" CACHEZ CES VICTIMES QUE NOUS NE SAURIONS VOIR "

(Source : Guy Rouquet - président de Psychothérapie Vigilance)


Mis en ligne le 22 décembre 2003
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par Guy Rouquet
président de l'association Psychothérapie Vigilance

Les réactions suscitées par l'adoption, en première lecture, de l'amendement proposé par le député Bernard Accoyer pour encadrer la pratique de la psychothérapie relèvent pour la plupart de l'irrationnel. Discours et libelles fleurissent. Il semblerait que la patrie soit en danger. De quoi s'agit-il ? Ni plus ni moins que de combler un vide juridique et de donner des assurances aux malades et aux demandeurs de soin ou de développement personnel sur les qualifications pratiques et théoriques du thérapeute sollicité. Or un front du refus semble s'être constitué, à la composition étrange, où on a de plus en plus de mal à savoir qui manipule qui, à quelles fins précises et en se fondant sur quels intérêts. Beaucoup d'argent est en jeu, - trop. Et des ambitions personnelles, - trop. D'où le zèle exceptionnel déployé par certains pour préserver le statu quo c'est-à-dire autoriser de fait le premier venu à explorer et triturer votre cerveau et, trop souvent, à le soumettre à sa propre volonté.

Le tapage généré par l'amendement aura eu au moins un mérite : celui d'éclairer l'opinion. En dépit des efforts extraordinaires prodigués par les commerciaux de la santé mentale pour vendre à la criée le slogan foncièrement malhonnête Touche pas à mon psy, de nombreux patients se demandent aujourd'hui à quel " psy " ils ont affaire. Beaucoup ont compris qu'il y a " psy " et " psy ", qu'un psychothérapeute n'est pas plus psychologue qu'une diseuse de bonne aventure, que son degré d'instruction et de culture est incertain, que sa formation - si formation il y a eue - n'est pas agrée par les pouvoirs publics. Ne serait-ce que pour cette raison, la " publicité " faite à l'amendement est une excellente chose. La conscience des particuliers est désormais activée. Plus rien ne sera comme avant.

Un autre effet positif des réactions intempestives suscitées par l'amendement réside dans la compréhension soudaine de leur destin que des personnes ont eue en établissant un lien sans équivoque entre leur état de détresse et l'irruption dans leur vie d'un " psy ", à savoir un psychothérapeute dans la majorité des cas. Comment, jeune fille, votre père vous faisait sauter sur ses genoux quand vous étiez petite ?Je ne veux pas vous influencer, mais ce n'est pas très sain tout ça. Ne savez-vous pas qu'il faut tuer le père ? Et l'enfer de s'installer dans la famille. Et la liste des victimes de s'allonger d'autant.

Car, n'en déplaise aux professionnels de la désinformation oeuvrant au sein des " organisations représentatives " de la manipulation qui se pressent sur le devant de la scène et s'activent dans les coulisses, les victimes de thérapies déviantes et abusives se comptent par centaines et non sur les doigts d'une seule main. Pourquoi occulter cette vérité ? Pourquoi ne pas reconnaître les faits, simplement, objectivement, en disant que toute psychothérapie est aléatoire et risquée ? De deux choses l'une : ou ceux qui disent cela le pensent vraiment, et il y a lieu de s'inquiéter sur leur pertinence ; ou ils savent très bien ce qu'il en est, et leur mensonge discrédite sans appel la Cause qu'ils défendent. Il est d'ailleurs intéressant d'observer que Psychothérapie Vigilance est férocement attaquée par les adversaires de la loi About-Picard qui, depuis juin 2001, renforce la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Apparemment, le tort de l'association est d'exister et d'être en mesure de prouver ses dires.

