L"EGLISE DE SCIENTOLOGIE" ou LES GOULAGS DU GOUROU
RÉCIT D'UNE ÉVASION par : NEFERTITI

(Source : site de Roger Gonnet)

Prologue :

La première partie de cet ouvrage est un récit rigoureusement exact d'une évasion d'un des goulags de la secte considérée comme une des plus dangereuses et certainement la plus procédurière au monde

Il s'agit bien sûr de la Scientologie. Il y a en Floride, aux États-Unis une petite ville de province, Clearwater, qui a presque entièrement été squattée par la secte. Au 210 de l'avenue Fort Harrison, Flag, une importante bâtisse des années trente est devenue la Mecque de la secte et abrite tendrement dans son garage, un des goulags les plus sévères qui soient. L'auteur préfère rester anonyme pour des raisons qui peuvent paraître évidentes même pour celui qui n'aurait jamais connu de sectes ni les conditions d'internement de ses charmants camps de travaux forcés.

En outre, l'auteur a choisi de raconter son expérience à partir du moment où elle prend conscience que sa vie est en danger et qu'elle décide de s'enfuir.

Enfin, l'auteur s'est efforcé d'écrire un texte accessible à tous et pour tous ; il est donc dépouillé le plus possible de tous ces termes techniques qui figurent déjà dans d'autres ouvrages. En effet, l'accent a plutôt été porté sur le caractère humain de cette expérience néanmoins dédramatisée par quelques pointes d'humour.

Le texte est accompagné des réflexions de l'adepte à l'époque des faits, mais aussi de ses constatations dix ans après.

Aucun nom, aucune date et hormis Clearwater- Flag- aucun autre lieu n'est mentionné.

La seconde partie est une compilation d'extraits de témoignages d'ex adeptes de la Scientologie sur les goulags de la secte appelés RPF. .

DÉDICACE :

Ce récit est dédié à toutes les victimes de la Scientologie.Il est aussi dédié à toutes les victimes des sectes en général.Posté anonymement en avril 1997

SOMMAIRE

1. La décision

2. Analyse du déclic

3. Qu'est-ce que le RPF ? Qu'est-ce que le RPF du RPF ?

4. Une journée type au RPF

5. Évasion ; mode d'emploi

6. Objectif ; se reconstruire

Épilogue


Quand on tombe, on tombe jamais bien. Alexandre Dumas fils.

1. La décision.

Fuir, il le faut, mais comment ? j'en sais rien, je trouverai un moyen je dois m'en aller, je dois partir d'ici, c'est ça réfléchissonsÉ comment faire et sans argent et sans passeport, partir les mains dans les poches ? oui c'est ça, après on verraÉ

Mais non voyons, concentre toi, concentre toi, fais un plan- c'est ça voilà, calme, calme, il me faut un plan - "ils" savent que je veux partir mais j'en ai parlé qu'une fois, une seule fois, "ils" ne m'ont pas prise au sérieux je suis docile et pas rebelle pour un rond ils ne se méfient pas je finirai bien par plier oui, c'est ce qu'ils" pensentÉ

Tant mieux pour moi ça simplifie la chose - voilà, c'est bien j'arrive à penser, à réfléchir - un plan, il me faut un plan détaillé, me sortir d'ici - partir mais partir vite avant qu"ils" s'en doutent sans qu'ils" m'en empêchent avant de me retrouver avec des chaînes aux pieds - nom de Dieu, c'est même pas une métaphore !

Ceci est le discours intérieur d'un adepte sur le point de partir de ce qu'il n'aurait jamais crû être une secte - l'idée ne lui serait jamais venue à l'esprit et cet acte ne remet pas encore en cause ses croyances profondes - C'est une idée fixe, obsédante ; partir, c'est simplement une question de survie.

Une question souvent posée est la suivante ; "Mais que se passe t'il dans la tête de ces gens-là ?" Je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est ce qui se passait dans la mienne.

Par souci de vérité et de précision je tenterai de reproduire, d'analyser et de mettre les mots les plus cohérents sur des cheminements d'esprit qui ne l'étaient pas forcément à l'époque. Ce discours est saccadé et volontairement écrit d'une manière que les puristes qualifieraient de maladroite ou de débile. Mais il ne s'agit pas ici d'un travail scolaire ni d'un essai plaisant qu'un universitaire aurait imaginé un soir de passable ennui. Ceci n'est pas un exercice de style pour décrire une fiction ; tout est vrai. J'essaie de reproduire, grâce à un discours intérieur, un état d'esprit perturbé par un endoctrinement sévère d'une dizaine d'années. Un adepte qui soudain décide de partir d'une secte, c'est pathétique, certes, mais le merveilleux paradoxe est que malgré la damnation promise, les menaces, l'exclusion, la peur, la perte de tous ses biens, l'absence de point de chute, d'emploi, de famille ou de diplômes rendant la réinsertion sociale quasiment insurmontable, malgré tout cela et bien plus, le merveilleux paradoxe est que cet adepte n'a pas perdu tout son libre arbitre et choisit la liberté.

Hier, "ils" m'ont dit : - Tu veux partir ? alors tu n'appartiens plus à notre groupe. Tu dois attendre dans un autre groupe ; suis-moi.

Je l'avais suivi effondrée ; parce qu'il y avait un autre groupe, pire que celui-ci ? ce n'était pas possible. Voyons voir donc, tout ce temps de goulag sans me rendre compte qu'il y avait aussi le mitard du goulag ? de mieux en mieux ! Bien plus tard je sus où on m'emmenait.

Il fallait passer par une espèce de porte très basse et marcher courbé le long d'un tunnel ou l'humidité montait à la gorge pour arriver face à des dédales de chemins sur lesquels en effet, je n'avais pas encore eu "l'honneur" de travailler selon la devise "One one job, one place, one time" (un boulot, un endroit, un temps). Entendre par là, exécuter des ordres sans broncher, tel un bagnard aux travaux forcés à une cadence rythmée sans droit à la pause ni aux paroles, ni à la rémunération d'ailleurs, mais c'est un détail- pour une durée fixe de dix heures la journée.

(Le reste du temps, cinq heures, était réservé à "l'étude" entendre par là endoctrinement spécial goulag réservé aux plus récalcitrants de la secte.)

Une porte s'ouvrit sur un espace obscur et puant ; une chose remuait dans le fond, j'ai pensé à des rats et je réprimai un haut-le-cÏur. Les yeux s'habituant à l'obscurité, j'ai pu distinguer un spectacle insoutenable. Dans le fond, une forme, puis une femme, oui, une jeune femme, la trentaine, ruisselante de sueur et de fièvre était enchaînée. Elle avait une chaîne de cinquante centimètre environ qui reliait ses deux chevilles si bien qu'elle devait faire des petits pas rapides et saccadés. Elle réalisait une besogne imprécise dont je n'arrive toujours pas à saisir le sens mais il semblait qu'en autres tâches elle écopait de l'eau. Nous étions dans un endroit qui devait être une sorte de buanderie avec des machines et de la tuyauterie un peu partout comme il doit en avoir dans les sous-sols des hôtels. Le type me dit :" Voilà tu travailleras ici jusqu'à nouvel ordre."

La malheureuse n'avait pas marqué de point d'arrêt et avait très furtivement levé les yeux vers moi sans faire de commentaires. La chaleur était suffocante, la puanteur saisissante, ma "promotion" décidément inquiétante et les perspectives de survie alarmantes. Restées seules je risquai en fixant ses chaînes :

- Mais où diable sommes-nous ?

Elle hésita. J'insistai :

- Pourquoi es-tu enchaînée ? Elle répondit très vite ;

- Ici c'est le RPF du RPF (mitard du RPF). Je dois me réhabiliter pour réintégrer le RPF (camp de détention et de travaux forcés) qui est mon groupe.

