Secte Horus

Arrêt n° 787, du 7 juillet 1999, Cour d'appel de Grenoble


DOSSIER N° 99/00626-Arrêt 787
ARRÊT DU 7 JUILLET 1999
1ère CHAMBRE Correctionnelle

COUR D'APPEL DE GRENOBLE.

Prononcé publiquement le MERCREDI 7 JUILLET 1999, par la 1ère Chambre des Appels Correctionnels,

Sur appel d'un jugement du T. CORRECT DE VALENCE - 1ERE CHAMBRE du 30 MARS 1999.

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

ET :

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :


DEROULEMENT DES DEBATS

A l'audience publique du 11 juin 1999, Madame ROBIN en son rapport; le Ministère Public entendu, la défense ayant eu la parole en dernier. Le président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 7 JUILLET 1999. LA COUR, Statuant publiquement, par défaut pour les époux ROUVIERE, contradictoirement pour les autres parties. Par jugement en date du 30 mars 1999, le tribunal correctionnel de VALENCE statuant :

Sur l'action publique

a déclaré : en répression les a condamnés :
  • Jean-Raymond ROUVIERE à la peine de deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis,

  • a prononcé l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, pour une durée de 5 ans,
    a ordonné le retrait de l'autorité parentale en l'application de l'article 373-3° du code civil,
    a ordonné le maintien des effets du mandat d'arrêt décerné à l'encontre de Jean-Raymond ROUVIERE par le juge d'instruction,

    Sur l'action civile

    Il a été régulièrement et successivement formé appel de ce jugement par Juliette MASCIULLI épouse BOILLON, par le procureur de la République à l'encontre de Juliette BOILLON, par la DS 26 es-qualité, et par l'UNADFI à l'encontre de Juliette BOILLON et des époux ROUVIERE. Juliette MASCIULLI épouse BOILLON qui conteste les faits plaide sa relaxe.

    Monsieur l'Avocat Général requiert confirmation du jugement.

    La DS 26 es-qualité, par conclusions auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétention sollicite la réformation des intérêts civil en condamnant d'une part Juliette BOILLON à payer la somme de 25.000 francs à titre de dommages intérêts et celle de 5.000 francs au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

    L'UNADFI, par conclusions auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétention sollicite la confirmation quant à la recevabilité de la constitution de partie civile et réclame la somme de 5.000 francs au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

    Le conseil départemental de l'ordre des médecins de la DROME conclut à la confirmation du jugement et réclame une somme de 10.000 francs au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

    Il sera statué par défaut à l'égard de Jean-Raymond ROUVIERE et de Danièle BREGIER épouse ROUVIERE, cités au parquet général, à la suite de l'appel formé à leur encontre par les parties civile (DS 26 et UNADFI).


    MOTIFS DE L'ARRET

    I - L'Action publique

    Le 19 juillet 1995, la brigade de gendarmerie de MONTELIMAR était avisée par le docteur DOUCET-BON, chef du service pédiatrie du centre hospitalier de cette ville qu'un enfant vivant au sein de la communauté HORUS de la COUCOURDE, Thibaud ROUVIERE, né le 26 janvier 1991 avait été atteint du tétanos et que les analyses avaient révélé que ce jeune enfant n'avait jamais reçu les injections de vaccin en dépit du fait que des mentions de vaccination DT Polio avaient été portées sur le carnet de santé. Cet enfant qui, le 26 mai 1995, avait ressenti un état de fatigue intense suivi d'une raideur généralisée et d'un arrêt respiratoire avait été admis au CH de VALENCE puis transféré, en raison de la gravité de son état, à l'hopital Edouard Herriot de LYON où il était resté hospitalisé trois semaine.

    Du compte rendu du docteur STAMON, pédiatre à l'hôpital Edouard Herriot il ressortait que Thibaud ROUVIERE avait été atteint du tétanos eu égard à la recherche négative d'anticorps et que les sérologies de rickettiose et de maladie de Lyme s'étaient avérées négatives. Or il était mentionné sur le carnet de santé de l'enfant que les quatre injections de la vaccination DT Polio avait été pratiquées entre le 21 mai 1991 et le 17 août 1992 par le docteur Juliette BOILLON.

    Juliette BOILLON, mise en examen et poursuivie du seul chef d'établissement d'attestation ou de certificats faisant état de faits matériellement inexact, conteste cette prévention. Elle fait valoir pour sa défense d'une part que la maladie dont a été atteint cet enfant n'était pas le tétanos, d'autre part qu'il n'existe aucune relation entre le tétanos et l'abscence ou la présence de vaccin, enfin que si elle a mentionné sur le carnet de vaccination de Thibaud ROUVIERE ou sur ceux d'autres enfants c'est qu'elle avait effectivement pratiqué ces vaccinations.

    En l'espèce point n'est besoin de rechercher le diagnostic de la pathologie dont a été atteitn Thibaud ROUVIERE, ni de disserter sur le bien ou le mal fondé de la théorie vaccinaliste, Juliette BOILLON néé MASCIULLI étant uniquement et plus prosaïquement poursuivie pour des faits de faux et non pour des convictions médico-philosophiques. Doivent seulement être examiné les faits objets de la prévention.

