Un témoignage de Marianne*

(Source, psychothérapie vigilance)

Mis en ligne le 4 août 2004
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QUAND UN DIVORCE A POUR TOILE DE FOND UNE THERAPIE DEVIANTE ET UNE THEORIE SECTAIRE… RENCONTRE ENTRE VICTIMES

 

« Mon mari devint étranger à lui-même, à sa famille, à son comportement depuis notre rencontre il y a vingt-cinq ans.
Guidé par « son enfant intérieur », il en vint à se comporter comme un adolescent...
Toutes ses pensées et actes étaient valorisés par la « psy », sa « bonne mère » autoproclamée, qui me faisait endosser le rôle
de la « mauvaise mère » castratrice qu’il fallait quitter pour évoluer . »

Région Aquitaine

J’ai rencontré Geneviève dans le cadre d’une enquête personnelle sur une « nébuleuse psy » et paramédicale, où mon mari, dont je suis séparée depuis deux ans, a vécu un parcours de prises en charge diverses : psychothérapie, massages et stages de développement personnel. En comparant nos expériences et nos documents, nous avons découvert des ressemblances frappantes dans la transformation psychologique de nos maris. Outre l’utilisation d’une nouveau langage, nous avons retrouvé aussi les mêmes noms de personnes en charge de ces stages, formations et psychothérapies.

« Il lui fallait partir pour tomber amoureux »

C’est à partir de 2000 que mon mari a été pris en main par ces praticiens. Il traversait une période de fragilité et de mal-être dus à des grèves très dures dans son entreprise et à une date anniversaire liée à son histoire personnelle. Alertée par des propos et un comportement inhabituel chez lui à la sortie de ces stages, j’ai pris contact avec des organismes référencés dans la lutte contre les dérives sectaires et thérapeutiques, la brigade départementale de recherche de la gendarmerie, l’URSSAF, la Commission de déontologie des psychologues, entre autres, qui ont tous reconnu que mes inquiétudes étaient légitimes.

« Grâce à tous ces gens qui lui voulaient du bien », mon mari a découvert « sa vérité intérieure » , qu’il était son « messie », son « sauveur », et qu’il « ne m’avait jamais aimée ». Quand je parlais de manipulation mentale et de ressemblance avec des sectes, il devenait violent, m’assénant gifles et insultes. Il devenait psychorigide, plein de certitudes : « je n’étais pas évoluée ou initiée comme lui ». Etant de formation scientifique, si secte il y avait, il le saurait . « Moi qui suis un scientifique, donne-moi des preuves que je suis manipulé ! »

Lors de sa deuxième séance avec sa psy, celle-ci lui dit de faire chambre à part « pour savoir qui il voulait dans son lit » ; neuf mois après il a quitté le domicile conjugal, car « il lui fallait partir pour tomber amoureux ». En même temps, il a démissionné des associations culturelles et sportives dont il était responsable ; d’économe il est devenu très dépensier, multipliant stages et thérapies de groupe pour son bien-être. Compagnon constant ( vingt ans de mariage), il est parti à la rencontre de plusieurs femmes pour retrouver un état de « fusion », dont le manque lui donnait des envies de suicide.

Les méthodes de régression (analyse transactionnelle et autres ) employées lors de sa thérapie lui ont donné l‘illusion que ses désirs devaient devenir des réalités : l’émergence de son « enfant intérieur », brimé depuis trop longtemps, légitimait tout passage à l’acte.

Geneviève et moi avons retrouvé chez nos maris les mêmes effets générés par leur « développement personnel » : violence physique, certitudes et orgueil, néo-langage, états de confusion alternant avec des idées noires, ...et pour le mien, refus d’aller consulter un psychiatre, sous prétexte que je le « manipulais ».


Abus de transfert

J’ai découvert que la « psy » conseillée à mon mari , que le mari de Geneviève a également rencontrée dans sa formation, avait une pratique où des abus de transfert, de neutralité, des implications de croyances personnelles et ésotériques diverses parasitaient et mettaient en danger la relation d’aide.

