VICTIME, ES-TU LA ?

(Source : Guy Rouquet, président de Psychothérapie Vigilance)


Mis en ligne le 8 janvier 2004
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Les bons comptes font les bons amis à ce qu'il paraît. Etant donné la manière dont certains " psys " se voulant représentatifs manipulent les chiffres alors que le Sénat examine l'amendement Accoyer destiné à réglementer la pratique de la psychothérapie, il est clair que ce n'est pas demain la veille qu'ils s'attireront la sympathie de leurs victimes Encore que, s'agissant des chiffres, il semble que des thérapeutes les connaissent très bien quand il leur appartient de les comptabiliser pour savoir ce qu'il est décent de déclarer au fisc et honnête de lui dissimuler.

Je sais bien que cette entrée en matière est un peu brutale. Mais elle ne fera réagir que ceux qui se sentent concernés ou bien savent que le " casino psy " est une affaire juteuse où d'aucuns raisonnent en termes de parts de marché puisque, à les lire et à les entendre, la France a besoin d'un psychothérapeute par tranche de deux mille habitants et que " entre trois et cinq millions de Français ont recours à la psychothérapie ". Entre trois et cinq millions ! Excusez du peu. En principe, de pareilles approximations discréditent les spécialistes qui osent s'en faire l'écho, surtout quand, deux ans auparavant, la même source assurait que " 8 millions de Français - soit 5% des plus de 15 ans et 9% des 35-49 ans - consultent régulièrement ou ont suivi une cure ". Mais il semble que l'on puisse avoir le sens des affaires sans avoir la bosse des maths. Et puis, par les temps qui courent, la boule de cristal n'est-elle pas en train de devenir scientifique ?

Quand on aime on ne compte plus. Quand on souffre non plus. Au point que, perdant toute mesure, on se mette à crier parfois : " Laissez-nous nos charlatans ! ". Comme le ridicule n'a jamais tué personne, les charlatans en question et leurs victimes consentantes ont de beaux jours devant eux. Mais laissons cela. A l'instar de la crédulité, le narcissisme et le masochisme sont des éléments constitutifs de la nature humaine. Et puis, soyons larges d'esprit : il faut de tout pour faire un monde, n'est-ce pas ? Des escrocs comme des sots et des pervers.

De tout, sauf des victimes. En tous cas pas dans le monde particulier des psychothérapeutes autoproclamés, dont on ne sait plus d'ailleurs combien ils sont : 150000 d'après le président de la FFdp, 30000 d'après Madame Roudinesco, 15000 d'après Monsieur Fabius, moins de 6000 d'après les Pages Jaunes de l'annuaire… Bref, entre 150000 et 6000. En revanche, pour ce qui est des victimes, il semble que les spécialistes aient leur petite idée : selon Judith Miller-Lacan, " les plaintes contre les psys se comptent sur les doigts des deux mains. Il y a fort peu de plaintes devant les tribunaux" ; selon Serge Ginger, qui dit avoir interrogé la compagnie d'assurance assurant les psychothérapeutes, il n'y aurait eu qu'une seule plainte en 2002 et aucune en 2003. Bref, entre une et vingt victimes seulement. A moins que les " psys " concernés lavent plus blanc que blanc, force est de reconnaître qu'il y a là comme un défaut : Madame Roudinesco - qui s'oppose ouvertement à l'amendement Accoyer - n'a-t-elle pas déclaré à Monsieur Jean-François Mattei : " J'ai lu toutes sortes de rapports, mais franchement, personne à ce jour n'a étudié sérieusement l'histoire des psychothérapies en France. Il est évident que sur les 30000 psychothérapeutes, peut-être un tiers sont infiltrés pas des sectes" ? Un tiers, donc 10000. Si l'on estime, dans une hypothèse très basse, afin de ne pas enfoncer le clou dans le défaut de la cuirasse, qu'un psychothérapeute a une trentaine de clients, cela fait, bon an, mal an, trois cent mille personnes, non ? Toutes en contact direct avec un psychosectaire. Ma question est simple : ces personnes savent-elles qu'elles sont manipulées et instrumentalisées ? Savent-elles que leur liberté est captive ? Doit-on les considérer oui ou non comme des victimes ?

