Mouvement raelien

L'objectif du mouvement est le contrôle des membres

(Source : Cyber presse 11 janvier 2003)

 

Denis Lessard
La Presse

Érick Lamarche a passé 20 ans dans l'orbite du mouvement raélien.

Oubliez l'harmonie intergalactique, les promesses de vie éternelle et la transmission du plan cellulaire. Raël est à la tête d'un mouvement sectaire, très dogmatique, dont le premier objectif est le contrôle absolu de ses membres.

Entre le début des années 1980 et 1999, Érick Lamarche a passé près de 20 ans dans l'orbite du mouvement raélien. Vous l'avez probablement croisé, en train d'essayer de vendre rue Sainte-Catherine les livres de Raël. Gravissant lentement les échelons d'une secte très hiérarchisée, avant de claquer la porte du mouvement, il faisait partie de «l'équipe technique», la poignée de fidèles qui, bénévolement, trimballent l'équipement de sonorisation nécessaire aux réunions présidées par «sa sainteté», en périphérie de Montréal et parfois en région.

«La première qualité du raélien, c'est sa soumission absolue à Raël», explique M. Lamarche, 34 ans, dans une longue entrevue accordée à La Presse dans son modeste logement de la rue d'Iberville où une pile de livres écornés - les oeuvres du gourou Claude Vorilhon, alias Raël -, sont encore à sa portée.

On y découvre également quelques colifichets, des médailles vendues près de 100 $ chacune, en marge des «méditations sensuelles» du Jardin du prophète, près de Valcourt, dans les Cantons-de-l'Est, c'est en apparence tout ce qui reste de 20 ans de dévotion de l'ancien adolescent de Montréal-Nord. En apparence seulement, car l'ancien disciple a clairement le sentiment lancinant d'avoir été floué d'une partie de sa jeunesse par ceux qui ont abusé de sa naïveté.

«Quand j'étais enfant, j'était obsédé par les soucoupes volantes», tente d'expliquer M. Lamarche. Personnalité toujours fragile et compulsive, fébrile durant l'entrevue, il rassemble désormais avec la méticulosité d'un entomologiste les pièces à conviction contre son ancien dogme. «N'oubliez pas de donner les adresses», implore-t-il, suggérant que La Presse fasse la nomenclature des nombreux sites Internet où le mouvement raélien est décrit comme une vaste supercherie.

«Érick a beaucoup souffert de son appartenance au mouvement», explique à La Presse Dominique St-Hilaire, autre ancienne raélienne jointe à son domicile de Bordeaux, en France. Disciple de «niveau trois» - un degré élevé d'adhésion au mouvement - Mme St-Hilaire a aussi tourné le dos au groupe dans lequel elle a milité de 1984 à 2000. «Érick se sent dupé après toutes ces années où son appartenance au mouvement raélien l'a privé de bien des amitiés», explique Mme St- Hilaire.

Les deux anciens disciples sont absolument convaincus d'une chose : toutes les «révélations» récentes sur le clonage d'un être humain sont un sordide canular, destiné à accroître la notoriété du mouvement.

Érick Lamarche ne fait pas mystère de ses raisons de dénoncer publiquement son ancien groupe : «Je le fais pour qu'il n'y ait plus d'autres jeunes qui comme moi se fassent embrigader, lance-t-il. Raël est un mégalomane.»

Habitué à l'eau trouble - il est désormais disc-jockey dans un bar de la Main - M. Lamarche brosse un tableau sans pudeur de ses années de jeunesse passées à attendre les Élohims -les extraterrestres qui, selon Raël, ont mis les hommes sur la Terre il y a tout juste 25 000 ans. La datation au carbone 14 est «défectueuse» selon Raël, ironise le dissident.

