Sectes et Religions

(source : BULLES, 4ème trimestre 2003) n°80

Mis en ligne le 24 janvier 2004
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Sectes et Religion

Il y a "secte" lorsque, dans un projet d'assujettissement de ses membres, les objectifs réels et les actes d'un groupe sont attentatoires aux libertés fondamentales et aux droits de l'homme, ou constituent une menace pour l'ordre public, ou encore sont contraires aux lois et règlements. Ce sont donc les comportements qui sont visés, mais cela n'empêche en rien de tirer de l'ombre les points des doctrines[1]de ces groupes dont le contenu présente les mêmes caractéristiques d'atteinte aux lois fondamentales et aux droits de l'Homme ou à l'ordre public, ou encore qui sont contraires aux textes applicables à tout citoyen.
En effet, les doctrines et ce qui les accompagne (de manière explicite mais le plus souvent voilée), à savoir les règles et les rites, interviennent dans les motivations, et aussi dans les comportements. Elles sont susceptibles de générer deux catégories d'effets néfastes : leur contenu même peut contraindre les adeptes à effectuer des actes purement délictueux, voire criminels, au sens du Code Pénal et de la loi en général. En même temps, et par voie de conséquence le plus souvent, ces doctrines peuvent induire des comportements de type sectaire, c'est-à-dire mettant en œuvre la manipulation mentale et l'assujettissement des adeptes.

Un groupe est ou non de caractère sectaire en fonction de ce qu'il dit, de ce qu'il fait et fait faire à ses adeptes, et non en fonction de son statut légal ou social obtenu ou proclamé.

La plupart des sectes se disent nouveaux mouvements religieux, dans l'espoir que ce statut les protègera, puisque la Constitution reconnaît que tout citoyen peut exercer librement la religion de son choix. Mais elle dit aussi que tout citoyen, et toute organisation quelle qu'elle soit, fût-elle religieuse, est soumise aux lois, à toutes les lois de la République. Cela signifie que les comportements, et ce qui les motive, à savoir justement les doctrines, les règles et les rites des mouvements religieux ne doivent pas être contraires aux lois. Les sectes font tout pour créer et entretenir une véritable polarisation des esprits sur ce qu'elles disent être (des mouvements religieux intouchables), au détriment de ce qu'elles font par leur comportement, leurs agissements, leurs écrits, leurs dires et ce qu'elles imposent à leurs adeptes.

Alors, à cor et à cri, elles se plaignent - et cela, de manière croissante - d'être victimes de discrimination religieuse, et persécutées en tant que mouvements religieux. Cette position, dangereuse pour notre société, est extrêmement payante pour elles, d'autant qu'elle est renforcée par le soutien et les encouragements de certains alliés objectifs, juristes, universitaires, et sociologues des religions, et du fait de l'attitude de certains Etats, notamment les Etats-Unis, à ce sujet. Crier à la discrimination et à la persécution religieuses est pour elles tout à fait intéressant, parce que la discrimination et la persécution religieuses sont des choses peu avouables dans la plupart des pays du monde, et que leurs victimes font a priori l'objet d'une certaine compassion de la part des populations, qui, par inclination historique, ont le réflexe de défendre les minorités. Cette position autorise aussi les sectes en cause, ou du moins l'espèrent-elles, à tenter de se hisser "dans la cour des grands", et de prétendre, ce qui est un comble, intervenir à leur profit dans le débat national sur la laïcité ou sur celui de la place des religions dans la société. Elle contribue puissamment au dialogue de sourds qui se poursuit depuis des années sur la liberté religieuse entre les Etats-Unis et la France, dont les conceptions de base à ce sujet, comme on le verra plus loin, bien qu'en fait historiquement assez voisines, ont déjà du mal à trouver un terrain d'entente. Elle piège régulièrement tous ceux qui ne connaissent pas suffisamment le phénomène sectaire, et qui sont la majorité, y compris dans les instances décisionnelles des Etats et des conférences internationales. Cette position tend à biaiser, même à étouffer, le seul débat qui vaille à leur sujet, celui de leurs directives patentes ou sournoisement dissimulées, de leurs objectifs véritables, et de leurs agissements.

Le combat est à mener contre ces comportements et agissements, ces méthodes manipulatrices, et ces doctrines, directives, objectifs, qui ensemble constituent une menace pour l'ordre public, ou sont contraires aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Il ne pourra être gagné que lorsque tous les responsables à tous les niveaux l’auront compris et accepté.

Alors, le fait que certaines d'entre elles soient ou prétendent être des mouvements religieux n'est en soi ni un critère d'appréciation ni un critère de décision à cet égard. Ainsi, se présenter comme des victimes de discrimination et de persécution religieuses est un mensonge caractérisé doublé d'une véritable escroquerie morale.

