Chevaliers du Lotus d'Or

Quelque 500 Québécois vénèrent le « Messie cosmoplanétaire »

Source: La Presse (Québec), samedi 14 octobre 1995, par Marie-Claude Lortie.

 

 Le gourou français des Chevaliers du Lotus d'Or de Sainte-Lucie des Laurentides est accusé de viol.


Le crâne rasé, vêtus de longues tuniques artisanales roses, safran ou grenat et coiffés de bandeaux sertis de petits miroirs visant à les protéger des « forces occultes maléfiques », les Chevaliers du Lotus d'Or de Sainte-Lucie des Laurentides prient dans leur chapelle, devant une photo de leur gourou.

«Aummm...»

Ce gourou, dont on voit la photo un peu partout dans la chapelle et dans tous les bâtiments du « monastère » de Sainte-Lucie, près de Sainte-Agathe, n'est jamais venu au Québec depuis l'ouverture officielle de la secte. Mais à peu près tous ses adeptes québécois - il y en a environ 500 - sont déjà allés le voir en Haute-Provence, au « Mandarom » de Castellane, où se trouve le siège social des Chevaliers du Lotus d'Or.

Tous ces gens vouent une admiration sans borne à cet homme, un Français d'origine martiniquaise de 72 ans, qui dit avoir combattu au moins 550 milliards et 207 millions de démons grâce à la puissance de son « Verbe de Feu » et ses « lance-flammes psychiques ». Ils l'appellent « Hamsah Manara », « le Seigneur » ou encore « le Messie cosmoplanétaire ». Mais son nom est Gilbert Bourdin pour les profanes de la police judiciaire française et du fisc qui ont enquêté récemment sur les finances de la secte.

M. Bourdin dit de lui qu'il est l'envoyé de Dieu, « le Sauveur », le « Messie attendu par les juifs depuis des millénaires », le « Christ cosmique », le « sublime et foudroyant combattant de l'absolu ». Il se targue d'avoir fait chuter le Mur de Berlin et arrêté la guerre du Golfe, d'être la réincarnation de Napoléon, de Mahomet et de Pythagore, notamment.

Quelque 2.000 adeptes en France, des centaines d'autres en Suisse et au Québec - principalement autour de Sainte-Lucie et de Repentigny - vénèrent cet homme aujourd'hui inculpé par la justice française de viols, de tentatives de viols et d'agressions sexuelles autres que le viol, et auquel le fisc français s'intéresse lui aussi.

Après avoir passé 17 jours en prison en juin dernier à la suite de ces accusations criminelles, Manara a été remis en liberté en échange d'une caution d'un million de francs (environ 300.000 dollars). Les procédures judiciaires contre lui ont été amorcées en décembre 1994, après la plainte d'une ex-adepte qui aurait été violée à plusieurs reprises de 1980 à 1985, alors qu'elle avait entre 14 et 19 ans. Depuis, deux nouvelles plaintes ont été déposées pour des faits similaires qui seraient survenus en 1990 et 1992. Le fisc français a aussi mis sous enquête la gestion des revenus générés par les ventes des ouvrages de M. Bourdin mais aucune poursuite n'a été déposée.

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Vedhyas Satyananda, une Québécoise de 52 ans entrée dans la secte à 18 ans et qui a passé 10 ans au « Mandarom » en France avant de venir fonder le « monastère de l'aumisme » de Sainte-Lucie - l'aumisme est le nom de cette religion basée sur le son "aummm'' - opine dans le même sens. À son avis, ce sont les mêmes gens qui complotent contre la construction de leur « temple universel », une gigantesque pyramide de 2500 mètres carrés et de 30 mètres de hauteur, que le gourou veut construire sur le « Mandarom » non loin de la statue de 33 mètres de haut, à son effigie, qui domine déjà le domaine. Le temple, pour lequel les adeptes amassent des fonds depuis plusieurs années, dit-on, et qui coûterait environ 15 millions de dollars, ne peut en effet être construit puisque les autorités de la commune de Castellane ont refusé le permis. « On n'est pas une menace, on n'est pas détériorant. Pourquoi on s'acharne contre nous? La police n'a jamais rien prouvé », continue Mme Satyananda. Selon elle, on ne peut rien reprocher à la secte. « On est contre le suicide, on n'a pas de vision apocalyptique », dit-elle.

Mais les spécialistes et certaines personnes proches d'adeptes sont sceptiques. « C'est une des sectes les plus dangereuses pour elle-même car elle se sent très menacée et donc acculée », a déclaré Bernard Fillaire, un des plus grands spécialistes des sectes en France, dans une entrevue publiée dans Le Point du 10 décembre 1994. « Il y a toujours, dans une secte, des risques de lente marche vers l'autodestruction, continue-t-il. Les membres d'une secte, rappelons-le, souffrent. Ils sont épuisés, brimés sexuellement, empêchés de dormir, manipulés mentalement, insuffisamment nourris, coupés totalement de leur famille, de leurs amis. Subissant une interminable série de viols psychiques, ils en arrivent ainsi à préférer la mort. D'autant plus qu'on leur promet qu'elle est l'unique salut réservé aux élus.»

La Presse a parlé au proche d'un adepte, qui est déjà allé lui-même passer 10 jours au « Mandarom ». Il dit qu'effectivement, les disciples sont très peu nourris et qu'ils sont astreints à un rythme de vie épuisant. « Parfois les cérémonies durent jusqu'à 12 heures. Douze heures assis par terre sur un petit coussin, entassés les uns contre les autres, à écouter le gourou dont la voix est super amplifiée comme si c'était le bon Dieu qui parlait », raconte-t-il. Une fois, dit-il, la cérémonie a été interrompue parce qu'un « esprit » s'est manifesté à travers un médium. «Le gourou a parlé avec l'esprit, ils se sont bavés pendant quelques minutes puis le gourou s'est choqué, il a dit à l'esprit d'arrêter de l'écoeurer. C'était tout arrangé avec le gars des vues parce qu'à ce moment-là, environ 25 personnes se sont levées avec de faux fusils qui faisaient des bruits de sirène pour "chasser'' l'esprit. C'est le gourou qui a tout terminé en se levant avec une fausse mitraillette énorme, qui faisait encore plus de bruit. »

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