Mes "montagnes russes" dans la Scientologie

Témoignage de Birgitta Dagnell, suédoise, ex-membre de l'OSA, sorte de KGB scientologue
 
(source : My story about Scientology)
 
Traduit par Néfertiti en novembre 1997


Comment je me suis laissée prendre par la Scientologie ?

Tout a commencé en automne 1970 alors que je me promenais avec mon bébé. Un homme m'aborda et me proposa d'effectuer un test de personnalité afin que je puisse en savoir plus sur moi-même. Plus tard dans la journée, je suis entrée dans un centre de la Scientologie, à Örebro en Suède, pour effectuer ce test. Je n'avais jamais entendu parler de cette "église" auparavant.

J'ai rencontré dans cette église des gens très amicaux, et qui semblaient beaucoup s'intéresser à moi. Après le test, on me présenta le livre "La Dianétique", une nouvelle branche de la science qui venait juste d'être découverte selon eux. Je n'ai pas eu envie d'acheter ce livre car je n'y croyais pas vraiment. Ensuite, on me demanda de m'inscrire à un "cours de communication", que j'ai refusé aussi, car je n'avais aucun problème dans ce domaine. Je chantais en public depuis l'âge de 6 ans et j'avais l'habitude de parler et de chanter sans nervosité, et le public semblait m'aimer. Ils m'ont affirmé que cela n'avait rien à voir, que le "cours de comm" traitait de problèmes totalement différents. De toute façon, je leur ai répondu non merci, puis j'ai quitté cette "église" qui ne me paraissait pas très claire sur sa véritable nature. Je n'avais aucune envie de croire ou me joindre à une religion nouvelle, quelle qu'elle fût.

En mars 1971, je reçus une lettre m'informant qu'une personne importante allait donner une conférence dans le centre de Scientologie. A mon arrivée, j'ai aperçu un homme déambuler en uniforme pendant que les autres chuchotaient : " c'est le capitaine Bill, l'homme de confiance de Ron ". J'ai compris qu'il s'agissait de quelqu'un de spécial, mais j'étais intriguée par l'uniforme. Il a montré un film sur la Sea Org qui commençait de manière très théâtrale par la musique de " Ainsi parlait Zarathustra " qui m'a fort impressionnée. J'ai donc signé pour le cours de communication et commencé dès le lendemain.

Ma progression jusqu'aux "relations publiques", avant la dégringolade...

Les années passèrent avec beaucoup de cours, beaucoup d'auditing et en décembre 1979, j'ai rejoint le staff et commencé à travailler comme Auditeur classe IV à l'org de Malmoe. J'ai payé tout mon entraînement.

En mars ou avril 1980, la police a fait 3 perquisitions dans cette l'org . Je fus alors attachée au maniement de la mauvaise presse ainsi qu'aux relations publiques. En conséquence, j'ai dû adhérer au GO (Gardian Office). Dans ce service, je fus surprise de constater qu'ils avaient le don de prédire 10 minutes à l'avance que la police allait débarquer, et d'avoir connaissance de la déclaration du secrétaire financier lors de son arrestation et de son interrogation.

J'ai été envoyée à Saint-Hill, East-Grinstead en Angleterre pour faire un entraînement complet appelé PR training (entraînement sur les relations publiques). Je me rappelle avoir lu " Public Relations " de Cutlip et Center, " Un espion et son maître " et " L'Art de la Guerre " ainsi que des tonnes de documents de L. Ron Hubbard. Il fallait que je comprenne "Opération Blanche neige" (vaste opération d'espionnage avec vols de documents du FBI ; le "Scientologie-gate" des années 70) ainsi que d'autres manoeuvres et programmes secrets.

Quand je suis revenue à Malmoe, je travaillais au département des relations publiques avec succès, jusqu'à ce que la situation commençât à mal tourner. En 1982, commencèrent à circuler plusieurs rumeurs. Il fallait que nous apprenions que les directeurs de Missions et le management actuel étaient "suppressifs", ainsi que la plupart des gens du GO à échelle mondiale.

