France : Intégrisme catholique

Le drame de Perros-Guirec, une fatalité ?

Par Mickael Tussier, 6 août 1998.

Informations extraites de :

Quatre scouts (*) qui voguaient au large des Côtes-d'Armor (Bretagne), ainsi qu'un plaisancier qui tentait de leur porter secours, ont péri noyés, victimes de l'inconscience de l'abbé Cottard, directeur d'un camp de vacances. Le plus consternant dans cette affaire est l'attitude des familles des jeunes victimes, qui ont décidé de ne pas porter plainte et gardent l'estime pour cet abbé. Il est évident que beaucoup d'autres directeurs de colonie de vacances n'auraient pas eu droit à des réactions parentales aussi bienveillantes... L'emprise exercée pas ce prête "charismatique" est particulièrement révélatrice d'un milieu sectaire.

(*) : ils appartenaient en fait à l'Association Française de Scouts et Guides Catholiques (ASFSGC), extrêmement austère et non reconnue par la Fédération du Scoutisme Français, ni agréée du ministère de la Jeunesse et des sports.


De graves entorses aux règles de sécurité

6 septembre 1992 : au cours d'un sermon prononcé lors de la Journée chouanne de Chiré-en-Montrueil (Vienne), l'abbé Cottard, de la Fraternité Saint-Pie X fondée par Mgr Lefebvre, tient ces propos : " J'ai eu un jour, une réflexion charmante d'une personne qui me confiait son fils. Nous partions en camp de scouts marins, et, bien sûr, nous allions faire du bateau. Or elle s'inquiétait et elle me dit : " Faites attention, je n'ai qu'un ! " (...) A tous ces parents, je leur dis : ne vous inquiétez pas, j'ai deux contrats d'assurance extraordinaires que je vous propose de souscrire : le premier, c'est Saint-Joseph Assistance, le second, c'est Ange gardien 24h/24. (...) Chaque fois que nous avons un problème, je dis aux enfants : nous allons demander à saint Joseph, et le problème se résout immédiatement ". Avec des enfants confiés sous la responsabilité d'un tel " Ange gardien ", ce qui devait arriver est malheureusement arrivé...

Mercredi 22 juillet 1998 : drame au large du département Côtes-d'Armor. Parti mercredi de Port-Béni, sans aucun encadrement, pour rejoindre Perros-Guirec, un bateau à voile de type "Caravelle" (longueur 4,50 m) transportait sept adolescents, alors qu'il était homologué pour six passagers. Aucun moniteur ne les accompagnait et aucun d'entre eux n'était titulaire d'un diplôme de voile pour une telle sortie en mer. Quatre d'entre eux ont péri noyés : Damien Lasnet-Delanty, 13 ans, Antoine Buchet, 13 ans, Antoine Gérard, 13 ans, et Jean-Baptiste Pruvost, 16 ans. L'un des plaisanciers du voilier venu les secourir, Guillaume Castanet, 31 ans, a également péri ans le drame.

L'abbé Jean-Yves Cottard était alors le directeur du groupe de scouts et guides catholiques qui séjournaient à Trédrez. Il a été mis en examen pour " homicides et blessures involontaires par manquement délibéré aux règles de sécurité et de prudence ", puis incarcéré samedi 25 juillet à Saint-Brieuc.

En outre, le jour du drame, l'abbé Cottard a alerté les secours à 21h53 alors que les adolescents devaient accoster à 15h00 au plus tard, de préférence à Perros-Guirec, ou, à défaut, sur n'importe quel point de la côte, et devaient appeler l'abbé dès qu'ils auraient accosté. D'où une nouvelle mise en examen pour " non-assistance à personne en péril ".

Circonstances aggravantes, il avait déjà été averti l'année précédente de l'irrégularité de l'organisation de son camp par le Ministère de la Jeunesse et des Sports.

Les jeunes scouts avaient déjà été secourus deux jours auparavant !