Cela étant, il est nécessaire d'ajouter au moins deux remarques :

1-Comme il est indiqué plus haut, on ne peut pas séparer doctrines et comportements. Les constituants de cet ensemble ont en effet entre eux une relation de dépendance marquée. En effet, beaucoup de doctrines, qualifiées de religieuses par leur secte, non seulement comportent des éléments incompatibles avec les lois ou menacent l'ordre public, mais contiennent des dispositions inacceptables telles que : encouragement à la perversion et à des pratiques que la morale ré-prouve, philosophie et prescriptions antidémocratiques ou racistes, incitations à l'incivisme, dispositions doctrinales de nature criminelle, déviances diverses, notamment dans l'éducation des enfants, etc… Lutter contre ces aspects ressortit d'abord à la loi. Il ne semble pas qu'une telle lutte contienne quelque élément que ce soit d'une discrimination et d'une persécution religieuses.

Ces éléments inadmissibles des doctrines en cause aggravent, tout en les justifiant aux yeux des adeptes, les comportements sectaires des groupes concernés, quand ils ne les génèrent pas.

2-De plus, dès que l'on creuse un peu, on s'aperçoit souvent que le caractère religieux proclamé par une secte n'est qu'un mauvais masque, un piètre habillage, plus ou moins décent, d'une réalité très éloignée de ce qui peut être habituellement considéré comme une religion. En la matière, les trouvailles des sectes laissent bien souvent à désirer…

Mais il faut se rendre compte que n'importe qui peut dire à peu près ce qu'il veut dans ce domaine, puisque, la Constitution stipulant que la République ne reconnaît aucune religion, la reconnaissance de celles-ci n'existe pas. Cela n'interdit malheureusement pas une pseudo-reconnaissance de fait, laquelle résultera par exemple d'une décision de l'administration, nationale ou départe-mentale, d'appliquer en faveur du demandeur divers textes réglementaires existants établis en faveur des associations cultuelles définies par la loi de 1905.

Les sectes, s'appuyant sur l'écho que reçoit dans certaines instances leur prétention au statut de mouvements religieux, ne se privent pas de solliciter, parfois avec succès, de telles mesures en leur faveur auprès des préfectures. La lourdeur de la procédure de règlement des litiges ne peut de son côté apaiser les inquiétudes à ce sujet. On sait déjà que certains mouvements sectaires, dont les Témoins de Jéhovah notamment, peuvent faire état de décisions qui leur sont favorables.

Pourquoi y a-t-il divergence de vue sur les sectes entre la France (et quelques pays européens) d'un côté, et les Etats-Unis de l'autre ?

La divergence, évoquée plus haut, avec la position américaine apparaît ainsi dans toute sa réalité. D'un côté, la position française repose sur la prévalence absolue pour tous de la loi laïque, élaborée démocratiquement, laquelle ignore les religions mais en garantit la libre pratique dans la limite de son champ d'application. De l'autre, la position américaine, qui ignore la laïcité[2], et à la limite ne la connaît pas, et protège les mouvements religieux : dès qu'une association se déclare mouvement religieux, elle jouit de la protection du 1eramendement à la Constitution des Etats-Unis, qui stipule que "le Congrès ne promulguera aucune loi concernant une organisation religieuse, ni qui interdirait la libre pratique correspondante(...)". Profondément incrusté dans les mentalités, cet amendement, pris à la lettre, laisse entendre que n'importe quel groupe se déclarant religieux a droit de cîté même si ses objectifs réels sont inacceptables et ses actes contraires aux lois existantes. Pourtant, une relecture approfondie des textes américains fondamentaux élaborés à la fin du 18ème siècle par Jefferson et Madison (le Bill of Rights date de 1787, avant la déclaration française des Droits de l'Homme et du Citoyen), relecture magistralement exposée par le Dr Edward LOTTICK [3], président de Authentic CAN, montre que les Pères Fondateurs visaient à garantir la liberté de religion, ce qui implique la liberté préalable de pensée. Ils ne visaient pas à la liberté absolue des religions. C'est cette dernière interprétation qui a abouti au fouillis et à la cacophonie actuels, et qui a ouvert de manière inespérée pour elles un magnifique boulevard aux sectes. On peut se demander par exemple quelle sera l'attitude des juges américains devant des terroristes qui invoqueront pour leur défense la liberté des religions…Il leur faudra alors ouvrir les yeux sur la dérive subie par l'interprétation américaine du 1er amendement, interprétation qui, au cours des deux cents ans écoulés, est devenue contraire à l'esprit de ce que voulaient les Pères Fondateurs. Seule, la liberté de pensée est absolue et inaliénable Cette liberté fondamentale a été oubliée par les Pères Fondateurs, comme le souligne Lottick, car à l'époque, elle semblait aller de soi comme étant tout simplement inhérente à la nature humaine. Ce n'est pas le cas de la liberté de religion, encore moins de celle des religions.

1 Doctrine : Ensemble des opinions d'une école littéraire ou philosophique , ou de dogmes d'une religion. (Dictionnaire Larousse en deux volumes - 1948)
2 Laïc - Laïcité : ces mots sont intraduisibles en anglais
3 Dans une conférence prononcée le 28 octobre 2003 à la Medical Society of Medecine, à Londres, à l'occasion d'une assemblée de l'association FAIR, soeur américaine de l'Unadfi. La traduction en francçais est disponible à l'UNADFI. Le Dr Lottick, américain, a eu l'insigne courage de relever la bannière de "Cult Awarness Nettwork (CAN)" après sa ruine financière à force de procès intentés par la scientologie.

 


 
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