SENAT - Proposition de loi tendant à renforcer la prévention et la répression à l'encontre des groupements à caractère sectaire
LES TRAVAUX DE LA COMMISSION DU MERCREDI 8 NOVEMBRE 2000

Les auditions

 


- AUDITION DE M. PIERRE TRUCHE, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME

- AUDITION DE ME LAURENCE CHARVOZ ET JEAN-FRANÇOIS PIGNIER, DU CENTRE DE DOCUMENTATION, D'ÉDUCATION ET D'ACTION CONTRE LES MANIPULATIONS MENTALES


- AUDITION DE M. ANTOINE THIARD, REPRÉSENTANT DE L'UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE DÉFENSE DES FAMILLES ET DE L'INDIVIDU
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AUDITION DE M. DALIL BOUBAKEUR, RECTEUR DE LA MOSQUÉE DE PARIS, M. JOSEPH SITRUK, GRAND RABBIN DE FRANCE, M. JEAN-ARNOLD DE CLERMONT, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION PROTESTANTE DE FRANCE, ET MGR JEAN VERNETTE, REPRÉSENTANT DE LA CONFÉRENCE DES EVÊQUES

- AUDITION DE M. ALAIN VIVIEN PRÉSIDENT DE LA MISSION INTERMINISTÉRIELLE DE LUTTE CONTRE LES SECTES

 


 AUDITION DE M. PIERRE TRUCHE, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME

La commission a procédé à des auditions en prévision de la deuxième lecture de la proposition de loi n° 431 (1999-2000), modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à renforcer la prévention et la répression à l'encontre des groupements à caractère sectaire.

M. Pierre Fauchon, vice-président, a tout d'abord rappelé que la proposition de loi présentée par M. Nicolas About, et adoptée par le Sénat en décembre 1999, avait reçu une plus large portée lors de son examen en juin 2000 par l'Assemblée nationale, ce qui avait pour effet de compliquer le débat.

M. Nicolas About, rapporteur, a indiqué que l'utilité d'une telle proposition de loi avait initialement été mise en cause, certains estimant l'arsenal juridique existant suffisant. Il a rappelé que le dispositif adopté par le Sénat conférait au Président de la République le pouvoir de dissoudre les groupements dangereux, condamnés pénalement à plusieurs reprises ou dont les dirigeants avaient fait l'objet de condamnations pénales multiples, afin que la dissolution puisse atteindre l'ensemble du groupement. Il a souligné que le délit de manipulation mentale introduit par l'Assemblée nationale avait suscité de vives réactions et que la dissolution par décision judiciaire, préférée par l'Assemblée nationale au système du Sénat, existait déjà sans être véritablement utilisée, car d'une efficacité très relative.

Puis la commission a entendu M. Pierre Truche, président de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme.

M. Pierre Truche a précisé que la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, qu'il présidait, avait été saisie, par le garde des sceaux, de la seule question relative à l'instauration d'un délit de manipulation mentale, et qu'il n'émettrait qu'un avis personnel sur celle de la dissolution par décision judiciaire. Estimant qu'il n'était pas nécessaire de créer un délit spécifique, il a considéré en revanche comme envisageable de prévoir des circonstances aggravantes lorsque l'état de dépendance physique ou psychique a été causé par une secte. Il a observé que l'Assemblée nationale, dans sa définition de la manipulation mentale, reprenait les termes de l'article 313-4 du code pénal sur l'abus frauduleux d'état d'ignorance ou de situation de faiblesse et avait considérablement accru le nombre de cas où la responsabilité pénale du groupement, personne morale, pourrait être engagée.

Sur la dissolution des groupements, M. Pierre Truche a estimé que la solution préconisée par le Sénat présentait l'inconvénient de permettre qu'une décision du Président de la République soit soumise au contrôle de la Cour européenne des droits de l'Homme au regard des dispositions de l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme prévoyant certaines exceptions à l'exercice des libertés fondamentales. Il a à cet égard rappelé que le caractère tardif de la ratification de cette Convention par la France s'expliquait par la volonté de ne pas exposer des décisions prises par le Président de la République sur le fondement de l'article 16 de la Constitution au contrôle de la Cour de Strasbourg. Concernant la dissolution judiciaire, retenue par l'Assemblée nationale, M. Pierre Truche a souligné les obstacles auxquels se heurterait sa mise en oeuvre du fait des formes multiples adoptées par les groupements concernés et des difficultés à recueillir des preuves pour mettre en cause le groupement, non seulement dans son antenne locale, mais également dans ses ramifications nationales. Il a estimé que la voie pénale était néanmoins celle qui offrait les meilleures possibilités d'investigation.

Admettant l'inconvénient lié à l'éventualité d'un contrôle exercé par la Cour européenne des droits de l'Homme sur un décret du Président de la République tout en s'interrogeant sur les moyens juridiques permettant un tel recours, M. Nicolas About, rapporteur, a estimé que la voie judiciaire était inopérante pour obtenir une dissolution consolidée de l'ensemble d'une nébuleuse sectaire.

