L'Eglise de Scientologie
Facile d'y entrer, difficile d'en sortir...

Par Jean-Dubreuil (Canada)

(source : Nouveau phénomène religieux, site de Jacques Noel)

(QUATRIÈME DE COUVERTURE)

Jean-Paul Dubreuil connaît bien les rouages de l'Église de Scientologie. De 1984 à 1989, de simple auditeur, il monte en grade en y devenant même l'un des meilleurs «thérapeute».

Sous les promesses d'un monde meilleur, il se départit progressivement de son emploi, de tous ses biens matériels et de ses économies au profit de l'Église de Scientologie, pour ne se consacrer qu'à elle. Son «contrat» stipulait bien pour un milliard d'années...

Mais après six mois de «vie religieuse» intensive à Toronto, son esprit d'indépendance reprit le dessus et il dut se résoudre à quitter la secte en y laissant femme et enfants, qui le renient depuis, afin de se refaire une place dans la société.

Dans ce livre, Jean-Paul Dubreuil nous relate les circonstances qui l'ont mené jusqu'au coeur de cette secte, ses mécanismes d'approche, de recrutement et de fonctionne surtout, ses difficultés à s'en sortir...

Un témoignage accablant contre une Église «brise-vie».

ISBN 2-9804270-0-4


TABLE DES MATIÈRES

(livre partiellement disponible)

INTRODUCTION

 PARTIE I : DE SHERBROOKE À TORONTO

«Tu cultiveras des âmes»
PARTIE II : DE TORONTO AU SAGUENAY
La vie impossible de «sauveur du monde»
 PARTIE III : DU SAGUENAY À SHERBROOKE
 Le retour à la vie humaine
 CONCLUSION

 ANNEXE I - COURRIER

 ANNEXE II - En conjecture : «VOUS»



AVERTISSEMENT

Aux sceptiques et à tous ceux qui voudront faire croire que ce livre est un tissu de mensonges.

 Tous les documents reproduits ou mentionnés dans ce livre sont conservés dans un coffret de sécurité. Ils pourront témoigner de la véracité de mes dires à tout moment.

 Jean-Paul Dubreuil 


INTRODUCTION

Au petit garçon orgueilleux que j'étais, mon père disait souvent : «On le dit quand ça fait mal.»

Eh bien, ça fait mal, très mal! Je ne veux plus souffrir en silence. Je veux crier ma douleur au monde entier.

J'ai mal à ma vie, j'ai mal d'avoir perdu mes enfants, mon idéal, mes rêves.

Je viens de passer trois ans sur les bancs de l'Université afin de décrocher un diplôme me permettant de repartir sur un bon pied, mais voilà que je m'aperçois qu'à cinquante trois ans, on ne repart pas à zéro aussi facilement.

Quand on a eu, comme moi, l'imprudence de se laisser berner par des beaux parleurs et de tout balancer à la poursuite des rêves des faiseurs de miracles, le réveil est douloureux à un point tel que l'on souhaiterait ne plus être.

Cependant, disparaître n'est pas une solution. Ce serait laisser les briseurs de vie auxquels j'ai eu affaire continuer leur oeuvre de destruction, et ça, je ne saurais le laisser passer.

Aucun des éditeurs du Québec que j'ai contacté n'a accepté de publier ce témoignage. Pour la plupart ils se sont débinés sans donner de raison, mais quelques uns m'ont précisé que le sujet était trop risqué. Je les comprends : la Scientologie a un système de défense très bien structuré, capable de provoquer les pires tracasseries à quiconque ose lever le voile sur ses activités.

Quant à moi, je n'ai rien à perdre; la vie est la seule chose qui me reste puisqu'ils m'ont tout pris.

C'est donc à compte d'auteur que je publie ce livre en y investissant mes derniers sous. On a tenté de me faire taire. La dernière tentative fut faite le 13 juin 1994, par le président de l'Église de Scientologie de Montréal, Marc Daragon.

Il m'a tenu pendant une heure au téléphone, en insistant pour que je demande pardon de mes fautes envers son Église. Suite à mon refus, j'ai reçu de mon fils aîné la lettre dont voici le texte intégral :

 Los Angeles, 15 juin 1994

Salut,

 Mon but dans la vie est d'aider le plus de gens possible à se comprendre, être plus capable, plus cause et plus heureux. Je sais que je peux atteindre ce but en tant que membre de l'Église de Scientologie parce que je sais que la Scientologie fonctionne et aide les gens.

 Aussi, comme autres Scientologists, je travail très fort à aider l'humanité et faire en sorte d'amener un monde meilleur.

Parce que tu as, verbalement et en action, communiqué tes désaccords envers l'Église de Scientologie, et par ce fait tes désaccords avec moi, je t'écris pour te laisser savoir que j'ai décidé de ne plus avoir de communication avec toi.

Si jamais tu décide de changer tes buts, en ce qui concerne la Scientologie, tu peux communiquer avec le Chef International de la Justice de Scientologie via le Chef Canadien de la Justice de Scientologie, 696 Yonge St., Toronto, Ontario, Canada M4Y 2A7.

Sincèrement,

 Jean-François


Je ne fus pas très surpris de recevoir cette missive de mon fils. Je sais d'expérience qu'il s'agit là d'une manoeuvre de ses supérieurs me faire fléchir.

Ce qui m'a surpris, c'est que, pour la première fois depuis 1990, Jean-François m'ait donné son adresse, sur l'enveloppe de sa lettre, ce qu'il n'aurait jamais fait si inconsciemment il n'avait pas eu le désir que je lui réponde.

Les scientologues sont très bien conditionnés. On verra comment au cours de ce livre. Pour ma part, il m'a fallut pas mal de temps pour me soustraire à ce conditionnement. À mon retour, j'avais la nette impression que si je parlais, je courrais à ma perte, et même à la mort. Cette idée me venait directement de l'«éducation» même que j'ai reçue en Scientologie, je le sais maintenant. C'était tout simplement une sorte d'implant psychologique auto-protecteur d'une efficacité remarquable. J'en reparlerai plus loin.

La seule pensée de révéler mon aventure provoquait chez moi un malaise indéfinissable qu'il m'a fallu apprivoiser. Ce n'est qu'avec le temps que j'ai pu jeter un regard un peu plus clair sur toute l'affaire.

C'est ce regard que je veux livrer à l'Humanité, avec toute la sincérité que je peux y mettre. Je n'ai pas l'intention de ménager qui ou quoi que ce soit. Mon objectif est de décrire les faits tels que vécus et tels que je les ai perçus. J'espère ainsi démontrer au lecteur qu'il n'y a pas que les idiots qui tombent dans les pièges de ces spécialistes de l'extorsion mentale.

Mais commençons par le début.

* * *


PARTIE I : DE SHERBROOKE À TORONTO


PARTIE II : DE TORONTO AU SAGUENAY


PARTIE III : DU SAGUENAY À SHERBROOKE


CONCLUSION


Annexe I

COURRIER

 Le courrier est un mode de communication passablement négligé par les scientologues. À preuve, les écarts entre les dates de rédaction des lettres et les dates de réception. En janvier 1990, j'envoyais à la Mission de Sherbrooke une proposition d'arrangement pour le remboursement des 7500 $ que je leur avais prêté à mon départ pour Toronto. En mars, je recevais la réponse reproduite ci-dessous.


ÉGLISE DE SCIENTOLOGIE
Mission de Sherbrooke

Sherbrooke, le 1 Mars 1990

M.Jean-Paul Dubreuil
185, 5ième Avenue, Apt 1
Sherbrooke, Qc
J1G 2L4

Salut Jean-Paul,

Comment ca va toi? Je suis content d'avoir de tes nouvelles. Pour ce qui est de l'arrangement, il est entendu que nous n'avons pas oublié ce que nous te devons. L'entente que tu proposes est correct à $100.00 par semaine. Maintenant, le seul bug est que présentement, étant donné les revenus de la mission, nous poussons nos créanciers pour avoir plus de jeu.