Je m’ouvris alors de mes difficultés et préoccupations à la représentante régionale d’un syndicat de psychothérapeutes ayant pignon sur rue que je croyais agréé par les pouvoirs publics. Je lui fis remarquer que la « psy » de mon mari ne figurait pas dans l’annuaire, qu’elle consultait à son domicile et qu’elle n’avait pas de plaque professionnelle. Je m’entendis répondre ceci : « Elle n’appartient pas à notre syndicat, mais elle est claire ». Mais, avec le temps, je découvris que toutes ces personnes, y compris donc la représentante régionale que j’avais interrogée pour prendre conseil, appartenaient au même réseau, qu’elles étaient toutes partenaires dans les mêmes conférences ou formations , se renvoyant les clients, se « supervisant » et se cautionnant aux dépens d’une information indépendante du demandeur d’aide. Pratique claire ? Je cite pêle-mêle l’évocation par la psy pendant les premières séances d’éléments personnels de son passé pour créer une complicité ( patronyme de même origine, jeunesse passée dans la même ville, et d’autres points communs...), puis vint le tutoiement, l'échange de livres de chevet , la recommandation d’un stage « prière et guérison », l’envoi de carte de voeux « Je te souhaite un Chemin de Lumière , une Porte.. etc. », les dîners partagés … La lecture du livre de Martine Maurer « Comment choisir son psychothérapeute » me confirma que cette façon d’opérer sortait du cadre, qu’abus de transfert il y avait.

C’était une thérapie abusive et déviante, que viendra confirmer un avis de la Commission de déontologie des psychologues , qui bien que cela ne concernât pas une de leurs représentantes , a rendu un avis circonstancié sur mon dossier; de plus, l’URSSAF a transmis, après enquête sur cette « psychothérapeute », un dossier dans le même sens au parquet et à la gendarmerie .

Il y a très souvent un moment où le crible de la raison et de la loi permet de mettre en évidence un abus...Tout comme Geneviève, accusée des mêmes maux, je n’étais donc pas folle, ni parano, ni hystérique.


De la psy au réseau

Une fois dans ce réseau, mon mari a été pris en charge par d’autres apprentis sorciers en thérapies diverses, dont on retrouve les traces dans l’entourage de Geneviève. Ces divers « thérapeutes » ne s’autorisaient que d’eux-mêmes ou d’écoles ou de formation que l’UNADFI, la MIVILUDES et le CCMM signalent comme fantaisistes ou dangereuses, et parfois même façades de mouvements sectaires.

Mon mari devint étranger à lui-même, à sa famille, à son comportement depuis notre rencontre il y a vingt-cinq ans. Guidé par « son enfant intérieur », il en vint à se comporter comme un adolescent... Toutes ses pensées et actes étaient valorisés par la « psy » , sa « bonne mère » autoproclamée, qui me faisait endosser le rôle de la « mauvaise mère » castratrice qu’il fallait quitter pour évoluer .

Mes enfants, choqués et déstabilisés, sont sortis du système scolaire, incapables de résister à la pression et ont décliné toute aide « psy », devenue suspecte et dérisoire, pour traverser cette souffrance, mettant dans le même sac ces charlatans et les psys des émissions de télé-réalités. Toutes les valeurs antérieures ont été renversées.

En 2002, une affaire relative à « nébuleuse psy » éclata dans la presse. Nébuleuse où opère d’ailleurs le mari de Geneviève. Mon avocate, en possession d’un dossier conséquent, obtint que mon mari, bien que requérant contre moi le divorce pour fautes avant même d’avoir bouclé sa thérapie, soit débouté, condamné aux dépens, avec versements de dommages et intérêts . La légitimité de mon combat était reconnue. Comment peut-on divorcer d’un homme qui ne s’appartient plus, qui n’est plus que le fantôme de celui qui a signé « au bas du parchemin » ? Comment agir pour ne pas se soumettre à cet étranger dans la maison ? Comment regagner une dignité et donner à cet ex-partenaire, devenu adversaire, une pause pour retrouver sa responsabilité, sa capacité à répondre ?

