de la communauté des comportements sectaires qui sont en totale opposition avec les objectifs avoués du Caillou qui militent pour des causes nobles. Ce comportement que je qualifierais de schyzophrénique tient vraisemblablement à la personnalité du dirigeant Georges Lethé. Un homme qui aime se positionner en leader charismatique".

Cette vision du Caillou est partagée par Julia Nyssens, présidente de l'Adif (Association pour la défense de l'individu et de la famille), qui étudie les mouvements sectaires depuis une trentaine d'années.

La communauté du Caillou n'a plus de secrets pour elle: "Ce mouvement jongle avec l'ambiguïté Georges Lethé n'a pas son pareil pour déployer la thèse et l'antithèse. Ainsi, il critique la rigidité de la hiérarchie de l'Église catholique et les déviations sectaires de l'Opus Dei, mais il les reproduit au Caillou. Le but est limpide: changer le monde au profit de Georges Lethé. Jestime que "la Cité' fait du tort aux personnes qui sont aspirées dans sa toile. J'ai constaté au sein de cette communauté tous les ingrédients qui constituent une secte: destruction de la personnalité par déstabilisation et culpabilisation, rupture des liens familiaux, destruction de la famille lorsqu'un des conjoints refuse de se plier aux règles de la vie communautaire, captation des biens et soumission totale des membres au chef Georges Lethé. À plusieurs reprises, des membres du Caillou sont venus me trouver en me demandant de les dédouaner. Voici quelques années, un proche de Georges Lethé, Roger H., a souhaité me rencontrer. Nous avons fixé un rendez-vous dans un établissement près du Cinquantenaire. Là, il a sorti un document qui était un témoignage préparé en leur faveur. Je n'avais plus qu'à y apposer ma signature. En droit, une telle pratique est assimilable à une subornation de témoin".

Les adeptes qui ont réussi à quitter la communauté du Caillou se montrent souvent discrets par crainte de représailles, par honte d'avoir été piégés. Et puis par peur de ne pas être crus. Car au Caillou, "il n'y a pas de décorum, pas de chapeaux pointus, on n'y vénère pas plus les extraterrestres. Rien ne vous fait penser a une secte. Et c'est là le danger Vous vous retrouvez entre amis et quand vous vous rendez compte que vous avez été leurrés, il est trop tard!" La personne qui nous parle a passé plusieurs années au sein de la communauté "La Cité", mais elle préfère garder l'anonymat "parce que je me méfie des ennuis que le mouvement pourrait me causer". Une précaution récurrente et somme toute bien compréhensible chez les témoins que nous avons rencontrés lors de nos recherches.

Nous disposons de quatre témoignages directs d'anciens "disciples" qui ont quitté le Caillou voici plusieurs années. L'un d'eux a même déposé devant la Commission d'enquête parlementaire. Leurs récits se recoupent parfaitement, mais pour les raisons citées plus haut et préserver nos sources, nous les résumons ici en un seul. Difficile de préciser combien de membres ont été piégés par "La Cité" - Certains ex-adeptes sont décédés, mais selon nos informations, des familles luttent toujours pour secourir un membre qui a succombé aux sirènes de ce groupe.

Néanmoins les agissements du Caillou n'ont pas échappé aux autorités politiques et judiciaires. La Commission d'enquête parlementaire sur les sectes consacre d'ailleurs trois pages dans son rapport, publié en avril 1997, à la communauté du Caillou. La Sûreté de l'État s'intéresse également aux faits et gestes de ce groupe et plus récemment, le Parquet de Bruxelles a ouvert une information judiciaire.

La communauté du Caillou est née dans les années soixante dans la foulée des communautés de base c'est-à-dire des assemblées informelles de chrétiens qui expriment leur foi en dehors des paroisses. Voici deux ans, après leur mise en cause par la Commission d'enquête parlementaire, le Caillou s'est retiré de la coordination des communautés de base de Wallonie-Bruxelles. Au grand soulagement des responsables de la coordination!