Non, les victimes ne sont pas " une infime minorité ". Les dossiers sont là, nombreux, sur mon bureau, dans mon ordinateur, sauvegardés bien sûr, transmis à qui de droit, communiqués jour après jour aux autres veilleurs de l'association. Est-on jamais assez prudent ? Il y a ce que l'on voit et ce qui est caché. Quatre années de travaux ininterrompus ont permis de se forger une conviction : la situation n'est pas grave, elle est pire. Et cette conviction est partagée par d'autres associations, qui, dans toute la France, au quotidien, recueillent des confidences de victimes.
Victimes isolées, aux histoires singulières mais toutes semblables dans leur déroulement, à Marseille comme à Lyon, Toulouse, Lille, Strasbourg, Bordeaux ou Paris, en ville comme à la campagne, aux abords d'un campus universitaire comme dans un stage de développement personnel, de séminaire néo-chamanique, de constellation familiale, de " contuition anagogique " ou de guérison ésotérique. Histoires en formes de cauchemars où l'on conditionne ici à pousser le cri primal, à retrouver les souvenirs que l'on avait à l'état de fœtus, à se remémorer ses vies antérieures ; là à " couper le cordon ombilical à la tronçonneuse ", à envier le défunt que le véhicule mortuaire transporte au cimetière, à considérer ses frères et sœurs comme des accidents biologiques, à apprendre qu'on n'a jamais aimé ceux que, depuis toujours, on aimait sans se poser de questions; là-bas à ouvrir ses chackras, à boire sa propre urine, à faire une cure sonique, à céder à ses impulsions, à passer à l'acte avec son thérapeute. Et, pour faire bonne mesure, pour ne rien regretter surtout, il importe de pratiquer plusieurs types de " thérapie ". Ainsi, une psychothérapeute " formatrice de formateurs ", représentante régionale d'un syndicat se disant représentatif, vante-t-elle ses " méthodes décapantes " destinées à " déconditionner des programmes inscrits depuis la petite enfance ". Peut-on être plus clair, plus déviant, plus pervers ? Oui, bien sûr, car il y a toujours pire, et la place me manque pour tout dire aujourd'hui.

A lire et entendre certains communicants thérapeutiques, les victimes ne le sont que de leur propre imagination. Elles ne seraient qu'une vue de l'esprit, des illusions ayant mauvais esprit ; - mieux, de mauvais esprits. Et les mauvais esprits, c'est insupportable, surtout pour ceux qui se réclament de Descartes et du siècle des Lumières en allumant leur lampe de poche.

Que dirait Voltaire sur les marchands de bonheur qui sévissent actuellement sur le marché de la psychothérapie et, au lieu de choux et de laitues, suscitent, entretiennent ou cultivent " les blessures de l'âme " dans leur jardin doré ? Il y a fort à parier qu'il ferait de Pangloss un chantre du Nouvel Âge, maître en métapsycho-ésotorico-gogochamanigologie et ironiserait joyeusement sur la superbe des " dérapeutes " qui, à l'instar des disciples évaporés de Leibniz, ne doutaient de rien.

Le cœur… Dans le débat en cours, il est curieusement absent. On ne parle que de boutiques, d'officines de recettes. Même habillée de formules grandiloquentes, l'invective logorrhique tient lieu de pensée. Etrange pour des intellectuels dits brillants, des psy-ceci, des psy-cela, des gestionnaires du stress ou des experts en états modifiés de conscience, tous se revendiquant comme maîtres de la psyché, voire guerriers ou guérisseurs spirituels, grands maîtres de l'invisible, des énergies et des forces cachées qui palpitent en nous et autour des nous, sur la face cachée de Sirius comme dans les âmes errantes et sur les anneaux du serpent cosmique, voire au fond de nos chaussettes.

Pour sauver les lumières, voici que l'on brandit le livre blanc des psychothérapeutes en criant sus à l'Infâme ! Soit. Afin d'être assuré de les sauver pleinement, sans doute serait-il sage de demander à consulter aussi le livre noir des victimes.

Pour qu'à la cabale des faux dévots ne succède pas celle des fausses lumières, relisons Molière, à jamais notre contemporain : Tartuffe et Don Juan, le Médecin volant et le Malade imaginaire, et, pour changer, de Jules Romains, Knock. Diafoirus est de retour. Ses disciples s'en donnent à cœur joie. Comme ils ne doutent de rien, le pire est à venir. Les clowns blancs n'ont jamais fait beaucoup rire. De toute façon, les victimes n'ont pas le cœur à rire. Elles ne fêteront pas Noël. Il arrive parfois qu'elles n'aient même plus leurs yeux pour pleurer.



 



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