Une chose que je peux te dire c'est qu'aussitôt que nous pourrons honorer l'arrangement, nous le ferons avec grand plaisir.

Je compte donc sur ta compréhension et ta patience et je fais tout ce que je peux pour honorer l'arrangement que tu nous propose.

Merci pour ta comm et au plaisir de te revoir bientot.

Salutation

Pierre Lacroix, MH SHB


La mission de Sherbrooke a fermé ses portes avant de pouvoir honorer sa dette à mon endroit. Pierre Lacroix , le MH (Mission Holder) était un type absolument sincère et je ne doute pas qu'il m'eut remboursé s'il en avait eu la possibilité. Je me doute un peu qu'il devait être harcelé par plus d'un créancier, alors je n'ai pas poussé l'affaire plus loin.
* * *

La communication suivante me parvint de Toronto en juin 1990. Il s'agit de la «SP déclare»; en d'autres termes, la déclaration officielle de mon état de personne suppressive, ce qui correspond à mon ordre d'expulsion. Le texte est en anglais, puisqu'il s'agit de la langue sacrée de Ron. Ce texte était accompagné par un petit mot gentil de Lisette Parent, écrit à la main, dont voici la reproduction intégrale :

 8 june 1990

Cher jean-Paul,

Voici la SP declare qui a été fait sur toi. Ceci est pour te donner une route pour revenir sur le pont. La première chose que tu dois faire est d'arrêter de commettre des overts de temps présent et de cesser tout attaque et suppression, ceci va te permettre d'avoir des gains de cas.

Donne-moi ta réponse la dessus.

ML
Lisette Parent
SNR HAS CAN

(ML est l'abréviation de Much Love.) 


Ce texte était agrafé à une feuille jaune datée du 15 mars 1990, sur laquelle était rédigée en anglais la «SP declare» et dont voici reproduction. 

SEA ORGANISATION

CLO CANADA ETHICS ORDER 140
15 March 1990
ALL ORG & MSN HCOs
CLO CANADÀ EXECS AND CREW
SUPPRESSIVE PERSON DECLARE
JEAN-PAUL DUBREUIL

Jean-Paul Dubreuil, CLO CAN crew and former ACE TEAM I/C is hereby declared a Suppressive Person.

In the biginning of January 1990 Jean-Paul deserted his post and blew CLO Canada. Many attemps were done to recover him. He finally accepted to come to CLO but once there he refused to route off standardly and just walked out, and created enturbulation on CO SMI CAN lines.

Investigatin into Jean-Paul's ethics record following his blow has revealed that while Jean-Paul was on his post in SMI in CLO Canada, he created enturbulation and upset in the area and sabotaged organization actions by refusing to wear his hat and backflashing to seniors.

Jean-Paul is guilty of the following suppressive acts:

1. VIOLATION OR NEGLECT OF ANY OF THE 10 POINTS AS LESTED IN HCO PL 7 FEB 1965 KEEPING SCIENTOLOGY WORKING.

2. WHERE À PERSON IS SECRETELY PLANNING TO LEAVE AND MAKING PRIVATE PREPARATION TO DO SO WITHOUT INFORMIN THE PROPER TERMINALS IN AN ORG AND DOES LEAVE (BLOW) AND DOES NOT RETURN WITHIN À REASONABLE LENGTH OF TIME AN AUTOMATIC DECLARE IS TO BI ISSUED. (REF: HCO PL 7 DEC 1976, LEAVING AND LEAVES.)

Any certs and awards Jean-Paul may have received by the Church are hereby cancelled. Any trademarks lecense Jean-Paul may have signed is hereby cancelled and he may not use these marks for whatever reason.

His only terminal is the International Justice Chief via Cont Justice Chief.

Should Jean-Paul come to this senses ans wish to seek the mercy of the Church he may start on his À to E steps as laid aout in HCO PL 23 Dcember 65RA, SUPPRESSIVE ACTS, SUPPRESSION OF SCIENTOLOGY AND SCIENTOLOGIST.

Lisette Parent
CJC CAN

Approved by
INT JUSTICE CHIEF

Autorized by
LRH COMM CAN

for
CHURCH OF SCIENTOLOGY
OF TORONTO


En février 1991, je recevais la missive suivante. Je la reproduis en conservant les fautes de français, y compris l'absence d'accent; soulignons qu'ils travaillent avec un clavier anglais.


Jean Paul Dubreuil
8/02/91

CJC CAN

Cher Jean paul,

J'ai ici les cartes que tu envoies a tes fils. Par la HCO PL sur les actes suppressifs qui se trouvent dans le livre d'ethique a la page 196 ton seul terminal est le IJC via CJC. de plus par la meme reference c'est un acte suppressif que de continuer a etre attache a une personne ou a un groupe declare suppresif par HCO.

Ils ne veulent plus avoir de communication de toi jusqu'a ce que tu aies manie ta situation.

Je veux que tu m'ecrives et que tu me dises comment ca va, et n'importe quelle question que tu peux avoir et je vais t'aider a passer a travers tes etapes À a E. Ce n'est vraiment pas complique.

Ne reste pas muet.

ML

Lisette Parent
CJC CAN


Cette lettre me laisse croire que le courrier de mes fils est ouvert par la CJC CAN (Continental Justice Chief Canada). Les étapes À à E sont des processus de récupération de membres dissidents. Essentiellement, il s'agit d'avouer ses crimes contre la Scientologie et d'expier en travaillant comme un esclave docile, à des besognes de nettoyage, de lavage, etc.

* * *

En juin 1991, je recevais la lettre suivante :

Jean Paul Dubreuil
18/06/1991 CJC CAN

Dear Jean Paul,

D'apres les donnees que j'ai eu de Therese tu as donne ton accord pour qu'elle puisse conserver l'E-meter.

Therese a besoin de quelque donnees afin de retracer cet E-meter. Ce qu'elle a besoin c'est:

1) Le numero de serie du E-meter.
2) Ou tu l'as envoye.
3) Le way bill number du colis dans lequel il a ete envoye
4) Si oui ou non il y avait une guarantie du colis.

J'attends ta reponse la dessus bientot.

ML

Lisette Parent
CJC CAN


Il s'agit ici du E-meter que j'avais acheté à Los Angeles, au printemps 1989. À ma visite de mars 1990 à Toronto, j'avais dit à Thérèse que si elle pouvait le récupérer, je le lui donnais. Je n'avais aucune des données que Lisette Parent me demandait. On remarquera que cette missive ne fait aucune allusion à mon salut.
* * *

La lettre qui suit était accompagnée d'un compte, Elle est datée du 18 octobre 1992, mais je ne l'ai reçue qu'en fin de janvier 1993. Et encore, elle fut adressée chez ma soeur Yvonne. Ils auraient donc perdu mon adresse. Pourtant, chaque fois que j'écris à mes enfants, je la leur redonne. Puis-je en déduire que leur courrier est étroitement surveillé et jeté à la poubelle sans même être ouvert?

Et que dire du délai entre la date inscrite sur la lettre et celle de l'oblitération postale, le 19 janvier 1993? L'organisation manque-t-elle d'argent au point où elle n'arrive pas à se payer des timbres-poste afin d'expédier le courrier sitôt écrit?

Voici le texte intégral; à remarquer que, comme pour les lettres précédentes, je le reproduis en respectant toutes les fautes et les anglicismes qu'elle renferme, en plus des «scientologismes».


Jean Paul Dubreuil
18 Oct 1992 CONT JUSTICE CHF CANADA

Cher Jean-Paul.

Je veux t'aider.

Tu as recu notre aide. Par contre, tu es en train de retenir un retour de flux d'aide a la Scientologie.

Tu devrais tres bien savoir maintenant que tu ne peux monter l'echelle quand tu retiens consciamment.

Tu es en train de retenir une quantite considerable d'argent de la Scientologie: c'est l'argent que du dois, que tu as signe et temoigne. Pourquoi fais-tu cela? Est-ce que tu as fais tant d'overts sur nous que tu nous as oublie? Ou tellement sur toi-meme que tu es casse financierement?