Le point de départ de la communauté du Caillou est l'abbaye d'Orval.
Georges Lethé suivait régulièrement les offices religieux à l'abbaye. C'est un homme très mystique qui a été séduit par la vie monacale. il a ensuite créé sa propre communauté en calquant les règles sur celle du monastère. La communauté est basée sur une structure hiérarchisée et pyramidale où Georges Lethé occupe le rôle du père abbé. Les décisions sont prises par un conseil restreint auquel les autres membres ne peuvent assister. Le chef Lethé parlait toujours de secrets qu'il ne révélerait qu'une fois mon initiation réalisée. Il se faisait appeler "père" Beaucoup de gens sont passés par le Caillou. Georges Lethé exerçait tout particulièrement une séduction sur des personnes qui avaient quitté les ordres religieux. Je me souviens d'une soeur tourière qui est partie de son couvent ardennais pour venir au Caillou. D'autres religieuses ont suivi le même chemin, mais elles ont trouvé que c'était encore pire que le couvent qu'elles avaient fui!, confie un ex-membre.

"Rencontrer quelqu'un, répondre a l'invitation d'amis ou de sa famille sans avoir demandé la permission à Georges Lethé est considéré comme un crime de lése-majesté"

On entre facilement en contact avec le Caillou, par exemple, sur l'invitation d'un ami qui est emballé par les réunions bibliques du jeudi soir. Georges Lethé a lui aussi proposé à plusieurs de ses clients de participer à ces réunions spirituelles. D'un avis unanime, la communauté du Caillou est très accueillante et n'exige rien au départ: On peut venir en simple consommateur de la parole. Mais au fil du temps, on vous fait sentir qu'il faut participer. On adhère très facilement car le discours est séducteur. Mais c'est seulement lorsqu'on devient un adepte et qu'on observe les choses de l'intérieur que leur jeu devient limpide. Les lectures bibliques sont suivies de petits groupes de réflexion, ce qui permet à Georges Lethé et ses acolytes de cerner les proies qui tomberont plus facilement dans leurs filets. La personnalité de Maître Lethé vaut d'ailleurs que l'on s'y attarde quelque peu. Il ne supporte pas la contradiction et est habité par un désir démesuré de pouvoir et de reconnaissance.

Ainsi, il disait toujours: "un jour j'achèterai une vallée". Il veut que sa réussite soit apparente et a, à plusieurs reprises, témoigné de son envie d'être enterré au cimetière des Justes à Jérusalem.

Avant de poursuivre, il est sans doute utile de rappeler quand un groupe à vocation mystique peut être considéré comme un mouvement sectaire Lorsqu'il présente un danger pour ses membres, pour autrui, voire pour la société. Lorsque ce groupe mystique exige de ses adeptes un engagement privé, familial, financier et un renoncement. Une secte, c'est avant tout une pensée unique, un espace totalitaire.

Si l'on s'accorde sur cette définition de la secte, la communauté du Caillou, au terme de notre enquête, répond à ces critères.

Voici une description des conditions de vie au sein d'une des maisons communautaires du Caillou sur base des récits concordants de nos trois témoins: Georges Lethé et son bras droit Anne-Marie Burny exerçaient une emprise totale sur les adeptes. Les autres membres, parfois au Caillou depuis des décennies, sont sous l'influence du chef.

"Nous habitions tous dans un même quartier près de la résidence de Georges Lethé. Cela lui permettait d'avoir un contrôle incessant sur nos actes. il arrivait qu'il convoque des membres en pleine nuit pour leur confier une besogne à terminer pour le matin. Ce rythme de travail incessant vous épuise d'autant qu'à côté des tâches ménagères et de secrétariat, la plupart d'entre nous avait une activité professionnelle à l'extérieur. Cette double, voire triple journée, anesthésiait toute velléité de résistance. Toute décision même minime au sein de la maison communautaire devait passer par Georges Lethé. Rencontrer quelqu'un, répondre à l'invitation d'amis ou de sa famille sans avoir demandé la permission à Georges Lethé était considéré comme un crime de lèse majesté. Vous étiez aussitôt convoqué chez le maître pour vous expliquer. Si malgré tout, vous faisiez front, les vexations pleuvaient : coups de téléphone anonymes la nuit, les autres membre de la communauté ne vous parlaient plus et ne vous adressaient que des regards acérés jusqu'à ce que vous ayez fait amende honorable".

