Soka Gakkaï

" Des partis et des leaders sous influence "

(Source : SECTE, DEMOCRATIE ET MONDIALISATION
Anne fournier et Catherine Picard, P.U.F., septembre 2002)

 

[La Soka Gakkai y est citée pages 11, 30, 33, 36-37, 40, 42, 45, 76, 79, 95, 214 et 291.]

" La manière directe est la seconde méthode de lobbying. Elle s'appuie sur un réseau économique bien installé et une société peu résistante. L'exemple type est celui du Japon où la Soka Gakkaï exerce un pouvoir politique grandissant par l'intermédiaire de son parti, le Komeito.
Même en se plaçant dans le contexte japonais, on ne peut nier à la Soka Gakkaï sa qualité de " machine à influencer ". Née dans les années 1930, résistant au pouvoir militaire qui a pris le pouvoir, elle s'inspire d'un bouddhisme réformateur (dit bouddhisme de Nichiren, réformateur du XIIIe siècle), avec lequel elle rompt définitivement à la fin des années 1980 sous la direction de Daisaku Ikeda.

Ce bouddhisme " social ", qu'on pourrait qualifier dans d'autres lieux de " populiste ", se donne tous les moyens d'influence. Son patrimoine économique, ses parts dans l'économie japonaise sont mal connus mais très importants, si l'on en juge par ses moyens d'action. La Soka Gakkaï édite un quotidien qui tire à 6 millions d'exemplaires, le Seiko Shinbum. Elle a créé des universités, non seulement au Japon mais aussi aux États-Unis et en France (Centre universitaire de Trets 1). Elle s'est forgé une audience par le mécénat culturel, en Asie comme en France où elle a racheté la maison de Victor Hugo dans le sud de l'Île-de-France pour en faire un musée. Elle organise des colloques " mondiaux " dans des lieux prestigieux et invite un certain nombre d'intellectuels qui vont lui servir progressivement de relais parce qu'elle finance leurs voyages ou leur documentation.

Elle a créé en 1964 un parti politique, le Komeito (" parti pour un gouvernement propre " 2), autour du thème confus de la " troisième civilisation ", que l'on peut interpréter comme le troisième âge du bouddhisme 3 ou comme le troisième âge du Japon après le premier âge que représenterait l'ère Meiji 4 et la première Constitution nipponne, et le deuxième âge de la Constitution imposée en 1946 par les occupants américains, toujours en vigueur.
Si l'on en croit le Komeito, " la nouvelle civilisation doit être l'harmonieuse union du spiritualisme et du matérialisme, du capitalisme et du socialisme "5.

Cette terminologie n'est pas sans rappeler le premier programme des fascistes italiens en 1919 ou le programme national-socialiste allemand avant 1932.

Ce parti, qui se classe lui-même au centre gauche et que les analystes politiques classent au centre droit à cause de son soutien permanent des gouvernements conservateurs, est très critique face à la Constitution japonaise de novembre 1946 6.

Le Komeito est l'expression politique d'un mélange d'éléments religieux, patriotiques et politiques. Sur le plan politique, il travaille donc essentiellement à l'établissement d'une "démocratie bouddhiste " qui ressemble davantage à une théocratie 7 qu'à une véritable démocratie. Patriotique, il critique violemment la trop grande dépendance du Japon par rapport aux États-Unis et prône un rapprochement avec la Chine. Cela ne veut pas dire qu'il soit proche de la doctrine marxiste, il s'opposerait en effet avec force à l'extrême gauche si celle-ci tentait de s'emparer du pouvoir. Cherchant à unifier le monde sous les auspices de la Soka Gakkaï, il se prononce pour la permanence du désarmement général du Japon. Hostile au maintien du système des partis, il s'est déclaré favorable au renforcement des pouvoirs de la Chambre haute ainsi qu'à la révision de la loi électorale, réforme partiellement avortée sous le seul gouvernement socialiste japonais d'après guerre, en 1996.

L'objectif du Komeito, le rétablissement de la théocratie, peut apparaître dangereux à long terme. Il développe des sentiments violemment antidémocratiques exprimés par certains de ses dirigeants et des méthodes plutôt persuasives qu'il est accusé d'utiliser pour faire des adhérents, des méthodes de recrutement massif parmi les catégories pauvres auxquelles il promet avantages et profits immédiats.
Suscitant toujours une certaine méfiance de l'opinion, mais disposant d'un électorat fortement clientélisé dont le noyau dur est formé par la Soka Gakkaï, le Komeito obéit à des motivations très précises. Il dispose, dans l'actuelle coalition conservatrice, du ministre de la " Réforme constitutionnelle " et, dans la Chambre haute, du président de la Commission des lois. La réforme politique qu'il préconise depuis si longtemps est en marche. "

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1. Situé au pied de la montagne Sainte-Victoire, disposant de 40 ha parfaitement aménagés.
2. Le Japon contemporain (depuis 1946) se caractérise par le nombre très important d'affaires de corruption qui ont fait tomber nombre de gouvernements. Comme par ailleurs de 1947 à 1994, puis à nouveau depuis 1996, les conservateurs du PLD dirigent les coalitions, le personnel politique se renouvelle peu malgré les scandales.
3. Gaumata, Nichiren, Ikeda.
4. Du nom que prit l'empereur en 1868, "Lumières ". Cette nouvelle époque du Japon se marque par l'ouverture des frontières pour la première fois dans l'histoire nippone et par le décollage industriel.
5. J. Robert, Analyse sociopolitique du Japon, in Encyciopœdia Universalis, version 5, 1999.
6. Rédigée en moins d'une semaine par les autorités d'occupation, elle règle la question du maintien de l'institution impériale et celle du statut de l'empereur, qui avaient fait l'objet de divergences entre les puissances alliées. Le général MacArthur, par souci de stabilité et devant l'urgence de la situation (la guerre civile a repris en Chine et la guerre froide s'annonce), avait refusé que l'empereur fût jugé comme criminel de guerre au procès de Tokyo et avait imposé le maintien d'une institution impériale soutenue par plus de 95 % de la population, selon le premier sondage d'opinion publié après 1945.
En même temps ou dans la foulée de la Constitution sont imposées séries de textes fondamentaux démocratisant le Japon, mettant fin aux cartels (pour très peu de temps) et contraignant au contrôle des naissances ( " lois eugéniques de 1947 " ).
7. "Ou à une dictature dirigée par une secte ", dit Jacques Robert dans son analyse sociopolitique du Japon, dans l'Encyclopœdia Universalis, version 5, 1999. Or Jacques Robert se caractérise par une position plutôt favorable aux sectes.



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