Témoins de Jéhovah

Mon histoire a débuté avant ma naissance...

a écrit Agnès dans ce témoignage dont je la remercie car il devrait ouvrir les yeux des adeptes de cette secte et de ceux qui risquent comme sa maman,de se laisser capter par elle


Mon histoire débute avant ma naissance: Peu après, qu'elle ait perdu un être cher, un jeune couple de démarcheurs jéhovistes vint promettre à ma mère qu'elle le reverrait dans le paradis terrestre dont l'arrivée était, selon eux imminente. En quelques mois, ils firent d'elle une Témoin ardente. Dès lors, elle se voua à la conversion de son mari et à l'imprégnation de ses marmots.

Alors que je savais à peine marcher, elle dut subir une intervention sérieuse: Très affaiblie, elle refusa la transfusion avec emportement. Je ne peux pas lui en vouloir mais j' éprouve aujourd'hui tout l'horreur de la manipulation dont elle était victime: Elle, qui n'eut jamais d'autre horizon que ses enfants, aurait sacrifié son existence en vertu d'un interdit absurde... Mon père, dépassé devant sa détermination, ne fit que baisser les bras. Quand il se révoltait avec violence, celà nous rapprochait davantage de notre mère, et de la secte.

Bercée dans ce climat d'insécurité, j'en arrivais souvent à souhaiter la mort de mon père, lors d'Harmaguédon comme la secte l'avait prédit. Petit, on ne voit pas que celui qui a tort n'est pas forcément celui qui crie....Dès que j'ai pu, j'ai trouvé un prétexte pour quitter la maison.
Ainsi, j'étais adepte de naissance. Ca signifie quoi? Tant qu'on est pas en mesure de vous expliquer ce qu'est la lumière... et la vraie vie, vous ne souffrez pas énormément. Pourtant très vite, dès que vous savez parler et marcher, vous prenez conscience de la différence.
Celà commence dès l'école: A trois ans, on s'isole déjà, parce que, mettre des boules sur un sapin pour Noël, ca déplaît à Jéhovah. La carte et le poème de Bonne fête, Maman les mettait de côté... pour les jeter en douce. Un peu plus tard, j'eus droit aux leçons de morale. Je me souviens encore de la frustration éprouvée à ces moments là. Bien sur, à Noël, j'avais droit à un beau jouet offert 15 jours avant le jour N. Il n'empêche que j'avais du chagrin devant la joie des autres! Pour Carnaval, pas de déguisement, pas de farine et ni de grosse rigolade à l'école et dans les rues.
Pour Pâques, rien...le jardin restait aussi nu que la maison...Et aux anniversaires...un gâteau de consolation avec un mot gentil du genre: "Comme tu grandis vite! Dire qu'il y 7 ans, 10 ans, 15 ans..."Enfin... pas de club sportif car l'esprit de compétition est blâmable. Sans compter que le mercredi, il y avait le "porte à porte": Quel supplice d'aller prêcher dans le quartier où habitent d'autres élèves!

Au mieux, j'allais évangéliser avec A...., un grand qui inventait les bêtises....Au fond, j'étais ravie! Les gosses des adeptes ne sont pas toujours immunisés face à la délinquance! A force de serrer la vis...elle finit par vous rester entre les mains: Si certains jeunes délinquants ou drogués sont devenus irréprochables en se convertissant...beaucoup d'enfants de TJ ont aussi pris le contre-pied de cette éducation intransigeante...

Au collège, je ne fis jamais de voyages à l'étranger pour ne pas fréquenter de trop près les "incroyants".Mon travail scolaire n'était pas très suivi: l'avenir spirituel passait avant tout: étude familiale, prédication, réunions....Bref un rythme étouffant...

J'ai grandi avec l'idée que l'instruction poussée ne servait à rien: Harmaguédon ( "la guerre du grand jour de Dieu le tout puissant") allait arriver et balayer les "méchants". De plus, les profs étaient des ignares, enseignant parfois des choses fausses, par ex: que la bible, n'est qu'un récit mythologique ou bien que la théorie de l'évolution est un fait!
Je devins un bon petit soldat jéhoviste: bassinant mes camarades et les profs à l'occasion, avec les arguments de la secte: Il fallait à tout prix en sauver quelques-uns! A l' âge tendre, ma foi était un mur: pas de lézarde....l'école était un territoire de chasse idéalement renouvelé!
A la maison, je vivais avec mes aînés une guerre sans merci:
Maman nous a élevé de son mieux, pourtant lorsque Papa rentrait de son travail harassé, nous le laissions seul, face à la télévision. Jamais avant d'être adulte, je n'ai éprouvé le moindre remords à l'abandonner ainsi, convaincue que mon devoir était d'assister avant tout aux réunions...


