Le "Mouvement" a toutes les caractéristiques d'une société secrète

(source : BULLES du 3ème trimestre 1991)

 

  1. Qui est le fondateur ?
  2. Le discours sur la montagne
  3. Du parti humaniste au parti vert...
  4. Une société plutôt secrète
  5. Autoconnaissance ou dépendance psychique


1. Qui est le fondateur ?

On l'appelle, il se fait appeler Silo, mais ce n'est qu'un surnom que lui valut sa grande taille. Son vrai nom est Mario Luis Rodriguez Cobos, il naquit en Argentine, à Mendoza, le 6 janvier 1938, il est donc aujourd'hui âgé de 55 ans.

 Sa mère était professeur de lettres, son père petit propriétaire terrien, ses frères et soeurs enseignants et écrivains. Lui-même a longtemps mené une vie simple entouré de sa femme, de ses enfants et de ses amis dans une coopérative agricole aux environs de Mendoza, mais c'est un intellectuel. Dans une interview accordée à l'édition argentine de Playboy (N° 36, p. 30, mai 1988), il a fourni quelques détails sur sa formation. " J'ai reçu toute mon instruction primaire et secondaire au collège mariste. Je fus président de la Jeunesse d'Action Catholique. Cela m'a valu, comme à beaucoup d'autres, une certaine odeur d'encens... je fus l'ami d'un curé, le frère Diego et ensemble nous sommes allés prêcher dans les quartiers misérables. Nous découvrions les problèmes des gens, nous discutions et évidemment, un jour, je me rendis compte que véritablement cela ne menait à rien... ".

 Le journaliste lui demande alors comment il est devenu le leader qu'il est aujourd'hui. Il répond d'abord évasivement :

De cette interview, on retiendra deux points : la formation initiale de Silo dans une école religieuse et son pouvoir de convaincre. Il n'en faut parfois pas davantage pour qu'apparaisse un gourou pour peu que celui-ci accommode à sa manière la doctrine qu'on lui a enseignée et qu'il affirme avec suffisamment d'aplomb être détenteur de vérités nouvelles.

 Il n'a pas beaucoup plus de vingt ans lorsque, dans les années 60, il entreprend à partir d'un, puis de plusieurs groupes d'études, une réflexion sur la relation entre structure sociale et individu. Il élabore un simulacre de doctrine fondée sur la non-violence et quelques vérités d'évidence qu'il présente comme des découvertes.
 

2. Le discours sur la montagne

Le 4 mai 1969 marque une date essentielle dans sa biographie. Les événements de l'année précédente en France (mai 68) ont sans doute enrichi sa réflexion. Dans son pays, entre deux péronismes, le pouvoir est aux mains d'une junte militaire dont il est prudent de se méfier. Silo décide alors de faire connaître publiquement le message dont il se prétend porteur. Il choisit pour cela un lieu isolé et symbolique. Ce sera le mont Aconcagua, proche de Mendoza, la plus haute montagne d'Amérique. Là, devant cinq cents personnes, dans une atmosphère théâtrale, il profère son " discours sur la montagne " auquel ses disciples ne cesseront désormais de se référer.

 Silo commence son discours par un geste d'effacement devant le message dont il se dit porteur, attitude bien connue chez les gourous et apprentis gourous : " Si tu es venu écouter un homme que l'on suppose transmettre la sagesse, tu t'es trompé de chemin, car la réelle sagesse n'est pas transmissible au travers de livres et de harangues. La réelle sagesse est dans le plus profond de ta conscience comme le vrai amour est dans le plus profond de ton coeur ".

 Vient alors l'essentiel de la pensée " siloïenne " qui sera sans cesse répété comme un leit-motiv : la souffrance de l'homme, physique et mentale, vient de la violence et de la peur. Pour les juguler, il faut faire leur place à la paix et à l'amour.

 " Il est stupéfiant, raconte un ex-adepte de silo, qu'avec des propos aussi simples et élémentaires, en définitive, les gens marchent ! Moi-même, je n'ai aucune honte à le dire, je me suis fait avoir ! Pourquoi ? ". Cet ancien adepte répond que tout homme est fragile et vulnérable à un moment ou à un autre et que la force d'un gourou comme Silo est d'arriver, si l'on peut dire, au bon moment.

 Quoi qu'il en soit, depuis 1969, le Mouvement - tel est le nom de l'organisation fondée par Silo - sans jamais atteindre des effectifs considérables, s'est maintenu et a progressé au point de toucher quelques milliers de personnes à travers le monde (42 pays, nous est-il sempiternellement répété).

 Le Mouvement a donné naissance, notamment en France, à un certain nombre de satellites, phénomène assez habituel dans le monde des sectes. Le premier fut la Communauté pour le développement humain (1978). Sa doctrine, si l'on peut dire, s'exprime dans les termes les plus flous. Exemple : " Le développement individuel et social peut être obtenu si les personnes acquièrent un sens cohérent de la vie, c'est-à-dire une direction cohérente d'action dans le monde, qui tend à le transformer ". Nous voilà bien renseignés !
 

