FRANCE : GRANDE LOGE NATIONALE DE FRANCE

Charlie-Hebdo, 29 septembre 1999, par Bernard Vions.

[texte intégral]

Une floppée de membres de la Grande Loge Nationale de France, obédience catho et
« apolitique», pataugent dans les scandales.

Simon Gionavannaï, le nouveau responsable du Grand Orient de France, l'a lui-même reconnu il y a quinze jours dans L'Express : les francs-maçons souffrent des « dérives affairistes d'une certaine obédience ».

En clair : une flopée de membres de la Grande Loge nationale française (GLNF) barbotent dans les scandales qui font, depuis quelques années, l'angoisse des élus, le stress des PDG et la joie des juges d'instruction.

Dernier exemple en date : l'ouverture, lundi 27 septembre, à Paris des audiences d'appel d'une affaire injustement méconnue.

Les faits : en 1994 et 1995, Pierre Régis, directeur d'une agence parisienne du CIC, a accordé des prêts à des gens qui n'y avaient pas droit - en échange de pots-de-vin d'un montant de 5.000 à 10.000 F.

Surprise : nombre de ses « clients » étaient, comme lui, francs-maçons à la GLNF. Et tous appartenaient à un même « atelier » : l'atelier dit des « saints Épis » - sans doute parce qu'à y était beaucoup plus question de blé que de philosophie émancipatrice.

La liste des « frères » de l'atelier est d'ailleurs révélatrice - et belle comme un film d'Yves Boisset, lorsque celui-ci stigmatisait l'establishment politico-affairiste des années 70.

Les « frères » de la Côte

En étaient membres en vrac : des préfets, des sénateurs RPR, des fonctionnaires de l'Intérieur, de la Défense et des Finance, des cadres d'Elf-Sanofi et de Dassault-Aviation. Des avocats comme (.......... )- incarcéré dans l'affaire Carignon. Des « consultants » comme (...........), célèbre faux-facturier RPR. Auxquels il convient d'ajouter : le directeur d'un bureau d'études de l'Essonne, gendre d'un sénateur RPR, déjà mis en examen dans une affaire de corruption, et un « conseiller pour le commerce extérieur » de la France, condamné dans une affaire de fausse monnaie.

Joli tableau. D'autant que l'affaire dépasse le cadre d'une petite escroquerie au crédit. Tous les prêts accordés par le banquier indélicat ont en effet servi à acheter des actions d'une société canadienne - l'Amour Intemational Gold Metal - qui prétendait exploiter une mine d'or en Sibérie.

Depuis la Cornrnistion des opérations boursières (COB) a déterminé, dans un très confidentiel rapport d'enquête, que cet Eldorado sentait gravement le faisandé. Mais ce n'est là qu'une des anecdotes concernant la GLNF.

Au sein de la maçonnerie française (Grand Orient, Grande Loge de France, Droit humain, Grande Loge féIninine de France), la GLNF, créée en 1913 et revendiquant 17.000 adhérents, est la seule obédience à s'inscrire dans la tradition maçonnique anglaise (« apolitisme » et croyance en Dieu). Mais quelques-uns de ses « frères » ont manifestement oublié les saiints commandements - comme : « Tu ne voleras point. » Au point d'en énerver leurs petits camarades heureusement restés intègres.

Ainsi, en 1996, un haut responsable de cette obédience écrivait : « Notre GLNF est en danger, en passe d'être déshonorée par une multitudes d'affaires candaleuses. » Et de citer, entre autres, « le dossier des Hauts-de-Seine [corruption, abus de biens sociaux] », « l'affaire Noir-Mouillot-Botton », ou « les magouilles [de la] tour BP [détournements financiers et sept suicides] », avant de lister les « frères impliqués dans ces affaires ». « De tels dévoiements doivent cesser, concluait la lettre, c'est une nécessité impérieuse ».

Plus accablant encore : en octobre 1995, un autre haut responsable de la GLNF adressait à son grand maître, Claude Charbonniaud, un courrier incendiaire : « Nous sommes un certain nombre de frères, assenait-il, à avoir fondé des espoirs sur votre accession à la grande maîtrise. [...] Mais nous constatons [...] que la situation de l'obédience est plus que jamais affectée par de graves menaces à son intégrité, à sa notoriété, à son éthique et peut-être à son unité. Faute d'une manifestation vigoureuse d'autorité, [...] elle se trouverait plus encore entraînée dans une spirale de trafics d'influence et de compromissions ».

L'auteur de ce brttlot était Pierre Manon, ancien patron des services secrets français. Lequel a même développé sa pensée dans le livre qu'il vient de publier : « On trouve dans les logements à la base, une ambiance sans conteste fratemelle, [...] des hommes de qualité. Mais [...] les hauts gradés [...] versent parfois dans la corruption ».

La « profession de foi » de la GLNP stipule que cette obédience « s'affirme dans la prise de conscience de la morale » : il y a encore du boulot.

(1) : Mémoires de l'ombre, éd. Flammarion, 1999.
(2) : Les Francs-Maçons des années Mitterrand, par Patrice Burnat et Christian de Villeneuve, éd. Grasset, 1994.
 



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