En réponse, M. Pierre Truche a indiqué que les avocats des groupements sectaires n'hésiteraient pas à invoquer, à l'appui de leur recours, l'atteinte portée à la liberté de religion sur le fondement de la Déclaration européenne des droits de l'Homme.

Après avoir observé que la connaissance de l'existence d'un groupement intervenait souvent longtemps après le début de son implantation, M. Pierre Truche a estimé que seule l'action pénale, par les moyens d'investigation qu'elle offrait, était de nature à permettre d'appréhender les différentes ramifications du groupement, le parquet restant cependant maître de limiter ou d'élargir le champ de l'instruction.

En réponse, M. Pierre Truche a confirmé la rareté des condamnations prononcées en la matière, la responsabilité de la personne morale ne pouvant être recherchée que lorsque l'infraction a été commise pour son compte. Il a indiqué que l'instauration d'une circonstance aggravante liée à une dépendance psychologique créée par le groupement serait un moyen de faciliter cette recherche de responsabilité en obligeant le juge d'instruction à rechercher comment fonctionne le groupement.


 AUDITION DE ME LAURENCE CHARVOZ ET JEAN-FRANÇOIS PIGNIER, DU CENTRE DE DOCUMENTATION, D'ÉDUCATION ET D'ACTION CONTRE LES MANIPULATIONS MENTALES

M. François Pignier a tout d'abord souligné l'intérêt et l'utilité de la proposition déposée par M. Nicolas About et adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, ainsi que son accord de principe à ses différentes dispositions.

Me Laurence Charvoz a également souligné l'intérêt de ce texte pour protéger des personnes ayant adhéré à un mouvement sectaire volontairement. Elle a souligné que l'arsenal juridique existant permettait d'appréhender la situation des seuls mineurs ou majeurs protégés, excluant la majorité des victimes de mouvements sectaires (pour la plupart des majeurs dotés d'intelligence, dont la faculté de jugement n'était pas altérée au moment de leur entrée dans ces mouvements). Après avoir évoqué un exemple concret, elle a souligné le nombre important de classements sans suite concernant ce type d'affaires.

Me Laurence Charvoz a souhaité que, dans les cas où toutes les conditions étaient réunies, la dissolution de la personne morale soit automatique, contrairement à la rédaction prévue à l'article 1er de la proposition de loi par l'Assemblée nationale en première lecture, qui laisse une marge d'appréciation aux magistrats. Par ailleurs, elle a regretté que cette dissolution ne puisse intervenir qu'à l'issue de plusieurs condamnations de la personne morale, en soulignant que les condamnations étaient très rares en l'état actuel du droit, du fait notamment de l'importance des moyens, tant intellectuels que matériels, des groupements à caractère sectaire. Elle a cependant jugé intéressant que la dissolution ne soit pas soumise à la seule appréciation du parquet, mais qu'elle puisse être demandée par tout intéressé. Elle a par ailleurs souhaité que le délai d'appel de quinze jours puisse être porté à un mois. Me Laurence Charvoz a ensuite rappelé que la loi de 1936 sur les groupes de combat avait été très peu appliquée et qu'elle avait surtout concerné des groupements politiques.

M. François Pignier a ensuite proposé une nouvelle rédaction de la définition du délit de manipulation mentale, afin de remplacer les termes " contre son gré ou non " par " indépendamment de sa volonté ", et de prévoir que le délit puisse être constitué en présence de pressions graves ou réitérées et pas seulement lorsque les pressions sont à la fois graves et réitérées.

M. Nicolas About, rapporteur, a alors rappelé qu'au moment de la rédaction de sa proposition, il s'était interrogé sur l'utilité d'introduire le délit de manipulation mentale. Il a observé que la manipulation mentale n'était pas en tant que telle délictueuse, seuls ses effets étant susceptibles d'être constitutifs d'un délit. Il s'est demandé si la meilleure solution ne consisterait pas à élargir la définition du délit d'abus de faiblesse, en précisant qu'une telle faiblesse peut soit préexister, soit résulter d'une manipulation.

M. José Balarello a ensuite précisé que la plupart des personnes rentrant dans des sectes étaient à l'origine équilibrées et s'est alors interrogé sur les étapes les ayant conduites à de telles extrémités. Il a indiqué qu'il était en général opposé à une prolifération des textes, le code pénal permettant déjà dans une large mesure d'ouvrir des poursuites. Il a toutefois noté que les condamnations effectives dépendaient souvent de la volonté concrète des magistrats instructeurs et du parquet, et a estimé que le délit créé par l'Assemblée nationale pouvait présenter une utilité.

M. Guy Cabanel a en revanche souligné les risques pour les libertés publiques et les droits fondamentaux de l'adoption d'un tel délit de manipulation mentale, le renforcement des dispositions concernant l'abus de faiblesse lui semblant répondre aux préoccupations exprimées. Il a considéré que, compte tenu de la définition retenue, trop d'activités seraient susceptibles d'être qualifiées, dans une certaine mesure, de manipulation mentale.