- Je ne comprends pas, tu étais déjà au RPF ? (voir chapitre 3)

- Oui, mais j'ai été assignée au RPF du RPF pour avoir manqué aux intérêts de mon groupe qui est le RPF.

Cette pauvre femme répétait machinalement ces phrases. Elle était à l'évidence terriblement perturbée. Son regard était rouge sang de peur, de malheurÉ je ne devais par la suite plus jamais revoir un tel regard de bête traquée.

-Mais je ne dois pas parler je dois travailler, ne me pose plus de questions.

-Arrête un moment, lui dis-je, il est parti, dis-moi combien de temps tu vas porter des chaînes ?

Le faciès marqué d'épouvante, les cernes profondes et grises sous ses yeux accusaient une fatigue prononcée. Ses jambes pataugeaient dans une eau noirâtre, elle se trouvait dans un état de saleté extrême et son état physique et psychique paraissaient des plus inquiétants.

-Mais il va revenir, "ils" savent tout, je ne peux pas m'arrêter je ne dois pas m'arrêter.

Je l'ai regardé impuissante, sans plus rien dire, je me laissai glisser le long d'un mur là où je ne touchais pas l'eau et accroupie je pensais surtout que j'avais touché le fond. Mais qu'avait donc fait cette pauvre femme ? J'ai su le soir même qu'elle avait envoyé du courrier à son mari, membre cadre de la secte et donnait certains détails sur le RPF. On n'a pas le droit de parler du RPF. Elle avait rompu la loi du silence. C'est à ce moment précis que j'ai décidé de quitter le RPF du RPF, le RPF, goulag, cachots et autres mitards, dans la foulée la secte toute entière.

Le lendemain même, je quittai ce cauchemar.

Devine si tu peux, choisis si tu l'oses.

Pierre Corneille

2. Analyse du déclic.

Parce que la délation est de mise, j'élaborais secrètement mon plan en le structurant du mieux possible en trois parties essentielles. Grand A : récupérer mon passeport et la stratégie à employer sans attirer l'attention tout en assurant mes arrières, au cas où ;

Grand B : trouver de l'argent pour acheter mon billet d'avion et payer les services d'un taxi dont j'utiliserais les services, toujours au cas où ;

Grand C : me reposer suffisamment pour affronter sereinement moult péripéties et réussir mon évasion.

Il s'agissait bien de cela, m'évader. Je doutai que l'on me retînt de force si jamais je réitérais ma demande et je pressentais que des sanctions terribles me seraient imposées si jamais j'échouai dans ma tentative. Combien avais-je raison ! Des années après j'ai lu les déclarations sous serment, les témoignages, les livres d'ex- adeptes révélant leurs souffrances les sanctions auxquelles ils étaient soumis, comment ils étaient retenus contre leur volonté. On n'est pas libre de partir du goulag de la secte de l'"église de scientologie", on n'est libre que de courber l'échine, de se soumettre à une discipline militaire illégale. Et ces gens se donnent le statut d'église ?

En ce qui me concernait, je refusais d'accepter des conditions de vie effroyables jusqu'à la "réhabilitation" grâce à une sorte de rédemption dont les critères étaient inconnus de moi. Je me rappelle très clairement que j'ai refusé net de continuer "à jouer le jeu" (une de leurs expressions favorites) Or, je refusai d'exposer davantage mon corps et mon esprit à des pratiques tenues secrètes, à l'opposé de celles pour lesquelles j'avais adhéré au groupe. Les contraintes, menaces, et humiliations de tout acabit n'avaient pas sur moi l'emprise escomptée. "Ils" ne sont jamais arrivés à me terroriser. J'avais pu observer le désastre psychologique de certains camarades sortant des fameux "maniements d'éthique" (séances de manipulations mentales accompagnées de punitions humiliantes) J'ai vu au moins deux camarades en proie à une crise d'hystérie avec larmes comme résultat de leur "maniements d'éthique"J'en tirai la conclusion prudente de ne pas ruer dans leurs brancards et étais en principe d'accord avec tout ce qu'ils voudraient (je n'avais d'ailleurs aucun poste à responsabilité) J'ai pu échapper à ces véritables interrogatoires suivis d'interminables confessions -certaines étaient fictives car pour avoir la paix on en venait à s'inventer toute sortes de crimes imaginaires- au moins trois personnes m'en ont parlé- J'y échappai car je n'ai jamais ouvertement exprimé de désaccord ou opposé de refus nets. J'arrivais toujours à contourner "l'ennemi" sans trop de casse, tant que j'avais la foi. Ma révolte était intérieure. Maintenant, c'était une autre histoire. Or, puisque j'étais sur le RPF je serais contrainte de me plier et de subir ces "sec-cheks" (interrogatoires incessants dignes de la Gestapo) et ça ce n'était tout simplement pas acceptable ni admissible. J'avais l'étrange sentiment que si je n'échappais pas immédiatement après ma décision je ne pourrais plus jamais le faire.

Avec le recul, je constate combien j'avais vu juste ; nombre d'adeptes ont succombé de n'avoir eu le courage ou la force de se soustraire à temps, avant que des pratiques de désinformation et de lavages de cerveau aussi efficaces que dégueulasses leur soient appliquées. Leurs nom ?"false data stripping" ou "false purpose rundown"(voir abécédaire des techniques de contrôle mental utilisées dans le RPF). En fait, ce sont des pratiques de réformes de pensées accompagnées de listes de confessions obligatoires de crimes remontant sur toute la "ligne du temps"- En d'autres mots, la personne doit confesser des supposés crimes commis dans toutes les supposées vies antérieures de la personne!!! A ce niveau avancé d'endoctrinement, la personne bascule soit vers une soumission robotique proche du zombie soit elle bascule vers la folie. Sans parler bien sûr "du reverse auditing" ou "black dianetics" consistant à appliquer des pratiques élaborées de tortures mentales. Ces pratiques sont courantes dans le RPF. Et pourtant, je n'en avais jamais entendu parler ni mentionner en dix ans de secte- tout comme le RPF du RPF d'ailleurs. Oh oui ! les secrets sont bien gardés par une poignée de dirigeants proches des gourous Hubbard et Miscavige prêts à ordonner, appliquer ou se rendre complices de pratiques de tortures mentales destinées à laver le cerveau d'une personne. Certains cadres haut placés ont été limogés et répudiés après une vie entière passée au dévouement d'une cause chimérique. Ils ont eux-mêmes été soumis à ces pratiques honteuses et ils ont parlé. Les témoignages sont accablants et se rejoignent tous au sujet de l'effet dévastateur des techniques de contrôle mental. Ces témoignages peuvent tous se lire sur Internet. Je répète que toutes ces pratiques étaient inconnues de moi avant de joindre la SO (abréviation de Sea Org, organisation formée par la soi-disant élite de la secte devant signer un contrat d'un milliard d'années) je ne les connaissais pas, tout comme la majorité des membres de la secte, mais en mon for intérieur je pressentais quelque chose de terriblement malsain auquel je devais absolument me soustraire. Témoin au RPF de nombreuses pratiques contraires à la dignité de l'homme - dont je parlerai par la suite, ajoutées aux conditions ignobles de détention vécues et vues durant ma période d'internement à trimer comme des bêtes au mépris des règles élémentaires de sécurité sans parler du droit de travail, j'ai eu l'immense "chance" d'avoir eu ce déclic de prise de conscience. Soudain, je me rendis compte en voyant cette femme terrorisée, enchaînée, du mensonge horrifiant dans lequel j'étais piégée. J'aurais voulu hurler de douleur, l'échec personnel est d'autant plus cruel qu'il s'agit d'un viol intellectuel ajouté à une souffrance psychique réelle. J'avais donc tout sacrifié pour une vaste escroquerie ?

