AMERICAN FAMILY FOUNDATION (AFF)


Congrès des 13 au 16 mai 1999 à Minneapolis

(Source : Regards sur n° 9, septembre, octobre 1999)

L'AFF qui avait déjà organisé des colloques sur les thèmes

- femmes et sectes
- enfants et sectes

choisissait cette fois-ci le thème

- sectes, manipulation psychologique, et société

Dans une perspective internationale, de nombreux pays ont reçu une invitation à participer à ce colloque, et les suivants ont ainsi été représentés : France, Grande Bretagne, Espagne (dont le chef de délégation représentait également la FECRIS), Belgique, Canada, Suède, Mexique, Japon (représenté par un français résident à Sapporo), Chine populaire.

La France comportait deux délégations distinctes

- deux personnes de la MILS, représentant le gouvernement français

- deux personnes du CCMM représentant les associations françaises

Le nombre et la diversité relative des délégations présentaient déjà un premier intérêt, chacun ayant d'abord l'occasion de se faire connaître à l'ensemble, puis de s'exprimer, soit pendant la période des questions qui suivait chaque exposé, soit le dernier jour au cour d'un "brain-storming" organisé pour faire suggérer des actions immédiates dans la lutte contre les sectes.

Cela permettait aussi de percevoir des approches du sectarisme différentes entre les pays européens, les pays américains du nord, et les pays asiatiques.

L'approche mexicaine semble proche de celle des européens. Dans les pays européens, le suédois se distinguait par un libéralisme affiché envers les sectes avec lesquelles une commission composée de représentants de différents ministères du gouvernement suédois va "expérimenter le dialogue".

Enfin ces contacts directs entre participants de toutes origines pourrait faire espérer une suite dans les relations ainsi établies à l'occasion du colloque.

Les principales interventions se voulaient être un "tour d'horizon sur les sectes" avec un oeil de psychologue, mais aussi de sociologue voire d'ethnologue afin de démontrer l'irrationalité de la démarche sectaire et d'essayer encore une fois de parvenir à une définition à partir de l'évolution historique.

La plupart des interventions se sont révélées de qualité, même si elles n'ont pas permis d'avancées importantes dans la définition et l'analyse du phénomène sectaire.

Deux d'entre elles avaient un caractère original :

- la première, très émouvante, était le témoignage de Nansook Hong, ex-belle fille de Moon, évadée avec ses cinq enfants de la prison mooniste,

- la seconde, assez inattendue, était une information très complète sur l'attitude et le comportement nouveau qu'adopterait désormais l'AICK (conscience de Krishna) vis-à-vis de la société américaine par le porte-parole américain de la secte (en costume de Krishna) et une américaine (en sari indien) professeur de droit à l'université de Chapman.

Présentation des associations françaises par la délégations du CCMM

C'est à partir des années 70, que des associations se sont constituées en France pour réagir aux agissements d'organisations désignées sous le vocable de sectes en raison du masque religieux qu'elles présentaient. Mais dès l'origine, ce n'étaient pas les idéologies ni les doctrines professées par ces organisations qui suscitaient cette réaction des familles concernées, mais la rupture provoquée avec le monde extérieur, famille, amis, collègues professionnels ; les dommages physiques et psychologiques subis par les individus , les difficultés de sortie de tels ou tels groupes et les pressions menaçantes exercées sur tout contestataire.

Dans ce sens, les sectes ne sont pas des nouveaux mouvements religieux minoritaires, et nos associations ne veulent nullement menacer les libertés religieuses et philosophiques, bien au contraire. Notre expérience nous montre que ces sectes sont en réalité des microcosmes totalitaires, des zones de non-droit, en quelque sorte des "objets politiques non- identifiés".

Pour appréhender le phénomène dans sa totalité, il faut replacer la secte dans un contexte sociologique large et non du seul point de vue religieux ou idéologique.

Les motivations des individus qui rentrent dans les sectes sont multiples - besoin de spiritualité (aspiration religieuse), - besoin d'une explication du monde (idéologie).

Mais aussi :

- développement des connaissances scientifiques (culture individuelle),
- enracinement social (reconnaissance de l'individu par la société),
- médecine holistique (par opposition à la spécialisation médicale),
- besoin d'une protection contre le mal (recherche de sécurité)
- souci de développement personnel (recherche du mieux être),

La secte détourne la demande pour créer une dépendance et assurer sa domination.

Il faut noter l'importance actuelle accordée au développement personnel qui se définit par

- un objectif : libérer son potentiel,

- des méthodes : ensemble de psychotechniques.