    Comme il l'a été dit précédemment, mention était portée sur le carnet de santé de Thibaud ROUVIERE (mention valant certificat de vaccination) de quatre injections (dont la dernière en date du 17 août 1992) du vaccin antidipthérique antitétanique et antipoliomyélitique, vaccination à effectuer obligatoire avant l'age de 18 mois. Or les examens pratiqués à l'hôpital Edoaurd Herriot mettaient en évidence une recherche négative d'anticorps. Ces examens initiaux étaient confortés par les expertises ordonnées par le magistrat instructeur.

    Le docteur MATARESE, médecin expert commis par le juge d'instruction concluait dans son rapport du 28 décembre 1995 que "l'enfant Thibaud ROUVIERE n'avait pas été vacciné contre le tétanos lorsqu'il avait été admis au centre hospitalier de LYON le 27 mai 1995." Le professeur JOURDAN du CHRU de NIMES, expert commis par le magistrat instructeur dans le cadre d'une contre expertise concluait sans aucune équivoque "l'enfant Thibaud ROUVIERE n'était pas immunisé contre le tétanos. Il est peu vraisemblable qu'il ait été vacciné."

    Seul le docteur LACAZE, choisi par les co mis en examen, dans le cadre de la contre expertise précitée, se montrait plus réservé, concluant que d'une part le diagnostic de tétanos était peu probable et d'autre part qu'il avait été vacciné, se fondant sur un courrier de l'Institut Pasteur qui précisait que le taux sérique d'anticorps antitétaniques officiellement reconnu comme protecteur est de 10 milliunité/ml, puisque le taux d'anticorps de Thibaud ROUVIERE a été trouvé à 0,02 Ul/ml.

    Or il s'avère que les résultats pris en compte par le Docteur LACAZE soit 0,02 Ul/ml ont été retrouvé selon la méthode Elisa alors que le taux de référence donné par l'institut Pasteur (taux de 0,01 Ul/ml) est obtenu selon une autre technique dite de séroneutralisation in vivo chez l'animal, de sorte que l'on ne peut comparer le taux retenu chez l'enfant avec la méthode Elisa avec le taux retenu comme protecteur suivant la dseconde technique. Il est donc certain que les conclusions donnée par le Docteur LACAZE, lequel ignorait vraisemblablement la méthode utilisée ar l'institut Pasteur-Mérieux de LYON en juin 1995 ne peuvent être considérées comme fiables.

    Dans une ultime expertise, le Docteur POVEDA, médecin biologiste à l'institut Pasteur de Paris rappelant que les résultats obtenus à l'aide d'une technique biologique quelle qu'elle soit, sont difficilement comparables à ceux obtenus avec une autre technique si ces techniques, ce qui est le cas en l'espèce, n'utilisent pas un standard commun. Ce biologiste concluait : "détection d'anticorp à taux très bas dont la spécificité n'est pas certaine. ces anticorps ne peuvent être considérés comme protecteur avec la technique utilisée par le biologiste sollicité. La question de la spécificité reste ouverte. Il n'est pas possible d'affirmaer qu'il s'agit de véritables anticorps tétaniques comme il n'est pas possible d'affirmer qu'il s'agit d'artefact rencontrable chez une personne non vaccinée. Seule la notion de non protection est certaine".

    Aux conclusions des experts suivant lesquelles à la date de l'hospitalisation Thibaud ROUVIERE n'avait pas été vacciné contre le tétanos, s'ajoute les examens biologiques effectués lors de l'hospitalisation sur la protection contre la diphtérie et la poliomyélite. Or le dosage des anticorps dirigés contre les anatoxines antidiphtériques ainsi que le dosage des anticorps dirigés contre la poliomyélites se sont révélés négatifs en un cas comme dans l'autre. Cettre absence d'anticorps protecteurs relevée par les examens de laboratoire à la foi pour le tétanos, la diphtérie et la poliomyélite apporte la preuve que les vaccinations mentionnées sur le carnet de santé n'ont pas été pratiquées.

    Tous ces éléments établissent que Juliette BOILLON a volontairement mentionné sur le carnet de santé de Thibaud ROUVIERE des actes inexistants.

    Ce comportement est, en outre corroboré par les témoignages de personnes ayant vécu au sein de la communauté HORUS, établissant que, du fait de la philosophie imposée au sein du groupe, Juliette BOILLON établissait régulièrement et sur demande, de faux certificats de vaccination.

    C'est ainsi que M. CHELLIN affirmait que les certificats de vaccination figurant sur le carnet de Santé de sa fille Johanna et établis par Juliette BOILLON sont des faux, sa fille n'ayant pas reçu les deux vaccins. Il précisait que ces faux avaient été établis pour éviter les ennuis du fait de l'obligation des vaccinations.

    Régine METTAG, pour sa part, déclarait qu'en 1989, Juliette BOILLON qui venait très souvent "se ressourcer" à la COUCOURDE avait certifié les vaccinations sur le carnet de santé de mon fils sans que les vaccinations soient faites. Ces mentions ont été portées en ma présence sur "indications de Mme CASTANO... C'est elle qui a dit à Mme BOILLON de mentionner les vaccins sur le carnet de santé de mon fils. Le docteur s'est exécuté, de toute manière, Juliette BOILLON fait tout ce que lui dit Mme CASTANO".