Les mois ont passé . Mes enfants et moi, nous nous relevons lentement, comme si nous sortions de sous les décombres, survivants mais blessés après l'écroulement de notre maison. Maison que je continue à habiter grâce au délai obtenu par mon avocate.

"Les victimes que nous sommes deviennent coupables et bourreaux"

J’ai rencontré depuis d’autres couples et familles , qui ont été détruits par les conséquences des pratiques de thérapeutes déviants, délirants, aux méthodes dangereuses .

Comme moi, Geneviève fait partie des « dégâts collatéraux ». Nous sommes considérées avec suspicion ou cynisme par certains responsables des associations de psychothérapeutes, auxquels nous avons eu parfois la naïveté de nous adresser. Comme moi, Geneviève s’est inquiétée des dérives d’une quête , de la transformation de son mari, des conséquences sur la vie de conjugale et familiale. Elle a voulu avec ses moyens porter secours et assistance, comme le stipule le code du mariage civil et protéger ainsi sa famille, en se heurtant parfois à l’incompréhension ou à la suspicion de son entourage. Elle a dû, comme moi, constituer un dossier, digne d’une thèse, destiné à une formation rapidement assimilable par son avocate , pour recadrer la lecture de ce qui ressemblait à une « banale » histoire de divorce : une histoire d’amour qui se termine , un contrat conjugal qui s’achève.

Le comble est que cette démarche de solidarité conjugale se retourne contre nous. Les victimes que nous sommes deviennent coupables et bourreaux. C’est là toute l’habileté et l’efficacité de la manipulation. Et nos maris, eux-mêmes victimes consentantes ou non d’une entreprise de manipulation mentale, deviennent agents recruteurs et acteurs de ce réseau de pensées et de soins « très spéciaux » !

Devant le peu d’information et de connaissance des instances judiciaires dans le domaine nébuleux des thérapies issues du Nouvel Âge et des séquelles de ces thérapies abusives ( faux souvenirs, suicides, dissociation…), les conjoints des personnes entraînées dans ces dérives sont doublement victimes et impuissantes : c’est un lien conjugal et familial rompu qui entraîne souffrances , séquelles psychologiques et matérielles, et un sentiment de colère et d’impuissance devant des systèmes de pensée totalitaire , masquée par le leurre de la thérapie ou du religieux, qui sous-tendent les écrits et les théories digérées et intégrées par de nos futurs ex-conjoints. Totalitaire, parce que si vous vous opposez, vous devez être détruit...

L’entrée en résistance et en formation continue commence : « Comment survivre en milieu hostile ? » Il vous faut comprendre pour ne pas se faire prendre, comprendre que votre parole de victime « collatérale » n’est pas reconnue, car elle dérange...Nos futurs ex-conjoints sont dans leur « lune de miel », tout remplis de leur Vérité Intérieure qui ne laisse plus de place à l’Autre.

Je constate dans mes rencontres que le temps du deuil est plus ou moins difficile à commencer. Quelqu’un est parti, il a « disparu », celui qui reste oscille entre désespoir total et illusion d’un retour, cela peut être un deuil impossible. Mon sentiment et mon expérience me disent qu’il ne faut pas rester comme Pénélope sur son île, dans une attente stérile. Il faut parler, et si vous êtes écoutée par des personnes formées , informées, et honnêtes, ce qui est nommé sera reconnu. C’est un bon début.

Au nom de cette solidarité, avec ces victimes non reconnues , je tiens à porter ce témoignage à votre connaissance, en espérant que, à l’avenir, les avocats et les juges des affaires familiales seront mieux informés et formés, et que le législateur saura donner un cadre « clair » à l’exercice de la psychothérapie dans notre pays.

* Témoignage mis en ligne le 4 août 2004. Les noms ont été modifiés.
URL de PsyVig.com : http://psyvig.com/temoignage.php?page=11



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Sectes = danger !