Le sentiment de honte des familles

Témoignage d'une mère

  (Source : BULLES du 1er trimestre 1996 )


Au  cours de ces vingt années d'accueil, nous avons appris que la famille de la personne entrée dans une secte est paralysée par la honte de ce qui lui arrive et qu'elle n'ose pas s'adresser à ceux qui pourraient l'aider.

Quand l'un des nôtres est happé par une secte, nous sentons bien qu'il est en perdition. Il n'est plus le même, son comportement change vis-à-vis de ses proches dont il se coupe brutalement ou peu à peu. Nous voyons bien qu'il se passe quelque chose d'anormal mais nous nous sentons impuissant à arrêter la dérive. Et quand nous nous rendons compte que c'est irrémédiable, qu'il est impossible de le raisonner, que la coupure est faite, un sentiment de honte et de culpabilité nous envahit: " Qu'avons nous fait pour en arriver là ? S'il a cherché ailleurs, c'est que nous avons manqué son éducation ou que nous n'avons pas été présents auprès de lui au moment où il fallait. " Très facilement on rejette la faute sur l'autre parent et l'on peut en arriver à créer une atmosphère irrespirable dans la famille.

Ce sentiment de honte nous empêche de parler de notre problème à notre entourage, à la famille élargie: " Que vont-ils penser ? Quel regard vont-ils poser sur nous ?" On a l'impression qu'ils ne vont rien comprendre. C'est tellement énorme, ce départ brusque d'un membre de la famille, que cela soulève autour de nous une montagne d'incompréhension. Tout ceci nous pousse à nous replier sur nous-mêmes, à souffrir seul et nous nous démolissons intérieurement. Et cependant, la plupart du temps nous n'y sommes pour rien. C'est par un concours de circonstances que ce fils, cette fille, cet époux, cette épouse, ce père ou cette mère a rencontré le groupe dont il ou elle dépend totalement.

Bien sûr, il n'est pas inutile de chercher les causes de ce départ, non pour nous culpabiliser mais pour préparer l'avenir, pour pouvoir préparer un retour dans un climat accueillant. Il est bon d'analyser les aspirations que nous n'avions pas perçues chez l'être aimé ; peut être de changer notre attitude à son égard pour être tout près de ce " fils prodigue" avec tout l'amour nécessaire.

Ceci nous sera d'autant plus facile que nous aurons pris contact avec une association comme l'ADFI où nous pouvons rencontrer des personnes, qui vivent les mêmes problèmes que nous, qui nous aideront à mieux comprendre ce qui nous arrive. Elles nous aideront aussi à comprendre ce qui se passe dans le groupe en question, ce qu'il peut y avoir de positif dans l'expérience que vit l'être aimé. Elles nous permettront de dédramatiser. Surtout, voir que nous ne sommes pas seuls dans cette épreuve nous aidera à continuer à vivre, à nous enrichir intellectuellement et moralement, à tenir debout dans l'existence et à être capable d'aider les autres à ne pas se laisser prendre.

Souvent, les personnes craignent de s'engager avec d'autres dans une action commune de peur de se couper encore plus de celui qui est dans une secte. L'expérience de parents déjà engagés montre que l'on n'est généralement pas plus coupé que d'autres et que paradoxalement c'est quelquefois le contraire.

En conclusion, je dirai donc aux parents qui nous lisent:  " ne culpabilisez pas, ça ne sert à rien, mais agissez et cela vous aidera à tenir la route."
 
S'engager dans l'action est indispensable, mais il serait téméraire de compter sur ses seules forces.

 

  
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