Il y a une seule chose dont je suis fière ; c'est d'avoir su garder mon sang froid à un moment où je sentais que ma vie basculait dans le vide. Je me suis dit : "Mon Dieu, ils vont m'enchaîner moi aussi si je ne pars pas. Car je ne plierai pas. Je ne suis pas une criminelle, je ne suis pas disposée à accepter de me dégrader. Je ne comprends pas ce qui se passe, j'aurai l'opportunité de me renseigner le temps venu mais maintenant je dois partir."

Voilà ce que je pensais, la mort dans l'âme car cette décision n'était pas facile.

Je ressens intimement que le fait de ne pas avoir réagi à ce moment crucial eût été un point de non-retour.

Un homme, un être a le pouvoir effrayant et incompréhensible, d'endormir, par la force de sa volonté, un autre être et pendant qu'il dort, de lui voler sa pensée comme on volerait une bourse.

Guy de Maupassant.

3. Qu'est-ce que le RPF ? Qu'est-ce que Le RPF du RPF ?

Comme je l'ai déjà dit, on ne part pas librement du RPF, on s'en échappe. On serait donc tenté de dire que c'est une prison or les conditions de détention et le règlement actuel existant dans les prisons des pays industrialisés sont similaires à celles du Club Med lorsqu'on les compare à celles de détention du RPF. Goulag me parait beaucoup mieux adapté, ou camp para militaire de rétention ou camp de travaux forcés, camp de rééducation.

On y envoie arbitrairement quiconque commencerait à poser des questions sur les finances d'un groupe par exemple, ou tout simplement quiconque poserait des questions quant à la cohérence de certains procédés, ou quelqu'un ne ramenant pas assez d'argent à la secte, quelqu'un qui aurait à raison osé traiter d'imbécile son ou ses supérieurs hiérarchiques, quelqu'un qui aurait décidé de s'accoupler avec la personne de son choix sans avoir demandé d'autorisation au préalable ou plus grave, qui voudrait partir de la secte.

A la page 441 du dictionnaire administratif de la secte, entre autres définitions obscures se trouve la suivante : "Le RPF a été créé par le Commodore (le gourou s'était auto proclamé ce titre) pour que la rédemption puisse avoir lieu !" Rédemption, du latin redemptio, rachat. Action de ramener quelqu'un au bien, de se racheter. (Définition du Grand Larousse.)

Il y a un règlement interne et confidentiel qui s'appelle "The Rehabilitation Project Force" (le fameux projet de réhabilitation par la force) C'est une Flag Order (ordre de Flag) 3434 RB du 7-1- 1974 d'une dizaine de pages qui ne sort jamais du RPF et personne d'étranger au RPF ne peut avoir accès à la délicieuse lecture dont voici les grandes lignes.

En gros, la personne est déchue de tout ses droits ; familiaux entre autre, ne peut plus vivre avec son conjoint ni ses enfants, ne doit pas avoir de vie sexuelle même avec son conjoint, ne doit plus utiliser sa voiture ou son vélo, ne doit plus adresser la parole aux gens à moins qu'on lui fasse l'honneur de la lui adresser. Ce qui en fait une sous-classe d'homme privé du droit de parole. La personne ne reçoit que le tiers de sa paye qui est déjà bien maigre elle se retrouve donc avec cinq ou six dollars la semaine quand on lui fait l'honneur de cette aumône. Elle doit prendre ses repas à l'écart avec les restes du repas des autres. Elle dort dans les pires locaux et se revêt d'accoutrements obligatoirement noirs et sales. Signe distinctif : elle doit porter au bras gauche un ruban noir qui la distingue des autres. (p 302 du dictionnaire : "personnel sans privilèges d'étiquette") Elle doit répondre par "Yes Sir !" à toute communication lui étant adressée (même par une femme), n'a pas le droit de marcher mais doit courir pour se déplacer. Elle doit trimer sept jours sur sept, dix heures par jour avec trente minutes pour deux "repas", pas plus de trente secondes pour sa douche et dispose de cinq heures d'endoctrinement obligatoire par jour. Elle est assignée aux tâches les plus dures d'entretien et de rénovation. Cela peut très bien consister à faire tomber un mur par un escadron formé de jeunes filles dont l'une serait enceinte peu importe si elle fait fausse couche, comme cela s'est déjà produit- ou aux ramassage des ordures du complexe de la secte ce qui reste très dur quand on a une frêle morphologie et même dangereux quand on n'a pas de gants, pas d'accoutrement adéquat ni de formation d'éboueur !

Le RPFer (comme on les appelle) n'a pas le droit de contester quoique ce soit. Si autre chose que "yes sir" venait à sortir de sa bouche il se verrait ordonner de courir de préférence sous un soleil de plomb quand il fait 40° à l'ombre autour d'un arbre, un certain nombre de tours à discrétion du Kapo en charge de l'escadron. Et ce, autant de fois nécessaires pour que la rémission du RPFer soit complète et totale. "Le Running Program" peut lui être infligé. En français, programme de la course est la forme la plus sévère des punitions ; elle consiste à tourner pendant 8 heures autour d'un arbre ou d'un poteau jusqu'à ce que la personne devienne un robot.

La surveillance ne se relâche jamais et aucun moment d'intimité n'est toléré. Un "twin" (jumeau et compagnon d'infortune) lui est assigné. C'est un système très efficace pour encadrer le RPFer mais aussi bien diabolique ; chacun surveillant l'autre, aucune solidarité ne peut s'établir.

Le RPFer n'a droit à aucun jour de repos, à aucun loisir, pas de musique, pas de jeux, pas de radio, bref, il ne peut qu'espérer achever son"programme" décidé en "haute instance" et dont la durée peut aller jusqu'à un certain nombre de mois ou d'années. On s'accorde à penser qu'une moyenne de trois à quatre ans serait tout à fait respectableÉ

De l'anglais, Rehabilitation Project Force, une traduction m'a été suggérée et on peut bien la retenir ; "projet de réhabilitation par la force". En tout cas, on l'aura compris, il est préférable et de loin de se faire emprisonner n'importe où ailleurs, sauf peut-être en Chine en Corée du nord ou en SibérieÉ

Voici pour ceux qui adorent avoir des références exactes, quelques passages perles du fameux règlement interne au goulag. Il s'appelle "The Rehabilitation Project Force" c'est un Flag Order (ordre de Flag) d'une dizaine de pages, 3434RB du 7 janvier 1974 :

Un membre du RPF est un membre du RPF et de rien d'autre hormis le RPF jusqu'à sa libération.

Peut-on donc en conclure qu'emprisonné, le membre du RPF n'appartient plus au genre humain puisqu'il n'est rien d'autre qu'un membre du RPF et ne recouvrera sa condition d'homme qu'à sa libération ?

Suit un catalogue d'interdictions intitulée : Restriction du RPF, suivie d'une autre liste intitulée ; Le RPF ne doit pas, à son tour suivie d'une longue liste au nom charmeur : Restrictions et pénalités personnelles. Au numéro17 il y est écrit :É la personne doit signer une confession de ses crimes avant de quitter la base (sic)

Il y a dans cette directive quarante cinq restrictions et pénalités dont j'ai seulement évoqué quelques unes sans toutes les énumérer.

Plus loin sur le même Flag Order, dans sa totale bienveillance le gourou a établi une très mince liste de droits personnels parmi lesquels on trouve que la personne a le droit de manger ! sans préciser toutefois si elle a aussi le droit de dormirÉ

La devise du RPF est :

Le RPF est ce que l'on fait (sic)

Le RPF est où on le fait (sic)

La donnée stable (stable datum) du RPF est :

Un boulot, un lieu, en une fois. (sic)

Ces trois phrases sont régulièrement hurlées lors des trois rassemblements quotidiens et obligatoires.

Il y a au moins quatre RPFs :

1) Flag à Clearwater en Floride,

2) PAC (abr ; pacifique) Los Angeles, Californie,

3)"Happy Valley" Hemet, Californie

4) Copenhague, Dannemark.