M. Jean-Jacques Hyest a souligné la nécessité de bien distinguer les groupements à caractère sectaire des groupements " néo-mystiques " ne troublant pas l'ordre public. Il a également souhaité que le parquet et les juges d'instruction utilisent pleinement l'arsenal juridique existant. Evoquant les tragédies du temple solaire et du massacre de Guyana, il a indiqué qu'il s'agissait de meurtres caractérisés, allant bien au-delà de la manipulation mentale. Il a souligné les risques d'un détournement, à l'avenir, de l'utilisation d'un tel délit de manipulation mentale.

En réponse aux diverses inquiétudes manifestées par les différents orateurs, M. François Pignier a précisé qu'une expertise psychiatrique permettant d'apprécier une éventuelle altération du jugement ou un vice de la volonté de la personne serait en tout état de cause nécessaire et pourrait constituer un garde-fou visant à garantir les libertés publiques.

Me Laurence Charvoz a rappelé le strict encadrement de l'abus de faiblesse à l'heure actuelle et l'intérêt du délit de manipulation mentale qui permettrait de prendre en compte le psychisme de la personne au-delà de son seul état physique et d'obtenir une condamnation des groupements à caractère sectaire. Evoquant son expérience personnelle, elle a souligné que la manipulation pouvait prendre des formes particulièrement insidieuses et que, face au formidable pouvoir économique et intellectuel des groupes sectaires, l'introduction du délit de manipulation mentale constituerait une avancée considérable.


 AUDITION DE M. ANTOINE THIARD, REPRÉSENTANT DE L'UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE DÉFENSE DES FAMILLES ET DE L'INDIVIDU
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M. Antoine Thiard a indiqué que les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale pour la dissolution des groupements à caractère sectaire lui paraissaient satisfaisantes.

Il a relevé que la procédure judiciaire, choisie par l'Assemblée nationale de préférence à la procédure administrative pour la dissolution des groupements à caractère sectaire, correspondait à la formule des articles 3 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, prévoyant la dissolution par le tribunal de grande instance de toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement.

M. Antoine Thiard a fait valoir que les difficultés ne provenaient généralement pas de l'objet des associations tel qu'il était défini par leur statut, mais plutôt de leur comportement.

Relevant qu'une formule de dissolution judiciaire était plus conforme à la tradition républicaine, et comportait l'avantage d'être contradictoire, il a considéré, en revanche, que celle-ci serait plus longue qu'une procédure administrative qui serait, de ce fait, plus efficace.

M. Antoine Thiard a marqué son accord avec les dispositions de la proposition de loi concernant l'extension à certaines infractions de la responsabilité pénale des personnes morales, remarquant que l'action des groupements sectaires ne résultait généralement pas de la volonté d'une seule personne.

Il a également approuvé les dispositions insérées par l'Assemblée nationale pour limiter l'installation ou la publicité des groupements sectaires, en particulier à proximité des établissements scolaires.

M. Antoine Thiard a exprimé son accord sur la nécessité de réprimer de manière spécifique la manipulation mentale par des groupements sectaires, considérant toutefois que les termes de manipulation mentale, retenus par l'Assemblée nationale, pourraient prêter à des difficultés d'interprétation puisqu'ils ne se rapportaient pas exclusivement à des comportements sectaires.

Exposant à titre d'exemple que certaines formes de publicité commerciale pouvaient aussi être assimilées à de la manipulation mentale, il a souligné que celle pratiquée par les groupements sectaires, en s'attaquant à la liberté de pensée et d'action des personnes et à la dignité humaine, affectait d'une manière définitive la personnalité de l'individu.

M. Antoine Thiard a évoqué ensuite la proposition de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme d'utiliser, pour réprimer les comportements délictueux des groupements sectaires, les dispositions en vigueur du code pénal relatives à l'abus de faiblesse, plutôt que de créer un délit de manipulation mentale.

M. Antoine Thiard a considéré que la manipulation mentale, telle qu'elle était définie par le texte adopté par l'Assemblée nationale, consistait d'abord en la mise d'une personne en état de faiblesse, puis à l'abus de cette faiblesse, et ne pouvait donc pas être analysée uniquement comme un abus de faiblesse.

M. Antoine Thiard a enfin évoqué deux orientations possibles pour mieux définir les comportements délictueux des groupements sectaires.

En premier lieu, il s'est interrogé sur la possibilité de trouver une qualification correspondant plus précisément au texte prévu par l'Assemblée nationale pour l'article 9 de la proposition de loi, en remplaçant le terme de manipulation mentale par celui de mise sous dépendance, de mise sous influence, d'emprise sectaire, de mise en danger ou d'embrigadement sectaire.

En second lieu, il a exposé que les dispositions en vigueur du code pénal concernant l'abus de faiblesse pourraient être étendues à la mise en état de faiblesse.

Enfin, M. Antoine Thiard s'est interrogé sur les conséquences d'une répression qui serait excessive et pourrait conférer aux sectes la posture de victime ou les pousser à la clandestinité.

En réponse à M. Nicolas About, rapporteur, M. Antoine Thiard s'est demandé s'il était opportun de confier aux tribunaux judiciaires une compétence pour dissoudre les associations. Il a considéré que le mérite d'une procédure judiciaire résidait dans son caractère contradictoire, de ce fait plus acceptable par le citoyen, que la procédure de dissolution administrative qui, en revanche, pourrait paraître plus efficace.