Tu as paye et va payer plusieurs fois cette somme d'argent sur des babioles et des bibelots de l'existence de l'Homo Sapiens. Est-ce que tu estimes la valeur de ton eternite si basse que tu retiendrais consciamment de la Scientologie?

Je ne me sers pas d'agent de collection pour t'aider a ne plus retenir. Je veux ton propre determninisme, pas ton esclavage.

Paie, je te le dis: NE retiens PAS.

La survie de la Scientologie n'est pas a risque. La tienne l'est. Peux-tu confronter et etre responsable pour l'overt conscient de retenir de l'argent qui est necessaire et du à la Scientologie? Reponds oui seulement si tu es Clair, Clair completement. Tu ne pourrais pas si tu ne l'etais pas, je te le guarantie.

À toi de jouer maintenant.

Paie et sois honnete avec toi-meme - et sois content que quelqu'un veuille te le dire franchement. Je serais un tres pauvre ami si je ne le faisais pas.

Je veux que tu sois autour en condition de communication pendant les longues billion d'annees a venir.

Donc fais de l'outflow et debloque ce flux, au meilleur de tes abilites.

Ta liberte et bonheur futurs vont etre directement proportionnels a combien tu peux faire d'outflow et vaincre les pressions du GPM qui dicte cette retenue.

Aucun auditeur ne peux le faire pour toi - il peut seulement aider. C'est ce que je fais.

Paie!

Avec amitie,

Lisette Parent
CONT JUSTICE CHF CANADA


Le mot clé de la lettre est l'impératif «paie!» Le reste n'est que menaces et tentatives de réactiver chez moi les implants psychologiques qu'ils ont tenté de m'installer dans le cerveau, au cours de mon séjour parmi eux.

Ils ont besoin d'argent. Il ne faut donc pas se surprendre du ton impératif de la lettre, afin que je leur expédie un chèque couvrant la dette qu'ils m'imputent.

La réalité, est qu'ils m'en doivent énormément plus que ce qu'ils me réclament. En faisant un bilan rapide, j'ai calculé être en mesure de leur réclamer une somme dépassant largement les 200 000 dollars.

Examinons maintenant le compte joint à la lettre et dont la Parent exige si impérativement le paiement : d'abord, il y a le cours «Welcomme to S.O. Tapes» 456 $, et ensuite le «Basic Sea Org Member Hat» 884 $ ; total 1340 $.

Ces deux cours sont des lavages de cerveau ayant pour but de produire chez l'adepte une fierté démesurée d'être un membre de la Sea Org. Ils sont obligatoires pour être admis comme membre. C'est un peu comme un patron qui chargerait à ses employés les cours qu'il les oblige à suivre pour la bonne marche de leur travail.

Reprenons la lettre, et tentons d'en dégager les grandes lignes; d'abord, elle veut m'aider. J'aurais été aidé (?) et je retiens (retenir, pour eux, c'est un peu comme un péché d'omission pour les catholiques; c'est très vilain.) Ensuite, il y a l'échelle à monter, et selon elle, je devrais la monter et mon attitude m'en empêcherait.

Elle explique ensuite la retenue : c'est l'argent qu'elle croit que je leur dois. Elle essaie de soulever l'idée qui pourrait me faire marcher si j'étais encore membre de la secte; je commets un «overt»; lire un crime.

Dans le paragraphe suivant, elle essaie de me faire peur avec mon éternité, qui est perdu selon elle, si je ne marche pas dans leur combine.

Ensuite, elle me fait la charité de ne pas mettre le compte dans les mains d'une agence de collection. Cela semble très gentil de sa part, mais il y a un hic; personne ne pourrait me forcer à payer pour des cours imposés par un employeur. Même l'agence de collection la plus malhonnête refuserait de prendre ce genre d'affaire en main, puisque n'importe quel tribunal jugerait l'affaire en ma faveur, et ça, elle le sait très bien.

Elle dit aussi, qu'elle veut mon propre «déterminisme»; c'est à dire, qu'elle entend bien faire en sorte que je sente que je n'ai pas le choix de payer ou pas, si je veux sauver mon âme. Elle ajoute que la survie de Scientologie n'est pas à risque. Ici, il faut savoir que la Scientologie à un code d'éthique très mécanique, avec une échelle de valeurs. «Risque» est une valeur très basse sur leur échelle.

Elle me dit aussi, que si je ne suis pas Clair, je ne puis «confronter» d'être responsable de l'overt de retenir l'argent qu'elle estime appartenir à son organisation. Ici, je pourrais lui répondre que je m'en fous littéralement, puisque pour moi, il n'y a aucun péché à éviter la stupidité.

Le reste, c'est une question de technique à la Ron. Si je fais du «outflow», il me reviendra nécessairement du «inflow»; donc si je paie, je serai plus riche sans savoir pourquoi; c'est une promesse de Ron, basée sur sa connaissance de la thermodynamique.

Il y a aussi ce GPM à vaincre. Un GPM, c'est un «Goal Problem Mass». C'est une «masse mentale» qui m'empêche de voir que le seul but de ma vie est d'être un scientologue. C'est très méchant quand on a ça, c'est la méchante chose qui m'empêche d'être un bon petit pantin qui paierait sans se soucier de rien de plus.

La lettre finit par la preuve de sa grandeur d'âme à mon égard; elle croit m'aider en me brandissant l'impératif paie!

Je n'en ferai rien, c'est bien entendu, mais si jamais j'obtempérais, ce serait le début d'une autre technique de récupération d'ancien membre, afin de me remettre dans le «droit chemin». J'en ai vu d'autres se faire manoeuvrer de la sorte, je ne suis pas candidat.

Elle se permet de signer avec amitié. Je retiens de ça que son amitié pour moi se mesure à l'épaisseur de mon porte-feuille et de ma crédulité qui pourrait éventuellement le vider vers son organisation sangsue.

J'allais passer sous silence, ce passage qui pourra paraître bizarre au lecteur; celui où elle parle des «longues billion d'années». Il s'agit-là d'une forme de pensée magique greffée à l'idée de la réincarnation. Un bon scientologue va revenir sur la planète pendant des milliards d'années, en bonne condition d'existence s'il fait partie de la Scientologie, mais en mauvaise s'il n'y participe pas. Et pour ma part, la situation est d'autant critique que j'ai vu un jour la lumière, et que je l'ai refusée. Je suis donc un excommunié de la pire espèce; et mes propres enfants sont conditionnés à renier mon existence tant et aussi longtemps que je ne demanderai pas le pardon de mes égarements.

* * *


Annexe II

En conjecture : «VOUS»
 
 

Tous les scientologues furent d'abord des gens ordinaires, à la recherche d'amélioration personnelle. Tous les jours des gens de bonne foi se font attraper, et ce ne sont pas nécessairement des imbéciles. Cela pourrait arriver à n'importe qui.

C'est pourquoi, je propose au lecteur de suivre l'évolution d'un scientologue moyen avec un personnage hypothétique, un portrait robot, que j'appellerai - «Vous!».

Attention : il ne s'agit pas de mon cheminement personnel en Scientologie, même si j'ai moi-même subi à peu près les mêmes pressions que le «Vous» en question. Il s'agit d'un cheminement général que chaque scientologue est susceptible de parcourir, à quelques détails près. Les détails rapportés ici ont été vécus par différents adeptes que j'ai rencontré et je garantis qu'ils sont tous authentiques pour surprenant que cela puisse paraître.

Le scénario se déroule presque toujours comme suit : vous venez d'être recruté dans la rue afin de remplir un test de personnalité gratuit. Ou encore, vous avez trouvé dans votre boîte aux lettres une copie du questionnaire avec invitation à y répondre et le retourner au Centre dianétique pour évaluation gratuite. Ou encore, une vieille connaissance vous relance pour vous inviter à une conférence extraordinaire au sujet de la santé mentale, après quoi vous êtes invité à remplir un test de personnalité. Le but est de vous amener dans la boutique et vous faire rencontrer un redge qui saura vous convaincre que vous avez besoin de la Scientologie.

