Sectes et argent

(Source : Le Journal des Psychologues n° 174 - Février 2000)
Dossier : Les sectes : Un danger pour la profession

Interview de M de LABARTHE, directeur d'Etudes, recherche et developpement à PROMOFAF
Interview de Catherine PICARD, député de l'Eure et présidente de la commiqqion parlementaire sur les sectes


 

A la suite du rapport parlementaire de juin 1999, l'Assemblée poursuit son travail législatif et les organisations professionnelles se mobilisent, chacune dans leur domaine. Certaines grandes sectes ont un budget considérable.
Ce sont des groupes internationaux qui fraudent le fisc, la législation du travail et se constituent un gigantesque patrimoine.
Interview de M de Labarthe
Interview de Catherine Picard

 


Interview de M. de Labarthe, directeur d'études, recherche et développement à PROMOFAF

PROMOFAF finance une partie importante de la formation des psychologues salariés. Pouvez vous préciser l'importance de votre organisme ?

PROMOFAF est collecteur des différentes taxes sur la formation professionnelle qui représentent, selon la loi de 1971, 1,5 % de la masse salariale, auquel s'ajoute 1 % de la masse salariale des CDD. Or, les adhérents à PROMOFAF, qui représentent le secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif, cotisent à la hauteur du service public, c'est-à-dire près de 2,1 % de la masse salariale concernée.

Cela a permis à PROMOFAF, en 1998, de rembourser 11 531 320 heures de travail pour 141 741 stagiaires. Ou, pour vous donner un autre exemple, nous avons financé 861 CIF (congés individuels de formation) et 461 bilans de compétences - introduits par la loi du 31/12/91 - pour 161 millions de francs en 1998, et la liste d'attente pour les CIF est de 3 500, représentant environ 800 millions de francs.

Nous finançons aussi les plans de formation, en regrettant que les chefs d'entreprise n'y voient souvent que l'achat d'une paix sociale et qu'ils soient si peu regardants sur ce qu'ils proposent à leurs salariés.

L'Assemblée nationale, dans un rapport de juin 1999 sur "Les sectes et l'argent", signale l'intérêt croissant des groupes sectaires pour la formation professionnelle, véritable manne pour eux. Avez-vous constaté ces dérives ? Et comment vous en protégez-vous ?

Nous avons annoncé, à la suite du rapport parlementaire Gest/Guyard de 1996 sur les sectes, que nous serions a particulièrement vigilants.

Notre règle a été dès l'origine de ne financer que la formation, c'est-à-dire de refuser de prendre en charge ce qui concerne le travail sur soi ou le développement personnel. Cela dit, c'est ambigu.

Pour vous donner un exemple, nous refuserons un stage PNL. à une secrétaire, mais nous l'accepterons pour une infirmière de CMPP, pour qui cela devient de la formation utile face à un public difficile. Mais que faut-il faire face à la question du stress ? A priori, c'est une question d'être, donc non soumise au remboursement. Mais une part non négligeable de la population en est atteinte...

Nous nous interrogeons aussi sur la " relation d'aide " aux personnes en fin de vie, source à la fois de dérive sectaire et de possibilité de captation d'héritage.

Nous avons mis en place quelques critères clairs de non-prise en charge: nous ne finançons pas les stages qui ont des horaires lourds dix ou onze heures d'affilée-, dépassant les horaires légaux du travail ; les stages de week-end ; les stages en isolement. Nous nous penchons sur les stages qui ont lieu dans des cadres luxueux ou sur ceux dont les programmes sont flous, ou marqués d'un certain type de langage. Nous nous renseignons au maximum sur les intervenants.

En cas de doute sérieux, nous contactons les associations comme I'UNADFI pour obtenir de plus amples informations. Nous ne voulons pas alimenter la rumeur. Mais pour nous, comme pour d'autres secteurs comme la santé, se mélangent les problèmes déontologiques escroquerie, charlatanisme et les problèmes de dérive sectaire.

Pensez-vous qu'il faille changer le cadre légal ? Et que préconisez-vous ?