Pas besoin d'être grand clerc pour en déduire que le problème est immense et que ce n'est pas en adoptant la politique de l'autruche ou en jouant les matamores prompts à diligenter des enquêtes citoyennes contre les veilleurs attentifs qui appellent un chat un chat et se refusent à amalgamer les psys en inventant des slogans trompeurs du genre " Touche pas à mon psy " que l'on parviendra à le résoudre. Car, disons-le tout net, les psychosectaires, c'est la partie immergée de l'iceberg. Les psychothérapeutes déviants ou incompétents ne sont pas tous inféodés à une secte. Loin de là. Du même coup, en bonne logique, le nombre de victimes - conscientes ou pas de leur état - augmente dans des proportions inquiétantes.
Inutile donc de battre tambour pour couvrir la voix des victimes. Inutile de tenter de les abuser une seconde fois en niant leur existence ou en les réduisant à des " usagers mécontents ". La déferlante de la mauvaise foi ne saurait impressionner les bénévoles attentifs qui se contentent de veiller au grain et, modestement mais fermement, prêtent leur voix et leur plume à ceux qui, pour diverses raisons, n'osent pas ou ne peuvent pas dire l'acharnement pseudo-psychothérapique dont ils ont été trop souvent l'objet.

Les victimes n'exigent rien. Elles n'ont rien à vendre. Et les associations qui se mettent à leur écoute n'ont pas d'autre ambition que de disparaître en catimini, lorsque le problème qui les aura suscitées aura été résolu pour l'essentiel. Elles ne demandent qu'à céder toute leur place à l'Etat et aux instances professionnelles responsables. Sans doute beaucoup d'eau coulera-t-elle sous les ponts avant d'y parvenir. Mais maintenant que la prise de conscience est faite, l'assainissement est inéluctable.

Inéluctable et de toute façon indispensable. Car les petites combinaisons d'état-major d'opérette auxquelles nous avons assisté ces dernières semaines donnent une bien triste image des professionnels de la santé mentale et des thérapeutes s'étant déclarés experts en l'art de détecter " les maladies de l'âme et du sens ". Comment ne pas penser ici à cette dame qui s'apprête à ouvrir un cabinet de psychothérapeute parce qu'elle a découvert soudain qu'une souris à l'agonie avait alerté ses congénères par télépathie pour les dissuader de grignoter la gourmandise
empoisonnée ? Comment ne pas penser non plus à ces " thérapeutes esséniens " disant être les héritiers des thérapeutes d'Egypte, eux-mêmes fils spirituels des " Hommes de Sagesse Atlantes qui avaient été enseignés par des êtres de la planète Vénus " ? Hénaurme comme dirait Alfred Jarry. Hénaurme mais bien réel.

Après les bons comptes de tout à l'heure, l'envie me démange d'égrener les mauvais contes de psychopompeux qui, se contemplant dans leur miroir, découvrent avec horreur qu'ils " ont le front soucieux ". Mais ce sera pour une autre fois. Chaque chose en son temps. Les gestionnaires du stress sont dans tous leurs états. N'a-t-on pas entendu récemment le président du SNPpsy s'étrangler de colère lorsqu'un auditeur du Téléphone sonne, l'émission emblématique de France Inter, lui a fait remarquer qu'il ne comprenait pas bien le distinguo qu'il faisait entre les psychothérapeutes de premier choix et de deuxième choix ? Ce qui m'amène tout naturellement à poser la question suivante : y aurait-il des victimes de premier choix et des victimes de second choix ? Un ange passe. Il se dit théothérapeute. Canular ? Que non, hélas !

Psychothérapie Vigilance est au service des demandeurs de soin et des victimes de thérapies déviantes ou abusives. A ce titre, et puisque la période s'y prête, l'association forme un vœu : que le Parlement prenne toutes les mesures qui s'imposent pour que l'ensemble des thérapies soit encadré et réglementé. Des documents circulent où des responsables de syndicat ou fédération se disant représentatifs indiquent comment ils contourneront la lettre et l'esprit de l'amendement Accoyer quand il sera adopté. On voit bien à ce genre de réflexion que ces soi-disant responsables ont une curieuse conception du service public et de l'intérêt général. La conclusion coule de source : les cyniques et les professionnels de la déviance doivent être empêchés de sévir plus longtemps, qu'ils aient ou non cinq années d'ancienneté dans le métier. Tout bien réfléchi, si la situation s'est dégradée à ce point c'est dans une large mesure à cause d'eux. Les victimes le savent bien et sont de plus en plus nombreuses à en témoigner.



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Sectes = danger !