Quant au RPF du RPF il serait l'équivalent des oubliettes, du donjon anglais ou des galères romaines ; on n'en reviendrait jamais. Les conditions sont effroyables, dignes de celles d'un roman sur l'esclavage au 18 ème siècle. C'est le mitard du goulag. La personne n'a plus qu'à faire ses prières. Dans ces conditions, elle peut tenir peut-être trois mois- si elle est en très bonne santé au départ.

On trouve sa définition dans le dictionnaire, p 451. Elle est consternante :

RPF'S RPF : "Les restrictions suivantes sont appliquées à leurs membres : 1) La ségrégation d'avec les autres membres du RPF en ce qui concerne le travail, les repas, le logement, les rassemblements et toutes les autres activités. 2) Pas de salaire. 3) Pas d'études 4) Pas d'audition (pratiques supposées amener la Rédemption de la personne) 5) doit seulement travailler à des boites de boues (sic) dans les sous-sols, ne doit pas travailler avec les autres membres du RPF. 6) six heures de sommeil maximum 8) les sanctions d'éthique standard se verront triplées pour chaque offense dont ils seront trouvés coupables jusqu'à ce qu'ils rejoignent le RPF de leur propre déterminisme. 9) ne sont autorisés à communiquer qu'avec le MAA RPF (sorte d'officier d'éthique) 10) ne sont pas autorisés à rejoindre le RPF jusqu'à ce qu'ils aient fait amende honorable à chaque membre du RPF.

Le RPF du RPF a été créé car certaines personnes n'avaient pas reconnu le besoin de Rédemption. Jusqu'à ce que la personne admette son besoin et ce par son propre déterminisme de rejoindre les actions de Rédemption du RPF, les restrictions seront appliquées."

Fin de citation.

Je suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent.

Lautréamont, Les Chants de Maldoror.


4. Une journée type au RPF :

Levés très tôt avant les autres et couchés très tard après les autres, la fatigue est omniprésente. Pas plus de sept heures de sommeil pour des travaux forcés à une cadence d'enfer ont vite fait de miner la résistance de la personne même en bonne santé. Après une semaine de ce régime infernal que je ne souhaiterais pas à mes pires ennemis (sauf peut-être Miscavige et autres ordures) je sentais mes forces baisser, les crampes de plus en plus fréquentes (douloureuses lorsqu'il faut de toute façon continuer à courir) des courbatures dans tout le corps, la sueur était devenue un ennemi redoutable. Par un temps très chaud, le rythme accéléré de l'effort constant provoquait une sudation importante responsable d'une accumulation de bactéries. Il fallait à tout prix se protéger des blessures potentielles. Aucune mesure préventive n'était prise et bien sûr aucun médicament n'était autorisé ni même antiseptiques ou antibiotiques.

Branle bas le combat vers sept heures. Cinq minutes tout au plus pour être prête. Enfiler un pantalon noir et sale, un tee-shirt noir et sale, ne pas oublier le brassard noir autour du bras gauche. Tiens, comme les juifs, leur étoile cousue sur un manteau d'infortune lors de la seconde guerre mondiale de sinistre mémoireÉ ou comme la lettre écarlate cousue sur la robe de l'héroïne du célèbre roman : The Scarlet Letter de Nathaniel Hawthorne. La lettre A comme adultère signalait le péché de la femme réprouvée et condamnée par la morale puritaine de la société américaine de Boston du 17 ème siècle. Hester Prynne est condamnée pour adultère à être exposée au pilori et à porter à jamais sur le corsage de sa robe une grande lettre A d'étoffe rouge, symbole de sa faute. Au RPF, le brassard noir, c'est la représentation de la discrimination et de la ségrégation arbitraire et illégale de l'individu. C'est la signification de l'ostracisme. Bien sûr le RPF est contraire aux droits de l'homme, viole toutes les Constitutions, doit être interdit par les gouvernements si ceux-ci se donnaient la peine de prendre leurs responsabilités et de légiférer pour qu'aucune prison interne à n'importe quel groupe ou religion, que ce soit un camp de travail goulag ou RPF ne soit toléré sur leurs sols. J'imagine que la volonté politique naîtra lorsqu'un fils ou fille de ministre pris (e) dans les filets d'une quelconque secte sera interné dans un de ces camps ou commettra un suicide.

Le RPF, camp de redressement et de travail illégal est d'autant plus insupportable que cette humiliation est présentée comme le rachat des supposés "crimes" de l'adepte à qui on exige de reconnaître son besoin de Rédemption imaginé par un malade pervers à l'esprit tordu, gourou sadique e schizofrène et paranoïaque.

Mais revenons à mon récit.

Je prenais la précaution de porter un autre tee-shirt propre sous le tee-shirt sale ; j'en avais par chance une bonne dizaine dans ma valise. Tous les soirs après ma douche de trente secondes, je m'enduisais le corps de talc pour protéger la peau de la sueur dont nous souffrions tous. Je me rappelle cette jeune femme qui souffrait terriblement d'une infection importante qui s'était développée sous ses seins. La peau était à vif, des cloques purulentes s'étalaient maintenant jusqu'au nombril. Lorsque je m'en rendis compte je lui dis : -Mets toi un peu de talc, prends le mien. Elle me regardait avec étonnement. J'ajoutai : - A mon avis, tu devrais te mettre un tee-shirt de coton pour isoler ta poitrine et te mettre le soutien-gorge par-dessus. Cela aiderait à stopper l'infection. Elle me dit qu'elle n'avait pas assez de tee-shirts en coton. Spontanément je lui tendis deux des miens.

-Laves-en un tous les soirs pour en avoir un sec et propre chaque jour. Elle eut une sorte de tremblement en me demandant :

- Mais pourquoi fais-tu ça ? pourquoi m'aides-tu ?

Avec le recul, je réalise combien la réaction de cette femme était pathétique. Comment était-il possible que quelqu'un pût encore l'aider ? La notion de solidarité lui était devenue étrangère !

Pour moi, c'était juste une question d'assistance à personne en danger ; son infection était vraiment trop importante pour ne pas sentir de compassion. Au RPF, c'est chacun pour soi, des 8 jeunes femmes logeant dans la même chambre, je fus la seule à proposer de l'aide. Mais chacune souffrait de quelque chose, chacune essayait de survivre du mieux qu'elle pouvait et puis moi je venais juste de débarquer au RPF, je ne souffrais pas encore d'usure, je pouvais encore me permettre le luxe d'aider quelqu'unÉ

Nous devions prendre un bus qui nous amenait jusqu'au Fort Harrison. Ce bus était infesté de cafards ; au début je refusai de m'asseoir car les cafards grouillaient et ne se gênaient pas pour nous monter dessus et puis la fatigue s'installant, je me résignai à m'asseoir ; un moment de repos devenait la priorité, on se bornait tous à bouger de temps en temps la main ou le pied pour écarter les plus grosÉ

Arrivés au "mess" (table de réfectoire) du RPF, il s'agissait de s'alimenter le mieux possible ; des céréales sous forme de bouillies d'aspect peu ragoûtant étaient proposés. Malgré ma répugnance à manger le matin, ma foi, le troisième jour, je décidai de me forcer et d'avaler toutes sortes de soupes et autres bouillons à grand renfort de lait pour tenir le coup. Le RPFer chargé d'amener la nourriture fut remercié chaleureusement par tout le monde pour avoir réussi à trouver un gallon de lait ; je le regardai inquiète lorsqu'il fut applaudi et en déduisis que le lait n'était pas denrée courante au RPF.