Il a, en définitive, estimé préférable une extension à la mise en état de faiblesse des dispositions actuelles du code pénal sur l'abus de faiblesse, ce qui reviendrait à redéfinir un délit existant, plutôt que de créer un nouveau délit de manipulation mentale qui suscitait, d'ores et déjà, des interrogations, en raison de sa conception trop large.


 AUDITION DE M. DALIL BOUBAKEUR, RECTEUR DE LA MOSQUÉE DE PARIS, M. JOSEPH SITRUK, GRAND RABBIN DE FRANCE, M. JEAN-ARNOLD DE CLERMONT, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION PROTESTANTE DE FRANCE, ET MGR JEAN VERNETTE, REPRÉSENTANT DE LA CONFÉRENCE DES EVÊQUES DE FRANCE

M. Dalil Boubakeur a tout d'abord estimé que, dans le système de liberté de conscience existant en France, la création d'un délit de manipulation mentale ferait courir des risques graves en ce qui concerne l'évolution des relations entre la société et les religions. Il a rappelé que la religion impliquait transcendance et mystère et que l'être humain n'était qu'un " facilitateur " des voies conduisant à Dieu. Il s'est demandé s'il n'était pas dangereux de porter un jugement, par l'intermédiaire du délit de manipulation mentale, sur les voies et pratiques prônées par les religions pour accéder à Dieu. Il a exprimé la crainte que la disposition proposée par l'Assemblée nationale ne conduise à des dérives susceptibles de porter atteinte à la liberté d'expression.

M. Dalil Boubakeur a rappelé que la Constitution française reconnaissait le principe de la liberté de conscience. Il a estimé que l'arsenal législatif destiné à lutter contre les sectes pouvait être amélioré, mais qu'il était suffisant pour faire face aux dérives les plus graves. Il a observé que la création du délit de manipulation mentale était susceptible de porter atteinte au principe de la présomption d'innocence.

M. Joseph Sitruk a tout d'abord souligné que la proposition de loi évoquait un domaine difficile à cerner, celui des croyances et de la définition même de l'homme. Il a estimé que la création d'un délit de manipulation mentale pourrait avoir de graves conséquences. Il a ainsi noté que tout orateur ayant un ascendant naturel sur son auditoire pourrait être accusé de manipulation mentale. Il a observé que tout discours religieux tendait à convaincre ceux auxquels il s'adressait.

M. Joseph Sitruk, réfutant le caractère absolu du discours, a considéré que son impact pouvait dépendre de l'orateur et de l'auditeur. Il a rappelé que l'ancien Premier ministre israélien Izthak Rabin avait été assassiné par un individu prétendant agir au nom de Dieu et ayant probablement mal compris un discours d'ordre religieux.

Le grand rabbin a souligné que toute société devait protéger les plus faibles, en particulier les enfants, et que des progrès étaient sans doute possibles dans ce domaine. Il a estimé nécessaire d'exiger de l'ensemble des associations une très grande transparence. Après avoir estimé légitime la préoccupation des pouvoirs publics et précisé qu'il ne déniait pas au législateur le droit d'intervenir sur ces questions, il a indiqué que la République se devait de protéger de manière égale tous les citoyens dans le respect de la liberté religieuse.

M. Jean-Arnold de Clermont s'est tout d'abord félicité que les représentants des grandes confessions religieuses soient invités à participer activement à la réflexion des pouvoirs publics sur les sectes. Il a indiqué que la Fédération protestante de France avait toujours défendu, depuis la publication du premier rapport de M. Alain Vivien sur les sectes, l'idée que l'arsenal juridique permettant de lutter contre les sectes était suffisant, pour peu qu'il soit utilisé. Il a indiqué que cette thèse avait été défendue par la commission d'enquête créée à l'Assemblée nationale en 1995, cette commission ayant dressé une liste des délits existants susceptibles de concerner les mouvements sectaires.

M. Jean-Arnold de Clermont a observé que, pendant longtemps, le nombre de poursuites à l'encontre de mouvements sectaires avait été très réduit, mais que cette situation était en train d'évoluer. Il a fait valoir que le débat sur la lutte contre les sectes était vicié par l'impossibilité de définir juridiquement une secte. Il a rappelé que les termes de secte, de schisme ou d'hérésie étaient employés par référence à une norme et s'est demandé par qui cette norme pourrait être fixée dans une société marquée par la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Il a indiqué que la lutte contre les sectes avait été marquée par des comportements extrêmement critiquables, en particulier par l'assimilation à des sectes de tous les groupements dont l'intitulé comportait le terme " évangélique ".

M. Jean-Arnold de Clermont a alors formulé plusieurs propositions. Il a estimé nécessaire que l'opinion et, en particulier, les associations se portant au secours des victimes de sectes, soit mieux informée sur la législation et sur la nature de mouvements associatifs et religieux susceptibles d'être qualifiés de sectes. Il a souligné qu'un observatoire des sectes serait préférable à une mission de lutte contre les sectes.