De même, on ne peut rompre avec la communauté du Caillou que sous peine de "profonde déchéance": "Vous êtes perdu à tout jamais puisque vous n'acceptez pas les contraintes qui feront de vous une personne responsable. Vous retomberez dans la masse informe", s'est vu signifier un membre qui a quitté "La Cité".

La Communauté du Caillou montre une vitrine respectable et a gagné du prestige en mettant sur pied des actions sociales et humanitaires dans le Tiers monde (Nicaragua, Rwanda, ... ).

Au Nicaragua, en 1984, ils ont participé à un projet organisé par une église locale pour la construction d'une cafétaria et d'une école de formation technique. Quatre ans plus tard, en 1988, ils se lancent dans un nouveau projet: l'accueil par des familles de la communauté d'étudiants étrangers (nicaraguayens mais aussi africains) pour leur permettre de suivre une formation complémentaire à l'université ou dans des écoles supérieures.

C'est dans ce cadre-là que la communauté du Caillou noue des relations serrées avec Gérard Lutte, un prêtre actif dans les communautés de base au Nicaragua. Le Journal du Mardi a pu prendre connaissance d'un rapport confidentiel rédigé en 1991 par Gérard Lutte, qui reprend sa propre analyse du Caillou et les confidences d'étudiants nicaraguayens. Ce document qui a été divulgué à huis clos devant la Commission d'enquête parlementaire démontre clairement les pratiques sectaires et la discipline totalisante auxquelles sont soumis les étudiants qui sont accueillis au Caillou: à leur arrivée, leurs papier d'identité sont confisqués; ils son tenus d'assister aux réunions de la communauté; ils sont obligés d'effectuer de nombreuses tâches ménagères et des travaux d'aménagement de bâtiments profitant au groupe; il ne peuvent pas disposer de leur temps libre; la communauté leu interdit de prendre contact, même téléphonique et épistolaire, avec de personnes extérieures.

"Les responsables du Caillou? ...Ils sont retors et dangereux avec les gens nul s'opposea eux"

Dans son rapport, M. Lutte critique ces "attitudes qui me semblent typiques d'une secte, malheureusement pas dans le sens favorable du terme. Je pense au secret qui entoure les comités qui prennent les décisions, au refus de laisser participer à ces réunions les personnes accusées de ne pas respecter la charte de la communauté, le refus de se confronter avec des personnes extérieures à la communauté, à la persécution contre ceux qui on quitté, de gré ou de force, la communauté". Et de conclure son rapport: "il serait utile de recueillir aussi le témoignage des Belges qui ont quitté la communauté du Caillou. J'ai parlé avec trois d'entre eux et avec un prêtre qui en a connu trois autres. De ces témoignages, je retiens plusieurs éléments (le secret, la richesse, l'emprise psychologique, la destruction de familles, la séparation avec le milieu extérieur, la façade extérieure présentable qui cache la réalité de l'association) qui renforcent considérablement l'hypothèse que nous nous trouvons en face d'une secte. L'adhésion au mouvement des communautés de base et la solidarité avec des gens du Tiers monde pourraient alors s'expliquer par une autre caractéristique des sectes: le prosélytisme".

En l'espace de quelques mois, plusieurs étudiants partiront ou seront jetés à la porte pour ne pas avoir accepté de se plier à cette discipline totalisante

Par ailleurs, nous avons retrouvé à Managua, la capitale du Nicaragua la trace d'une de ces étudiantes: S..... . "Mon mari et moi ainsi que notre bébé avions été accueillis dans une famille du Caillou. Parce qu'ils ne nous trouvaient pas assez soumis et obéissants, ils nous ont convoqué à une réunion. Nous nous sommes retrouvés face à un tribunal, sans que nous ayons la possibilité de nous défendre, ils nous ont donné une semaine pour déguerpir, ils nous jetaient à la rue sans autre forme de procès. Nos démêlés avec le Caillou n'en ont pas été terminés pour autant. ils ont essayé de nous décrédibiliser à l'université et ont voulu nous créer des ennuis avec les organismes responsables des étrangers", se souvient Sandra Bello.