En janvier 1983, le gardien de Malmoe reçut un ordre du RTC (senior management de la secte) d'envoyer toutes les réserves d'argent au Luxembourg. Peu après, j'ai été promue AG (Assistant Guardian) de Malmoe faisant suite au limogeage de l'ancien AG et de son staff ; car il n'avait pas envoyé assez d'argent. Il ne restait donc que 2 personnes au GO ; le gars du SOCO (groupe de façade du GO) et moi.

Bienvenue dans le DPF, une variante du goulag

En février, j'ai été appelée à FOLO (org de liaison avec Flag, ndt) au Danemark pour un briefing. Allan Hubbert détaché d'une unité spéciale de Los Angeles m'y accueillit avec le sourire pour me dire gentiment que je devrais faire un peu de "programme de nettoyage de printemps" appelé DPF (Deck Project Force : programme punitif et de "réhabilitation" de la secte, ndt). Je n'en avais jamais entendu parler mais il me montra un ordre de Flag écrit par LRH. On me signifia que tout le staff des GO en Europe devait être assigné au DPF. La raison donnée était qu'ils étaient responsables du manque de prospérité des "églises" et que nous étions tous des ennemis de l'église. Le GO devait être dissout et remplacé par l'OSA (Bureau des Affaires Spéciales). Seules des personnes sans reproches et spécialement choisies n'appartenant pas au GO devraient être assignées à ce département. Nous, les ennemis et les traîtres devaient être envoyés au DPF pour nous réhabiliter.

Il fallait que je commence le DPF tout de suite. Pas le temps de rentrer à la maison, changer de vêtement ou en amener, ni même téléphoner à mon mari et à mes enfants. Pour passer un coup de fil, il fallait rédiger une demande d'autorisation, en précisant l'objet de l'appel et tous les détails. J'ai attendu un mois avant d'obtenir enfin l'autorisation de téléphoner chez moi. A cette époque, j'étais accoutrée de mes pantalons noirs et de mon manteau de vison, que j'utilisais aussi comme un oreiller. J'ai fait partie des premières personnes dans le DPF, parmi les 81 autres qui ont ensuite débarqué de tous les pays européens.

Les tâches subalternes des DPFers

La réhabilitation consistait à se consacrer à de nombreux travaux de nettoyage. Les journées commençaient à 8 heures, avec l'appel. Nous devions répondre " AY Sir " (comme les US marines, ndt) à notre appel, ou chaque fois qu'on nous adressait la parole. Il nous était interdit de parler aux gens extérieurs du DPF et par la suite, ni même aux membres du DPF issus d'autres pays. Nous étions de ce fait isolés. La première nuit, nous étions deux à partager une chambre à deux lits. Les nuits suivantes, le nombre d'occupants de cette même chambre passa à 18...

Quelquefois nous pouvions prendre un petit déjeuner, mais c'était rare. Je me rappelle qu'un matin, nous n'avions reçu que 16 tranches de pain à partager pour 82 personnes, et un type en a pris 6 à lui seul. Cela a failli déclencher une guerre civile. Les repas étaient pris dans un grenier que nous partagions avec de nombreux pigeons. Les lieux étaient très sales et couverts de fientes. Un jour, j'ai dû véritablement me battre avec les pigeons pour arriver à prendre mon repas. La nourriture restait insuffisante pour nous tous, et ne se composait que de riz et de fayots. Pas d'assiettes, pas de couverts pas de récipients. Une fois on nous apporta de la soupe, et j'avais de la chance de posséder une petite tasse en plastique qui m'a permit de la boire. Nous nous sentions comme des indigents à la sortie d'un restaurant...