Le président de la Fédération protestante de France s'est prononcé contre la création d'un délit de manipulation mentale. Il a observé que la création de cette infraction contribuerait à la judiciarisation croissante de la société et que les critères permettant de caractériser ce délit étaient beaucoup trop flous. Il a estimé préférable de tenter de définir les modalités qui conduisent à la manipulation mentale et d'étudier la manière dont se constitue un lien de dépendance.

A propos de la dissolution des mouvements sectaires, M. Jean-Arnold de Clermont a indiqué qu'une dissolution par le Président de la République, sous le contrôle du Conseil d'Etat, lui paraissait à la réflexion acceptable. Il a observé qu'un juge ne pourrait dissoudre que la partie d'un mouvement sectaire installé dans le ressort de sa juridiction. Il a estimé souhaitable que la dissolution puisse être applicable à toute personne morale, et pas simplement aux mouvements sectaires.

Mgr Jean Vernette a tout d'abord souligné que la Conférence des évêques de France considérait que la préoccupation des pouvoirs publics à l'égard des mouvements sectaires était légitime. Il a salué la volonté du Sénat de ne pas mettre en place une législation d'exception et s'est déclaré d'accord avec les dispositions de la proposition de loi relative à la possibilité de dissoudre certains mouvements dangereux et à l'extension de la responsabilité pénale des personnes morales.

Mgr Jean Vernette a ensuite estimé que l'idée de créer un délit de manipulation mentale était à la fois séduisante et redoutable. Il a estimé que les intentions du législateur étaient claires pour le présent, mais qu'il était impossible de présager de l'avenir. Il s'est demandé si un tel délit serait conforme à l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Il a noté que le délit de manipulation mentale pourrait s'appliquer à tout groupe. Il a alors noté que les règles respectées par certaines congrégations religieuses, qu'il s'agisse de la clôture, du jeûne, des voeux d'obéissance, de pauvreté et de chasteté, n'étaient pas aujourd'hui assimilées à des manipulations, mais que le sentiment à ce sujet pouvait changer. Il a fait valoir qu'il n'existait aucune garantie que la nouvelle disposition ne serait pas appliquée à des religions ou à des mouvements de pensée. Il s'est demandé si l'adoption d'un tel délit ne finirait pas par donner à penser que toute conviction religieuse serait la manifestation d'une déficience de l'individu concerné.

Mgr Jean Vernette a estimé contestable de vouloir protéger les victimes contre elles-mêmes, observant qu'une telle évolution pourrait conduire à la mise en place d'une police de la pensée. Il a souligné que les textes en vigueur invitaient les juridictions à consulter les grandes associations de lutte contre les sectes, notamment en ce qui concerne les mouvements susceptibles d'être qualifiés de sectes. Il a alors rappelé qu'un ouvrage publié par l'une des associations de lutte contre les sectes avait assimilé à des sectes certaines communautés telles que les Béatitudes ou le Chemin neuf. Il a exprimé la crainte que le délit de manipulation mentale conduise le juge à définir le " religieusement correct ".

Mgr Jean Vernette a alors formulé quelques propositions. Il a souhaité que les dispositions existantes, en particulier l'article 313-4 du code pénal relatif à l'abus frauduleux de l'état de faiblesse, soient pleinement appliquées. Il a observé qu'il existait parfois des dérives sectaires au sein même de l'Eglise catholique et que celle-ci avait pris des dispositions au sein du code de droit canonique pour contenir de telles évolutions. Il a fait valoir que tout groupe humain connaissait des dérives sectaires et que l'Eglise catholique avait acquis une expérience dans la prévention de ce type d'évolution qui pourrait être utile dans le cadre des débats actuels. Il s'est prononcé en faveur de la création d'un observatoire indépendant, pluridisciplinaire et objectif, qui pourrait formuler des avis sur certains groupements ou associations. Il a indiqué que le Conseil de l'Europe s'était prononcé en faveur de la création d'organes susceptibles de fournir une information fiable sur ces groupements ne provenant ni des sectes ni des mouvements de défense des victimes des sectes.

M. Nicolas About, rapporteur, a alors rappelé que l'objectif du Sénat n'avait en aucun cas été de s'attaquer à des mouvements religieux quels qu'ils soient, mais à des groupements dangereux pour l'ordre public ou la personne humaine.

M. Daniel Hoeffel a souhaité savoir quelles pourraient être les missions précises d'un éventuel observatoire objectif et pluridisciplinaire.

Mgr Jean Vernette a estimé que cet observatoire pourrait faire appel à toutes les compétences permettant de déterminer la nature exacte de certains groupements. Il a en outre noté qu'il pourrait être saisi par les pouvoirs publics et donner un avis d'expert aux juridictions administratives ou judiciaires.

M. Jean-Arnold de Clermont a observé que cet observatoire pourrait jouer un rôle comparable à celui de la commission nationale d'éthique.

