Témoins de Jéhovah

Une ex-TJ s'exprime

(Source : BULLES n°77, 1er trimestre 2003)
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Mis en ligne le 10 mars 2004
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Témoignage

Cela fait plus de deux ans maintenant que j’ai quitté les Témoins de Jéhovah (NDR : marque déposée à l'INPI à la rubrique "Produit & Services") que j‘ai commencé à voler de mes propres ailes. J'y suis restée active plus de vingt ans. Depuis, quelques uns de mes amis ont aussi quitté cette organisation ; ils ont repris contact avec moi.

C’est à cette occasion que je me suis rendu compte combien un tel groupe peut laisser des traces profondes, bien longtemps après la rupture. Bien sûr, chacun fait son propre chemin, à son propre rythme - mais la manipulation exercée au cours des multiples réunions, les pressions de toutes sortes présentes à tout instant par les lectures imposées, les craintes et les culpabilisations développées par un groupe oppressant derrière un épais masque de "bonnes manières", tout cela fait que les blessures de l’âme sont profondes et les séquelles plus graves qu'on ne peut l'imaginer.

Par exemple, j'ai un ami, exclu quelques semaines après mon départ. Le motif annoncé était que les normes de moralité du groupe ne correspondaient pas aux sentiments que ce jeune homme partageait avec une jeune fille non Témoin de Jéhovah. Il a préféré partir pour vivre un légitime amour, mais deux ans après avoir abandonné ceux qui l’avaient pourtant rejeté, il reste terrorisé par l'attente d’ Harmaguédon ; si le groupe n'a pas su le retenir par amour pour ses enseignements, il a parfaitement réussi à créer et maintenir un profond sentiment de culpabilité et de crainte qui le poursuit dans son bonheur conjugal.

Il n’est pas le seul à réagir ainsi. Beaucoup étaient gênés par les interdits ; ils les empêchaient d’agir selon leurs désirs. Et cependant ils en restent dépendants au travers de "l'espérance" qui leur avait été "enseignée" la plupart depuis le plus jeune âge. Comment d’ailleurs se libérer d’ une espérance qui promet tout, qui réalise tout ; chaque adepte y trouve sa réalisation ; chaque enfant bâtit sa personnalité sur la base de mirages qu’il reçoit comme une réalité future.

Personnellement, je sais que mon cœur avait été touché par le fait que mon père pourrait ressusciter sur terre ! Quelle cruauté de faire croire à des personnes, sensibles de surcroît, des choses aussi insensées qu’invérifiables ! Je sais aujourd’hui qu’ils me possédaient ainsi.

Cet ami que j’évoquais précédemment m'appelle de temps en temps, souvent après avoir croisé une vieille connaissance TJ. C’est une réaction plus forte que lui : aujourd’hui encore la vue d’un TJ déclenche chez l'ex-TJ qu’il est devenu un besoin de parler d’un passé qui lui brûle encore le fond de l’âme. Je le comprends, car moi aussi j’ai connu ces brûlures : souvenir d'un cocon douillet où les problèmes n’existaient pas, à condition d’accepter de ne pas exister soi-même !!! C’était surtout une "famille" et des "amis" qu’il faut reconstruire aujourd'hui. Le culte, lui, ne me fait pas défaut. Un autre ami a pratiquement quitté le groupe pour les mêmes raisons. Il est aujourd’hui marié ; il a un bébé. Son épouse, n’est pas TJ, loin s’en faut ; lui affirme ne plus l'être. Il ne va plus aux réunions voilà presque deux ans, il ne lit plus les publications, pourtant … il exprime le désir d'élever son enfant dans la culture qu'il a rejetée mais qui le poursuit malgré lui.

Combien d’adeptes, je m’en souviens maintenant, restent inactifs au sein du groupe uniquement par peur de cet Harmaguédon qui va tout détruire. Lorsque cette peur est enseignée dès le plus jeune âge, on peut imaginer les efforts que l'enfant, puis l'adolescent, devra déployer pour s'en débarrasser et se laver de toutes ses séquelles. C’est le cas de mon propre frère. Il n’assiste plus aux réunions, ne va plus tirer les sonnettes avec sa sacoche remplie de brochures, pratique un mode de vie en complète contradiction avec certains interdits… Mais il reste d’une certaine façon "envoûté" par un ensemble de craintes, par une culture, et hypnotisé par la peur d'être détruit.

Je leur pardonne et je suis patiente. Il m’a aussi fallu un certain temps pour réaliser à quel point la mise en état de sujétion pouvait durer et laisser de profondes traces au-delà des choses du conscient.

PN, 32 ans




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