Mais ce n'est pas tout ! Un témoin, cité jeudi 23 juillet par le quotidien Ouest-France, et qui doit être entendu par le juge à Guingamp, rapporte que deux jours avant le drame, vers 22h30, il avait déjà secouru les sept scouts embarqués sur ce même bateau : " Je rentrais de pêche, il faisait nuit quand j'ai aperçu le mât de la Caravelle (...) Elle était en plein contre-courant, au milieu des cailloux. (...) Les jeunes n'arrivaient pas à se diriger. Ils auraient pu ramer, godiller, pour se sortir de là mais, visiblement, ils ne savaient pas le faire ".

La suite de son témoignage est édifiante. Le déroulement du stage de ces jeunes scouts ressemble davantage à un entraînement militaire qu'à une excursion de vacances.

Après avoir répondu aux " grands gestes " du plus âgé des membres de l'équipage, qui appelait à l'aide, le pêcheur a remorqué le voilier en perdition pour le conduire sur la berge de Beg ar Vilin, situé dans l'estuaire du Jaudy, à 20 kilomètres à l'est de Perros-Guirec. " Ils étaient six ou sept, dans l'obscurité je n'ai pas bien vu. Seul celui qui avait 16-17 ans parlait. Les autres semblaient prostrés ", se souvient le témoin.

Sur la berge, les scouts ont retrouvé, toujours selon ce pêcheur, l'abbé Jean-Yves Cottard, qui avait longé la côte au volant d'une camionnette, à la recherche du voilier. Aidé par l'un des responsables du camp de scouts catholiques basé à Tresserez, le prêtre a alors sorti de la camionnette une bâche pour servir de tente aux enfants : " Les gamins ont été obligés de l'installer à même les galets alors que des campeurs leur avaient signalé un espace de verdure un peu plus loin ", raconte le pêcheur, qui a proposé un mouillage pour amarrer la Caravelle. " L'abbé Cottard a répondu que les jeunes allaient se relayer toute la nuit pour retenir la Caravelle sur la rive, en ajoutant qu'ils avaient l'habitude de faire des quarts ", précise-t-il.

Le mardi 21 au matin, à 7h30, la Caravelle était déjà repartie, se souvient-il. " Les jeunes, sans doute à nouveau déportés par le courant, ont accosté à Port-Béni, presque en face de Beg ar Vilin. Ils ont bivouaqué une deuxième nuit. Ils sont repartis mercredi avec une mer sur laquelle on n'aurait jamais laissé naviguer nos enfants ! ", a-t-il dit à Ouest-France.

Un autre témoin, dont les propos ont été rapportés jeudi par le Télégramme de Brest, se rappelle également avoir rencontré l'équipage mardi matin et avoir tenté de le dissuader de prendre la mer, compte tenu du mauvais temps. A bord de la Caravelle se trouvait " un petit garçon très brun qui, tout recroquevillé, grelottait ", a t-il rapporté.

Les parents des jeunes victimes sous l'emprise de l'abbé Cottard

Déconcertant ! Les familles de deux des quatre scouts victimes du naufrage de Perros-Guirec (Côtes-d'Armor) ont demandé lundi au tribunal de Guingamp la libération " à titre exceptionnel " de l'abbé Cottard pour les obsèques prévues mardi 28 juillet à Mantes-la-Jolie (Yvelines).

Et les déclarations d'un parent laissent rêveur : " L'abbé Cottard représente Jésus-Christ sur terre. Pour nous, ce n'est pas un gourou, c'est un prêtre ", avait déclaré Dominique Buchet, dont le fils Antoine, 13 ans, a péri dans l'accident. Ce lieutenant-colonel d'active a estimé que les " enfants étaient morts héroïquement ". Il ajoute : " Ils ont vécu ces heures épouvantables en héros, sans jamais penser à eux-mêmes mais en pensant toujours à sauver leur voisin. Ils priaient, ils chantaient, ils se réchauffaient les uns les autres. (...) C'est eux qui réclament l'abbé Cottard, ils ont besoin de lui ". Le père fait parler les enfants, mais on ne connaît pas leur avis personnel...