Il fallait nettoyer les toilettes, les couloirs et des chambres d'hôtel, mais aussi la peinture et du travail de construction. Les fournitures nécessaires au nettoyage étaient quasiment inexistantes ; des brosses sans poils et de l'eau froide sans détergent. Je faisais le ménage à l'hôtel de Nordland et à celui d'en face. Un jour, je devais nettoyer les salles de bain ainsi que le long couloir qui était très sale. J'avais beaucoup de fièvre et ne pouvant tenir debout, j'ai dû tout astiquer avec une brosse à dents en rampant. Le jour suivant, je n'ai pu me lever car atteinte d'une pneumonie. Des gardes sont intervenus pour m'obliger à me lever, en vain. Le jour suivant, ils m'ont quand-même forcée à reprendre le travail. On travaillait jusqu'à 23 heures, mais on nous réveillait souvent la nuit pour d'autres tâches, quelquefois jusqu'à 5 heures du matin et avec seulement 2 pauses de 30 minutes.

Nous n'avions pas le droit de nous asseoir ou de marcher ; il fallait toujours courir. Certains travaux étaient démoniaques ; l'une d'entre nous fut ordonnée de peindre la réception de FOLO, tandis que 3 autres s'occupaient du travail préparatoire. Elle a trouvé que c'était du bon travail, et cela en avait tout l'air lorsqu'elle eut fini de peindre. Mais après 5 jours, la peinture n'était toujours pas sèche, et on se rendit compte que la peinture n'avait pas été mélangé avec une substance adéquate : le durcisseur. Elle dut tout retirer et reçut peu après une déclaration de personne suppressive (personne considérée comme ennemie de la secte et la pire chose qui puisse arriver à un membre de la secte, ndt) et elle partit.

D'autres devaient laver du vieux papier. Nous étions 5 dans la cour de FOLO à sortir des sacs du vieux papier, le plonger dans de l'eau gelée, le maintenir sous l'eau jusqu'à ce qu'il soit gorgé d'eau ensuite en expulser l'eau et en faire de petites boules compactes avant de les retourner dans les sacs. On avait mal au mains, car dehors, il faisait en dessous de zéro. Le but de l'opération était de remplir le plus de papiers possible dans les sacs.

Les séances d'interrogatoire

Après une quinzaine de jours, on apprit que nous devions faire de l'éthique le soir. Nous étions ravis, car cela nous permettait de rester assis sur des chaises. Mais ce n'était pas le genre d'éthique auquel nous étions accoutumés. D'abord, il fallait écrire toutes nos mauvaises actions (overts) de cette vie ci et des précédentes. Ensuite, on nous mettait devant un auditeur à l'électromètre. Deux missionnaires flanquaient l'auditeur (Mike Sutter et Isabella Ferrer). L'auditeur, lisait l'overt, le vérifiait sur l'électromètre et les missionnaires commençaient à vous hurler dessus. Cela s'appelle Gang-Bang sec-checking. "Ce n'est pas ce que tu as fait, tu as d'énormes overts, tu es la personne la plus horrible sur terre, on veut tes vrais overts..."

Les hurlements pouvaient durer une heure ou plus jusqu'à ce nous reconnaissions que nous étions vraiment des mauvais et des méchants. Beaucoup ne pouvaient pas le supporter. Une nuit, un italien commença à pleurer et admit être mauvais et se mit à remercier le missionnaire qui lui avait révélé la vérité à son sujet. Il tomba sur ses genoux et rampa vers le missionnaire Mike Sutter et lui embrassa les chaussures. Mike le regarda dédaigneusement et lui dit : " Tu es déclaré personne supressive, fous-moi le camp d'ici ". L'italien n'avait pas d'argent et ne savait vraiment pas comment rentrer dans son pays. J'ai su plus tard qu'il a trouvé dans le port un cargo qui l'a ramené gratuitement en Italie.

Je me rappelle d'une jeune femme belge qui reçut le même traitement. Elle commit l'imprudence de leur faire cette confidence : celle d'avoir finalement compris qu'elle avait négligé son mari et ses enfants à cause de la Scientologie. Elle essaya de s'échapper mais échoua. La semaine suivante elle ne parla avec personne, elle traînait dans la cour en riant toute seule de manière hystérique. On m'a dit qu'elle devint folle, ensuite elle n'était plus là... Je ne sais pas ce qui lui est arrivé, mais je pense souvent à elle.

