28. Je recommence une nouvelle vie

La couverture américaine de "Ron Hubbard, le gourou démasqué" (Plon), excellente biographie du rusé Ronnie, par Russel Miller, dont on ne saurait trop conseiller l'instructive lecture.
 
 
 

A l'époque où j'appris cette mauvaise nouvelle, je reprenais mes études à l'Université de Michigan. J'étais en bonne voie dans ma nouvelle vie. J'avais beaucoup de peine pour Quentin, mais j'avais fait le serment de faire mon possible pour vivre ma vie pleinement. Depuis que j'avais quitté la Scientologie, je n'avais jamais réalisé à quel point ma liberté était fondamentale. Je savais désormais combien elle était précieuse, parce que j'avais vécu sans elle pendant plus de cinq ans. Quentin n'était plus là, mais j'avais toute la vie devant moi, et j'avais envie de la vivre du mieux que je pouvais, en hommage à la fois à Quentin et à moi-même. Fort heureusement, je n'eus pas de problème à la fac, probablement parce que mes fonctions en Scientologie avaient exigé de moi de la réflexion et de la prise de décision, même si ç'avait été au service de la secte. Je réussis à passer ma licence, bien placée dans les premiers 10% de ma classe.

MON DERNIER CONTACT AVEC UN SCIENTOLOGUE

En juillet 1977, je reçus un appel de Karen de la Carriere, une de mes meilleures amies à Flag. Elle était en mission à Los Angeles, et essaya de me convaincre de retourner dans la Scientologie. Elle m'annonça que l'Org avait déménagé dans de nouveaux locaux et que des "événements formidables" étaient en train de se produire. Gary Epstein, l'Officier Commandant de l'époque était parti. Il s'était fait renvoyer de son poste depuis qu'ils avaient "découvert qu'il était une personne suppressive". Elle me racontait cela parce que Gary était mon supérieur au moment où je partis de la secte. Elle précisait que mon retour serait bienvenu et n'entraînerait aucune sanction, puisque je ne pouvais pas être punie pour avoir quitté une personne suppressive. Pendant quelques secondes seulement, je fus tentée. Je ne pouvais lui répondre ni OUI ni NON. Je me contentai de lui dire que j'allais réfléchir. Quand nous eûmes raccroché, je réalisai que je n'y retournerais plus jamais. J'avais commencé une nouvelle vie, et les propos de Karen ne signifiaient pas du tout que la situation s'était effectivement améliorée à la Sea Org. Une semaine après elle me relança, et je lui ai répondis que je n'avais plus l'intention d'y retourner. Ce fut mon tout dernier contact avec un scientologue.

Récemment, je me suis entretenue avec trois ex-scientologues qui étaient restés jusqu'au début des années 80; tous étaient des cadres de la Scientologie. Ils me racontèrent que la situation s'était dégradée depuis la fin des années 70, en particulier après la prise de pouvoir par les Messagères de Hubbard. Tous étaient d'accord sur le fait que j'avais de la chance d'avoir quitté la secte plus tôt.

Si quelqu'un prétend que le genre d'expérience que j'ai vécu dans la Scientologie ne peut plus se produire actuellement, ne le croyez pas ! Nombreux sont ceux qui peuvent attester que la situation s'est considérablement dégradée.

MA "PEUR DE RÉUSSIR"

Après avoir réussi ma licence à l'Université de Michigan en 1980, je déménageai pour New York. D'un côté, ma vie se déroulait normalement, de l'autre je continuais de souffrir de mes expériences passées dans la Scientologie. Pendant plusieurs années, j'envisageais différentes carrières, mais je ne pus choisir aucune d'entre elles. La profession qui m'intéressait le plus était celle de psychothérapeute. J'allai à l'école pendant un an et demi à l'Institut de Psychanalyse, mais je n'achevai pas ma formation. Ce n'était pas que j'avais des problèmes avec l'enseignement, seulement que je n'avais pas de motivation suffisante. Je trouvais toujours une excuse pour abandonner ce que je commençais. Je n'avais pas compris, jusqu'à récemment, que mon incapacité à débuter une nouvelle carrière, en particulier dans ce domaine, était étroitement liée à mes expériences passées en Scientologie. Parce que mes "succès" en Scientologie avaient abouti à de sérieux malheurs, j'avais une crainte inconsciente de "réussir" à nouveau.

Dans la Scientologie, n'importe quel succès n'était que temporaire et pouvait être anéanti n'importe quand selon les caprices de Ron Hubbard. Maintenant que j'avais compris cela, j'étais capable de "reprogrammer" mon inconscient, et je pus enfin trouver ma voie.

Je ne suis plus dans une secte et je peux réussir sans la crainte d'être anéantie. Pour la première fois depuis des années, je suis redevenue une jeune femme enthousiaste, ambitieuse, et idéaliste - comme je l'étais à 18 ans.

Aujourd'hui cependant, je sais que personne ne m'apportera de réponses toutes faites aux mystères de la vie. Je réalise que je suis la seule à choisir mon destin, et je ne laisserai plus personne décider à ma place.

Je connais maintenant les techniques employées pour contrôler la pensée. Je sais qu'il existe dans ce monde des individus qui emploient sans scrupule ces techniques afin de manipuler les gens. Si je réalise qu'une personne ou un groupe utilise ces techniques, c'est que je suis déjà en train de prendre mes distances. Ma vie et mes pensées n'appartiennent qu'à moi, et je ne les céderai plus jamais à autrui.

THE END


Épilogue, août 1996: je retournai à l'école et j'achevai une formation d'assistante sociale. J'ai obtenu ma licence, et suis aujourd'hui spécialisée dans les questions de santé mentale

La version originale de ce témoignage est disponible sur:

http://www.icon.fi/~marina/1stpersn/mp01.htm
http://www.cs.cmu.edu/~dst/Library/Shelf/9lives/


remerciements à Mickael Tussier
© Monica Pignotti
© Mickael Tussier pour la traduction française
http://tussier.multimania.com
© L'ORGANE (www.lorgane.com) pour la première édition en France

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