Nous avons également contacté Gérard Lutte qui enseigne actuellement la philosophie à l'Université de Rome. Il ne retranche aucune virgule au rapport qu'il rédigeait en 1991 et souligne encore sa consternation face aux comportements déroutants de la communauté du Caillou "qui critique ouvertement les comportements sectaires et la hiérarchie alors qu'à l'intérieur de leur mouvement tout est extrêmement hiérarchisé et totalitaire". Au cours de notre entretien, Gérard Lutte nous a mis en garde: "Soyez prudente! ils sont retors et dangereux avec les gens qui s'opposent à eux".

Beaucoup de personnes ont souffert des agissements du Caillou et souffrent encore. Et l'un des ex-adeptes rencontrés de s'exclamer: "on prend, on vole l'esprit des gens. Il faut quand même qu'une loi protège contre cela!"

Plus globalement, on peut légitimement se demander pourquoi une chape de plomb a si longtemps étouffé les murmures des victimes. Évidemment, la façade est tellement belle...

Détournements de biens et de salaires

Outre les pratiques d'endoctrinement et de manipulations mentales, décrites ci-dessus, la communauté du Caillou semble s'être livrée à des détournements de biens. Un ancien professeur, aujourd'hui décédé, qui a passé deux ans au Caillou avant d'échapper à cette emprise, s'est plaint "d'avoir laissé dans la mésaventure le prix d'une maison", nous ont déclaré plusieurs de ses proches. D'autres personnes ont vu leurs économies fondre comme neige au soleil: coffre-fort vidé, maison vendue à vil prix à des proches du Caillou, etc... Mais les manœuvres de "La Cité" sont difficiles à percer, tellement ces captations ont été réalisées avec un art consommé de la dissimulation.

Ces pratiques sont pourtant appliquées depuis longtemps. Le Journal du Mardi a mis la main sur le dossier d'une personne qui a vécu quatorze mois au Caillou, entre juin 1964 et septembre 1965. Celle-ci était "invitée" à verser son salaire à la communauté. Lorsqu'elle comprend le danger psychique qu'elle court, elle s'enfuit. Elle tente de récupérer les quelque 90.000 francs qu'elle a laissés à "La Cité" et confie son dossier à l'avocat bruxellois Jacques Willocx. Georges Lethé choisit Me François Dejemeppe, le père de l'actuel procureur du Roi de Bruxelles, pour défendre ses intérêts. Me Dejemeppe se démène comme un diable pour éviter au Caillou de devoir rembourser l'ancienne adepte et pour garder le secret autour de cette affaire. Pour y arriver, tous les moyens sont mis en oeuvre jusqu'à faire passer la victime pour... une "détraquée"!

Me Dejemeppe propose une transaction à l'amiable, mais les conditions sont jugées inacceptables par Me Willocx qui ne peut cautionner "la reconnaissance de votre part que vos prétentions sont nulles et sans fondement et que cette somme vous est remise à titre gracieux. L'engagement de votre part de ne plus émettre la moindre critique au sujet de la communauté et de ses membres et la remise des lettres et documents des parties à leurs avocats, les parties ne pouvant en faire usage qu'au cas où les termes et l'esprit de l'accord ne seraient pas respectés", écrit-il à sa cliente. Me Willocx refuse donc cette mise sous condition et insiste sur l'importance du dédommagement financier car "il importe plus de dénoncer l'escroquerie morale que d'obtenir un résultat financier. Mais je crois qu'en l'espèce, le résultat souhaité sur le plan moral ne peut être obtenu que par une pression accrue au point de vue financier".

De guerre lasse, Me Willocx saisit le bâtonnier de l'Ordre des avocats qui fait pression sur Georges Lethé et son conseil afin que soit indemnisée la jeune personne. Une somme symbolique de 25.000fb lui sera versée... le 10 avril 1967, soit près de deux ans après qu'elle ait quitté le Caillou.

