Mouvement raelien

Sur les pas de Raël en Périgord

(Source :Sud-Ouest , 23 janvier 2003 par Dominique Richard )

REPORTAGE.--Le gourou a vécu pendant trois ans en Dordogne. C'est là que la secte a véritablement pris son essor

Hormis la disparition du portail sur lequel était accroché le panonceau « Ambassade des Elohim », la maison et ses alentours sont restés à l'identique. C'est devant cette bâtisse, agrémentée d'une terrasse et prolongée par un impressionnant pigeonnier, que Claude Vorilhon, alias Raël, accueillait en Périgord entre 1975 et 1978 les adeptes de passage. A la tenue blanche qu'il arbore et au minuscule chignon qui orne aujourd'hui le haut de son crâne, il préférait alors la djellaba noire cousue par sa voisine, les cheveux longs et la barbe broussailleuse des bergers soixante-huitards séduits par le retour à la terre. Les visiteurs peinaient souvent à trouver le chemin de la Négrerie, un hameau alors en ruine perdu dans la forêt entre Bourdeilles et Brantôme. En le saluant, ils étaient frappés par l'énorme médaillon suspendu à son cou. Sur ce vulgaire alliage était gravé le premier insigne de la secte : une croix gammée enchâssée dans l'étoile de David, symbole du peuple d'Israël.

Un prophète au village. Accompagné de sa femme, dont les traits rappelaient ceux de l'actrice Romy Schneider, et de ses deux enfants, Claude Vorilhon s'était installé sur la commune de la Gonterie-Boulouneix, moins de deux ans après avoir rencontré, au sommet d'un volcan d'Auvergne, des extraterrestres sortis d'une cloche aplatie ! Cette révélation venait à point nommé égayer une existence marquée jusqu'alors par des échecs professionnels à répétition. Le Périgourdin qui l'avait convaincu de se fixer en Dordogne préfère ne plus se souvenir de ses prêches. Pourtant, cet ancien élève des frères du Puy-en-Velay, à l'imagination fertile, professait déjà que les homo sapiens avaient été créés en laboratoire par « ceux qui viennent du ciel », les Elohim. La théorie était fumeuse, mais elle n'avait pas empêché Jacques Chancel de l'inviter sur le plateau du « Grand Echiquier », l'une des émissions phares de la télévision publique.
A la Négrerie, la prétention de Raël à se poser comme le Messie des extraterrestres amusait plus qu'autre chose. Sur les papiers remis au maire aux fins d'établir sa carte d'identité, il se disait prophète ! « Cela n'avait pas pris les proportions que l'on connaît. Du moment qu'il n'embêtait personne, c'était son problème. Certains croient bien en Dieu sans l'avoir jamais vu », observe ses anciens voisins, Marcelle Ducher et Robert Brouillet. Le couple fut le témoin privilégié de l'essor du mouvement. « Au début, ils étaient 700. La liste des adhérents tenait dans un classeur. Au fil des mois, il est venu de plus en plus de monde. Certains continuaient à arriver à pied de Brantôme. Mais on voyait de grosses voitures et du beau linge : médecins, avocats, journalistes. »

Soucoupe volante.
Raël avait eu l'intelligence de transformer sa retraite campagnarde en lieu de pèlerinage. Quelques semaines après être arrivé à la Négrerie, un voyage en soucoupe volante lui avait, à ses dires, permis de rencontrer dans un autre monde Bouddha, Mahomet et Jésus ! Le décollage était intervenu à proximité de chez lui, au Roc-Plat, un site naturel connu de longue date, où le profane ne remarque, aujourd'hui, que les vestiges d'une vieille ferme et des genévriers. Ce transport sidéral avait immédiatement fait l'objet d'un récit : « Les extraterrestres m'ont emmené sur leur planète. » Il constitue toujours l'un des livres de chevet des 85 000 membres revendiqués par la secte. Un jour, le gourou n'avait pas hésité à convier ses fidèles sur le tarmac sacré. Après avoir brandi un gigantesque calice, il avait « baptisé » plusieurs d'entre eux, en leur imposant ses mains mouillées sur le front.
Une autre fois, dans un champ aux arbres illuminés, il avait projeté nuitamment sur un drap blanc, un cliché représentant un foetus censé être le sien. Il n'était pas encore question de clonage. Mais déjà la création d'êtres parfaits était au coeur du discours raélien. A chaque rencontre, les adhérents, qui abandonnaient initialement 1 % par an de leurs revenus à leur église cosmique, achetaient un ouvrage, une médaille ou consentaient un don. En ce temps-là, Raël circulait au volant d'une Coccinelle noire et ne disposait pas encore d'une écurie de course. Mais son compte en banque ne criait pas famine. « J'ai le souvenir de cet armateur d'Amsterdam empaquetant bénévolement des piles de bouquins. Déjà, il attirait des gens immensément riches », insiste un élu du cru. « Et il avait un charisme extraordinaire. Je m'occupais alors d'un petit journal local. J'avais envoyé un jeune homme l'interviewer. Il l'avait convaincu en un rien de temps. »


Sexe et business.
Un beau matin, les gendarmes ont pourtant cerné l'ambassade des Elohim. Ils cherchaient de la drogue. Ils se sont seulement rincés l'oeil en découvrant des photos de nus témoignant de l'intérêt des raéliens pour les plaisirs naturels de la chair. Les méditations sensuelles destinées à susciter « l'éveil de l'esprit par celui du corps » se finissaient, pour certains, dans le cabinet d'un médecin, passé maître, bien malgré lui, dans l'art de stopper les maladies vénériennes. A une seule reprise, cette liberté de moeurs troubla véritablement l'ordre public. Les disciples qui se promenaient les seins nus à l'intérieur du camping municipal de Bourdeilles valurent au messie d'être convoqué par le maire, Jean-Louis Villechanoux. Le gourou n'avait pas encore créé l'Ordre féminin des anges de Raël qui regroupe depuis 1997 les créatures de rêve dévouées à son bien-être. Mais, manifestement, il avait déjà l'oeil aiguisé de l'esthète.
« Après l'avoir rencontré lors d'une soirée, ma fille de 17 ans était sous le charme et voulait à tout prix participer à une réunion à la Gonterie avec des Américains. Nous avons stoppé cela tout de suite », se souvient une mère qui n'a pas oublié son inquiétude du moment (1). Raël a quitté la Dordogne à la suite d'un banal conflit avec son propriétaire. Lorsqu'il est revenu, dix-sept ans plus tard, en compagnie de plusieurs centaines de disciples fêter le vingtième anniversaire de son périple en soucoupe, les habitants du pays ont été impressionnés par le train de vie de la cohorte bigarrée qui le suivait. « J'ai toujours été persuadé qu'il ne croyait pas à ce qu'il disait », avoue son ancienne voisine Marcelle Ducher. Cela n'a pas empêché cet Auvergnat roué, de transformer cette croyance fabriquée de toutes pièces en un formidable business planétaire.

(1) L'initiation précoce des enfants à la sexualité préconisée par la secte a valu à certains des adeptes d'être condamnés en justice.



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