Brèves retrouvailles familiales en catimini

Au bout d'un mois, j'ai obtenu la permission de retourner chez moi, et de voir mes enfants pour le week-end. J'ai donc appelé ma fille aînée de 13 ans pour lui annoncer mon arrivée le samedi. Elle était très contente et me dit qu'elle me préparerait un bon dîner en mon honneur, nous étions en larmes au téléphone. Mais le samedi en question, j'ai été informée que ma permission était annulée car ils pensaient que je ne reviendrais pas, ou que je raconterais aux gens ce qui se passait au Danemark. Des heures durant j'ai essayé de les convaincre qu'il fallait que je retourne chez moi pour voir mes enfants, qu'ils m'y attendaient etc... Rien n'y fit, ils ne voulaient pas en démordre. Je ne pouvais pas supporter de penser à ma petite fille si contente me préparant un repas de bienvenue. J'ai donc décidé de m'échapper le soir. Je suis sortie discrètement de Nordland et j'ai marché vers les ferries en direction de Malmoe.

Je suis arrivée chez moi autour de minuit et j'ai réveillé la famille. Nous étions tous très heureux de nous retrouver... mais mon mari me dit que je devais retourner le lendemain. Je lui répondis qu'il n'en était pas question que jamais je n'y retournerais. Mais il m'a persuadé en me disant qu'il fallait que j'aille au DPF, sinon nous devions divorcer. Alors j'y suis retournée.

Sur le chemin du retour, j'ai rencontré Barbara Schwartz, issue d'Allemagne. Nous avions été amies. Je l'avais même couverte lorsqu'elle avait une petite escapade et qu'on me demanda si elle était restée dans sa chambre cette nuit là. Je ne le savais pas exactement, mais j'ai déclaré qu'elle n'avait du tout quitté son lit. Maintenant que les rôles étaient inversés, elle me répondit en bon scientologue qu'elle devait faire un rapport et que je serais envoyée au RPF (à peu près la même chose que le DPF mais beaucoup plus long). Je réussis à la convaincre de ne pas faire un rapport puisque je l'avais aidée.

Un examen de passage très particulier pour une nouvelle promotion

Ainsi, je me retrouvais encore sur le Deck (pont en jargon maritime, signifiant travail physique d'après le programme punitif appelé DPF, ndt). Une nuit, les missionnaires se sont mis à nous crier dessus. Après leurs hurlements, l'un d'entre eux nous demanda si nous avions une question à poser. J'avais une question à poser et j'ai levé la main. Ils ont dû penser qu'il était très impudent d'avoir une question à poser, alors ils voulurent donner l'exemple et m'ordonnèrent d'avancer. On me fit asseoir sur une chaise en face de 80 personnes. Ils dirent aux autres de me regarder comme étant la vraie personnalité suppressive. Les 3 missionnaires me crièrent dessus et m'humilièrent pendant 2 heures et devant tout le monde. Mes camarades furent ordonnés de partir et je restai seule avec eux. Je passais 3 heures de plus avec leurs hurlements me disant que je n'avais jamais rien fait de bien de toute ma vie. Mike Sutter en vint à me cracher au visage, à jeter des chaises et il lança une table qui me heurta à l'estomac. Il me dit que je serai expulsée de la Scientologie pour toujours. Il n'y avait rien d'autre qui ne me faisait aussi peur que d'écouter de tels mots. Je me rappelle que je pensais "expulsée ? mais je suis encore en vie !".

Après 3 heures d'un tel traitement, je me mis à pleurer et à leur dire que j'avais toujours essayé de faire au mieux en suivant les lettres de règlement de LRH tout le temps que je faisais partie du staff. Ce moment précis marqua un tournant ; on me dit que cette mise en scène était un test pour vérifier si je pouvais tenir ma position.

Je devais ensuite devenir leur premier officier dans leur nouveau département d'OSA !


  
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