    Mme DROGOZ reconnaissait également ne pas avoir fait vacciner sa fille Johanna CHELLIN (...) et avoir consenti à ce que Juliette BOILLON Née MASCIULLI établisse un faux certificat de vaccination.

    Enfin le 18 mars 1996, à l'occasion d'une écoute téléphonique, au cours d'une communication avec Evelyne TRIBU, memebre de la communauté, Marie-Thérèse CASTANO reconaissait que "nous vaccinons plus ou moins nos enfants" déclarant à son interlocutrice : "les parents, et bien, ils vont avoir un truc sur le cul et puis c'est tout. Non vaccination à enfants, ils vont être condamnés". Cette communication avait été passée par Mme CASTANO, peu après la perquisition ordonnée dans le cadre de cette présente affaire.

    Les faits reprochés à Juliette BOILLON née MASCIULLI consistant en établissement d'attestation ou de certificats faisant état de fait matériellement inexacts sont suffisament établis pour retenir sa culpabilité.

    La date des mentions vaccinales faussement portées sur le carnet de santé de Thibaud ROUVIERE n'est pas connue. La fausseté des mentions de 1991 est largement démontrée par les constatations médicales. Cette datation ne peut servir de point de départ de la prescription alors que ces mentions font corps avec celle du rappel de vaccination prétendûment daté du 17 août 1992. En outre, jusqu'à l'hospitalisation de Thibaud ROUVIERE et les développements qui s'en sont suivis, ces faits étaient demeurés occultés. Or, la Cour de Cassation considère que le point de départ de la prescription est fixé au jour ou cesse l'ignorance des procédés frauduleux et que des faits par nature clandestins ne peuvent être prescrits avant qu'ils aient pu être constatés.

    C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu Juliette MASCIULLI épouse BOILLON dans les liens de la prévention en lui faisant de surcroît une exacte application de la loi pénale. En effet, eu égard à la gravité des faits notamment au manquement grave à la déontologie entraînant un éventuel péril pour l'enfant, une peine d'emprisonnement ferme ainsi que l'interdiction définitive d'exercer la profession de médecin sont justifiés. La peine d'emprisonnement ferme a été correctement évaluée par le premier juge. Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a prononcé l'interdiction des droits énumérés par l'article 131-26 du code pénal.

    De ce qui précède, il ressort que les dispositions pénales concernant Juliette MASCUILLI épouse BOILLON seront intégralement confirmées.

    II - L'action civile

    a) le conseil départemental de l'ordre des médecins de la DROME
     
    En allouant au conseil départemental de l'ordre des médecins de la Drôme une somme de 1 f en réparation du préjudice subi, le premier juge a fait une juste appréciation de ce préjudice. Les dispositions civiles du jugement relatives à l'ordre des médecin de la Drôme seront intégralement confirmées y compris celles relatives à l'article 475-1 du code de procédure pénale. Une somme supplémantaire de 2.500 francs sera allouée sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale.


    b) la D.S. 26 es-qualité d'administrateur ad-hoc
     

    Le premier juge a exactement apprécié le préjudice directement subi par Thibaud ROUVIERE ensuite de l'infraction commise par Juliette MASCIULLI épouse BOILLON. Les dispositions civiles du jugement relatives à la D.S. 26 es-quualité seront confirmées y compris celles relatives à l'article 475-1 du code de procédure pénale. Il est équitable d'allouer à la D.S. 26 es-qualité une somme de 2.500 francs au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale pour les frais exposés devant la Cour.
    c) L'U.N.A.D.F.I
     
    Ainsi que le relève à juste titre la constitution de partie civile de l'UNADFI à l'encontre tant de Juliette BOILLON que des épouw ROUVIERE est recevable. Le jugement sera confirmé sur ce point. Une somme de 2.500 francs lui sera allouée au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.


    PAR CES MOTIFS

    Recevant les appels comme réguliers en la forme

    Sur l'action publique :

    Confirme les dispositions pénales relatives à Juliette MASCUILLI épouse BOILLON en toute leurs dispositions,

    Sur l'action civile :

    Constate que le présent arrêt est assujeti au droit fixe de 800 francs résultant de l'article 1018 A du code général des impôts, et dit n'y avoir lieu à contrainte par corps,
    Le tout par application des dispositions des articles susvisés


    COMPOSITION DE LA COUR

    Président : Madame ROBIN, Conseiller, désigné à cette fonction par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 11 décembre1998

    Conseillers : Monsier BALMAIN, Monsieur ROGNARD,

    Ministère Public : Monsieur LEGRAND, Avocat Général,

    Greffier : Madame BAUMET.

    Le Président et les deux assesseurs précités ont participé à l'intégralité des débats sur le fond et au délibéré.

    Conformément à l'article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale, l'arrêt a été lu par Madame ROBIN, en présence du Ministère Public.

                        LE GREFFIER            LE PRESIDENT



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