Linbu

Stefan, esclave pendant six ans

(source : EXPRESSEN, 29 juillet 1995, par Charlotte von Proschwitz et Nicolas Svensson )

Voir : La doctrine de Linbu

Expressen est un journal suédois à grand tirage. Il a enquêté auprès d'un ancien adepte de la secte Linbu, une des plus dangereuses de Scandinavie, mais qui bénéficie de protections à haut niveau et dont les activités nocives depuis deux décennies n'ont jamais été sanctionnées par les autorités.

Loin dans les monts de Kynnefjäll en Bohuslän est situé Soligård, une fortification fermée avec des douves, des ponts munis d'alarmes et avec un grand bunker.
De ce lieu, le dirigeant de la secte Hallstein Farestveit, 57 ans, dirige d'une main de fer plus d'une centaine jeunes gens venus de partout en Europe.
Stefan, 33 ans, a été membre de la secte pendant six ans.
- J'étais un esclave. D'autres, incapables de supporter les pression, deviennent comme des zombies ou des robots, raconte-t-il.

Stefan, 33 ans, a donné six ans et 1,8 millions de couronnes à la secte Linbu. Il vendait des "pierres du bonheur" ou travaillait la terre 17 heures par jour, tous les jours, sans recevoir un centime en salaire.

Stefan avait grandi dans une famille autoritaire et est devenu particulièrement réceptif à une secte comme Linbu. Lorsque sa famille a éclaté, Stefan a eu de nouveaux proches, qui sont mort tragiquement l'un après l'autre. A l'âge de 21 ans, Stefan s'est retrouvé seul.
- J'étais bien adapté socialement, mais je n'arrivais pas à faire face à mon chaos intérieur, dit Stefan.
- J'ai rencontré une adepte de Linbu qui m'a donné des livres. Elle m'a dit que je pouvais être "purifié de mon passé".
Stefan fut attiré par les livres qui parlaient de plénitude physique, spirituelle et émotionnelle. Il désirait essayer la voie du moine, du philosophe, du yogi et du fakir. Stefan se laissa emmener à Älmhult, où la secte est également propriétaire d'une ferme.
- Là, j'ai dû apprendre un nouveau langage, dit-il.
- Dans Linbu, on n'a pas le droit de dire "je", on doit dire "celui-ci". Il est absolument interdit d'employer des superlatifs. Tout doit être dit d'une manière définitive.
Le cerveau de Stefan fut promptement dépouillé de sa personnalité. Mais par la suite, la secte n'habilla pas son âme de nouveaux oripeaux.
- On me faisait travailler à la ferme 17 heures par jour, chaque jour, et malgré cela, je ne partais pas, dit Stefan.
- Je suis entré dans Linbu parce que je manquais fortement de confiance en moi. Une fois à l'intérieur, cette secte élitiste a maintenu la mauvaise opinion que j'avais de moi-même. J''estimais que je ne valais pas mieux. Le manque de sommeil, l'épuisement du travail, le manque de nourriture m'affaiblissaient. Je n'osais pas quitter la ferme.

Les adeptes ont souvent bien trop peu à manger.
- Une année, le gel est venu très tôt dans le village. Nous avons été forcé de manger des pommes de terre gelés durant l'automne et une partie de l'hiver, raconte Stefan.
La pression exercée sur les adeptes de Linbu est incroyablement forte.
Les horaires de travail inhumains, l'insuffisance alimentaire et le manque de sommeil les rendent tous réceptifs aux ordres des dirigeants.

"Ça mène en enfer"
La malléabilité augmente avec le degré d'épuisement.

- Pour beaucoup ça mène en enfer, dit Stefan. Dans la secte Linbu on devient soit fascisant, soit un légume. Une dizaine de membres sont devenus psychotiques et se sont retrouvés à l'hôpital psychiatrique.
Stefan est aujourd'hui extrêmement heureux d'avoir réussi à quitter Linbu. Il a changé de nom, il habite un endroit tenu secret en Suède et il a une nouvelle vie avec une concubine et une petite fille.
- En six ans, plus de 15 enfants sont nés à l'intérieur de Linbu, dit Stefan.
- Ils vivaient dans un monde imprévisible et inquiétant. Les dirigeants pouvaient se mettre à hurler contre les parents n'importe quand. Les pères et mères manquaient de force vitale à transmettre à leurs enfants. Ils travaillaient tout le temps, et n'étaient avec leurs enfants que pour dormir. L'insuffisance alimentaire et le manque de liberté rendait l'existence affreuse pour les enfants.
Si celui qui dirigeait était mécontent, il pouvait séparer une famille.
- Un homme n'avait plus le droit de voir son enfant, dit Stefan.
Papa récalcitrant, il fut envoyé se faire reprogrammer.
- A la ferme à Killeberg à proximité de Älmhult a lieu un véritable terrorisme psychique. On doit apprendre des centaines de règles. Ensuite elles sont abolies, et l'on est forcé d'en apprendre de nouvelles. On finit dans un enfer psychique.