M. Dalil Boubakeur s'est également prononcé en faveur d'un observatoire, soulignant que la religion était une expression de la liberté de pensée protégée par la Constitution. Il a observé que l'Islam comportait de nombreuses sectes en son sein. Il a enfin évoqué la conversion, se demandant si elle ne risquait pas d'être assimilée à des manipulations mentales.

M. Joseph Sitruk a approuvé l'idée de la création d'un observatoire. Il a jugé souhaitable que les représentants des religions puissent intervenir dans les débats comme celui sur les sectes, observant qu'elles pouvaient apporter à la réflexion leur expérience propre. Il a observé que l'époque actuelle était marquée par une très grande quête spirituelle et qu'un prosélytisme excessif pouvait être à surveiller. Il s'est enfin prononcé pour un renforcement du contrôle du fonctionnement de certaines associations, observant que les dispositions actuelles en ce domaine étaient très insuffisantes.

M. Christian Bonnet s'est déclaré perplexe à l'issue de ces auditions. Il s'est dit sensible au risque de voir émerger une police de la pensée, mais a toutefois noté que, par définition, l'adepte d'une secte n'admettait jamais qu'il était manipulé et qu'il convenait donc de trouver les moyens de le protéger malgré cela. Il s'est demandé si la création d'un observatoire pouvait suffire à résoudre les difficultés actuelles, observant qu'il existait déjà un grand nombre d'organes de ce type.


 AUDITION DE M. ALAIN VIVIEN PRÉSIDENT DE LA MISSION INTERMINISTÉRIELLE DE LUTTE CONTRE LES SECTES

M. Alain Vivien a tout d'abord rappelé que la mission interministérielle de lutte contre les sectes était directement issue des travaux d'une commission d'enquête de l'Assemblée nationale, le Gouvernement de M. Alain Juppé ayant d'abord créé un observatoire transformé en mission interministérielle par le Gouvernement de M. Lionel Jospin. Il a noté que la mission était appelée à suivre l'ensemble des questions relatives aux mouvements sectaires, y compris dans les enceintes internationales.

M. Alain Vivien a ensuite indiqué que le Parlement s'était prononcé avec constance contre l'élaboration d'une législation spécifique à l'encontre des sectes. Il a rappelé qu'il avait, pour sa part, rendu en 1983 un rapport s'opposant à l'élaboration d'une telle législation spécifique. Il a en revanche estimé qu'il pouvait être nécessaire d'améliorer les lois existantes pour faire face aux défis posés par les mouvements sectaires. Il a ainsi souligné que le législateur avait étendu le contrôle de l'éducation nationale à l'ensemble des établissements scolaires, qu'ils soient ou non sous contrat d'association avec l'Etat, et qu'il avait en outre habilité des associations de défense contre les mouvements sectaires à se constituer partie civile.

Il a observé qu'il serait sans doute nécessaire prochainement d'encadrer certaines professions en particulier celles de formateur et de psychothérapeute, afin d'éviter tout risque de dérive sectaire.

M. Alain Vivien a fait valoir que la proposition de loi déposée au Sénat par M. Nicolas About, puis complétée par l'Assemblée nationale, était un texte de prévention créant en particulier une nouvelle possibilité de dissolution de groupements condamnés et instituant un délit de manipulation mentale.

Il a observé que certains mouvements incitaient ouvertement leurs membres à violer les lois de la République et a indiqué que des condamnations répétées n'empêchaient pas la poursuite par ces mouvements de leurs activités. Il a fait valoir qu'il était déjà possible de dissoudre les associations soit sur le fondement de l'article 7 de la loi de 1901, soit sur le fondement de la loi de 1936 relative aux groupes de combat. Il a toutefois estimé qu'aucune de ces deux voies n'était véritablement adaptée aux groupements à caractère sectaire.

M. Alain Vivien a cependant convenu que certaines organisations sectaires disposaient de structures susceptibles d'être assimilées à des groupes de combat. Il a ainsi noté que l'Eglise de scientologie disposait d'un " bureau des affaires spéciales ", sorte de police privée active pouvant agir à l'encontre des " suppressifs ", à savoir les opposants de la secte, ou des personnes ayant quitté celle-ci.

M. Alain Vivien a ensuite évoqué le délit de manipulation mentale introduit dans la proposition de loi par l'Assemblée nationale. Il a observé que l'article 31 de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat sanctionnait déjà les pressions exercées par une personne sur une autre pour l'obliger à renoncer à des convictions ou au contraire la contraindre à adhérer à des convictions. Il a indiqué que cette loi ne s'appliquait qu'au domaine des convictions religieuses et que toutes les sectes n'avaient pas le caractère de mouvement religieux. Il a ainsi souligné que le mouvement raëlien s'était présenté comme un mouvement de développement mental athée, puis, avec le développement de ses activités, avait souhaité se qualifier désormais de " religion athée ".