Dans le cadre de cette affaire, un ecclésiastique ira rencontrer le Vicaire général Monseigneur Theeuws à Malines, qui estimera finalement que les difficultés rencontrées au Caillou se placent sur le terrain civil et donc ne regardent pas l'Église!

Le Journal du Mardi a retrouvé le témoignage d'une étudiante nicaraguayenne hébergée au sein de la communauté du Caillou. Présentée longtemps comme un exemple à suivre dans la communauté, J....... n'en a pas moins souffert de son expérience au Caillou et a mis par écrit ses observations. Nous vous livrons de larges extraits de son récit.

On était soumis à un régime de travail manuel, je dirais "forcé", divers: peinture, ménage, jardinage, rénovation des maisons... C'était la communauté qui organisait notre temps libre ( ...) et a décidé de mon programme d'étude ( ... ). ils contrôlaient aussi mon horaire de cours ( ... ).

Bien que la communauté subvînt à nos besoins matériels, j'étais à 100% dépendante d'eux du point de vue matériel et financier, en recevant un minimum d'argent de poche (500fb par mois!) afin d'éviter une certaine autonomie de notre part ( ... ). J'étais tenue à l'écart des décisions importantes de la communauté, il n'y a pas d'échange entre eux et nous, les étudiants étrangers. Ainsi une séparation était faite entre nous et eux, entre ceux qui décident et ceux qui exécutent ( .. ).Aux différentes décisions prises, il fallait obéir, car c'était la communauté qui savait ce qui était 'bon' pour nous, n'étant pas capables, selon eux, de nous gérer ni de prendre une bonne décision.

La seule issue possible, c'était de suivre leurs décisions, sous peine d'être "puni" physiquement (... ). Ce type de relation n'était pas du tout un échange culturel entre eux et nous mais plutôt une imposition des décisions prises sans nous consulter. Un autre constat est la coupure qu'ils ont établie entre nous et l'extérieur. On pouvait seulement contacter les gens que la communauté connaissait, ainsi les contacts que nous pouvions établir étaient coupés de fait.

Au sein de la communauté, il y a une hiérarchie du pouvoir, ce qui est décevant. Il y a ceux qui représentent le pouvoir organisateur (Georges Lethé et Anne-Marie Burny) pour les décisions importantes et les autres qui suivent ces décisions. Ainsi, il existe un respect important à l'égard de G. Lethé qui se veut le guide spirituel.

La communauté pourrait-elle être, du point de vue de son fonctionnement interne, considérée comme une secte? L'expérience vécue avec eux force à donner une réponse affirmative.

Nous avons tenté d'obtenir des explications auprès des responsables du Caillou Georges Lethé et Anne-Marie Burny. Ceux-ci réfutent les accusations. ils se disent victimes d'une cabale.

Des gens à la sensibilité exacerbée...

Le Journal du Mardi : La communauté que vous animez a été épinglée par la commission d'enquête parlementaire... (M. Lethé nous înterrompt...)

Georges Lethé : Je vous arrête tout de suite, le Caillou n'est pas une communauté. Je sais qu'il y a quelqu'un qui s'est amusé à pétroler cette affaire-là, mais c'est tout.

Le Journal du Mardi :Qu'est-ce que le Caillou alors?

Georges Lethé : C'est un lieu où se tiennent une série de réunions.

Le Journal du Mardi :La Commission parlementaire a néanmoins recueilli un témoignage qui démontre des pratiques sectaires au Caillou?

Georges Lethé : Je connais la personne qui est à l'origine de ces bruits et qui agit pour des raisons personnelles que je n'ignore pas. N'oubliez pas que je suis avocat et que, par conséquent, je connais les raisons qui l'animent

Le Journal du Mardi :Mais il existe plusieurs témoignages concordants qui accusent le Caillou..

Georges Lethé : Non, non... Cette personne a réussi à trouver des gens qui n'étaient pas pleinement satisfaits, mais sans plus.