Le spécialiste qui vous a donné les résultats vous a fait découvrir ce qui ruine votre vie. Vous êtes touché en plein dans le bobo. Il vous laisse poiroter un moment, jusqu'à ce que vous lui demandiez quoi faire avec cela. Tout bonnement, votre examinateur se transforme en conseiller et vole à votre secours. Il a ce qu'il vous faut pour régler le problème.

Remarquez que vous amener à vous poser la question sur ce que vous pourriez faire pour améliorer votre sort, fait partie intégrante de la technique de votre examinateur. Ainsi, vous avez l'impression que c'est vous qui demandez de l'aide, et non lui qui vous pousse dans l'affaire. Son but est de vous amener à demander de l'aide. Ils appellent cette étape amener le client à «besoin de changement».

Donc, vous avez besoin de changement, et votre examinateur vous dit que beaucoup de choses peuvent être faites pour un cas comme le vôtre; il va vous nommer une foule de chose qui se fait et que vous ne pouvez accepter, pour finalement vous décrire ce que lui a fait pour son propre cas, qui, par le plus grand des hasards, ressemblait beaucoup au vôtre. Il sera sympathique comme jamais personne ne l'a été avec vous. Il vous comprendra comme jamais auparavant vous n'avez été compris. Selon son expérience, il vous classera dans l'une ou l'autre catégorie : ou vous avez besoin d'audition dianétique, ou vous avez besoin d'un cours de base qui vous aidera à résoudre votre problème.

Si vous vous qualifiez, c'est-à-dire, si vous avez 300 $, il vous proposera un forfait de 20 heures d'audition dianétique. Sinon, il vous offrira un cours de base, selon votre qualification; entre 20 $ et 90 $. À noter que vous qualifiez quand vous avez l'argent pour payer; c'est le seul critère de sélection, mais jamais on ne vous le dira.

Disons que vous êtes qualifié pour un cours de base. On vous introduit dans l'académie, où un certain nombre de personnes sont à l'étude. Vous êtes présenté à l'assistance qui applaudit à votre sage décision. Vous vous retrouvez dans un milieu très sympathique. Il n'y a pas de professeur dans l'académie, mais un superviseur de cours. Ce dernier vous trouvera un «jumeau», un autre élève qui a acheté le même cours que vous, et avec qui vous devrez étudier vos matériaux.

Pendant les pauses, vous écoutez les adeptes se raconter comment l'application des techniques de Ron a apporté des changements favorables dans leur vie quotidienne, et vous êtes un peu sceptique devant tant d'enthousiasme. Ils appellent ça des gains.

Vous lisez les textes de votre cours écrit par Ron, et vous démontrez à votre jumeau ce que vous en avez compris. Pour ce faire, vous disposez d'un «démo kit», qui est en sorte une panoplie de petits objets auxquels vous identifierez les différentes composantes du texte à étudier pour démontrer votre compréhension. Quand votre jumeau est certain que vous avez compris la parole de Ron, il en avertit le superviseur qui vérifiera à son tour votre connaissance. Si vous échouez, vous reprenez votre texte, et si vous passez, vous poursuivez.

Les jumeaux sont responsables de leur apprentissage mutuel. Ainsi, vous avez avantage à être jumelé avec quelqu'un qui a à peu près votre rapidité d'esprit, et c'est aussi l'avantage du superviseur, sinon, il risque fort de perdre un client, ou même les deux.

Ainsi, on vous initie à une méthode d'apprentissage ultra efficace, et qui deviendra, dans l'académie des initiés, une formidable méthode de lavage de cerveau.

Dans l'académie des débutants, la photo de Ron occupe la place d'honneur, mais personne n'y fait réellement attention. Elle est là comme pour vous acclimater à l'omniprésence de cette image. Quand vous levez la tête de votre cahier, vous l'avez sous les yeux et ce, quelque soit la direction où vous dirigiez votre regard. Il y en a sur tous les murs. Au début, ça vous agace un peu, mais à la longue, vous vous y faites. Ça vous entre dans le cerveau sans en avoir l'air, à votre insu. Vous êtes déjà sous le regard du dieu L. Ron Hubbard.

Vous venez de terminer votre premier cours. On annonce en grande primeur votre promotion dans l'académie, et vous êtes applaudi à chaudes mains. Vous êtes très fier de vous. Avant de quitter la salle, le superviseur vous signale que votre redge veut vous rencontrer, question de voir si le cours que vous avez suivi a rapporté ce que vous en attendiez. Comme vous avez encore les oreilles pleines des applaudissements que vous vous êtes mérités par votre succès en académie, vous lui témoignez beaucoup d'enthousiasme. Il vous invite alors à refaire le test de personnalité, afin que vous puissiez mesurer «scientifiquement» votre progrès.

Vous vous prêtez de bonne grâce à ce petit jeu; vous allez lui en faire voir à ce redge. Puis, c'est la lecture de votre test. Bien sûr, il y a eu amélioration de votre personnalité, mais il reste des zones qui on besoin d'être maniées. Et si vous ne le faites pas, vous passerez à côté de la seule chance de votre vie de combler vos lacunes. Vous vous devez à vous-même de prendre le cours qu'il vous conseille; après tout, n'êtes-vous pas le meilleur ami que vous ayez sur la Terre? Refuseriez-vous à un ami l'aide dont il aurait besoin? Non? Alors, ne vous la refusez pas.

Vous vous laissez donc influencer par ces belles paroles, et vous revoilà de retour dans l'académie. Maintenant, vous faites partie des heureux bénéficiaires des techniques de Ron. Vous devenez de plus en plus familier avec la technique d'étude de la Scientologie. Vous aidez les nouveaux à l'acquérir tout à fait gratuitement, ce que d'autres ont fait pour vous à vos débuts. Maintenant, l'image de Ron sur les murs vous sourit et vous sécurise de plus en plus. Quel génie ce Ron! Merci Ron d'être là!

Pendant les pauses, vous parlez abondamment des bienfaits de la Scientologie dans votre vie personnelle, à la maison, au travail, et vous vous pavanez d'aise devant les nouveaux qui sont encore un peu sceptiques. C'est le jeu de : «T'aurais dû me voir hier, toi!» Votre ami le redge (bien entendu, il est devenu le meilleur ami que vous avez sur Terre) viendra même vous chercher dans l'académie, pour que vous témoigniez de vos progrès au bénéfice d'un «prospect» difficile à convaincre.

Comme vous aurez l'impression très nette de devenir de plus en plus maître de votre vie, vous deviendrez plus avide d'augmenter vos connaissances. En même temps, les biens terrestres vous paraîtront de plus en plus dérisoires; votre femme et vos enfants deviendront des «wogs» s'ils ne veulent pas vous suivre dans cette folie. Un wog, dans le langage de Scientologie, est un «worthy occidental gentleman», ce qui voulait dire, pour Ron, quelqu'un qui ne fait jamais rien pour améliorer sont sort; ironiquement, un «bon gars».

Avant même que votre second cours soit terminé, poussé par votre redge qui est désormais votre seul ami véritable, vous aurez signé pour un autre cours tout à fait indispensable pour votre amélioration personnelle.

Entre temps, on vous aura accordé une séance de deux heures d'audition dianétique gratuitement, afin de vous mettre l'eau à la bouche. Sans vous permettre de toucher le fond de vos problèmes, ces deux heures de thérapie auront suffit pour vous faire comprendre qu'il y a là un moyen terriblement efficace pour vous débarrasser de vos vieilles bibittes mentales. On vous vendra donc, pour 300 $, un forfait d'audition de 20 heures, que vous ferez alterner avec vos séances de cours.