Le "muster" ou "roll-call" (rassemblement pour l'appel) avait alors lieu. Le piteux bataillon goulag pastichait les réunions militaires où chacun devait répondre à l'appel de son nom par : " hi sir ! "(présent).Tout retard, fut-il d'une seule seconde était lourdement sanctionné. Le piètre spectacle des quatre colonnes chancelantes du RPF faisait pitié à voir ; vingt personnes s'efforçant de se tenir au garde-à-vous comme elles pouvaient ; cela relevait plus d'un camp d'extermination de l'Allemagne de l'Est que celui du glorieux bataillon des membres du corps d'élite de "l'organisation maritime" (sea org) Je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il était impossible de faire la relation entre ce cortège d'ombres que nous étions devenus avec le groupe clinquant, en grand uniforme que l'on voit dans les magazines de propagande de la secte supposée conduire l'homme sur " le chemin de la liberté totale". Ironiquement, nous nous retrouvions emprisonnés et portant ces mêmes chaînes dont nous voulions libérer l'homme. De toute évidence, il y avait là un terrible piège que je n'arrivais pas à m'expliquer.

Le premier ordre du jour était de nettoyer les escaliers de Fort Harrison, immeuble d'une quinzaine d'étages. Un seau d'eau, une serpillière, un twin (jumeau). En l'occurrence une toute jeune fille d'à peine dix-huit ans. Alors que nous commencions à quatre pattes à nettoyer les marches une à une, elle me demanda pour quel motif j'avais été assignée au RPF. Je lui répondis avec désinvolture que désirant quitter le groupe, je n'avais rien trouvé mieux que de violer le code de conduite de chaque membre de la SO c'est-à-dire ne jamais avoir de relations sexuelles hors mariage.

- I went "out 2 D"! (langage ésotérique pour signifier intimité sexuelle avec une personne du sexe opposé)

- Et tu sais quoi ? ajoutai-je, on a même pas eu le temps de concrétiser ; ils nous ont surpris juste avant !

Elle éclata de rire et se mit à raconter son histoire. En gros, cela donnait ceci. Elle n'avait pas été d'accord avec des décisions du management et avait osé tenir tête sans fléchir.

Étant née dans la secte, n'ayant connu que la secte, les perspectives qu'elle projetait dans le monde extérieur se trouvaient extrêmement réduites :

- Je n'ai pas de diplômes, je ne pourrais jamais travailler dans le monde "wog"(terme raciste signifiant tout ce qui n'est pas de la secte) je ne connais rien à l'extérieur.

- Tu as de la famille à l'extérieur ? risquai-je

- Oui, ma mère en Angleterre que je ne connais pas et qui en plus est déclarée "suppressive" (personne déclarée ennemi de la secte). Je n'ai pas le droit de la voir. Et puis, pourrais-je me mettre au diapason dans un pays que je ne connais pas, chez une mère dont je ne me rappelle même pas le visage ? si je ne m'adaptais pas, tout dans la vie serait fini pour moi. Je n'ai pas le choix, je dois endurer.

Cette très jeune fille de dix-huit ans, lucide, jolie de surcroît avec ses longs cheveux blonds clair, qui disait ne pas avoir d'avenir à l'extérieur, m'a bouleversée. Soudain, je me rendais compte de l'horreur de l'isolement de tous ces jeunes nés et élevés dans la secte. Ils ne peuvent même pas partir, comment le pourraient-ils ? ils sont prisonniers à l'intérieur d'une vie qu'ils ne connaîtront jamais à l'extérieur.

Elle me jeta un coup d'Ïil craintif ; allais-je trahir une confidence qu'elle n'aurait jamais dû faire ? En souriant, je la rassurai ; - Ne t'inquiètes pas, je ne dirai rien. Tu sais, à l'extérieur, c'est pas si horrible que ça puisque j'en viens !

Je n'oublierai jamais son regard triste et résigné mais elle ajouta pensive :

- Oui, peut-être, qui sait ?

En fait, cette jeune fille était une Exec de CMO INT (cadre dans l'organisation internationale des messagers du commodore) elle devait par la suite prendre ma défense lorsqu'un des gardes-chiourme vînt à me prendre à partie sans aucune raison apparente. Elle sauta littéralement sur le type en hurlant :

-Si tu ne lui fous pas la paix tout de suite, je te jure que je me rappellerai de toi lorsque je sortirai d'ici et tu sais que j'en sortirai avant toi ! (ils font aussi le RPF) En tout cas, le type resta cloué sur place ; non seulement il m'oublia mais du coup tout le monde me tint à distance respectable. Il est vrai que dans la hiérarchie complexe de la secte, les cadres CMO INT sont réputés avoir presque tout les pouvoirs. Avec le recul, je crois que je lui avais donné un peu d'espoir, dehors c'était pas si horrible que çaÉ

La journée continuait par le lavage et récurage de toutes les chiottes du complexe de Flag réservé à l'usage des personnes venant du monde entier pour en recevoir les services. Nous aimions assez le faire car à l'intérieur tout était climatisé et comparé aux autres tâches très dures, franchement passer l'éponge sur les lavabos devenait presque une partie de plaisir. Je n'avais qu'une seule crainte ; la honte qu'une de mes connaissances ne me reconnaisse dans un tel accoutrement en train de passer le balai dans les cuvettes des chiottes.

Une camarade d'infortune faillit se trouver mal en astiquant le miroir ; elle s'arrêta tout d'un coup, fixait son visage avec horreur. Il est vrai que la pauvre n'avait pas bonne mine du tout ; mais là elle était devenue verte. Nous étions toutes franchement sales, hirsutes, fatiguées et mal foutues. Il fallait soigneusement éviter de croiser notre image. Elle commençait à sangloter or il ne fallait surtout pas qu'elle craque. Elle risquait d'être sanctionnée durement pour avoir pleuré devant les "clients". C'était très mauvais pour les relations publiques (bad PR) Alors quelqu'une lança d'une voix nasillarde :

- Ben et alors qu'est-ce que je devrais dire moi, regarde moi ! on dirait Frankestein, toi on dirait seulement que tu l'as vu !

Tout le monde rigola et la pauvre se ressaisit comme elle put. Par la suite, la pauvre fille évitait soigneusement tout les miroirs. Il y avait une sorte de solidarité mais celle-ci était rare et très ponctuelle. Il y avait surtout des rapports de forces inouïs. Les ordres étaient criés, nous étions houspillés du matin jusqu'au soir, aucun ralentissement du rythme même en plein soleil. Les sanctions pleuvaient :

-Take a lap ! take two laps ! take five laps ! (il s'agissait de courir en plein soleil le long de la rampe des voitures du garage du Fort Harrison, une fois, deux fois, cinq fois à discrétion du Kapo).

La jeune fille du miroir n'arrivait pas à suivre la cadence ; elle trébuchait, tombait, se cognait, se faisait mal, était toujours en retard d'une demi-longueur et j'avais peur pour elle. Le bosun (Kapo ou garde-chiourme en chef) faisait semblant de ne pas l'avoir remarqué. Je pensai que d'une manière ou d'une autre elle serait épargnée compte tenu de sa nature plus fragile. En fait, il est probable que sa chute était programmée. Je surpris une conversation qui prenait des allures de paris dans un champs de courses.

-Celle-là, je lui donne quinze jours.

-Moi, je parie qu'elle ne tient pas une semaine de plus !

Je ne saurai jamais ce qui se passe lorsque la personne ne peut plus tenir (elle va peut-être au RPF du RPF) car je larguai les amarres avant que cela devînt mon tour. Je n'ose toujours pas y penser.

Il y avait les tâches dangereuses, le ramassage des poubelles était particulièrement difficile et lourd pour la gent féminine ; les "hommes" nous défiaient en se moquant de nos efforts vains à soulever d'énormes poubelles infectes. Certaines s'épuisaient pour rien risquant de surcroît de se blesser. J'avoue avoir fait semblant de m'évertuer alors qu'en fait je ménageais mes forces en protégeant du mieux que je pouvais mes doigts, mes pieds et mon corps en général. Un accident est si vite arrivéÉ et aucun traitement ne serait donné, il n'y a pas d'hôpital dans le RPF ! il n'y a même pas une trousse de premiers secours.

