Association internationale pour la conscience de Krishna
(AICK-ICKSON)

Visite à l'école des dévots

(source: BULLES du 2ème trimestre 1985)

 

Je voulais observer le mode de vie des enfants entraînés par leurs parents dans des sectes. A priori, je m'attendais à des difficultés pour établir le contact et il n'en a rien été : les responsables de la communauté Krishna d'Oublaisse m'ont accueilli chaleureusement et ont tenu à ce que je reste une journée entière chez eux. J'avais prévenu que je souhaitais voir leur école. Voici mes observations.

Le cadre

L'école est un bâtiment de plain-pied en préfabriqué, situé à 200 mètres du château d'Oublaisse appartenant à l'Association Internationale pour la Conscience de Krishna (AICK). Notre guide nous demande d'enlever nos chaussures que nous laissons avec celles des enfants, puis, frappe à l'une des portes. Un jeune homme souriant nous ouvre et se présente sous son nom hindou. Il me propose de m'asseoir à un pupitre vide parmi les enfants. Les fillettes se lèvent, se prosternent devant moi et se rassoient. Elles continuent la dictée commencée quelques minutes avant notre arrivée.

 L'école comprend cinq petites salles de classe ayant chacune 8 à la pupitres. Deux tranches d'âge sont déterminées pour l'enseignement : les 6/10 ans et les 10/15 ans, la première correspondant au cours élémentaire et la seconde au cours moyen. Deux classes sont anglophones et les trois autres francophones. Deux sont mixtes, celles des 6/10 ans. Les autres ne le sont pas, les fillettes étant considérées comme de jeunes adultes, donc ne côtoyant pas le sexe opposé.
 

Le contenu

A mon arrivée, je constate que je suis avec des fillettes francophones de 10/15 ans. Elles écrivent un texte dicté par l'instituteur. C'est un extrait du Bhagavatam, un des livres saints du mouvement. En voici la première moitié : " Les notions de Dieu et de Vérité absolue ne sont pas exactement de même nature bien qu'elles s'attachent toutes deux à la même réalité. Le Shrimad Bhagavatam, quant à lui, prend pour objet la Vérité absolue. Dieu désigne le Maître suprême... ". La dictée terminée, l'instituteur l'écrit au tableau et chaque élève corrige les fautes faites. Aucune explication n'est donnée, que ce soit au niveau du vocabulaire ou de la grammaire. La correction achevée, il leur demande de ranger leur cahier de français et de prendre celui de géographie. Il annonce le thème qu'il va traiter. Aujourd'hui, ce sera l'énergie. Voici quelques courts extraits des propos du maître et des réactions des élèves : Plusieurs élèves étonnés échangent librement leurs remarques. Le maître les laisse quelques minutes puis leur demande de se taire. L'instituteur parle alors de l'industrie et les élèves lui demandent : " C'est quoi, importer ", " C'est quoi, des textiles ". Puis, l'instituteur fait une petite pause avant de parler de deux formes d'énergie actuelle, l'énergie nucléaire et l'énergie solaire et il parle ensuite des minerais pour terminer par la pierre philosophale. Les fillettes intéressées par ce qui vient d'être dit, parlent entre elles en évoquant d'autres histoires du Baghavatam.

 Il est 13 heures 15, la cloche sonne. Les élèves quittent la pièce, vont dans le hall remettre leurs chaussures et se dirigent vers le château. Je reste avec l'instituteur dans la salle de classe pour obtenir d'autres renseignements sur l'éducation des enfants. Chaque élève a un manuel de mathématiques, de géographie et de sciences naturelles ainsi que plusieurs cahiers pour les matières d'orthographe, mathématiques, histoire, géographie, sciences naturelles, sanscrit. Une heure est en effet réservée au sanscrit chaque semaine. Les enfants ne mémorisent rien car, me dit l'instituteur, " le monde étant passager, s'attarder sur l'histoire et la géographie est inutile... Le but de l'éducation védique est de libérer l'être de la naissance, de la maladie et de la mort ".