Si votre auditeur est habile, il aura tôt fait de vous faire régresser, toute conscience ouverte, dans des souvenirs que vous croyiez avoir oubliés depuis longtemps. Vous aurez vite compris que la plupart de vos problèmes de vie vous viennent de ce que Ron a appelé des engrammes. Vous rêverez alors du jour où tous vos engrammes auront été mis en lumière, étape cruciale où vous serez devenu clair. À partir de ce moment, toutes vos énergies seront consacrées à atteindre cet état supérieur.

Dès lors, c'en est fini pour vous de la dianétique et des cours de base. Vous êtes accroché. Votre meilleur ami, le redge, vous dira alors qu'avec la dianétique «Book One», qui n'est en fait que la technique expérimentale qui a permis à Ron de développer la Scientologie, il vous faudrait des centaines, voir des milliers d'heures de thérapie pour atteindre l'état de clair. Mais grâce à la Scientologie, fruit des plus récentes recherches du fondateur, vous pouvez atteindre l'état de clair en un rien de temps.

À partir de là, si vous marchez encore dans la combine, vous aurez probablement toute votre famille à dos. Vos frères et vos soeurs feront tout ce qu'ils peuvent pour vous faire entendre raison, rien à faire; ils ne savent pas, ils ne comprennent pas. Un jour ou l'autre, ils finiront bien par voir la lumière à leur tour.

Vous ne vous en faites pas trop; vous savez qu'un jour ou l'autre, tout le monde sera scientologue. C'est la seule voie de salut sur cette Terre. Vous le savez maintenant. Vous commencez à être reconnaissant à Ron, et vous êtes mûr pour passer à l'académie des gens les plus avancés. Et rendu là, à la fin des séances d'étude, vous serez du nombre de ceux qui font religieusement le salut de remerciement à la photo de Ron, le coeur plein d'admiration pour votre sauveur.

Votre redge vous aura dit que vous devez maintenant purifier votre corps. Il vous dira que vous êtes un sacré chanceux, parce qu'il y a maintenant un rabais extraordinaire sur le prix du parcours de purification; le purif pour les initiés. Le purif est une sorte de cure au sauna, aux vitamines et à l'exercice physique. Sa durée moyenne est de deux semaines, mais il se peut que vous le réussissiez en une semaine ou en six mois; cela dépendra de vous. De toute façon, c'est le même prix. Normalement, il en coûte 3 850 $, mais il y a présentement un prix spécial, pour les gens de haut niveau comme vous; vous l'aurez pour la modique somme de 1925 $. Quelle chance vous avez! vous dira votre redge; lui, il a dû payer le plein montant pour cette étape cruciale sur le Pont de la liberté totale.

Vous voilà donc dans le sauna, quatre heures par jour, bourré de vitamines qui vous rendent radicalement malade, mais vous vous faites dire que c'est le méchant qui se manifeste avant de vous quitter définitivement. On a raison de vous dire ça, puisque Ron l'a écrit; vous ne le croyez pas? On vous montre le texte et on vous le fait lire jusqu'à ce que vous en soyez convaincu.

À un certain moment, votre corps s'habitue à ce régime; c'est extra-ordinaire comme un corps humain peut s'habituer à n'importe quoi, vous vous dites qu'enfin, vous êtes sur le point d'atteindre le phénomène final : à chaque étape du Pont, le client doit atteindre le phénomène final pour être reçu. On vous passe à l'électromètre pour être sûr que vous ne mentez pas, et on vous force à faire une ou deux journées de plus dans le sauna, afin de s'assurer que vous ne jouez pas le jeu de la personne qui va mieux pour vous tirer d'une situation intolérable.

Quand vous sortez de cette pénible étape, vous êtes tellement content que vous croyez avoir un corps neuf. Les bienfaits du purif ressemblent drôlement à ceux des souliers trop petits : ça fait tellement de bien quand on les enlève.

Vous faites votre entrée à l'académie nø 2, et vous vous apercevez que le régime est très différent. On ne parle à personne de ce qu'on étudie. Vous vous ennuierez un peu de ne pas pouvoir parler à vos confrères d'étude des choses merveilleuses que vous venez d'apprendre. Au début, vous aurez tenté de le faire, mais vous vous êtes sévèrement fait avertir qu'il ne fallait pas, car vous risquez de citer Ron de travers, sans être capable de retrouver où vous avez pris la référence. Il y aurait risque, alors que la parole de Ron soit dégradée, ce qui serait un crime impardonnable, un terrible «overt». Nul n'a le droit de dégrader la sainte parole de Ron. Donc, pas de conversation sur ce que vous êtes en train d'étudier, au risque d'être expulsé de l'académie.

Entre temps, l'état de vos finances se sera détérioré à un point tel qu'aucune institution prêteuse ne voudra plus vous faire crédit. Vous vous tournerez alors vers votre parenté ou vos anciens amis, tous ces gens qui ont perdu tout importance à vos yeux, sauf pour vous prêter de l'argent afin que vous puissiez poursuivre votre chemin vers la perfection promise par Ron. Vous aurez de la difficulté à les faire fléchir, puisque les changements d'attitudes que vous affichez dans la vie n'ont rien qu'on pourrait qualifier de souhaitable pour le commun des mortels.

Si vous avez une maison, c'est le moment rêvé de la vendre. D'ailleurs, votre redge vous trouvera un ami-scientologue-agent- d'immeuble qui se fera un plaisir de vous rendre ce service. Le prix que vous en retirerez n'aura aucune importance. Il vous faut de l'argent et vite, parce que les prix des services de Scientologie grimpent de 10 % par mois. (L'inflation galope vite en Scientologie, mais périodiquement, ils ramènent leur prix au plus bas pour recommencer l'escalade de plus belles.) Ce qu'il vous faut c'est du comptant pour poursuivre votre chemin sur le Pont, et qu'importe que votre famille se retrouve à la rue.

Votre super-agent-d'immeuble-scientologue vous trouvera vite un client de ses amis qui sera prêt à acheter votre maison, à rabais bien sûr, vous savez comment les choses sont difficiles de nos jours, il vous rendra donc ce service parce que c'est vous et personne d'autre.

Vous en viendrez donc à considérer que vous devez cacher la vérité à vos proches pour leur soutirer de l'argent. Vous leur servirez des «vérités acceptables», poussé en cela par votre ami le redge. Le redge ne le fera jamais à votre place, mais il vous donne un tas de bons tuyaux que vous n'auriez jamais pu imaginer vous-même. Le salut coûte cher chez les scientologues et il vous faut de l'argent à tout prix. Vous prétexterez donc l'achat d'une voiture ou d'un mobilier neuf pour votre salon, afin d'obtenir que votre créancier vous fasse crédit.

Dans votre fort intérieur, vous êtes convaincu que grâce aux nouveaux pouvoirs que vous aurez acquis par la Scientologie, vous pourrez remettre la somme dans un rien de temps. Vous en êtes sûr, puisque votre redge l'affirme en vous donnant un tas d'exemple, et même des témoignages. En étant convaincu, vous servirez cette salade à votre créancier avec tellement de conviction qu'il finira par céder.

Si vous ne trouvez personne pour croire vos histoires, vous irez acheter une voiture à crédit, vous la revendrez un ou deux mois plus tard, à rabais bien sûr, afin d'avoir l'argent liquide nécessaire pour vous payer votre lavage de cerveau. On est si bien, quand on a le cerveau propre!

Vous êtes maintenant dans l'académie des " professionnels". Vous faites d'abord le «Chapeau de l'étudiant»; ce cours vous permettra de savoir réellement comment étudier. Avec ça, vous serez apte à vous laisser emplir en faisant taire tout esprit critique en vous. Normalement, ce cours est gratuit pour ceux qui ont payé le Pont par la technique d'étude. (Le Pont est le cheminement pour atteindre la «liberté totale»; vous pouvez le parcourir en étudiant pour 18 000 $ ou comme client pour environ 50 000 $.)

C'est à la fin du chapeau de l'étudiant que vous aurez le privilège d'apprendre pour la première fois la fameuse lettre de règlement intitulée «Pour que la Scientologie continue à fonctionner.» À la première lecture de ce texte, vous tomberez en bas de votre chaise, mais après, vous constaterez qu'on s'y fait très bien.

