20. Mon ami Quentin


 
 
 
 

Les photos de propagande sciento montrent toujours des gens souriants, propres sur eux, épanouis et altruistes. Mais la réalité de la vie d'un adepte est loin d'être aussi idéale.
 
 
 
 
 
 
 

Alors que nous étions aux Bermudes, Quentin revint de ses vacances et jeta un pavé dans la mare. Son père avait tenté de le faire taire, mais Quentin me raconta toute l'histoire sur un ton très calme, avec détachement.

LA TENTATIVE DE SUICIDE DE QUENTIN

Il affirmait avoir décidé à nouveau de se suicider, et avait élaboré un plan dans ce but. Il s'était envolé pour New York et avait pris une chambre à l'hôtel Times Square. Ensuite, il avait caché son passeport, sa seule pièce d'identité, derrière le miroir de la salle de bains. Il voulait que personne ne sache qu'il était le fils de Ron Hubbard quand son corps serait découvert. Puis il avait pris l'avion pour San Francisco, avec l'intention de se jeter du pont du Golden Gate, mais lorsqu'il fut sur le point de sauter, il ne put passer à l'acte. Peu après, il fut retrouvé en train de vagabonder dans les environs et arrêté par la police, qui recherchait un criminel. Les faits révélèrent qu'il ne correspondait pas au profil du suspect, mais comme il avait l'air désemparé, on l'envoya dans un hôpital psychiatrique. Pour protéger son nom de famille, Quentin se prétendit amnésique. Il était interné depuis environ deux semaines quand un membre de la Scientologie le retrouva, et lui fit subitement "retrouver la mémoire" et son identité, ce qui lui permit d'être libéré.

Il m'expliqua cette histoire sur un ton neutre, comme s'il me racontait un voyage de vacances sans histoire. J'étais horrifiée et il s'en apercevait. A mesure qu'il continuait son récit, il scrutait les expressions de mon visage comme si ç'avait été celui de sa mère. Quentin et sa mère étaient très proches. Malgré tous ses défauts, Mary Sue Hubbard avait au moins la qualité d'aimer beaucoup ses enfants, et Quentin semblait être son préféré. Ce jour-là, j'ignore si c'était Ron Hubbard ou Mary Sue, mais l'un ou l'autre fut hors de lui d'apprendre que Quentin m'avait tout raconté. David Mayo, le Superviseur des Cas Senior, m'ordonna de ne plus jamais fréquenter Quentin, sans préciser de qui me venait cet ordre, ni pourquoi. Je ne pense pas que l'ordre était une initiative de David. Je lui demandai d'où venait cette décision, mais il refusa catégoriquement d'en dire plus.

David et moi nous entendions très bien par le passé, mais son attitude resta inflexible. Je lui dis que Quentin était mon ami, qu'il avait besoin de moi et que j'étais là pour l'aider. Je lui fis également remarquer que ma vie privée ne le regardait pas. Le ton monta. Merrill, la femme de David, un auditeur de haut niveau à Flag, essaya de me faire taire pour me protéger, mais je ne voulais pas renoncer. Elle savait que j'étais en train de m'attirer des ennuis, et elle n'avait pas tort. David m'avertit que si je continuais de voir Quentin, je serais assignée au RPF. Je continuai tout de même de me quereller avec lui, et il m'envoya en "régénération", ce qui signifiait que je devais réétudier mes cours d'auditeur et certains matériaux. Il m'envoya aussi auprès de l'Officier d'Éthique, qui me mit en garde contre toute tentative d'approcher Quentin. J'étais censée suivre les ordres comme un bon petit robot, mais je n'étais pas encore complètement lobotomisée, si bien que je persistais dans mon refus d'obéir.

Je défiai l'autorité et continuai de voir Quentin. Il n'y avait toujours aucune relation sexuelle entre nous, mais les autres croyaient le contraire, et que nous dissimulions. Un jour, je fis une farce à Quentin pendant qu'il prenait sa douche, et cela fut révélé et écrit au cours de l'une de ses séances d'audition. Je pense que David s'imaginait plein de choses à notre sujet. J'étais furieuse contre une telle ingérence dans ma vie privée.

Dans le même temps, j'avais terminé ma "régénération" et je retournai à l'internat pour l'audition Class VII. Je m'occupais d'auditer un autre interne, Rica, sur les processus de Puissance. Son audition se passait très bien et il obtint son grade avant la fin du cycle. En "Puissance", à l'époque, si le PC s'extériorisait (c'est-à-dire s'il vivait une expérience de séparation de son corps), on considérait qu'il avait obtenu son grade d'office, et les autres processus de "Puissance" et "Puissance Plus" n'avaient pas besoin d'être effectués. Ce fut le cas avec Rica, qui accueillit avec plaisir l'achèvement de son grade. Mais une semaine plus tard, Rica attrapa un refroidissement et, en tant qu'auditrice, je fus immédiatement mise en cause et accusée de "out tech". Hubbard demanda personnellement à consulter les enregistrements de mon PC - ce qu'il ne faisait que rarement.