Il y a aussi un manque de tout ; la paye même réduite au tiers était suspendue pour la plus grande partie des RPFers. Alors on devient peu à peu démuni de tout. On ne peut plus s'acheter des cigarettes - unique liberté tolérée- mais aussi on ne peut plus s'acheter du dentifrice ou du déodorant. Ce qui est très gênant pour les femmes qui auraient encore leurs règles- beaucoup souffrent de troubles de cycles dus au stress et à la fatigue- c'est qu'elles n'ont plus du tout de quoi s'acheter une boite de tampax. Du moins, c'est ce que j'ai pu constater pour ma part (heureusement que j'en avais dans la boite à gants de ma petite voiture) Quelle humiliation de se trouver dans l'indigence la plus totale alors que l'on a donné tout ce qu'on avait parfois une petite fortune et qu'on travaille comme des bêtes de somme ! Quel désespoir de constater que l'on est réduit à l'état d'esclavage alors que l'on venait, poussé par les vents de la liberté, grossir les rangs de ceux qui Ïuvraient pour que justement l'homme ne fût plus jamais enchaîné !

La fin de la journée était une pièce d'anthologie. Comme je l'ai déjà dit, il y avait aussi l'entraînement spécial goulag obligatoire et son cortège forcé de confessions de crimes imaginés et trahisons de toute sortes, les fameux O/Ws (les mauvaises actions et mensonges). En tout cas, avant d'en arriver là, je savais qu'il me fallait réétudier certaines lettres de règlements que je connaissais déjà par cÏur. Hé bien, continuons à faire l'idiote ! Je mettais un temps fou à lire les âneries d'usage du style : " Keeping $ working" (un bulletin d'une dizaine pages). Je faisais semblant de m'occuper en tournant les pages des dictionnaires et surtout restait assise le plus longtemps possible. Voyez-vous, le luxe au RPF et autres goulags, c'est l'immobilité. On se repose en appréciant à sa juste valeur le fait que le corps soit au repos. De plus, on retarde l'endoctrinement de l'RPF auquel d'ailleurs on préfère ne pas penser ! En tout cas, deux RPFers avaient repéré mon petit manège car ils le pratiquaient eux-mêmes. De temps en temps on se regardait hilares ! C'est ce qu'on appelle le bon "mutual out ruds" (expression ésotérique pour signaler une complicité négative pour la secte).

A la fin de l'endoctrinement spécial goulag qui coïncidait avec la fin de la journée, il fallait, figurez-vous, du moins il était fort souhaitable de prendre la parole pour dire combien on était ravi, charmé, enchanté, de poursuivre un programme de bagnard et combien on était reconnaissant d'espérer un jour la Rédemption grâce à la merveilleuse technologie du meilleur ami que l'homme ait connu sur terre ! J'ai toujours refusé de participer à cette farce où il fallait de surcroît applaudir tous ces gains fantastiques ! J'affichais une espèce de rictus mongolien qui passait très bien en matière de soumission et d'approbation à toutes les âneries que j'entendais dire. Du moment que j'avais l'air d'accord et vaguement imbécile, je savais que l'on me laisserait voguer sur des eaux passablement calmes. En tout cas, j'étais ravie d'avoir fait un peu de théâtre en songeant que sous l'aspect trompeur du lac tranquille, les courants furieux des quarantièmes rugissants et autres cinquantièmes hurlants préparaient un raz de marée.

A vaillant cÏur, à cÏur vaillant, rien d'impossible

Devise de Jacques Coeur.


5. Évasion : mode d'emploi

J'ai déjà décrit les grandes lignes de mon état d'esprit à l'époque. Aujourd'hui, dix ans après, c'est hier, les souvenirs de mon évasion sont restés intacts et je les reproduis ici tels quels.

Le lendemain de ma décision, je pris mon premier risque. Je refusai de me lever à sept heures jugeant qu'il me fallait récupérer quelques heures de sommeil. On eut beau me donner quelques coups de pieds dans les reins - nous dormions sur un matelas à même le sol - me secouer en me menaçant et m'injuriant, je n'ouvris pas l'Ïil décidée à mener à bien mon plan établi la veille. Parmi mes tortionnaires du moment se trouvait la jeune femme aux gros seins que je venais d'aider. Je me rendormais aussitôt qu'ils furent partis en décidant de me réveiller à midi. A midi pile, fraîche et alerte, je fis une rapide valise de ce qui me restait d'effets vestimentaires en laissant le trois quart de mes affaires mais enfin, qu'est-ce qu'un joli tailleur comparé à la promesse d'une liberté proche ? Je pris beaucoup de satisfaction à m'habiller enfin avec mes vêtements à moi, de bonne qualité, la sensation du beau tissu, propre sur ma peau, le pantalon bien coupé, la chemise en lin, des sensations de luxe lorsqu'on a dû s'habiller comme un bagnard. Retrouver mes habits, c'était le premier acte civil, laïque, le premier pas vers la reconquête de mon identité. Je poussai la revendication de mon moi jusqu'à me maquiller, me coiffer et me parfumer ! grand sacrilège, les parfums sont absolument proscrits par lettre de règlement écrite par le grand gourou d'Hubbard lui-même. Les parfums devant réveiller chez lui des velléités de vieillard impuissant et libidineux. Lorsque je me regardai dans la glace, je fus surprise ; j'avais oublié que j'étais jolie, je m'encourageai avec un grand sourire, j'étais prête à me battre. Vauvenargues avait raison ; le sentiment de nos forces les augmente.

Je sortis donc de cette chambre de 20 m2 où nous dormions à huit par terre. Je sortis de l'antre. Le soleil brillait et je me rappelle que j'ai souri lorsque j'ai vu le ciel si bleu ; je crois que j'avais oublié à quel point un ciel pouvait être bleu. Le dortoir du staff, "Hacienda Garden" se trouvait à quelques kms de Flag. Je savais que personne n'y restait la journée et je sortis comme ça, tout simplement, habillée en civil, ma valise à la main priant Dieu et tous ses Saints pour que personne ne me remarque. La chance était résolument de mon côté. D'une cabine j'ai appelle un taxi. Il ne se fit pas attendre. Mon taxi-driver était jeune, souriant, blond et tout bouclé ; avec une tête d'ange il ne pouvait pas être foncièrement mauvais, je décidai de jouer le tout pour le tout.

- Écoutez, j'ai besoin de votre aide. Il faut que je retourne dans mon pays et pour ce, j'ai besoin que vous m'assistiez dans un certain nombre de choses. En me penchant vers lui j'ajoutai d'un air entendu que je le rétribuerai largement.

Il eut ce merveilleux sourire en me répondant :

- All right ma'm whatever you say !

(ça marche ma p'tite dame, tout ce que vous voudrez)

Je me lançai avec fougue dans une explication détaillée mais périlleuse. Il préféra se garer à un coffe-shop où il me convia gentiment à prendre un de ces cafés jus de chaussette, qui néanmoins prit dans mon palais un goût absolument exquis ; c'était le goût du retour aux gestes de vie dans un endroit banal où des gens normaux se rassemblent pour accomplir un geste social. A ce jour, j'ai toujours une tendresse pour les cafés insipides.

- Now, say that again to me, slowly please.

(Voulez-vous me répéter tout ça lentement ?)

Mon taxi-driver répétait toutes mes phrases en écarquillant les yeux et se grattant les biceps. De temps en temps, il se tapait la cuisse pour ponctuer chaque étape. - Et là je démarre, ou - Et là je vous attends. Chaque fois qu'il comprenait quelque chose, il s'envoyait une énorme rasade de café. Une adepte de secte s'enfuyant d'un goulag pour rentrer dans son pays, ça devait le changer des filatures de maris cocus, en tout cas, il me fut d'un secours immense. Sans aucune aide je n'y serais pas arrivée.

Opération passeport.