Si vous êtes fortuné et que vous n'avez pas le temps d»'étudier, vous choisirez l'audition de Scientologie. On vous installe dans un fauteuil avec les deux cannes d'un électromètre dans les mains, et on vous lit des listes de questions préparées par Ron. L'opérateur enregistre la réaction de l'aiguille de l'électromètre sans même que vous n'ayez à dire un mot. Selon les réactions de l'aiguille, on change les listes de questions, jusqu'à ce qu'on en ait trouvé une qui vous fasse titiller.

Les listes sont faites par le fondateur, bien sûr, étant donné qu'il n'y a qu'une seule intelligence en Scientologie, et il se trouve que c'est celle de Ron. Dans ces hautes sphères technologiques, seul le maître sait quoi poser comme question. Et comme il a tout écrit et qu'il n'y a que ce qu'il a écrit de vrai, inutile de penser que l'auditeur pourrait vous poser des questions plus intelligentes que celles qu'il a sur sa liste.

Grâce à ce procédé, le miracle doit se produire; vous deviendrez clair. Pour moi, et pour une foule d'autre, ça n'a pas marché, mais semble-t-il que mon cas était quelque chose de particulièrement difficile à manier et que je manquais d'argent, c'est-à-dire que je ne qualifiais pas.

Mais comme vous n'êtes pas très riche, vous décidez d'aborder le Pont par l'étude. Vous deviendrez clair en étudiant pour être auditeur de Scientologie. Le coût est minime, par rapport à l'autre voie. À peine 18 000 $, si vous êtes éligible à la bourse à laquelle tous les étudiants à cette étape sont éligibles.

Au moment où il vous fera signer votre contrat d'étudiant, votre meilleur ami, le redge, oubliera très malencontreusement de vous signaler que le 18 000 $ ne couvre que les frais de cours. Comment n'aviez-vous pas deviné que vous deviez vous procurer un électromètre et des volumes pour une somme supplémentaire de près de 6 000 $ ? Où aviez-vous donc la tête? Croyez-vous que ces choses-là se paient toutes seules. Vous venez d'apprendre qu'à cause de votre étourderie, vous ne pouvez pas commencer vos études immédiatement. Il y a une loi dans l'académie qui dit que tout étudiant doit être muni de son propre matériel didactique pour être admis.

Il vous reste donc à taper un ami éloigné pour obtenir la dérisoire somme de 6 000 $. Comme cet ami vous avait connu prospère, au moment où vous meniez votre vie avec succès, et de plus, vous voyant pleinement sûr de vous, il fera l'erreur de vous avancer la somme, avec promesse de gros intérêts. Sa surprise sera grande, quand viendra le temps d'être remboursé, mais rien de tout ça ne vous préoccupe. Ce connard s'est fourré dans de mauvais draps en vous prêtant cet argent et vous n'y êtes pour rien. S'il menace de vous poursuive en justice, vous le classerez comme un ennemi de la Scientologie, un SP, et votre conscience sera ainsi sans tache. Vous travaillez maintenant à sauver le monde, et ce monde ingrat ne veut même pas s'en apercevoir.

C'est à partir de là que vous commencerez à souffrir de persécution. Tout le monde en veut aux scientologues, c'est bien connu. Ce monde a tué tous ses sauveurs avant vous, vous êtes persuadé qu'il fera de même avec vous, puisque vous êtes passé du côté des sauveurs.

Vous vous surprenez à rêver d'un monde qui tournerait selon les principes de Ron. Passe alors un vendeur qui fait la promotion du Free-Winds, le bateau de la Scientologie. Il vous raconte qu'il n'y a qu'un seul endroit au monde, où la vie se vit intégralement selon les principes de la Scientologie. Il vous vend donc une croisière d'une semaine sur le bateau, pour la modique somme de 1 600 $. Il omet bien involontairement de vous dire que le billet d'avion pour rejoindre le bateau dans les mers du Sud n'est pas compris dans ce prix, mais vous comprenez bien qu'il ne pouvait pas y penser à votre place, même si, comme votre redge, il est votre meilleur ami; d'ailleurs, ne sont-ils pas des amis très sincères l'un pour l'autre?

Le vendeur est compréhensif; il vous a fait signer un chèque sans fonds, mais il ne l'encaissera pas tant que vous ne lui en donnerez la permission. Le chèque est daté pour dans quinze jours, ce qui vous donne tout le temps pour localiser et taper un ancien ami que vous n'avez pas revu depuis votre transformation, ou votre salut, si vous préférez.

Votre super-dynamisme vous permet d'atteindre votre but, et vous voilà prêt à partir pour le Free-Winds, où vous pourrez enfin vivre selon le monde merveilleux du dieu Hubbard. Vous n'avez pas encore abandonné votre travail dans le «wog» (à noter que wog s'emploie autant pour qualifier la vie des gens ordinaires que les gens qui la vivent) et vous avez besoin d'une semaine de vacances. Vous en parlez à votre patron qui ne peut pas vous laisser partir à si courte échéance; il menace de vous mettre à la porte si vous y allez, car c'est le temps de l'année où il a le plus besoin de vous. Votre départ en une période si stratégique met en risque son entreprise, et comme il remarque que depuis quelque temps, votre rendement au travail diminue graduellement, il songe très sérieusement à se séparer de vous.

Votre paranoïa de scientologue vient confirmer que vous êtes persécuté, que votre patron est un ennemi de la Scientologie, un SP. Vous quittez son bureau en claquant la porte, avec la conviction très nette qu'en le quittant, vous le privez du meilleur employé qu'il n'a jamais eu sous la main. Ça lui montrera...

Pas question d'amener votre femme sur le Free-Winds; elle n'y comprendrait rien. D'ailleurs, depuis la vente de votre maison, elle vous fait la gueule; quelle SP! Vous aimez autant ne plus la voir. Tous les soirs après votre travail, vous vous rendez à vos cours et vous y passez toutes vos soirées et vos fins de semaine.

De plus, elle a son travail, votre femme, et il faut bien qu'elle s'occupe des enfants; c'est son rôle, Ron l'a écrit. Une femme qui dérange son homme alors qu'il est en train de sauver le monde est une SP, tous les scientologues savent ça.

Sur le Free-Winds, vous êtes reçu comme un prince. C'est la vie de rêve. Bien sûr, il y a bien de temps à autre quelques uns des serviteurs qui se font engueuler, mais quoi de plus normal que les esclaves soient remis à leurs places périodiquement? Il ne vous vient même pas à l'idée que ces pauvres bougres, qui bossent pour vous assurer tout le confort dont vous jouissez ne sont pas payés, qu'ils travaillent comme des forçats et qu'en plus, ils sont forcés de vous sourire afin que vous gardiez l'illusion que vous vivez enfin dans l'utopie que sera l'univers quand la Scientologie aura conquis la Terre.

Vous revenez chez vous pour vous rendre compte qu'il n'y a plus personne. Votre femme s'est offert un logis en conformité avec son budget, et elle a apporté avec elle tous les meubles pouvant lui être utiles, vous laissant seulement un petit mot d'adieu et une ou deux vieilles chaises que vous négligiez de réparer depuis votre adhésion à la Scientologie.

Vous vous dites : «Bon débarras, je vais enfin pouvoir monter mon Pont sans avoir à lutter contre cette maudite SP.» Vous avez une pensée tendre pour vos enfants et vous vous dites que quand ce sera possible, vous viendrez les chercher pour les mener dans la lumière de la Scientologie, mais maintenant, il ne vous sert à rien de vous apitoyer sur leur sort. Vous avez la vérité, et quand le temps viendra, vous la ferez éclater au grand jour.