Les membres du mouvement doivent contribuer financièrement à la future construction d'une «ambassade» pour les accueillir à leur retour, attendu d'ici 2035. En attendant, ils vendent les livres du prophète Raël -qui est aussi le demi-frère de Jésus- des plaquettes qu'ils paient d'avance au mouvement, qui ne leur fait pas crédit. «On nous donne une formation sur la façon de se présenter au public, comme si on était des vendeurs chez Sears», observe M. Lamarche. Longtemps fanatique d'ésotérisme, l'ancien raélien a totalement été dégoûté de son maître quant il a constaté que l'essentiel de sa doctrine était plagié, tiré de livres d'un auteur français, Jean Sendy, publiés bien avant la «rencontre» de Vorilhon avec les extraterrestres, en 1973, à Clermont-Ferrand, en France.

Car pour Érick Lamarche, le mouvement raélien est avant tout une affaire lucrative pour ses dirigeants. Devenu «ex-raélien», il raconte avec précisions les circonstances de son départ du mouvement.

L'un des «guides» de Raël, Bobby Potvin, alias Lehar, avait dit aux disciples que le grand patron «aimerait rouler en Ferrari», sollicitant des contributions pour satisfaire le souhait de «sa sainteté». C'en était trop et Lamarche critiqua ouvertement l'idée. Il fut alors éjecté, sans ménagement. La force de cette emprise n'était pas nouvelle pour le jeune contestataire. Déjà, au début des années 1980, les raéliens avaient testé ses convictions. «Trois dirigeants m'avaient rencontré et dit que Raël détournait des fonds. Je leur avais promis de ne pas en parler». Le jour suivant, le jeune disciple est reçu en audience par Raël. Déchiré, il finit par tout avouer et obtient le droit de demeurer dans le mouvement. «C'est un système de filtration pour s'assurer de la fidélité absolue à Raël», explique-t-il. Depuis le début, la tendance «totalitaire» du mouvement l'agaçait. «Il nous était interdit de fumer ou de toucher à la marijuana.»

Raël soutient que son mouvement compte 55 000 membres dans 84 pays, dont 3000 au Québec. Selon Mike Kropveld, directeur d'Info-Secte, on compte probablement toutes les personnes qui à un moment donné se sont intéressées au mouvement. Selon M. Lamarche, le mouvement raélien comptait peut être 300 personnes au Québec en 1999. Une évaluation corroborée par Mme St-Hilaire, selon qui on trouverait tout au plus 3500 raéliens dans le monde, dont moins de 500 au Québec.

L'argent du prophète

Que demande Raël aux croyants ? Des sous, d'abord et avant tout. «Plus tu aimes Raël, plus tu donnes. Plus tu donnes, plus Raël t'aime», ironise Érick Lamarche. Les membres qui sont sérieux dans leur engagement sont invités à verser 7% de leurs revenus au mouvement raélien international, et 3% au mouvement de leur pays. «C'est calculé sur le salaire net, après impôt», précise le dissident. Ceux qui le veulent peuvent aussi faire une contribution spéciale de 1% que le gourou peut utiliser «pour son plaisir». Amateur de voitures sport -il a été journaliste pour un magazine de sport automobile après avoir connu l'échec comme chanteur- Vorilhon conduit des bolides coûteux, et fait de la compétition dans le Raël Racing Team.

Parmi les éléments qu'il a réunis sur son ancien gourou, Lamarche fait même des copies sur disques compacts de la conversation téléphonique entre Raël et un membre dissident, Richard Baril, qui, en 1995, avait écrit une lettre aux membres pour dénoncer les abus du gourou. Raël y indique que son condo au Jardin du prophète, près de Valcourt, valait 350 000 $ (l'évaluation municipale du terrain était à l'époque de 400 000 $). Raël avait promis d'intercéder auprès des Élohims si Baril acceptait de retirer publiquement ses accusations. Faisant fi de la menace, Baril eut droit à la sanction suprême : la «rupture de la transmission de son plan cellulaire». Il n'aura pas droit à la vie éternelle lors du retour des Élohims.

Les contributions financières sont demandées, mais pas exigées, convient Lamarche. Les plus pauvres peuvent se contenter de contribuer 100 $ pour un stage au Jardin du prophète, où ils feront du camping et auront à payer (cher) leurs repas.

Avec 200 $, ils obtiennent une formation de deux semaines qui leur ouvrira davantage les horizons sur la «méditation sensuelle».



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