Ordre du Temple Solaire

Des sectes s'auto-proclament héritières du Temple

(source : Historia. Spécial Les Templiers, la vérité. Mai-juin 1998. Par Jean-Moïse Braitberg.)

Le suicide collectif des membres de l'Ordre du Temple Solaire a montré le pouvoir de nuisance des sectes. Parmi elles, un grand nombre invoque les Templiers pour alimenter les théories les plus fumeuses. Des théories qui porteraient à rire si la mort n'était pas à l'issue de ces gigantesques mascarades.


Un hallucinant syncrétisme chez certains mouvements néotempliers

[Résumé]
 
Des dizaines de mouvements néotempliers considèrent que l'ordre du Temple ne s'est pas éteint avec la fin tragique de Jacques de Molay en 1314. Selon les illuminés plus ou moins dangereux, elle aurait perduré secrètement sous la houlette de " maîtres secrets " avant de ressurgir une fois " les temps venus ". Tous les mouvements, ordres et sectes divers, se réclamant de cette " tradition " qui ne résistent à aucun travail historique sérieux, ont pour fond de commerce idéologique un hallucinant syncrétisme.

Dans ce supermarché des supercheries historiques et autres billevesées occultistes, on trouve la gamme complète des obscurantismes passés et présents. Sur la base d'un fonds de christianisme ésotérique fortement teinté de conservatisme, voire parfois de racisme, s'est cuisiné un salmigondis ayant pour ingrédients la croyance à la réincarnation, les figures de Saint Jean-Baptiste et Saint Jean l'Evangéliste, le mythe du Graal, celui de la Rose-Croix, la tradition gnostique, le culte marial, les légendes druidiques, les mystères de l'Egypte ancienne, une bonne dose de rituels maçonniques, un zeste d'Atlantide, une louche d'Apocalypse et une pincée de pythagorisme. Plus récemment, les rites new age, les anges-gardiens, l'homéopathie, les médecines douces et les extra-terrestres sont venues relever ce ragoût passablement indigeste.

Les origines de l'Ordre du Temple Solaire

A la fin des années 60, le paysage néotemplier va être modifié sous l'influence de deux personnages étranges : Dans son livre Rendez-vous secret à Rome, Raymond Bernard prétend avoir été fait chevalier du temple dans la crypte de l'abbaye romaine de Saint-Nilus, par un mystérieux " cardinal blanc " dignitaire du véritable Ordre du temple et membre d'un conseil de 12 maîtres secrets du temple dirigeant le monde. Même si cette histoire a été inventé de toutes pièces par sa fertile imagination, le " cardinal blanc " a bel et bien existé, sous le nom de Gregorio Baccolini (1913-1917), un ancien chapelier de la République faciste de Salo devenu prélat orthodoxe.
 
En 1970, Raymond Bernard  créa l'Ordre Rénové du Temple (ORT), et fut remplacé à son poste de président par Julien Origas l'année suivante, et quitta cette association en 1972, sans doute sous la pression de Ralph Lewis, Grand-Maître international de l'AMORC, qui voyait d'un mauvais oeil le succès croissant de l'ORT.

L'ORT se voulait le " gardien de l'ésotérisme universel ", voyait dans le Christ " le point de sublimation de la tradition venant de l'Atlantide, de l'Egypte, la Grèce, la Palestine, le druidisme et la Christianisme ". Il affirmait que sa mission était de " préparer l'élite de demain "... De tels discours attirent une certaine clientèle amoureuse de costumes, et de déguisements qui font la fortune des anciens tailleurs ecclésiastiques reconvertis dans la couture occultiste. Le départ de Raymond Bernard renforça le pouvoir de Julien Origas

Joseph Di Mambro est né en 1924 à Pont Saint-Esprit. Il fit partie de l'AMORC de 1956 à 1970. Il pensait avoir des dons spirituels hors du commun et se targuait d'être un médium inspiré par les " maîtres passés ". En 1971, il eut quelques démélés judiciaires avec la justice pour émission de chèques sans provisions et déménagea en Suisse où il fonda un grand nombre d'écoles et de sectes dont les plus connues sont la Fondation Golden Way et La Pyramide, s'appuyant sur un mode de vie communautaire. Parmi ceux qui rejoignirent la Fondation Golden Way, il y eut Michel Tabachnik, qui en devint le président en 1979, puis en 1982, Luc Jouret, médecin homépathe belge.

Luc Jouret était féru d'ésotérisme, de médecines parallèles et franc-maçonnerie, il était devenu dans les années 80 une sorte de gourou mondial de l'homéopathie, des médecines douces et de l'écologie, notamment dans les milieux new-age. En 1982, il avait crée le Club Amenta, qui devint plus tard Atlanta. Luc Jouret, successeur désigné d'Origas, fut exclu de l'ORT en 1984, suite à une contestation de Gregorio Baccolini, Grand-Maître de l'ORT en Italie, qui l'estimait non initié.