Vous abandonnez votre logis sans laisser d'adresse, puisque vous devez déjà trois mois de loyer et pas d'argent pour payer. Tant pis pour ce SP de propriétaire; encore un autre qui met des bois dans les roues de la Scientologie. Un collègue de l'académie vous héberge chez lui, de toute façon, vous n'êtes jamais à la maison. Il vous suffit d'un grabat dans un coin de chambre, et une douche pour vous laver de temps à autre, quand vous y pensez, ou quand on vous dit qu'il serait temps que vous y songiez, à cause de l'odeur.

Vous êtes maintenant sans travail; ce n'est pas grave, de toute façon il s'agissait d'un travail stupide et vous n'auriez pas de difficulté à en trouver un meilleur, plus conforme à vos nouvelles aptitudes. Question argent, ce n'est pas un problème, puisque vous retirez votre fond de pension et que vous avez largement d'argent pour tenir encore pendant six mois, grâce au régime frugal que vous vivez.

Dans l'académie, vous avez maintenant terminé le «Chapeau de l'étudiant» et vous êtes prêt à commencer les «Pro TRs» (professional training routines) : il s'agit d'un cours qui doit amener l'adepte à être capable de voir se dérouler devant ses yeux les pires catastrophes sans se sentir dérangé. À ce propos, Ron écrivait :«Vous devez être capable de voir Rome brûler sans même sourciller.» Maintenant que vous maîtrisez la tech d'étude, vous êtes prêt à commencer sérieusement votre apprentissage. Et rien de mieux que les «Pro TRs» pour faire de vous un maître du monde. D'ailleurs, la publicité pour cette étape ne montre-t-elle pas un petit bonhomme en pâte à modeler assis sur un globe terrestre?

Depuis déjà quelques mois, le recruteur de la Sea Org a l'oeil sur vous. Il vient de Toronto à tous les mois pour recruter de nouveaux membres, et vous êtes sur sa liste depuis un bout de temps. Il a d'abord commencé par semer l'idée que vous êtes le candidat idéal, que vous ferez merveille dans la Sea Org et que vous y serez à votre place, puisque dans la Sea Org, on est comme si on était OT III (OT III est l'étape sur le Pont vers la liberté totale où vous êtes en totale affinité avec vos semblables et votre environnement, selon Ron). Bien entendu, vous avez beaucoup d'importance pour lui. Il est devenu votre ami, au même titre que votre redge, pour qui il est également un très grand ami.

À part votre vie, il n'y a plus grand chose à prendre de vous. Par contre, il y a votre vie, et c'est encore une richesse qui peut être utile à la Scientologie. De plus, vos créanciers vous cernent de plus en plus près. Vous avez intérêt à disparaître de la circulation; vous recevez des lettres qui menacent de vous poursuivre en justice, et la fuite dans la Sea Org vous semble le salut inespéré qui vous sourit le plus.

Quand le recruteur de la Sea Org veut savoir si vous avez des dettes, vous lui répondez par la négative, puisque vous considérez désormais vos créanciers comme des persécuteurs qui n'ont pas raison de réclamer leur dû. Vous empruntez donc le montant du billet d'autobus à un scientologue un peu demeuré qui ne sait pas encore qu'on ne prête même pas un sou à un autre scientologue, sous peine de n'être jamais remboursé, et vous voilà parti pour la plus grande aventure de votre vie. Vous vous dites heureux de ne pas avoir accepté de vous joindre au personnel de l'Église locale, puisque vous seriez forcé de vous trouver un remplaçant sur votre poste avant d'avoir la permission de partir.

Dès votre arrivée à l'organisation de Toronto, on vous annonce que vous faites partie de l'EPF, pour Estate Project Force, et on vous met au travail. Vous êtes en quelque sorte en noviciat. On s'occupera de vous désigner une couchette quand le temps sera venu, après votre journée de travail qui se terminera vers 23 h.

On vous explique sommairement que pour être admis dans la Sea Org, vous avez un certain nombre d'épreuves à subir. D'abord, vous devez prouver que vous êtes capable de manier du mest ( Matière, Énergie, eSpace, Temps.) On qualifie de mest, tout ce qui est composé des quatre ingrédients entre parenthèses. Ensuite, vous avez un certain nombre de cours à suivre et surtout à passer avec succès avant d'être un membre régulier de la Sea Org.

Ces cours sont bien entendu une suite au lavage de cerveau que vous devrez payer gros prix, si jamais vous quittez la Sea Org. Vous vous retrouverez alors avec un compte qui va chercher dans les un à deux mille dollars si tout va bien; beaucoup plus si vous avez des difficultés d'apprentissage. Le EPF peut durer de deux semaines à six mois, selon la dureté de la crasse qui encombre votre cerveau.

Pendant ce stage d'initiation, vous aurez le plaisir de vous arracher l'âme à travailler comme un esclave à laver les planchers, les toilettes, la vaisselle, charrier les repas de la cuisine qui se situe à une demi-heure de métro de l'édifice de l'organisation, et ce, de plus en plus rapidement pour prouver que vous pouvez vous améliorer.

Votre recruteur vous avait fait miroiter que vous seriez à l'étude, logé, nourri et habillé pour les deux prochaines années. Après votre noviciat, vous aurez la surprise de constater que ce n'est pas comme ça que les choses se passent. Vous pourrez, un jour ou l'autre, devenir auditeur, si vous faites bien votre travail, mais en attendant, vous devez prouver que vous pouvez accomplir toutes les tâches qu'on jugera bon de vous confier quelle qu'en soit la stupidité.

Vous vous dites qu'il y a tellement à faire, qu'ils ont parfaitement raison, et vous embarquez dans la galère sans trop vous rendre compte dans quoi vous vous enlisez.

Pour ce qui est de la nourriture et du logis, vous vous rendrez vite compte que votre chien était beaucoup mieux traité que vous ne l'êtes.

Vous constatez qu'il y a des scientologues qui ont amené leurs enfants avec eux dans la grande aventure. Quand vous allez chercher le dîner, à la cuisine de l'Org, vous les voyez, vivant comme des petites bêtes à l'abandon. Ils n'ont pas l'air malheureux; les enfants ont une très grande capacité d'adaptation. Cependant, vous pensez aux vôtres, restés avec votre femme, et vous vous dites que jamais vous ne voudriez les voir dans un état aussi déplorable. Ces enfants sont sales et mal habillés. Ils s'envoient des noms par la tête, teintés des termes de Scientologie : «PTS! SP!» Ah! Les braves petits! Ils sont déjà dans le moule.

Puis, vous apprenez qu'il sera désormais interdit d'avoir des enfants, si vous êtes un membre de la Sea Org cantonné à Toronto. Tout cela vous laisse songeur, mais vous finissez par vous dire que ce ne sont pas vos oignons et vous vous efforcez de ne pas y penser.

* * *

Si vous avez mal aux dents, c'est que vous avez commis des crimes ou des actes néfastes contre la Scientologie. Vous avez donc intérêt à taire vos petits malaises physiques, sinon, vous risquez de passer à la cours d'éthique.

Puis, il y a réunion de tous les effectifs disponibles, deux fois par jour. Au cours de ces réunions, vous apprendrez que la Scientologie est en train de gagner la planète. Sauf que si vous avez la curiosité d'aller vérifier les statistiques de production, vous verrez qu'elles sont toutes à la baisse.

Vous portez maintenant l'uniforme de marine de la Sea Org. Vous êtes quelqu'un. Vous avez des souliers à semelles de cuir qui font un bruit d'enfer partout où vous passez, afin de vous faire reconnaître comme quelqu'un de fort, d'important, sinon aux yeux des autres, du moins aux vôtres.

Vous aurez de la chance si vous réussissez à faire reconnaître votre production par vos supérieurs, vous ferez la triste découverte que vous ne faites jamais assez ni assez bien. De plus, attendez-vous à être manié à coup de 8C. Le 8C est une technique d'engueulade, mise au point par Ron pour réveiller les paresseux, qui consiste à leur crier après jusqu'à ce qu'ils disent avoir compris.