 Un tel enseignement est surprenant par plusieurs aspects. Tout d'abord, certains termes du vocabulaire employé ne nous sont pas familiers car ils sont tirés d'ouvrages hindouistes lus par les dévots. De plus, les enfants les connaissent alors que certains termes de notre vocabulaire courant leur sont étrangers. De plus, le contenu de l'enseignement est particulier. En feuilletant le cahier d'orthographe d'une des élèves, j'ai remarqué que chaque dictée est extraite de la Bhagavad-Gita ou d'un tome du Baghavatam. Les conjugaisons de verbes font appel à des notions religieuses : " avoir du pragadam ", " être un dévot ", " faire sanhirtan " servant de base à l'étude des temps composés. Il faut noter enfin l'orientation marginale de l'instituteur. Le cours de géographie auquel j'ai assisté ne tient pas compte des réalités géologiques et historiques de notre planète. Le mythe et la réalité sont étroitement mêlés. De plus, parmi les éléments réels étudiés, beaucoup sont choisis par rapport aux croyances du mouvement. Par exemple, les villes françaises considérées comme importantes sont celles où se trouvent les ashrams de la secte, l'histoire et la géographie de l'Inde sont limitées à l'histoire des maîtres spirituels antérieurs à Prabhupada (fondateur de l'AICK) et à la connaissance des lieux où ils ont vécu.

 Cet enseignement fonde la marginalité de ces enfants en creusant le fossé par rapport aux valeurs dominantes de la société environnante.

 Cette école est une école privée hors contrat, elle n'est pas soumise aux contrôles pédagogiques pour fonctionner. Les instituteurs étant diplômés et les locaux conformes aux règles d'hygiène et de sécurité, elle peut recevoir un agrément officiel.
 

Les horaires scolaires

Après avoir transcrit le contenu des enseignements, il convient de donner l'organisation horaire d'une journée : Cet emploi du temps est le même tous les jours de la semaine sauf le dimanche, journée sans école et que les enfants passent habituellement avec leurs parents. Cinq des huit fillettes que j'ai rencontrées voient leurs parents une fois par mois, ceux-ci vivant dans un autre ashram. Tous les enfants scolarisés ont un mois de vacances en juillet qu'ils passent en compagnie de leurs parents à visiter d'autres ashrams. J'ai demandé la raison de l'octroi d'un seul mois de congé scolaire. On m'a répondu que " passer trop de temps sans fréquenter les énergies spirituelles est nocif pour les enfants ". Les contacts avec le monde extérieur sont très limités. Deux fois par mois, un groupe d'enfants et d'adultes se rend à Tours ou à Châteauroux pour se faire connaître du public. Ils distribuent alors leurs revues en chantant et en dansant au son de leurs instruments.
 

L'enfant face au Dieu Krishna

Enfants et adultes vivent dans un climat où la présence du surnaturel est permanente. Il en découle un sentiment tout imprégné de merveilleux. Celui-ci est le produit du cadre, de l'habillement, du rituel, des actions de la journée.

 Comme les adultes, l'enfant est habillé à la mode indienne, les petites filles, dès deux ans et demi, portent le sari et sont délicatement maquillées comme les autres femmes. Les petits garçons gambadent en dothis, la mèche rituelle derrière leur crâne rasé. La différence et l'étrange ne proviennent pas seulement de l'habillement mais aussi du rite. Ils ne passent jamais plus de trois heures et demie sans prier en groupe. Quatre heures dans la matinée sont passées au temple au milieu de la ferveur des adultes, dans le décor chargé d'un temple hindou. Au début du repas, ils participent à des libations en l'honneur du Dieu Krishna et au cours de l'après-midi, il leur arrive souvent de réciter le mantra de base. Ils vivent de plain pied avec la divinité.

 Il me semble que cette éducation (qui a pour but d'amener les enfants à avoir à l'âge adulte une vie ascétique) combine, en proportions à peu près égales, avantages et inconvénients. Si elle leur apporte quiétude et régularité, si elle les fait vivre dans un monde heureux, plein de bienfaisantes créatures de Krishna, elle les plie à une rude discipline et creuse l'écart avec notre société contemporaine dans laquelle, s'ils le voulaient plus tard, ils auraient grandes difficultés et grandes souffrances pour se réinsérer.

 Depuis la rédaction de ce rapport et peut-être en partie grâce à lui, des améliorations ont été apportées au mode de vie des enfants et en particulier aux horaires du lever. (NDLR).

   

 
Sectes sur le Net francophone 
Les Dévots de Krishna 
 
Home Page 
Sectes = danger !