Puni par le travail.
Lorsqu'on voulait reprendre Stefan en main, on le chargeait de travaux déplaisants.

- On me forçait à bêcher du fumier pendant des heures. Par ailleurs, on m'obligeait à habiter dans un grenier qui n'avait que 110 cm de hauteur. J'avais le sentiment de ne pas valoir mieux. C'était tout simplement du lavage de cerveau.

Exxet a cherché à joindre Hallstein Farestveit, le dirigeant de la secte, pour avoir ses commentaires, mais sans succès.
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Inserts:

En finale, tu seras immortel

La doctrine de Linbu est en grande partie puisée chez le mystique arménien George Ivanovitj Gurdjiev, qui vécut entre 1877 et 1949. Son disciple Ouspensky, journaliste et écrivain russe, a lui aussi inspiré le dirigeant de Linbu, Harald Farestveit, 57 ans.
Gurdjiev et Ouspensky se faisaient les porte-parole de la connaissance ésotérique selon Jésus, et se réclamaient de sources mystérieuses en Asie Centrale. Ils cherchaient "l'antique sagesse cachée" qu'ils appelaient des vérités ésotériques. "L'homme est une machine jusqu'à sa libération", prétendaient ils .
L'idée est d'accéder à la conscience cachée de l'homme. Lorsqu'on réussit à contrôler ses vingt "je" destructeurs, on devient immortel. Travailler dur est supposé éviter de nouveaux réveils de la conscience. Seules des personnes capables et efficaces sont à même d'y parvenir, selon Gurdjiev, Ouspensky et Farestveit, lequel se fait également appeler H. Linbu.


Comment -on l'objet d'un lavage de cerveau ?.
Pour obtenir le contrôle de la pensée il faut remplir huit conditions, selon l'américain Robert J Lifton qui étudiait le lavage de cerveau chez des prisonniers de la guerre de Korée.
- Je les reconnais tous, dit Stefan, ex-adepte de Linbu.

1. Le contrôle du milieu:
Information, aliments, lieu de vie, sommeil.
Stefan: "Toute information venue de l'extérieur est censurée. L'alimentation est contrôlée et on ne peut dormir plus de deux à cinq heures par nuit."
2. La mystique:
Un idéal supérieur, par exemple Dieu.
Stefan: "Linbu a une doctrine qui se rapproche du christianisme. Le niveau élevé du professeur (le dirigeant) est également puissant."
3. La pureté de vie:
Des pressions au perfectionnisme, tendant aux sentiments de culpabilité et de honte.
Stefan: "Nous n'avions pas le droit d'être dépendants de relations avec l'autre sexe. Avoir une relation n'était permis qu'après avoir atteint un niveau très élevé."
4. Les confessions:
Confier ses anciennes expériences et erreurs. mettre la vulnérabilité à nu.
Stefan: "Avant de devenir membre on doit raconter sa vie ratée d'avant. Une fois dans la secte, les membres appuient là où ça fait mal."
5. La science sacrée:
La doctrine ne peut être mise en question. Elle est absolument juste. Tout peut être prouvé.
Stefan: "On apprend que la connaissance sacrée ne peut être prouvée que lorsqu'on a atteint un niveau suffisamment élevé. Lorsqu'on y arrive, on n'a plus la capacité de poser de question sur rien. Personne n'ose dire qu'ils ne comprennent pas, alors que personne n'y comprend quoi que ce soit, au fait."
6. Le langage spécifique:
Il donne un sentiment d'appartenance
Stefan: "Linbu a un langage pour les étudiants avec une liste de mots interdits. Des mots suédois anciens sont mélangés à des mots norvégiens et allemands. Les superlatifs et le mot "je" sont interdits."
7. La doctrine plus importante que la personne:
Des expériences passées n'ont aucune valeur pour interpréter la morale de la secte. L'individualité disparaît.
Stefan: "Linbu considère que l'on est soumis à des appréciations fausses dans la vie en société. Devenir étudiant est la seule manière de trouver son moi véritable."
8. La division de l'existence:
Une ligne de démarcation claire Nous/Vous. La vie est présentée comme blanche ou noire.
Stefan: "Ceux qui sont extérieurs à la secte sont perdus. C'est uniquement en devenant un être éclairé que l'on peut éventuellement être sauvé. Le risque en est qu'on soit déjà détraqué."


 
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