M. Alain Vivien a rappelé que l'article 313-4 du code pénal sanctionnait l'abus de faiblesse, mais qu'il ne permettait pas de sanctionner tous les comportements des sectes, nombre de personnes n'étant pas en situation de faiblesse et entrant librement dans une secte avant d'être placées en état de dépendance. Il a estimé que la rédaction de l'article définissant le délit de manipulation mentale adoptée par l'Assemblée nationale était intéressante, mais qu'il serait plus exact de faire référence à la notion de " mise en état de dépendance ". Il a observé que certaines grandes confessions religieuses avaient fait part de leurs inquiétudes à l'égard du délit de manipulation mentale et a noté que toutes ces religions devaient faire face, à leur marge, à des groupes " incertains " en ce qui concerne le respect des lois de la République. Il a fait valoir que certaines religions se préoccupaient elles-mêmes de mettre fin à ces dérives, mais que d'autres étaient moins avancées dans cette lutte.

M. Alain Vivien a enfin rappelé que la commission consultative des droits de l'homme, présidée par M. Pierre Truche, avait rendu un avis sur le délit de manipulation mentale et avait constaté qu'il ne portait pas atteinte aux libertés tout en recommandant plutôt de compléter le délit d'abus de faiblesse et de modifier son emplacement au sein du code pénal.

M. Nicolas About, rapporteur, a souhaité connaître l'avis de la mission interministérielle sur le choix de la procédure de dissolution. Il a demandé comment une dissolution judiciaire pourrait être efficace face à certaines sectes comportant de nombreuses ramifications.

M. Alain Vivien a tout d'abord précisé que la mission interministérielle s'était clairement prononcée en faveur d'une dissolution judiciaire, plutôt que d'une dissolution par décret du président de la République. Il a estimé que l'absence d'application aux mouvements sectaires des règles relatives à la responsabilité pénale des personnes morales s'expliquait par le fait que les affaires qui auraient justifié une telle mise en cause étaient antérieures à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal. Il a indiqué qu'un mouvement sectaire avait récemment été mis en examen en tant que personne morale. Il a en outre observé que les magistrats étaient de plus en plus sensibilisés aux questions concernant les mouvements sectaires et que des formations spécifiques étaient organisées pour les magistrats en exercice.

M. Robert Badinter a regretté que la proposition de loi ne prévoie une possibilité de dissolution qu'après plusieurs condamnations devenues définitives, ce qui impliquerait, compte tenu des voies de recours, de longs délais de mise en oeuvre. Il a estimé que certaines sectes pouvaient être condamnées une seule fois pour des faits gravissimes justifiant pleinement une dissolution.

M. Alain Vivien a alors fait valoir que la rédaction de la proposition de loi avait pour objet de préserver au maximum les libertés de pensée et d'expression, mais que certains faits graves justifiaient effectivement que la possibilité de dissolution soit ouverte dès la première condamnation devenue définitive.

M. Nicolas About, rapporteur, a indiqué qu'il avait souhaité que plusieurs condamnations soient exigées parce qu'il avait au départ proposé une dissolution par décret présidentiel. Il a en effet noté que la loi de 1936 sur les groupes de combat pouvait en tout état de cause être appliquée, même en l'absence de condamnation, en présence d'un trouble majeur à l'ordre public. Il a souligné que sa proposition de loi visait à prévoir le cas de mouvements ayant de manière répétée des comportements illégaux sanctionnés par des condamnations. Il a toutefois estimé que l'exigence que plusieurs condamnations soient prononcées était moins justifiée dès lors que la dissolution était judiciaire et non administrative.

M. Guy Allouche s'est interrogé sur les réactions des principales confessions religieuses qui avaient manifesté leurs réticences à l'égard de la proposition de loi.

M. Pierre Fauchon, vice-président, a souligné que les réticences des confessions entendues par la commission des lois portaient pour l'essentiel sur le délit de manipulation mentale.

M. Patrice Gélard a observé qu'au sein des grandes religions, et notamment de l'Eglise catholique, certaines structures risquaient de répondre à la définition proposée pour l'article 313-4, compte tenu de la discipline imposée à leurs membres. Il s'est demandé si le délit de manipulation mentale ne risquait pas de pouvoir être appliqué à certains médecins ou psychiatres, voire à certains responsables d'enseignement, dans des établissements scolaires marqués par une discipline rigide, voire à l'armée. Il a exprimé la crainte que le délit de manipulation mentale ne puisse donner lieu à des interprétations contestables.

M. Alain Vivien a estimé qu'il n'appartenait en aucun cas à l'Etat de dire à chacun ce qu'il devait penser ou croire. Il a indiqué qu'il reviendrait aux magistrats d'analyser les comportements de certains mouvements pour déterminer si l'infraction était ou non constituée. Il a fait valoir que des mouvements religieux persécutés dans certains pays n'avaient aucune difficulté en France parce qu'ils respectaient les lois de la République.

M. Alain Vivien a indiqué que le terme de groupement retenu dans le délit de manipulation mentale était bien choisi dès lors que certaines sectes n'étaient pas déclarées en tant qu'association et étaient donc des associations de fait. Il a indiqué que certains mouvements sectaires pouvaient effectivement, conformément aux termes employés dans la définition du délit de manipulation mentale, créer une dépendance physique ou psychologique, par exemple en modifiant les rythmes de sommeil de leurs adeptes ou en imposant une alimentation de carence.

