Interview de Séverine, ex-témoin de Jéhovah

(source : transcrit d'un reportage d'Envoyé Spécial, diffusé sur France 2 le jeudi 2 avril 1998,
Demain l'Apocalypse, par Marcel Trillat, Eric Delagneau, Matthias Second et Isabelle Tartakovsky)

 


Voix off : L'éducation des enfants version Témoin de Jéhovah. Une enfance privée d'anniversaire et de toutes ses fêtes qu'ils jugent païennes. Séverine Chapelle avait 6 ans lorsque sa mère l'a entraînée pour la première fois dans une Salle du Royaume de Rouen. Elles sont rompu toutes deux avec les témoins il y a deux ans. Depuis, Séverine est en traitement en hôpital de jour.

Journaliste : Quelle image vous-aviez du monde ?

Séverine : Une image mauvaise : « Le monde était méchant, il n'y avait que le Témoins de Jéhovah qui étaient biens. Le monde tel qu'on nous l'a enseigné, c'était un monde dépravé. Les jeunes ne pensent qu'à s'amuser, à boire, à fumer et puis il ne font rien d'autre... ». En fait c'est des jeunes normaux qui veulent vivre, mais nous on a pas le droit de vivre quand on est Témoin de Jéhovah. La vie présente çà ne compte pas. On vit dans le passé parce qu'il faut apprendre l'histoire du peuple juif, on vit dans le futur parce qu'il faut penser au paradis, mais on n'a pas le droit de penser au présent. C'est comme si on était déjà mort.

Journaliste : Donc vous parlez beaucoup de ce qui va arriver ?

Séverine : D'Harmaguédon, oui. On parle énormément d'Harmaguédon.

Journaliste : C'est-à-dire la fin de ce monde ?

Séverine : La fin de ce monde, oui. Et on nous montre des images très impressionnantes quand on est enfant. J'en ai une qui m'avait beaucoup marquée, où l'on voit des images d'enfants et d'animaux qui disparaissent dans une gouffre. Quand on est enfant, ce sont des images qui choquent beaucoup [à découvrir : l'intégralité de la page contenant l'image ci-contre, disponible sur le site de Patrick].

Journaliste : Ça vous faisait peur ?

Séverine : Ça me faisait très peur, oui. Et je ne comprenais pas pourquoi Dieu pouvait détruire les enfants, au nom de quoi on détruit un enfant. Alors je demandais des explications, et on me disait que ce sont les parents qui sont responsables de leur enfant, Dieu ne fait que ce qu'il a à faire. Je me disais que c'était un dieu méchant, mais je n'en connaissais pas d'autre.

Journaliste : Mais il y avait aussi le paradis qui était promis pour certains ?

Séverine : Oui, mais il faut passer avant par des choses tellement compliquées qui font peur, que je ne pensais pas tellement au paradis. Je pensais beaucoup à la mort, et maintenant encore pire.

Journaliste : Comment vous avez quitté les Témoins de Jéhovah, cela s'est fait insensiblement ?

Séverine : Oui, cela s'est fait progressivement. En assistant moins régulièrement aux réunions, donc déjà la programmation se fait moins bien. On entend plus parler le même langage, on voit un petit peu l'extérieur. Et puis moi je suis suivi en hôpital de jour, donc j'ai fréquenté des personnes qui n'avaient jamais été Témoins de Jéhovah et qui voyaient la vie différemment de la manière dont je la considérais. J'ai vu des médecins, des infirmiers, cela m'a permis de voir différemment. J'ai beaucoup discuté et puis ça m'a beaucoup aidé.

Journaliste : Pourquoi vous êtes allée en hôpital de jour ?

Séverine : Parce que j'avais été très perturbée par l'enseignement des Témoins de Jéhovah, notamment sur Harmaguédon et puis des tas d'autres choses. J'étais très perturbée mentalement, et psychologiquement j'étais complètement démolie. Là ça commence à revenir progressivement mais c'est dur quand-même.

Journaliste : Et vous avez à 26 ans un peu découvert le monde ?

Séverine : J'ai découvert le monde, oui. Et j'appréciais, comme dans des moments magiques. Par exemple, quand je me retrouve avec quelqu'un qui n'est pas Témoin de Jéhovah et à regarder un film qui me plaît, c'est comme si c'était magique. Je découvre la vie. Je n'avais pas le temps pour çà auparavant.

Journaliste : Alors finalement comment vous l'avez trouvé le monde ?

Séverine : Et bien je l'ai trouvé bien ce monde. Et puis j'y ai trouvé des gens sympas.

Journaliste : Mais les Témoins de Jéhovah aussi sont des gens gentils ?

Séverine : En apparence, mais si on gratte un petit peu, ce sont des gens qui sont loin d'être gentils.

Journaliste : C'est-à-dire ?

Séverine : Ce sont des gens qui sont méchants entre eux. Par exemple, ils passent tout leur temps à s'épier les uns et les autres pour voir s'il n'y a pas une petite faute de faite. Par exemple, un jeune qui prend une bouffée de cigarettes, et qui aura été vu par un témoin de Jéhovah ; il faut le dénoncer. On n'a pas le droit de fumer, c'est strictement interdit.

Journaliste : Et on vous demande de dénoncer ?

Séverine : On nous demande de dénoncer, oui, parce qu'autrement on est responsable du péché commis par la personne dans la mesure où l'on ne la dénonce pas. C'est-à-dire qu'au moment d'Harmaguédon, la personne sera détruite et nous avec parce qu'on ne l'a pas dénoncée. On est responsable de tout, en somme. On est responsable des uns et des autres.

Journaliste : Alors, qu'est-ce qui est déconseillé encore ?

Séverine : Les lectures philosophiques par exemple. La philosophie c'est interdit. On n'a pas le droit de philosopher sur la vie. La vie, çà appartient à Dieu. On en médite que sur ce que Dieu autorise ou non. Les romans d'amour, c'est déconseillé aussi, parce que c'est à l'eau de rose. Et puis la vie n'est pas à l'eau de rose. On n'a pas le droit de rêver. Il ne faut pas rêver. Un Témoin de Jéhovah, çà ne rêve pas. La télévision, c'est déconseillé. A les entendre, tout est pornographique à la télévision, pornographique ou violente, il n'y a pas de juste milieu, à part éventuellement les reportages sur les animaux. Et encore, à condition que les animaux ne fassent pas de saletés, parce que même eux ils en font... (rire du journaliste)

Journaliste : Quelle idée vous aviez du mot liberté ?

Séverine : Je n'en avais pas d'idée. Liberté, je ne connaissais pas. Maintenant la liberté, c'est ce que j'ai envie de faire dans la mesure où je peux me permettre. Maintenant je suis libre de tout. Si je veux fumer une cigarette, je ne me gêne pas. Et puis je ne pense pas à Dieu quand je l'allume. Cela ne me dérange pas.

Journaliste : Il ne vous manque pas Jéhovah ?

Séverine : Non, il ne manque pas. Pas du tout ! Je ne crois même plus en Dieu de toute façon. J'ai une croix autour du cou parce que c'est un bijou comme un autre, mais personnellement je préfère ne pas croire en Dieu. Parce que je n'ai pas connu un autre qu'un dieu comme celui-là. Pour moi, c'est donc un dieu cruel. Je ne cherche pas à en connaître un autre.



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