Privé de structure, Jouret se rapproche de Di Mambro pour créer en 1984 l'ORT-Tradition Solaire, et plus tard l'Ordre du Temple Solaire. Cette puissante organisation réunit toutes les caractéristiques d'une secte. Son règlement précise que " l'OTS est placé sous l'obédience absolue et la Synarchie du Temple. A cet effet, la Synarchie détient les pouvoirs les plus étendus. Ses membres sont et resteront secrets ". La progression dans l'ordre se fait par niveaux et grades : frère du parvis, chevaliers de l'Alliance, frères des Temps Anciens. Les initiés subissent une pression morale et idéologique absolues, comme le précise l'article 23 des règles de l'OTS : " Hormis l'enseignement donné, aucun autre enseignement, doctrine, théologie, philosophie, théorie ou concept à caractère spirituel, initiatique, ésotérique ou métaphysique, ne peut être propagé, dispensé ou introduit par quiconque à l'intérieur de l'ordre ".

Le Québec, terre d'élection de l'OTS

Jo Di Mambro, son épouse Jocelyne et Luc Jouret débarquèrent à Toronto en 1984, où ils se mirent à recruter par " conférences médicales " interposées, au sein des clubs Amenta et Atlanta, où les membres étaient sollicités pour se faire initier au club Archédia. De là, on leur laissait entendre qu'il existait une organisation supérieure, l'OTS. Le succès fut toutefois limité puisqu'en 1989, le nombre de membre de l'OTS ne dépassait pas probablement 489 dans le monde. Au Québec, la plupart d'entre eux vivaient en communauté à Sainte-Anne-de-la-Pérade. Nombre d'entre avaient des postes à responsabilité dans le société publique hydraulique Hydro-Québec.

C'est à la fin des années 80 que l'issue apocalyptique du monde devint un élément central de la doctrine de l'OTS. Tout l'art de Luc Jouret consitait à combiner le message apocalyptique avec les peurs millénaristes véhiculées pas le mouvement new-age et certains écologistes - destruction de la planète par la pollution notamment. Il développait également des recettes de survie basées sur l'écologie et les médecines douces et lassait entendre que le Canada serait un havre de sécurité face aux catastrophes qui allaient prétendument s'abattre sur l'Europe. Parallèlement, l'OTS commença à inclure dans son rituel des références à divers mouvements ésotériques ainsi qu'aux extraterrestres.

L'OTS montré du doigt comme une secte à partir de 1991

C'est l'ADFI-Martinique qui, pour la 1ère fois, dénonça le recrutement relativement important de l'OTS dans l'île. L'ADFI fut aidée par Rose-Marie Klaus, ex-membre de l'OTS abandonnée par son mari Bruno, qui avait contracté un nouveau mariage arrangé par les " maîtres secrets ". Les conférences qu'elle tint en Martinique rendirent plus difficile la tâche de Luc Jouret.

Des investigations furent lancées en 1993 par la police canadienne en France et.en Australie, où Di Mambo avait des intérêts financiers. Il est probable que cette enquête fut l'un des facteurs déclenchant l'opération " transit " qui aboutit aux tragédies de 1994.

Dans le même temps, des dissensions internes commençaient à apparaître. L'autorité de Luc Jouret était contestée. Di Mambro eut de sérieux problèmes avec ses propres affidés qui s'interrogaient sur la destination des fonds de l'OTS. De plus en plus de membres étaient persuadés que les apparitions de spectres du maître du temple n'étaient que des montages d'hologrammes et des trucages électroniques. A la même époque le fils de Di Mambro, Elie, quitta la secte. Di Mambro entra en conflit avec un couple les Dutoit qui avaient baptisé leur fils Emmanuel. Pour le gourou, seule sa fille Emmanuelle avait le droit de porter ce prénom car elle était selon lui " l'incarnation du Christ cosmique ". En conséquence, l'enfant des Dutoit ne pouvait être que l'Antéchrist...
 
La perte de pouvoir charismatique du gourou s'accompagnait de réactions paranoïaques. Il était persuadé, et tentait de persuader ses membres, que toutes les polices du monde étaient à ses trousses. Il en conclut que la concentration de haine contre lui et ses adeptes remplaceraient l'énergie nécessaire au " grand départ ". Le " transit " fut préparé par Di Mambro et Camille Pillet, un homme d'affaires appartenant à l'OTS qui prétendait être la récincarnation de Joseph d'Arimatie, l'homme qui selon une légende avait recueilli le sang du Christ dans le Graal. L'idée que le " transit " aurait lieu non pas dans un vaisseau spatial mais au cours d'un suicide collectif, naquit véritablement en 1993. Il s'en suivit l'auto-destruction de l'OTS.

La promesse de gagner Jupiter...

On comprend mal comment des personnes bien installées dans la société d'un bon niveau intellectuel ont pu se laisser entraîner dans pareille aventure. Différentes hypothèses ont été évoquées, allant des services secrets aux blanchisseurs d'argent sale. Aucune de ces théories n'a été sérieusement étayée. De nombreuses sectes ont fait l'objet de poursuites policières bien plus sérieuses sans que poour autant leurs membres en soient arrivés à de telles extrémités. En fait, il semble bien que la plupart des membresl'OTS croyaient vraiment qu'ils ne suicidaient pas mais que, grâce à force de « l'étoile bleue », ils allaient gagner Jupiter où ils deviendraient d'authentiques « maîtres secrets du temple ».
 
L'Ordre souverain du temple solaire s'est depuis débaptisé et poursuit ses activités sous l'appellation d'Ordre des servants de Notre-Dame. Personne ne peut donc exclure que des tragédies comme les suicides collectifs de l'OTS ne se renouvellent tant que de dangereux illuminés prétendront détenir le pouvoir des " maîtres secrets du temple " et incarner la succession de Jacques de Molay.


 
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