Vous serez un peu agacé par les «security check» à l'électromètre que vous devrez subir à tout moment, mais vous comprendrez vite qu'ils sont absolument nécessaires, parce que des espions peuvent se glisser à tout moment dans l'organisation. Le monde est tellement méchant, et il y a tellement de gens qui veulent détruire la Scientologie. Si vous n'avez rien à vous reprocher, vous n'avez donc rien à craindre.

Vous vous rendrez vite compte qu'il y a des classes, dans ce ciel en puissance qu'est la Scientologie. Les grosses huiles ont droit à tous les égards, mais si vous êtes un simple membre de l'équipage, alors là, c'est au plus fort la poche. Les grosses huiles ont des couteaux et des fourchettes pour tout le monde. Les petites doivent se battre entre elles pour en avoir. Pour les grosses huiles, la table est mise dans un coin tranquille, le mess des officiers; pour les petites, vous devez manger parmi une foule grouillante et déchaînée, qui ne manquera pas une occasion de vous jouer de sales tours, comme de vider la salière dans votre unique potage, vous forçant à retourner au boulot sans avoir mangé, ou si votre estomac est capable de le supporter, avaler votre soupe et risquer d'en être malade.

Vous devrez être constamment sur vos gardes; il y aura toujours quelqu'un qui sera prêt à vous couillonner si vous lui en laissez la chance. Vous saisirez alors la signification des paroles de Ron, quand il disait qu'«il faut être des tigres, et que même ceux là en voient de toutes les couleurs».

Il y aura toujours le risque que quelqu'un fasse un rapport contre vous; cela vous tombera dessus pour vous emmerder au moment où vous vous y attendrez le moins, et vous devrez vous débrouiller pour faire entendre votre point de vue en cour d'éthique.

Si vous faites une gaffe terrible ou une étourderie impardonnable, comme abandonner votre poste parce que votre mère est mourante et que vous voulez vous rendre à son chevet, on vous placera, à votre retour, dans le corps spécial de réhabilitation. Vous serez alors membre du Rehabilitation Project Force (RPF). Quand vous en êtes là, vous avez perdu toute valeur humaine. Vous êtes moins qu'un chien, et n'importe qui dans l'organisation a le droit de vous traiter comme de la merde et même, de vous cracher dessus sans s'excuser.

Vous devez alors vous soustraire aux yeux des galonnés; ils ne supporteraient pas de vous voir. Vous êtes donc forcé de travailler la nuit, à des besognes sales et astreignantes. Par contre, vous devez continuer de vous soumettre au lavage de cerveau, en passant cinq heures par jour dans l'académie; le seul endroit où vous êtes considéré comme appartenant encore à l'humanité, et encore, si vous ouvrez les yeux, vous vous rendrez compte que vous n'êtes qu'un cerveau à laver parmi ceux qui sont là.

Il peut s'écouler quelques années et vous serez toujours dans le RPF. Quand vous êtes dans le RPF, vous êtes un criminel en quête de son pardon. Vous ne vous plaignez pas, puisque vous êtes encore mieux qu'un «wog» aux yeux de Ron. Un jour ou l'autre, vous savez que vous serez pardonné, si vous faites bien vos tâches et que quelqu'un finisse par se demander pourquoi vous aviez été soumis à une punition si sévère.

Mais ces choses-là ne risquent pas de vous arriver à vous; vous êtes un bon scientologue, et que votre mère meurt seule, c'est le cadet de vos soucis. Elle n'avait qu'à ne pas commettre de crime. Vous êtes en train de sauver le monde, et ce n'est pas un petit détail de ce genre qui va vous distraire.

Dans la Sea Org, vous ne serez plus appelé par votre nom, mais plutôt par le nom de votre poste. Vous trouverez étrange, au début, d'entendre une bonne femme appeler sa subalterne «cuty». -- Cuty par-ci, cuty par-là, vous vous demanderez même si le lesbianisme est permis dans l'organisation. Même si la fille en question est bien «cute», vous vous dites que ce n'est pas une raison pour que sa patronne affiche ses tendances sexuelles de la sorte. Puis, vous apprendrez qu'elle ne dit pas cuty, mais KOT (les lettres sont prononcées à l'anglaise), qui veut dire Keeper of Tech; c'est son poste, dans la hiérarchie hubbardienne.

Un de ces jours, plus rien ne va pour vous dans l'organisation. Vous voulez partir. Vous avez deux voies de sortie disponibles : ou vous quittez sans demander votre compte, sans tambour ni trompette, ou vous sortez avec toutes les honneurs de la guerre.

Si vous choisissez la première alternative, c'en est fini pour vous. On vous place dans la «dead file» et vous n'existez plus pour la Scientologie. On tentera bien de vous récupérer périodiquement, en essayant de vous faire peur avec le danger d'être hors de l'Église. On vous enverra le compte de vos dettes envers la Scientologie, mais on vous envoie d'abord un papier jaune, disant que vous êtes un SP de premier ordre, et pourquoi vous l'êtes. Mais à part ça, on vous laisse la paix. Vous leur avez signalé que vous n'êtes plus leur chose, et on semble l'avoir compris. Il ne vous reste qu'à réorganiser votre vie, en évitant de tomber dans le piège des implants mentaux qu'on vous aura installés pendant vos nombreux lavages de cerveau, c'est-à-dire vos études en Scientologie.

Si vous prenez la deuxième alternative, c'est le début d'un esclavage pratiquement aussi pire que d'être resté dans l'organisation. Vous pouvez vous remarier, retrouver un emploi, avoir d'autres enfants, bref reprendre une vie considérée normale dans notre bonne société, vous restez toujours la propriété de la Sea Org. Les redges vous courront après pour vous faire poursuivre votre Pont. Vous essayez d'être prudent et de n'acheter que ce que vous pouvez payer, et vous parviendrez peut-être à vous composer une vie presque vivable.

Une dizaine d'années plus tard, vous avez maintenant une belle petite famille; trois beaux enfants qui vont bien à l'école et qui sont votre fierté. Vous avez poursuivi vos études de scientologue en douce, un ou deux soirs par semaine, et vous arrivez maintenant au grade d'auditeur classe VIII.

C'est alors que le téléphone sonne dans votre chez-vous douillet. C'est la Sea Org qui a absolument besoin de vous et ça presse. Vous aviez signé pour un milliard d'années, et votre signature tient toujours. On vous remet votre engagement sous le nez et on vous force à voir que si vous ne revenez pas, vous êtes perdu. Vous marchez car vous avez suffisamment étudié Ron pour savoir que c'est la pure vérité. Vous devez abandonner femme et enfants sur le champ et vous rendre à Toronto, sous peine d'expulsion définitive de la Scientologie.

Vous savez que votre seule place dans ce monde est dans la Sea Org, et qu'il est temps de regagner votre poste. Vous vous êtes vautré dans le wog assez longtemps; maintenant, fini les folies, vous êtes auditeur classe VIII et vous savez qu'on ne badine pas avec les volontés de Ron, sinon touts vos grades et vos diplômes seront abolis. Il ne vous vient même pas à l'idée qu'en dehors de la Scientologie, ils ne vous servent absolument à rien.

Vous vous sentez forcé de regagner le bercail et d'un très mauvais gré, vous abandonnez votre famille pour reprendre la lutte contre le wog. Vous sentez bien que quelque chose cloche, mais vous n'arrivez pas à mettre le doigt dessus. Bien sûr, on manie votre cas. Abandonner une famille, ce n'est rien à côté d'abandonner la Sea Org. Votre nouvelle femme a peut être des rudiments de dianétique, et elle comprend que vous travaillez pour le bien de l'humanité. Elle aurait préféré élever sa famille avec vous, mais on lui fait comprendre que quelques enfants sans père ne sont rien, comparé à l'humanité privée d'un de ses sauveurs. Car que vous le vouliez ou non, vous êtes désormais de cette catégorie, et ce, pour les milliards d'années qui viennent.

Surprenant tout ça, n'est-ce pas? Ce n'est pourtant que le résumé de nombreuses choses que j'ai pu observer de mes propres yeux.

 


Bibliographie
sur les sectes

Le monde obscur de la Scientologie
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