- Vous m'attendez ici juste en retrait. Si je ne reviens pas dans quinze minutes vous allez au commissariat avec cette carte ; il y a mon nom et ma photo (c'était une carte de mon Club de sports) et vous dites que je suis retenue contre mon gré et vous racontez toute l'histoire ; vous serez récompensé proportionnellement.

Mon taxi driver fixait la carte en disant :

- Oh My GodÉ (oh, mon DieuÉ)

Je rentrai dans l'org un bâtiment séparé de Flag pour y voir le responsable HCO (bureau du personnel) qui détenait tout les passeports du staff dans un coffre-fort. Avec un grand sourire, je lui expliquai que j'en avais besoin pour une simple formalité en vue d'obtenir mon divorce. Sur un ton enjoué, je lui dis que j'étais ravie de la rapidité des formalités des tribunaux de Floride, qu'un seul tampon me faisait défaut sur le passeport, et que je m'engageai à le lui rendre dans la journée étant donné que j'étais à l'instant convoquée au tribunal. Confiant et ravi de ma bonne humeur il me tendit mon beau passeport. A ce moment, je dus avoir un drôle de sourire dont l'intention tenait plus d'une invitation polie à aller se faire voir chez les grecs que celle de réitérer l'allégeance de rigueur. Semblant comprendre, il se figea, et j'en profitai pour lui lancer un "bye" parfaitement insolent de soprano en rut. A quelques mètres se trouvait mon taxi driver.

- Go, go ahead fast !

(allez-y, tout droit, vite !)

Démarrant en trombe il me dit qu'il y avait un type qui courrait derrière en gesticulant et en hurlant.

- J'ai mon passeport, j'ai réussi !

- Good girl, dit-il, good girl.

(bravo !)

Opération voiture.

J'avais une petite voiture qui était mon unique espace de liberté et que je n'aurais pour rien au monde abandonné. Je m'emploierai donc à son sauvetage. On est rentré les deux à l'intérieur du garage, les gardes de sécurité ne m'ont pas reconnue- des haillons au tailleur il y avait une sacrée différence- il fallut la pousser car elle était capricieuse et profitant de la rampe en escargot mon taxi driver poussant et moi au volant, je sortis comme une fleur. La chance me souriait il manquait un dernier trophée à mon palmarès ; mon attaché-case était resté dans les locaux même du RPF. A cette heure, je savais que le gros du "bataillon goulag" vaquait à des activités de curetage de chiottes sous le flot d'injures du garde-chiourme. Le temps de récupérer mon attaché-case je ne fus d'abord pas reconnue par un vétéran du goulag qui se trouvait là. Deux secondes pour prendre la mallette, deux secondes pour sortir. L'effet de surprise marche toujours. Il me reconnut enfin mais sans faire un geste vers moi il demanda banalement :

- What are you doing ? (qu'êtes-vous en train de faire ?)

Parce que ma voiture était à deux mètres et parce que j'avais réussi toutes les opérations antérieures je trouvai les ressources nécessaires pour lui lancer avec superbe :

-I am blowing !

(en français, je m'envole)

(mais aussi néologisme pour signifier une désertion)

En montant dans ma voiture, je vis qu'il n'avait pas bougé. Il était censé hurler pour ameuter la clique mais il ne bougea pas, il ne dit rien. Peut-être vit-il que cela ne servirait à rien puisque j'étais hors d'atteinte. Peut-être aussi dut-il m'envier d'avoir su partir et respecter ce choix qu'il savait périlleux et de non retour.

Tout excité d'être le témoin de ces grandes manÏuvres aux allures de commando au sein même de la secte, mon taxi driver jubilait. Il lançait des "Yahoo, Yahoo" à grand renfort de tourniquets du bras gauche, tenait une cigarette de la main droite et conduisait avec le genou. Moi, je me suis tout simplement senti vivre.

- Taxi driver, emmenez-moi là où je pourrais vendre mes bijoux !

Sans broncher, il m'accompagna dans une espèce de dépôt ; il participa à la transaction comme s'il eut été un de mes proches. Il marchanda à ma place. J'avais une belle parure Cartier en or massif que je portais toujours sur moi ; cachée sous l'uniforme de SO ou le tee-shirt du goulag. Ma Rolex en acier à cadran bleu disparut avec mon beau collier trois orsÉ Le tout pour un peu plus de l'équivalent d'un billet d'avion international. En regagnant sa voiture, je pensai que mon sort était entre ses mains et qu'il pouvait très bien, profitant de la situation, me dépouiller de l'argent qu'il savait en ma possession. Au contraire, il me conduisit dans un dépôt où je pourrais laisser ma petite voiture en gage pour une autre poignée de dollars. Là encore, il aida à la transaction. Il fut présent à tout moment à mes côtés. A la fin, je lui donnai la somme qu'il me demandait. Elle était loin d'être excessive. Il me dit qu'il était content de m'avoir aidé et que si je n'avais plus rien d'urgent à faire il s'excusait de me laisser car il devait reprendre la route. Je pris ses deux mains de cow boy dans les miennes, je les serrais un moment, je sentis une faiblesse monter. Il me dit :

- You'll be allright. (tout ira bien)

Je n'ai jamais remercié quelqu'un aussi sincèrement que mon taxi driver. Je ne connaîtrai jamais son nom ; si mon taxi driver avait des allures de cow boy, il avait un cÏur de prince ; on n'oublie pas un prince qui vous a sauvé la vie.

J'achetai mon billet d'avion. C'était pour le lendemain. Je quitterai cette terre de cauchemar où je n'avais connu qu'hostilité, répression, délation, détention, privation de sommeil et de soins de base. Plus tard, bien plus tard je connaîtrai l'humiliation du vaste mensonge, la honte d'avoir crû et adhéré à une escroquerie de masse. Pour l'instant, je restais seule avec le désespoir d'avoir tout vendu pour payer ce qui n'était en fait que des pratiques de sorcellerie, d'avoir renoncé à un emploi qui me plaisait, d'avoir quitté un pays où j'avais des racines et d'avoir quitté l'homme que j'aimais.

Je voulais être seule. Simplement être seule protégée dans ma petite voiture. J'ai cherché un coin calme et je me suis garée sur une jetée en bois face à la baie de St Petersbourgh. Le spectacle était féerique, la côte scintillait de mille feux, le ciel bleu nuit lui volait la vedette avec ses millions d'étoiles, la nuit si douce et si calme et moi qui vivait une révolution, tantôt songeant à me jeter à l'eau, tantôt en proie à des velléités de meurtres en série. Je passais la nuit en veille, la main très près de la clef de contact. Et puis, je me suis détendue, j'ai mis une cassette. Je fermai les yeux. Si aujourd'hui on me demande : Qu'est-ce que la liberté ? Je réponds invariablement que c'est écouter Joan Baez dans une petite voiture par une nuit étoilée face au golfe du Mexique juste après avoir échappé à un goulag de secte.

Le lendemain, j'arrivai à l'aéroport de Tampa. Je demandai immédiatement à me mettre sous la protection du Consul. Les policiers m'ont fait asseoir dans les bureaux de douane et m'ont déclaré qu'ils se chargeaient de m'escorter jusque dans l'avion et que je n'avais pas de souci à me faire. Ils m'ont apporté du café. Ils se racontaient des blagues et j'ai souri. L'un d'eux m'a demandé de qui ou de quoi j'avais peur. Une voix vint à mon secours :

- Leave her alone, she told you, the lady's going home.

(laissez-la tranquille, elle vous l'a dit ; la dame rentre chez elle)

La délicatesse de ce police-officer de l'aéroport était touchante. J'ai hoché la tête et je me suis concentrée sur ma tasse de café. Ils m'ont laissé seule un moment. Celui qui était intervenu en ma faveur m'escorta jusqu'à mon siège. D'un geste protecteur, il tapota mon épaule en disant ces mots que je n'oublierai jamais :

- You're not the only one, you know, running away from that bloody "church of scientology". You'll be fine.