Le juge Valérie Picot-Postic a rejeté cette demande de libération, estimant qu'il y a lieu d'éviter une pression sur les témoins et les familles des victimes pour que les auditions se déroulent d'une façon sereine. Elle fait également mention de l'emprise psychologique de l'abbé Cottard sur les familles. " Il n'est pas opportun qu'il participe aux cérémonies ", écrit-elle.

Les parents ont décidé de ne pas en rester là. Dominique Rémy, avocat de l'abbé Cottard, a formulé lundi une demande auprès de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes pour interjeter appel de la mise en détention de son client. Quant à Dominique Buchet, il déclare au cours d'une conférence de presse improvisée : " Nous sommes là pour une démarche qui vient du coeur. Nous demandons une faveur pour les familles des enfants rescapés. Nous ne comprenons pas que l'abbé Jean-Yves Cottard soit traité comme un brigand (...). Depuis son incarcération vendredi, nous n'avons eu aucun contact avec lui. Il est important qu'il soit parmi nous demain (mardi 28 juillet) lors des funérailles. Nous avons besoin d'un médecin de l'âme ". Et ce "père de famille" ajoute : " être privé de notre abbé en ces heures douloureuses est une peine peut-être encore plus dure que la perte de nos enfants "...

Les propos d'un des parents des victimes ne font pas moins froid dans le dos, quand il évoque la plainte de la mère du jeune plaisancier mort en sauvant les scouts : " C'était son fils unique et je partage sa douleur, qui doit être terrible. Nous avons la chance d'avoir d'autres enfants, et cette foi en notre Seigneur qui nous aide à supporter l'épreuve, ce qui ne semble pas être son cas. C'est pourquoi nous avons cherché à la contacter, pour la remercier et la réconforter. Mais nous n'avons pas eu de réponse pour l'instant. "...

Finalement, la demande de mise en liberté de l'abbé Cottard a été rejetée.

Un fait divers tragique tiré vers " l'héroïsme "

A cours des obsèques, le père Jacques Berrou, secrétaire du supérieur du district de France de la Fraternité Saint Pie X, a invoqué " la volonté de Dieu " en déclarant : " Il y a des circonstances de la vie que nous ne contrôlons pas. Il faut savoir accepter ces circonstances ". Il estime que le Père Cottard " a agi comme un père de famille et a finalement jugé raisonnable de laisser les garçons prendre la mer [sic] ". Le juge d'instruction et le Ministère de la Jeunesse et des Sports ne partageraient certainement pas une vision aussi fataliste...

Ces adolescents ont été présentés comme étant des scouts mûs par " l'idéal de chevalerie représenté par ces drapeaux et ces jeunes en uniforme ", et " quand ils ont pris la mer, ils étaient des enfants, mais ils ont affronté le naufrage avec le regard d'hommes catholiques, d'hommes de fer ". Mais encore ceci : " Ils sont morts heureux, en chantant et priant ".

Après une demi-heure de cérémonie, un des jeunes survivants s'est précipité à la sortie, jetant à terre chemise à écusson tricolore marqué du Sacré-Coeur et bâchi de marin. Un incident vite étouffé par l'intervention d'adolescents en short et rangers.

Des relents de secte...

Me Dominique Rémy, a fait part à Reuters de la déception des familles du fait de l'absence de l'abbé Cottard et a critiqué la rigueur du juge d'instruction, qui selon lui ne comprend pas pourquoi celles-ci ne se portent pas partie civile. Il a même ajouté : " " la sévérité de la justice contre le prêtre est caractéristique d'une société qui ne peut pas comprendre l'attitude de ces familles, puisqu'elle a perdu toute relation avec le surnaturel ". Un prêtre intégriste interviewé par Daniel Licht dans le train vers Mantes dit lui voir dans cette sévérité " une volonté politique de dissoudre les vrais croyants, comme le gouvernement l'a envisagé avec le DPS (le service d'ordre du Front National) ".