Il faut repréciser le cadre de la loi, et le rapport Péry va dans ce sens. Il faut exclure du champ de la formation professionnelle tout ce qui concerne le service individuel à la personne : coaching, travail sur soi, thérapie, psychanalyse, mais aussi tout ce qui, dans le cadre d'une formation-action, permet à l'entreprise de réguler les conflits internes et qui ressortit essentiellement au management.

La formation, c'est le transfert des connaissances et des savoir-faire délimités auprès d'une ou de personnes identifiées. Les compétences doivent être reconnues. Or, la loi actuelle est floue. Ensuite, il faudrait transformer le n° de déclaration (enregistrement auprès de la préfecture de région) en véritable agrément, comme cela avait été envisagé par la loi du 04/01/95 dont les décrets d'application ne sont toujours pas publiés. Cela éviterait peut-être l'évolution de petites structures, à nom variable, à géométrie variable. Mais il faudrait pour cela renforcer le contrôle effectif de l'État, exiger un vrai bilan pédagogique, un bilan financier.

Et que préconisez-vous au niveau européen ?

En Europe, sous la pression en particulier des Anglais, la formation est un marché : chacun doit pouvoir acquérir un diplôme, quelle que soit la valeur professionnelle dudit diplôme. Il y a une grande inégalité entre les pays européens : en Allemagne, presque rien n'est fait en ce domaine.

En France, dans le domaine social, médico-social et sanitaire, l'exercice de 16 professions est réglementé et conditionné à l'obtention d'un diplôme. Pour les professions non réglementées du champ social, (comme éducateur spécialisé), les employeurs doivent apprécier eux-mêmes le niveau de qualification et le niveau des compétences professionnelles des personnes titulaires de diplômes étrangers qu'ils doivent recruter, d'où la tentation pour certains d'aller passer ailleurs des diplômes beaucoup plus faciles à acquérir qu'en France.

Le rôle d'un organisme comme le nôtre, comme le dit Mme Péry dans son rapport, est de participer au " nécessaire dispositif d'intermédiation pour aider l'individu dans sa formation " . Nous ne devons pas laisser, face au marché libre de la formation, l'individu isolé ou l'entreprise : nous avons un rôle d'orientation, de conseil..

Interview de Catherine Picard, députée de l'Eure et présidente de la commission parlementaire sur les sectes

L'intergroupe parlementaire que vous présidez a rendu en juin un rapport "Sectes et argent" . Qu'y a-t-il de nouveau dans le paysage sectaire ?

À l'occasion de la commission d'enquête" Les sectes et l'argent", l'intergroupe a mis en évidence la structuration des mouvements sectaires. Une organisation très pyramidale, faite d'écrans qui dissimulent tout ou partie des activités de ces mouvements.

Nous nous sommes principalement intéressés à l'aspect économique et aux dérives mafieuses en relevant les infractions pour lesquelles les mouvements ont été condamnés.

Souvent, l'association loi 1901 sert de support aux pratiques pseudo-spirituelles ou philosophiques et derrière se cachent des sociétés ou des entreprises, supports d'activités commerciales ou de production. Ce qui est nouveau, c'est l'adaptation très performante des mouvements aux modalités et règles du système économique
création de sociétés civiles, anonymes ou avec des prête noms ; dépôt de bilan pour échapper à la mise en demeure des services fiscaux ; organisation de pools de juristes qui permettent de déjouer les contrôles de l'administration et de se soustraire au paiement des infractions. Tous ces exemples sont facilités par une organisation financière très importante.

Quelles sont les pistes de travail législatif que vous poursuivez à la suite de ce rapport ?

Deux axes de travail sont en cours, qui vont permettre la réglementation de professions fortement infiltrées : celles de la formation professionnelle et celles de la psychothérapie. Les deux ministres concernées, Nicole Péry et Dominique Gillot, sont destinataires de propositions de loi sur ce sujet.

Que pensez-vous proposer, après l'amendement About, en ce qui concerne les enfants dans les sectes ?

La loi sur l'obligation scolaire est entrée en application, à charge des administrations concernées de la faire appliquer.

 



 
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