3. Du parti humaniste au parti vert...

Autre satellite, le parti humaniste (1985) qui se prétend l'expression politique du Mouvement et présente des candidats aux élections municipales et législatives. Ses thèses sont tout aussi nébuleuses : " D'un point de vue logique, nous défendons la méthodologie de l'analytique existentielle et nous l'opposons à toutes logiques antérieures qui prétendent passer, par interférences, du général au particulier, puisque si on n'a pas de données de ce qui est particulier, on ne peut énoncer de données universelles qui les incluent ".

 Le "parti humaniste" refuse d'être classé selon les critères habituels de l'échiquier politique. Il se dit " coopérativiste " et relevant d'une " nouvelle gauche non marxiste ".

 En 1987, le Mouvement crée le parti vert qui cherche à profiter de la vague écologiste pour s'attirer une clientèle nouvelle. Cependant, les organisations écologistes se méfient et récusent cette organisation concurrente.

 Parallèlement à la création successive de ses différents satellites, le Mouvement produit une littérature qui pourrait nous en dire un peu plus sur son vrai visage. Hélas, Le regard intérieur (1972), Le paysage intérieur et le Livre de la communauté ne contiennent que des affirmations qui oscillent entre la banalité et l'obscurité. Cependant, le livret intitulé Normes et cérémonial de la Communauté ouvre des horizons nouveaux sur la vie interne de l'organisation. On découvre alors, à travers ses rites et sa liturgie, qu'il s'agit en fait d'une véritable société secrète, une sorte de maçonnerie dans laquelle on ne pénètre que par une succession de paliers initiatiques.
 

4. Une société plutôt secrète

La communauté est " orientée par un premier magistère ". Le " corps général de la communauté est constitué par les métropoles ". Progressivement, on devient " membre d'École, d'Ordre et Accepté ". L'énoncé des normes est complété par un cérémonial qui décrit les rites d'accès aux différents grades, le déroulement des offices, l'imposition des mains, l'imposition guidée, la protection, le mariage, l'assistance, la mort. Le contenu de ces diverses cérémonies est à la fois ampoulé et d'une pauvreté affligeante. Il faut croire pourtant que les adeptes s'en satisfont. En vérité, on ignore dans quelle mesure ces liturgies sont effectivement pratiquées.

 En revanche, on en sait suffisamment - tant par les écrits du Mouvement que par les témoignages d'ex-adeptes - sur la nature des réunions auxquelles sont invités à participer les nouveaux venus recrutés le plus souvent dans la rue. Le quotidien Libération (10 août 1990) a raconté comment s'y prenaient les membres du Mouvement pour accroître leurs effectifs.

 " Bonjour, quel est ton nom ? Moi, je m'appelle Marie-Ange et toi ? ". Quand le Mouvement attaque, ça commence très fort. En quelques semaines, une foule d'enquêteurs à fort accent espagnol se sont abattus sur la capitale. Deux questions pour les passants coopérants: " Que penses-tu du monde ? ", " as-tu l'impression de faire ou d'avoir fait ce que tu veux de ta vie ? ". Et si l'interlocuteur semble un peu désabusé ou révolté contre " le système, source de violence et d'oppression ", l'enquêteur perçoit " le signal " de ce qu'il appelle " la sensibilité ". " Et si on prenait un café ensemble ? Le Mouvement, c'est des personnes normales avec les mêmes intentions : humaniser la Terre. C'est possible et c'est simple ".
 

5. Autoconnaissance ou dépendance psychique

Très vite, les recrues qui semblent intéressées sont invitées à participer aux réunions hebdomadaires. L'objet annoncé en est de découvrir " un sens de la vie cohérent ", de résoudre les problèmes personnels de chacun, de " dépasser la souffrance ". Les réunions se déroulent selon un schéma unique. Elles commencent par " l'explication d'un thème formatif ", se poursuivent par " une expérience guidée ", un échange sur l'expérience et une recommandation. L'expérience guidée qui en constitue l'essentiel est une sorte de méditation à partir d'une situation imaginaire à laquelle le sujet doit faire face, en silence, les yeux fermés.

 A ceux qui veulent aller plus loin, il est proposé un " cours rapide de distension " à base de relaxation et d'auto-suggestion et d'autres cours (sur cassette) de gymnastique psycho-physique et d'autoconnaissance. Par les témoignages d'anciens adeptes du Mouvement ou de ses satellites, il apparaît clairement que sous couvert d'autoconnaissance, c'est l'inverse qui est peu à peu mis en oeuvre, à savoir la dépendance psychique et la manipulation mentale.


  
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