L'adolescence

Même à l' âge des contestations, je restais attachée à mon microcosme jéhoviste: Le monde extérieur était attirant, bien sûr, mais il était dominé par le mal: toutes les choses dont une jeune fille de quatorze ans peut rêver: sortir le soir, flirter avec un garçon, faire la coquette...étaient bannies de notre conception des choses! Même enfant, la plus sûre des prisons, c'est votre matière grise, des " Cellules en cellule", quoi!
La secte infiltre jusqu'à votre intimité: la masturbation, par exemple est un péché honteux! Bardés de tels interdits, certains adeptes craquent et se livrent à des abus sur mineurs et autres actes pénalement répréhensibles.
Les TJ sont des fondamentalistes intransigeants...Par leur enseignement, vous vous croyez sans cesse sous le regard de Dieu! Sans cesse coupable....sans cesse sous tension....
Je me demande parfois comment j'ai pu résister à la pression... J' ai beaucoup lu à cette époque... Ce n'était pas très bien vu ... mais, je trouvais l' évasion dans le savoir et celà m'aidait à rester équilibrée.

La prison

Après les barreaux, les barreaux: Ado, j'endurais avec les miens l'épreuve classique du grand frère, appelé sous les drapeaux. Je ne comprenais pas bien qu'il doive refuser le statut d'objecteur de conscience. La société WT l'avait décidé ainsi, alors il refusa tout "compromis" et alla tout droit en prison!
Que pouvait-il comprendre d'ailleurs à ce refus d'alternative? Une chose, une seule: accepter un service civil aurait entraîné son excommunication, donc le déshonneur et la mort spirituelle aux yeux du groupe...
Ce qu'aucun de ces jeunes ne savait, c'est que leur leaders américains débattaient de cette question depuis 1977 et qu'ils ne parvenaient pas à se mettre d'accord: A 1 ou 2 voix près, la politique adoptée aurait pu changer. En fait elle l'a étée le 1er Mai 1996, par le biais d'un article de la Tour de Garde, leur organe de propagande. Dans ces lignes, pas un mot d'excuse aux victimes. N'est ce pas révoltant?
Mon frère alla purger sa peine dans une prison réputée pour son austèrité. Main d'oeuvre docile, il effectuait des réparations dans l'établissement...y compris dans le quartier de haute sécurité....Souvent, il avait peur d'oublier un outil dans la cellule d'un criminel...
Comme tous les héros, vraiment "spirituels", il repoussé l'idée de se faire affecter sur un domaine, sorte de "colonie de vacances" pour TJ promus "valets" de vieux magistrats venus se mettre au vert...
Lorsqu' il rentra, son attitude oscillait entre le dégoût, la dépression et l'euphorie de la liberté. Finalement, il se précipita dans le mariage...
Pendant leur peine, ces jeunes hommes pouvaient se réunir et singer en mini-communauté, tous les rôles des dirigeants locaux, se préparant intensément à gravir les échelons de la pyramide sectaire à leur sortie. Dans notre esprit de "vrais chrétiens", la répression, c'était la persécution annoncée dans la bible...
Ce qui m'écœure profondément, c'est que les responsables des TJ n'ont pas hésiter à casser leurs jeunes pour en faire des martyrs. Les envoyer en prison était une façon d'évaluer leur capacité à obéir aveuglément à la secte.

La jeunesse

Pourtant, habituée à ma serre... ou plutôt aux serres de la société W.T, je suis devenue une jeune fille comme tant d'autres, ni plus ni moins heureuse. Mes profs de philo m'aimaient bien car, pour eux, je défendais une utopie rousseauiste...avec une apparente conviction. Au fond de moi, quelque chose clochait. Mon "ouverture" d'esprit (c'est paradoxal!), mes opinions personnelles me valaient une admiration mêlée de méfiance de la part de mes dirigeants. Une femme TJ se devait d'être modeste et soumise....mais j'avais beau faire pour m'écraser, je ne l'étais jamais assez pour ce système machiste où les femmes restent toujours des subalternes.
Pour compenser, je redoublais de zèle: je fus donc promue "pionnier" (adepte qui fait 140, 90 ou 60 heures de prosélytisme mensuel) tout en travaillant et en poursuivant mes études. Dès lors, j'étais si occupée que je ne pouvais plus mettre en question mes croyances. Pendant ce temps, j'ai convaincu des gens. La plupart, en proie à des problèmes familiaux, ou à la déprime. J'avais l'impression de faire œuvre utile en les écoutant et en les aidant à résoudre leur soucis... Celà vous étonnera sans doute, mais j'étais sincère dans cette démarche! Témoins de Jéhovah modèle, j'ai le sentiment d'avoir servi "d'argument publicitaire". Il en va de même de tous les Témoins de Jéhovah plus cultivés, plus instruits ou plus zélés. Ce sont souvent aujourd'hui les adeptes de la deuxième ou troisième génération... plus cools et plus convaincants aussi... Le cliché ordinaire consiste à ne voir dans les TJ que des gens issus de classe sociale défavorisée mais c'est de moins en moins vrai. D'ailleurs on en retrouve de plus en plus dans l'administration où certains parviennent à occuper des postes clés.

