Sectes

Le parfum de la secte

(Source BULLES n°61 - 1er trimestre 1999)

« Qu'y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons rose,
Quelque autre nom qu'on lui donne, aurait toujours un parfum aussi doux »
(Shakespeare, Roméo et Juliette, Acte II, sc. 2)


Il semble de bon ton pour quelques-uns, depuis quelque temps, de vouloir supprimer le mot « secte ». Une périphrase rendrait la chose plus présentable, et fréquentable. Le malheur, c'est qu'il ne suffit pas d'affubler une réalité d'un nouveau nom pour changer sa nature. On peut utiliser « des mots longs d'une toise », cela ne changera rien ; et la communauté linguistique française - vous et moi - continuera d'appeler un ... chat un chat.

Rien ne sert d'aller chercher l'étymologie (vraie ou supposée) ou l'usage d'un terme dans le passé ; nous ne sommes pas maîtres de modifier à notre gré les mots du langage commun.

Si l'on prononce aujourd'hui devant un Français moyen le mot « secte », il donnera sans doute quelques exemples, puis tentera peut-être une définition, ou plutôt énumérera un certain nombre de caractères communs. La conversation se prolongeant, on conviendra que les « sectes » ont aussi des différences - d'importance, de nature, de fonctionnement et de valeur. Conclusion : des précisions sont nécessaires dans chaque cas ; c'est la fonction des qualificatifs : depuis anodin, (un peu) bizarre, inquiétant, jusqu'à dangereux, destructeur, subversif ... Selon d'autres critères, on aura : religieux ou pseudo-religieux, guérisseur, politique, commercial ...

Même si tout le monde n'est pas d'accord sur des cas particuliers, il reste un noyau central du champ d'application du mot.

Vouloir remplacer « secte » par « nouveau mouvement religieux » - outre que c'est quasiment impraticable dans le langage commun - c'est substituer à un mot une définition qui n'est ni précise, ni exacte : toutes les « sectes » ne sont pas nouvelles, et beaucoup ne sont pas religieuses (cette fois encore, au sens ordinaire du mot). En fait, ceux qui prônent cette substitution ne cachent pas leur intention : masquer le « parfum de la secte », beaucoup moins agréable que celui de la rose.
Nous nous en tiendrons donc, ici et maintenant, au mot « secte », que nous n'avons pas choisi, ni fabriqué, et nous préciserons pourquoi nous considérons que tel ou tel groupe est une secte ou a des caractéristiques sectaires.

 


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