PUNIE À CAUSE D'UNE "MESSAGERE" INCOMPÉTENTE

Les archives furent examinées par une Messagère adolescente, Jill Goodman, qui n'était pas une auditrice entraînée et ne connaissait rien de ce qu'elle consultait. Elle raconta à Hubbard que je n'avais rien fait pour "corriger" le "Puissance Plus", ce qui n'était qu'un mensonge pur et simple: je n'avais jamais effectué "Puissance Plus", par conséquent entreprendre toute action corrective aurait été absurde. N'importe quel auditeur entraîné en tant que Classe VII s'en serait aperçu, mais personne n'osa prendre ma défense.

Le résultat fut un ordre d'Éthique lancé par Hubbard, une annulation de tous mes certificats, et la convocation du Comité de l'Évidence pour examiner mon cas. Je tentai désespérément de convaincre par écrit Ron Hubbard pour lui expliquer que ce PC n'avait jamais reçu de "Puissance Plus", et pour l'inviter à consulter lui-même les enregistrements. Je n'obtins jamais de réponse.

A l'époque, je blâmai Jill Goodman pour cette parodie de justice; mais, aussi malveillante qu'elle put être, je réalise aujourd'hui qu'elle était uniquement une victime de Ron Hubbard. Aujourd'hui, elle ne fait plus partie de la Scientologie et elle a ouvert les yeux sur ce qui lui est arrivé. Dans une interview à Russell Miller, auteur de "Barefaced Messiah" (ndt: cette excellente et pittoresque biographie de LRH existe en version française sous le titre "Ron Hubbard, le gourou démasqué", éditions Plon), elle dit: "Nous étions de vraies petites pestes... Nous avions tous les pouvoirs et étions intouchables". Je ne peux qu'approuver cette déclaration, et actuellement je ne lui en veux plus. La vérité, que je refusais d'admettre à l'époque est que ni David Mayo, ni Jill Goodman n'étaient à blâmer pour ce qu'ils faisaient. Seul LRH était responsable des pressions exercées sur moi à cause de mon amitié avec Quentin. J'aimerais rencontrer un jour David Mayo (ndt: également ex-scientologue actuellement !) et Jill Goodman pour savoir ce qui s'est passé exactement.

UNE RIVALE JALOUSE NOMMÉE PRÉSIDENTE DE MON "COMITÉ D'ÉTHIQUE"

La convocation d'un Comité d'Évidence par LRH en personne était considérée comme une affaire sérieuse. Toutes les charges étaient retenues contre moi; et Barbara, désignée à la présidence de mon Comité d'Évidence, était réputée à bord pour me détester. Avant son mariage, son futur époux s'était d'abord intéressé à moi. Je n'avais pas répondu à ses faveurs, si bien qu'il avait tenté sa chance auprès de Barbara, puis l'avait épousée. J'étais contente qu'il eut trouvé quelqu'un, mais Barbara restait méfiante, car son mari avait toujours envie de me draguer. Pour que les choses soient claires, il aurait dû frapper du poing sur la table et décider de ne plus me voir. Il ne s'était rien passé entre nous puisqu'il n'était pas du tout mon type d'homme. Mais Barbara me faisait clairement comprendre qu'elle ne me supportait pas. Elle alla jusqu'à refuser de m'avoir comme auditrice, alors que j'avais été désignée pour m'occuper d'elle. Et c'est cette personne qui fut nommée Présidente de mon Comité d'Évidence ! Je suis sûre qu'elle fut enchantée de me déclarer coupable de toutes les charges retenues contre moi. Tout de suite après, je fus renvoyée au RPF. De plus, tous mes certificats d'audition furent annulés par LRH.

Après avoir entendu le verdict, j'allai à la cabine de Quentin pour tout lui raconter. Je savais qu'aussitôt au RPF, je n'aurais plus la possibilité de passer le voir. Je lui dis que le RPF serait un havre de paix à côté de ce que j'avais vécu ces derniers mois. J'avais tout perdu, alors que j'avais travaillé si durement. Je pensais que rien de pire ne pouvait m'arriver. J'avais tort. Le pire m'attendait encore...


chapitre 21/28: Le RPF du RPF

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