Témoins de Jéhovah

Une vie gâchée

(Source : BULLES du 2ème trimestre 1995)

 

Ce témoignage a été donné par Mme Morel au congrès des ADFI à Rennes en Novembre 1994.


Je viens vous présenter mon témoignage d'ex-épouse d'un Témoin de Jéhovah. J'avais 24 ans, lui 22. Nous vivions ensemble, sans être mariés. Je travaillais et lui, Yannick, était étudiant. Ce devait être en 1984. Lorsque les Témoins de Jéhovah ont frappé à notre porte.

 Il m'a dit qu'on venait lui proposer des cours sur la Bible. Je ne connaissais pas les Témoins de Jéhovah et ne me suis pas méfiée, mais une fois, j'ai entendu son instructeur lui dire que les rois mages étaient envoyés par Satan, ce qui a déclenché mes soupçons. J'ai découvert leur doctrine très raide : aucune ouverture à une autre religion, ils étaient contre l'oecuménisme. Je suis moi-même catholique et découvrais à l'époque, dans un mouvement d'action catholique, un chemin spirituel fait d'écoute et de respect. Nous partagions en équipe sur notre vie, sans recevoir de jugement, et cette écoute respectueuse me faisait grandir. Jamais je n'ai été jugée sur le fait de vivre avec Yannick sans être marié et plus tard, d'être marié civilement seulement.

 Les Témoins de Jéhovah dirent à Yannick qu'il ne pouvait vivre en couple sans être marié. Je souhaitais me marier aussi et donc nous nous sommes épousés. Ayant une foi très vive et voyant Yannick cheminer spirituellement, je demandai un mariage oecuménique comme cela se passe entre catholiques et protestants, où le mariage est célébré religieusement. Quelle ne fut pas ma surprise de voir les Témoins de Jéhovah refuser. Son instructeur dit même à Yannick qu'il pouvait m'épouser mais qu'il serait mieux qu'il épouse une " croyante ". Je découvris ainsi l'irrespect, la négation totale des Témoins de Jéhovah de ma propre foi. Je dois vous dire que, malgré leurs pressions, Yannick se refusait toujours à chercher à me convertir : il respectait ma foi.

 Je commençais à le voir changer. Il passait son temps en études de la Bible, à faire du porte à porte, au culte (3 heures le dimanche). Quant à l'étude biblique, je voyais qu'il s'agissait d'étudier des articles de la Tour de Garde ou Réveillez-vous, avec des questions à la fin de l'article pour amener à répondre ce qu'il y avait dans l'article ! Je ne voyais plus Yannick, je souffrais. J'allais seule dans ma famille et chez mes amis. Yannick n'était plus libre ou était contre certaines coutumes : plus de fêtes, plus d'anniversaires, plus de Noël...

 Je perdis ma mère dans des conditions tragiques, et Yannick m'aida de tout son coeur. Mais il se refusa catégoriquement à entrer dans l'église pour les obsèques. Il faillit refuser de m'aider à envoyer des faire-part de décès, parce qu'il y avait une croix dessus et que les Témoins de Jéhovah sont contre, mais je me fâchai et il le fit. L'année suivante, pour la fête des mères, jour particulièrement douloureux puisque j'avais perdu ma mère, il me laissa seule pour aller au culte des Témoins de Jéhovah et ne pas évoquer la fête des mères, les Témoins de Jéhovah étant contre. Il m'a laissée toute seule ...

 Je découvris que les Témoins de Jéhovah étaient contre les transfusions sanguines pour des raisons qu'ils tiraient de la Bible et qu'ils étaient bien les seuls à y voir - les Juifs et les Chrétiens les plus intégristes ne les voyant pas - cela, les Témoins de Jéhovah ne le lui avaient pas dit ... Malheureusement cela ne le fit pas réfléchir plus tard, comme je lui posais la question pour moi, il dit qu'il préférerait me voir mourir sans transfusion plutôt que de me laisser faire un péché qui m'amènerait en enfer ... Nous étions jeunes mariés et il envisageait froidement de me laisser mourir ... La secte lui fit ensuite la leçon, l'interdiction des transfusions concernant les enfants et non le conjoint. Mais le mal était fait : je vis que cette horrible doctrine pouvait amener un être à laisser mourir ce qu'il a de plus cher ...

 J'eus la douleur de le voir se faire baptiser chez les Témoins de Jéhovah, je tins à être auprès de lui pour que les Témoins de Jéhovah voient qu'il n'était pas seul. Il y avait une assistance monstre, c'était au stade de Boulogne-Billancourt. Je comparais avec le baptême catholique qui se fait dans l'intimité et le respect de chaque baptisé. J'entendis l'exhortation adressée aux baptisés que je trouvai effroyable : " Mes frères, pourquoi vous faire des amis dans le monde ? Faites vous des amis parmi les frères ! " On ne pouvait mieux les inciter à se couper des autres, de ce monde où je m'investissais, par le travail et le partage en action catholique, et que je chérissais ...

 Mon mari était devenu méconnaissable. La doctrine des Témoins de Jéhovah et le rejet qu'elle faisait de ma foi le déchirât. Devant son angoisse, je lui demandai un soir ce qui le tourmentait. Il me dit alors qu'Harmaguédon - la fin du monde pour les Témoins de Jéhovah - viendrait bientôt, que comme je n'étais pas Témoin de Jéhovah je ne pourrais être sauvée, que nous serions séparés pour l'éternité, et cela le jetait dans des douleurs effroyables. Je vis changer mon bien-aimé mari. J'avais épousé un garçon espiègle, tendre, qui s'habillait "jeune" en jean et en tee-shirt. Je le vis changer au physique et au moral. Au physique : cheveux courts, et le look que demandent les Témoins de Jéhovah : costume-cravate pour le porte-à-porte. Sa démarche devint raide, son visage dur. Il me dit alors que, étant Témoin de Jéhovah, il devait absolument acquérir certaines qualités de patience, calme ; tout cela était très bien, mais comme on le lui imposait au lieu de l'aider doucement à s'accepter et à s'aimer comme il était, il se raidissait, contenait du mieux qu'il pouvait son naturel nerveux, et sortit de ses gonds et me frappa. La violence est certes contraire aux enseignements des Témoins de Jéhovah, mais je dois dire que jamais, jamais avant de les rencontrer, il n'avait levé la main sur moi.

 La vie étant devenue impossible à la maison, Yannick, transformé par les Témoins de Jéhovah, n'ayant plus rien de commun avec le garçon que j'avais épousé, je demandai le divorce. Il a eu une attitude très noble vis-à-vis de moi ; après avoir proposé lui même le divorce, il ne le souhaitait plus, mais dit que du moment que je le demandais, il ne s'y opposerait pas. Hélas, l'enseignement des Témoins de Jéhovah lui apporta là aussi la douleur, dans cet aspect intime de sa vie. On lui dit qu'il n'a pas le droit de divorcer tant que je ne l'avais pas trompé. Je refusai avec horreur. Yannick me dit après que d'autres Témoins de Jéhovah lui avaient dit que ce n'était pas nécessaire, et combien il avait souffert. Il consentit au divorce par amour pour moi. Mais le fait que je ne refasse pas ma vie l'entravait. A cause de l'enseignement jéhoviste, tant que je ne l'avais pas trompé, cela l'empêchait de refaire sa vie. J'en était désolée pour lui.

 Il est mort l'an dernier, il s'est suicidé, à la suite d'une dépression très grave après m'avoir dit au téléphone que c'était lié à l'action des Témoins de Jéhovah. Mais je dois engager pour ceci une action en justice.


 
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