M. Alain Vivien a estimé qu'il était utile que la définition du délit mentionne les techniques propres à altérer le jugement, observant que certaines techniques cognitives de déconstruction, puis de reconstruction, d'une personnalité pouvaient être détournées par des groupements à caractère sectaire. Il en a déduit que les termes de la définition du délit ne risquaient pas de porter atteinte aux libertés.

M. Robert Badinter s'est déclaré très réservé à l'égard des éléments constitutifs du délit de manipulation mentale. Il a rappelé que le principe de légalité impliquait que les éléments constitutifs du délit soient précisément définis. Il a en outre rappelé qu'en matière pénale, des constitutions de partie civile étaient possibles et qu'elles ne manqueraient pas de se multiplier s'agissant d'un délit tel que celui de manipulation mentale. Il a noté qu'on pourrait estimer que l'action des grandes confessions religieuses avait pour effet, sinon pour but, de créer une dépendance psychologique. A cet égard, il a estimé que l'objectif des Eglises était le respect des principes de la foi et qu'un tel objectif pouvait être assimilé à une volonté de créer une dépendance psychologique. A propos des " pressions graves et réitérées ", il s'est demandé si des visites quotidiennes d'un officiant chez une dévote étaient susceptibles de constituer de telles pressions. Il a enfin noté que toute donation par une personne de ses biens à une Eglise ou à une confession religieuse risquait de susciter des plaintes avec constitution de partie civile sur le fondement du délit de manipulation mentale. Il a exprimé la crainte que ce texte soit détourné et exploité.

M. Alain Vivien a estimé qu'il était pourtant indispensable de pouvoir réprimer certaines pressions inadmissibles exercées par des groupements sur des personnes. Il a rappelé qu'au sein de l'Eglise catholique, il était possible sans difficulté de quitter un mouvement ou un ordre et, le cas échéant, de récupérer les biens donnés. Il a en outre souligné qu'il convenait de protéger davantage les victimes des mouvements sectaires.

M. Lucien Lanier a demandé si on utilisait pleinement certains moyens d'affaiblir les sectes, en particulier la vérification étroite du respect, par ces mouvements, de la législation fiscale.

M. Patrice Gélard a observé que certaines poursuites pourraient probablement être exercées pour absence de respect de la législation sociale, en particulier lorsque certains mouvements ne rémunèrent pas leur personnel ou ne les déclarent pas à la sécurité sociale.

M. José Balarello a souhaité connaître les principaux groupements ou sectes établis en France et le nombre de personnes adeptes de tels mouvements.

M. Alain Vivien a alors indiqué que la mission interministérielle menait de très nombreuses actions de prévention à l'égard de publics différents, notamment des enseignants au sein des IUFM. Il a souligné que d'importants redressements fiscaux, accompagnés d'amendes, avaient été prononcés à l'encontre de mouvements sectaires.

Il a ensuite rappelé qu'en 1995 une commission d'enquête de l'Assemblée nationale avait publié une liste de mouvements qualifiés de sectaires. Il a indiqué que la mission préférait pour sa part distinguer trois groupes de mouvements. Il a noté que le premier groupe rassemblait les " sectes absolues " mettant en cause directement les principes républicains et démocratiques et prétendant instaurer un nouvel ordre public. Il a estimé que ces mouvements étaient particulièrement dangereux, pratiquant en particulier une forme d'entrisme au sein des entreprises et des institutions. Il a précisé que le deuxième groupe rassemblait certains mouvements d'origine philosophique ou religieuse ayant des caractères sectaires. Il a fait valoir que les Témoins de Jéhovah figuraient dans ce groupe du fait de certaines pratiques comme le refus des transfusions sanguines ou l'opposition au service national. Il a noté qu'un dialogue avec ces mouvements était possible et que la mission interministérielle entendait mener un tel dialogue. Il a ainsi fait valoir que les Témoins de Jéhovah s'étaient engagés à accepter le recensement des jeunes prévu dans le cadre de la disparition du service national, alors qu'ils refusaient jusqu'alors toute forme de service national.

M. Alain Vivien a enfin indiqué qu'un troisième groupe rassemblait un très grand nombre de mouvements émergents à propos desquels il était difficile de porter encore un jugement. Il a alors rappelé qu'en 1983, il avait estimé, dans un rapport, que 500.000 personnes en France étaient concernées par le phénomène sectaire et qu'il y avait environ 150.000 à 200.000 adeptes. Il a fait valoir qu'il n'était pas certain que le phénomène sectaire soit actuellement en progression en France, compte tenu de la vigilance des pouvoirs publics et de l'opinion.

M. Nicolas About, rapporteur, a souhaité savoir si la mission interministérielle avait connaissance du comportement de certains groupes attaquant systématiquement les parlementaires.

M. Alain Vivien a alors confirmé que certains mouvements avaient un comportement contestable à l'égard des parlementaires. Il a souligné qu'il avait été " mis en accusation ", au même titre que M. Nicolas About et M. Jean Tiberi, en leurs qualités d'auteurs de propositions de loi concernant les groupements à caractère sectaire, devant un " tribunal privé " mis en place par un certain nombre de mouvements sectaires.


 


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