Seule Dominique Sigogneau, la mère de Guillaume Castenet, tombé à l'eau du voilier l'Alphine en secourant dans la nuit les trois rescapés de la Caravelle et disparu en mer, a annoncé son intention de se porter partie civile. " Il les a emmenés à la mort, il a une double responsabilité ", a-t-elle déclaré, évoquant à la fois la mort des enfants et celle de son fils unique, conséquence directe du naufrage. Elle a également dénoncé ce qu'elle considère comme un " embrigadement religieux qui devenait du fanatisme ".

Le plus consternant dans ce drame est le comportement irrationnel des parents des jeunes scouts : peu importe que l'abbé Cottard ait expédié ces jeunes gens inexpérimentés dans une mer agitée, sans encadrement adéquat, et à bord d'une embarcation surchargée ; qu'il se soit enfin décidé à alerter les secours après près de 7 heures d'attente et à la tombée de la nuit ; qu'il ait fait fi d'une première mise en garde de la part du Ministère de la Jeunesse et des Sports à propos de l'organisation de son camp... Ces parents-là et des prêtes intégristes semblent ne percevoir essentiellement qu'un acte d'héroïsme de leurs pauvres enfants, et la " volonté de Dieu " ! Et peu importe ce traitement de type paramilitaire, que peu de parents auraient envie de faire subir à leurs propres enfants.

Personnellement, je n'y vois d'héroïsme que dans l'acte du plaisancier qui a secouru courageusement trois scouts (d'une situation qui aurait pu être évitée s'il n'y avait pas eu cette négligence et les décisions absurdes de l'abbé Cottard) et a laissé sa vie en tentant de sauver les autres. Le seul parent des victimes à avoir une vision sensée de ce dramatique accident semble être la mère du plaisancier.

Notons que l'ASFSGC, non reconnue par le ministère de la Jeunesse et des Sports, participe aux pèlerinages lefebvristes à Chartres et aux processions de la Fête-Dieu à genoux dans les rues versaillaises, conduites par la paroisse intégriste de Notre-Dame des Armées. Avec les Scouts Godefroy de Bouillon, l'ASFSGC a fondé un Ordre scout " plus ou moins actif ".
Même Yann Cotten, porte-parole des Scouts d'Europe (un mouvement, reconnu par le ministère de la Jeunesse et des Sports, historiquement proche du Front National, d'après E. Arrivé) et pourtant pas en reste question radicalité religieuse, parle à leur propos de " comportement de secte à connotation catholique ".

Qu'ajouter de plus, si ce n'est un extrait de Charlie Hebdo pour résumer ce fait divers affligeant ?
 

Source : Charlie Hebdo du 29 juillet 1998
Ces scouts qui ne sont pas des scouts mais s'intitulent quand même scouts et obéissent au garde à vous aux ordres d'un curé « responsable », même si ces ordres sont imbéciles et les envoient droit à la mort. Ces familles fanatisées qui nient l'évidence et proclament bien haut leur foi inchangée au prêtre « charismatique » qui envoya leurs enfants au désastre, tout cela vous a des relents de secte qui vous hérissent la narine. Et c'est bien de secte qu'il s'agit, ces autoproclamés « scouts catholiques de France » n'étant que l'émanation « jeunesse » de l'Église dite  « intégriste » de feu M. Lefebvre. 

Cet épouvantable accident met au jour non seulement la négligence, pour ne pas dire la gabegie, qui sévit dans ces associations bien pensantes mais surtout révèle leur nature même de formations paramilitaires : culte du chef, « idéal » irrationnel, fanatisme, tradition, obéissance aveugle... (...)

C.



Intégrisme
catholique

Home Page
Sectes = danger !