Le Journal du Mardi :Des étudiants étrangers hébergés par des membres du Caillou se sont plaints d'avoir été victimes d'un groupe sectaire

Georges Lethé : C'est un tout autre secteur dont je ne m'occupe pas. Ecoutez, je vais vous passer une personne qui pourra répondre à vos questions

(voix de femme)

Anne-Marie Burny : À qui ai-je l'honneur ? Je suis une amie de la maison, Anne-Marie Burny, enseignante retraitées. Ces accusations sont très graves. Elles ont été portées sur le Caillou sans que nous n'ayons la possibilité de nous faire entendre. Nous sommes un groupe qui fonctionne depuis des décennies.

Rendez-vous compte. Nous sommes tout sauf une secte. Nous animons également le groupe des Compagnons de la Mémoire qui vise à sensibiliser les jeunes sur ce qui s'est passé durant le nazisme et nous luttons contre la montée de l'extrême droite. Je vous défie de trouver chez nous un jeune qui se soit plaint de maltraitance ou de spoliation.

Le Journal du Mardi :Justement, plusieurs étudiants étrangers que vous avez hébergés ont dénoncé des pratiques sectaires au Caillou. lis ont notamment dit qu'on leur avait pris leur passeport dès leur arrivée en Belgique...

Anne-Marie Burny : C'est totalement faux. C'est le rapport qui dit ça, mais c'est de la pure imagination. C'est vrai que nous avons accueilli des étudiants étrangers, venus principalement du Nicaragua. Et voilà! Il y a peut-être eu l'un ou l'autre problème avec certains étudiants qui n'ont pas su s'adapter Mais c'est tout.

Le Journal du Mardi : Ils sont plusieurs à s'être plaints qu'ils étaient privés de contacts avec le monde extérieur, qu'ils ne pouvaient pas sortir...

Anne-Marie Burny : C'est de la folie furieuse (Madame Burny s'énerve !). Mais qui a pu vous dire des choses pareilles? Vous allez vous amuser à courir derrière de tels racontars? Vous n'allez pas tomber là-dedans. Vous n'avez pas écouté le témoignage de ceux qui sont restés parmi nous pendant deux ou trois ans et qui reviennent encore nous voir. Nous avons une conception éthique et politique du Tiers monde.

Le Journal du Mardi : À côté des étudiants, d'autres encore ont vécu dans votre communauté et vous accusent également de pratiques sectaires. Qu'avez-vous à dire?

Anne-Marie Burny : C'est faux. Nous avons été mis en cause parce qu'une dame diffuse des calomnies à notre propos. Nous ignorions cette déposition devant la Commission d'enquête parlementaire et nous n'avons pas été entendus.

Le Journal du Mardi : Pourquoi ne pas avoir déposé plainte contre elle pour calomnie?

Anne-Marie Burny : Par respect pour son mari. Je le redis la Commission parlementaire a été une véritable aubaine pour cette personne qui a pu remuer de vieilles boues. Et je ne parlerai pas du travail de cette Commission qui n'est pas allée beaucoup regarder du côté de la Franc-maçonnerie et de l'Opus Dei.

Le Journal du Mardi :Vous voulez dire que la Commission a mal travaillé?

Anne-Marie Burny :Je ne sais pas. Je n'ai pas mené une étude complète là-dessus. Tout cela me dégoûte, car nous luttons contre les sectes. C'est justement le combat de Golias.

Le Journal du Mardi : Comme vous connaissez bien les groupes sectaires pour avoir à plusieurs reprises dénoncé leurs agissements, vous n'ignorez pas qu'un souci majeur de ces mouvements est d'offrir une belle façade...

Anne-Marie Burny : C'est de la folie furieuse. Nous sommes victimes de purs fantasmes. C'est de la malveillance.

Le Journal du Mardi : Quelles sont les activités du Caillou?

Anne-Marie Burny : Écoutez Madame, vous pensez que je peux vous raconter en deux minutes au téléphone l'histoire de 50 ans de vie? Qu'est-ce que cela? Je connais un journaliste de chez vous, Olivier Pirotte. Il nous a accompagnés au Nicaragua, il nous connaît et serait plus à même d'écrire cet article.


 
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