Issue de secours

Parallèlement à mes activités, mes doutes ne trouvaient pas de réponse. Puis j'ai rencontré mon mari: malgré sa jeunesse, il avait une connaissance approfondie de la littérature de la secte. Il était en passe de devenir l'un des responsables locaux. J'imaginais qu'il m'aiderait à combler les failles de ma foi. Nos objectifs jéhovistes étaient communs: faire partie de l'élite jéhoviste, les travailleurs du siège.
La structure pyramidale favorise l'émulation, lorsque vous êtes promus, vous éprouvez de la fierté et vous consolidez en même temps votre sentiment d'appartenance à la secte: Si nous étions partis aux U.S, nous aurions été fait comme des rats: Qui se serait soucié d'offrir un job à deux ex-adeptes? Je suis convaincu que la peur du lendemain contraint aujourd'hui un certain nombre d'adeptes très investis à faire semblant. En "pur label Watch-tower made in Brooklyn", il décortiquait histoire et doctrines du mouvement. Ses recherches le conduisirent à découvrir la mauvaise foi des gourous, leur capacité à nier avoir jamais dit ou écrit des choses dont il possédait la preuve.

Nous étions abasourdis. Il m'est impossible de vous faire partager ce que nous avons ressenti! Nous avions été abusés intellectuellement depuis le berceau! Notre vie était centrée sur la secte, nous y avions toujours vécu avec notre famille et nos amis...
Avant de tout quitter, nous voulions consulter les archives. Cela nous fut refusé sans explication - par la voie hiérarchique! Par qui? Je ne le saurais jamais...c'est toujours le même anonymat ... un isolement des décideurs qui a pour avantage de les préserver de l'appréciation défavorable de leur base!
Nos proches ont refusé de voir la réalité en face, refusé de considérer nos arguments. Bien scotomisés par l'enseignement de la secte (ce qui est évident pour tout observateur extérieur est invisible aux yeux des adeptes), ils se contentèrent d'éprouver de la peine. Ils ne nièrent rien, se bornant à répéter que seul Jéhovah détenait la réponse à nos interrogations. Pour eux, nous faisions preuve d'ingratitude face à la mère nourricière. En fait, c'était une amère souricière!

Le génie des gourous est de trouver un écran-réponse à chaque question épineuse. Ils jouent aussi avec la capacité de réduction de dissonance cognitive: Pour l'annonce apocalyptique de 1975, par exemple, le collège central s'est justifié en culpabilisant les adeptes ....leur affirmant que trop pressés de voir s'accomplir le jugement de Dieu, 'ils avaient interprété les paroles de leurs leaders. L'autre argument : c'est que le "lapin posé par Jéhovah" était une preuve de son amour: il leur laissait le temps de sauver plus de gens!!!
Ainsi, déclarés "contagieux", les membres de base furent encouragés à nous tenir en "quarantaine".
Plus tard, mon mari prit conscience qu'il fallait dénoncer le comportement des leaders....La secte déclencha son processus d'exclusion. Et nous fumes voués à la "destruction éternelle" sans même avoir été consulté. Leur tribunal a instruit un dossier contre nous... Jamais nous n'avons pu y avoir accès: Pas de procès, pas de défense: Seule l'attitude des membres de la secte à notre égard a permis de reconstituer le puzzle.

Après toutes ces années passées dans la secte, nous nous sommes retrouvés seuls, perdus dans un monde "hostile" aussi vulnérables que deux escargots sans coquilles.
Puis,comme la grande majorité de ceux qui en "sortent", j'ai tourné la page et taché d'effacer les blessures. Ce sujet était devenu un tabou pour moi. Mais, mon mari - relégué au noble rôle de "papa à la maison" n'arrivait pas à supporter cette attitude. Après quelques années de silence, il sombra brusquement dans une dépression suicidaire.

Nous avions quitté la secte mais elle ne nous avait jamais quitté: elle continuait son travail de destruction insidieux. Mon silence, je le devais au chantage qu'elle exerce sur le paria qui continue d'aimer sa famille Témoin et a terriblement peur de briser le lien fragile qui la relie à elle. J'ai réagi, décidé de me battre au coté de mon conjoint, loin alors de soupçonner l'envers du décor...toutes les histoires dramatiques auxquelles nous avons été confrontés depuis... Bien sûr, en aidant d'autres victimes, mon mari a. retrouvé une raison de vivre...

Face à un brasier qui n'en fini pas de consumer des innocents, il est devenu l'un des rares pompiers volontaires, avançant souvent au risque de se brûler, faute d'équipement!

 

 


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