(vous savez, vous n'êtes pas la seule à vous enfuir de cette satanée "église de scientologie". Vous vous en sortirez.)

C'est une des plus jolies phrases que l'on m'ait jamais dites.

Si c'est la raison qui fait l'homme, c'est le sentiment qui le conduit.

Jean-Jacques Rousseau, La nouvelle Héloïse

6. Objectif ; se reconstruire.

Pour terminer mon récit, j'aimerais rendre hommage à ce taxi-driver, à ce police officer, les deux premières personnes anonymes dont l'aide et la compassion ont été capitales. J'avais l'impression de revenir à la civilisation, de renouer des liens avec le genre humain. L'entraide spontanée était donc possible ? J'avais oublié. Le monde extérieur à la secte, constamment diabolisé, à la fois méprisé par tous les adeptes, pouvait donc offrir entraide et compassionÉ La démarche reste douloureuse pour la victime car en cherchant de l'aide, elle doit se renier elle-même. Beaucoup préfèrent se réfugier dans un mutisme total dans lequel j'ai d'ailleurs vécu durant les dix années qui ont suivi mon évasion plutôt que de parler d'une expérience trop intime, qui de toute façon ne serait pas comprise par ces satanés "wogs" (terme péjoratif ou substantif raciste pour décrire tout ce qui n'est pas ou n'appartient pas à la secte). C'est aussi une question de dignité. Parce que le phénomène sectaire est encore peu connu, la personne est immédiatement stigmatisée. Et puis, pour en parler, encore faut-il trouver les mots pour le dire. Dans la plupart des cas, la personne n'est pas encore prête à témoigner. Il lui faut du temps pour se reconstruire. Et puis, les néologismes de la secte ont remplacé le langage, la personne emploie des mots qui ne sont compris que dans la secte.

Les émotions et les réactions de la personne sont des indices qu'elle utilise pour signaler sa souffrance. Et c'est naturel. Une victime de secte a besoin de signaler sa souffrance or elle n'y arrive pas toujours. On trouve des exemples d'endoctrinement sévère et bizarre un peu partout dans la " littérature" sectaire. "Human emotion and reaction" a fait l'objet d'une définition terrifiante dans le dictionnaire administratif de la secte de Scientologie, p270. Imaginée par ce monstrueux handicapé-de-la-vie qu'était cet Hubbard de malheur qui en était totalement dépourvu, HE & R (abréviation d'émotions et réactions humaines) ne seraient que des manifestations à bannir du comportement humain. Or si l'émotion doit être bannie du code de comportement humain alors on déshumanise l'homme. Ce vautour n'a jamais rien voulu d'autre que de gentils robots bien dressés. Il n'a jamais voulu améliorer le sort de l'homme. Les émotions et réactions humaines ne seraient que l'apanage de gens aberrants ! Cet exemple parmi d'autres exemples d'endoctrinement freine la victime à exprimer sa souffrance sans cesse refoulée. Elle ne doit pas montrer des émotions et des réactions humaines !

Il faut des années pour commencer à extravertir tout simplement parce qu'il faut des années pour totalement écarter tout ces mensonges odieux, se débarrasser des néologismes, réapprendre des comportements sociaux, réapprendre à vivre, se trouver des nouveaux centres d'intérêts, se faire une petite place dans un monde devenu totalement étranger, former un nouveau couple et si très courageux, fonder une nouvelle famille. Il est faux de dire "qu'on ne se refait pas". C'est faux et archi faux. On se reconstruit en partie grâce à tous ces anonymes qui petit à petit redonnent confiance. On se reconstruit lentement et je dirais aussi de diverses manières et par étapes. De même qu'on ne construit pas une maison d'un bloc mais brique après brique, pièce après pièce, le mental doit lui aussi, tel un puzzle se remettre en place. La seule différence serait qu'il y a plus de pièces dans un puzzle que dans une maisonÉ

On se reconstruit aussi et surtout lorsque la personne est prête grâce à une information du phénomène sectaire et ensuite seulement grâce à une information de la secte en particulier. Un ex adepte a besoin d'informations mais à petites doses et seulement si il le demande et de grâce laissez-le parler ; il a tellement besoin de placer ses propres mots quelque part ! En fait si la personne commence à en parler, c'est qu'elle commence à guérir. Pour ma part, je n'ai pu en parler pendant de longues années faute d'interlocuteur bien sûr mais aussi parce que l'Internet n'est "rentré" à la maison qu'il y a 6 mois. L'Internet a ceci de fabuleux qu'il possède toutes les informations qu'un ex adepte a besoin de savoir, mais il le met aussi en rapport avec d'autres ex-adeptes susceptibles de le comprendre, l'écouter, l'aider, l'informer etcÉ Il permet l'anonymat de la personne dans un premier temps lorsqu'elle le désire. Elle peut donc librement consulter tranquillement chez elle et à son rythme. C'est, je crois, le meilleur outil de reconstruction d'une personne victime de secte ou de groupe totalitaire. D'ailleurs, la Scientologie a une peur bleue de l'impact de ce réseau extraordinaire qu'elle a essayé d'interdire à grand renfort de procès et intimidations en tout genre. Elle a notamment voulu interdire la liberté d'expression sur le réseau. Elle a attaqué le CAN (Cult awareness network) en justice dans d'innombrables procès provoquant sa faillite ; elle a fait des descentes dans des maisons privées volant des disques durs et des archives personnelles ; elle continue à intimider ceux qui osent faire valoir leur droit de libre expression garanti par la Constitution. Il est d'ailleurs amusant de constater que plus ils s'acharnent à faire taire les gens, plus les gens en parlent et s'insurgent contre leurs procédés dignes de l'Inquisition. Ils fabriquent donc eux-même une publicité désastreuse qui se retourne contre eux, à notre plus grande joie d'ailleurs ! Ils se révèlent à un large public tels qu'ils sont ; une secte sinistre et dangereuse.

Les scientologues suivent des directives. Personne n'a le droit de changer ou d'adapter une directive (cela fait partie d'une directive de Hubbard qui lui même interdit tout changement ou adaptation) Or, Hubbard est mort en 86 sans avoir écrit de directives concernant l'Internet, il était déjà trop diminué physiquement et mentalement pour comprendre le phénomène du réseau Internet. Donc les fanatiques de la Sea Org ne pouvant changer ni adapter leurs directives se trouvent en porte à faux dans l'incapacité d'y répondre adéquatement et font d'énormes gaffes. Je suppose qu'ils vont continuer à appliquer leurs directives inadéquates à notre plus grande satisfaction puisqu'en plus, la majeure partie de leurs directives ne marchent pas de toute façonÉ

C'est que sur le réseau, sur le web, l'Internet est le garant de la liberté d'expression pour tous, notion intolérable pour tous ces marchands de malheur. L'Internet est devenu le mode de libre communication international par excellence, un ennemi à abattre à tout prix pour tous ces marchands de malheur. Et puis, c'est vrai que sur le web, il y souffle un formidable vent de liberté !

Épilogue.

Ce n'est que lorsque j'ai découvert en 1996 sur Internet les témoignages émouvants de Monica Pignoti, Margery Wakefield, Hanna Whithfield et tant d'autres que j'ai décidé d'écrire le mien 6 mois après. Il y a des milliers d'ex- adeptes qui ont souffert, qui sont quelque part dans le monde et qui ont quelque chose d'important à dénoncer. J'espère que ces quelques pages postées anonymement inciteront ces milliers de victimes de sectes à témoigner de même, anonymement s'il s'avère être nécessaire. Le fléau moderne de cette fin de siècle prend une étrange forme ; la prolifération des sectes est alarmante et sournoise. Nous, les victimes nous devons dénoncer et témoigner des viols psychiques, des coercitions et des escroqueries intellectuelles et financières de tout acabit que nous avons subis. Écrivez les et postez les !

NÉFERTITI

Posté anonymement en avril 1997.



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