Le développement technique des moyens de communication facilite l'accès matériel à toutes sortes de connaissances et donne l'illusion de pouvoir acquérir une culture illimitée. Cela ouvre de belles perspectives aux sectes qui promettent à leurs adeptes de devenir des surhommes. La convergence entre le développement personnel et l'idéologie sectaire est grande.

Le pouvoir d'attraction des groupes sectaires, et leur danger, vient de ce qu'ils offrent un substitut mensonger d'engagement, de croyance, de loyauté envers les dirigeants alors qu'il s'agit en réalité d'embrigadement, de manipulation et d'allégeance inconditionnelle. Il n'y a pas une simple différence d'originalité des thèmes fondateurs mais une différence de nature des mécanismes et des finalités.

Ce sont ces différences qu'il faut faire apparaître pour informer avec précision d'une part les familles et les individus concernés, d'autre part les autorités chargées de faire respecter la loi pour éveiller leur vigilance mais aussi pour éviter de laisser porter des soupçons sur des groupes non conformistes mais respectueux des libertés individuelles.

Le travail de nos associations est d'être à l'écoute des personnes qui s'inquiètent du comportement de certains groupes et de les informer sur les moyens que la loi leur donne pour se protéger et pour réprimer les agissements délictueux des sectes. La documentation de notre association représente 15 ans de recueil de témoignages, d'articles de presse, de textes émanant de groupes sectaires eux-mêmes, de jugements, d'ouvrages sur le sujet. C'est un travail difficile car, pour éviter l'amalgame et l'intolérance, il exige un effort permanent de discernement.

AFF - Propositions finales d'actions

Au cours de la séance de brain-storming qui a servi de conclusion au Congrès de Minneapolis, les participants ont émis un certains nombre de propositions d'actions qui pourraient être conduites sans délai pour contrer la nocivité des sectes.

Les principales actions proposées sont les suivantes

- stimuler et éduquer l'esprit critique chez les jeunes

- favoriser et encourager la recherche d'une meilleure connaissance du phénomène sectaire et de son développement;

- comparer les jurisprudences des différents pays dans des affaires similaires impliquant des sectes tant pour mieux appréhender les différentes sensibilités au problème sectaire que pour tenter de faire se rapprocher les actions judiciaires compte-tenu des contextes locaux ;

- mieux connaître l'arsenal juridique afin de l'utiliser à bon escient et de façon plus efficace

- travailler d'avantage et de façon plus professionnelle avec les médias.

D'autres mesures d'aspect plus ou moins pratique ont également été proposées, telles que

- mettre en place une formation appropriée des membres des associations de lutte contre les sectes

- ne pas se décourager et poursuivre son but avec constance ;

- donner plus d'importance au respect des droits de l'homme

- favoriser le dialogue entre les groupes sectaires et la société dans la perspective d'une meilleure compréhension mutuelle ;

- accorder une place à la présentation des différentes religions dans l'éducation scolaire

- établir et diffuser un catalogue d'organismes pouvant apporter aide et assistance aux victimes des agissements sectaires ;

- continuer le travail en commun de tous les pays intéressés et intensifier les relations internationales et l'information mutuelle ;

- améliorer la communication par utilisation de l'Intemet.

De toutes ces propositions il ressort un souci commun d'approfondir les connaissances de tous et de chacun, et de resserrer les rangs face à une menace complexe, multiforme, évolutive, qui n'épargne aucun pays.


Intervention de Denis Barthélemy, Secrétaire Général de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes. (Gouvernement français - Premier ministre)

Je veux juste vous parler aujourd'hui de notions premières que nous avons à connaître, si nous voulons comprendre la situation dans le monde et dans chaque pays.

1 - Le sens des mots.

2 - De quelles libertés et de quels droits parlons-nous, dans la plupart des pays européens, et espérons-le, dans le reste du monde ?

1 - Le sens des mots

Quant vous parlez avec quelqu'un qui ne donne pas aux mots que vous utilisez le même sens que celui que vous donnez, vous ne pouvez pas vous entendre avec lui, tout simplement parce que, même si vous utilisez les mêmes mots, vous ne parlez pas de la même chose.

Dès lors, quand vous parlez avec quelqu'un, la première chose àfaire est de se mettre d'accord sur le sens des mots que vous allez utiliser.

Du fait de nos nombreuses langues, nous connaissons bien ce problème en Europe.

Voici un exemple

Le mot "cult " en anglais et le mot "culte " enfrançais n'ont pas le même sens.

Le mot "culte " en français équivaut principalement au mot anglais "religion ". Encore qu'il peut exister des "cultes " qui ne peuvent pas être considérés comme tels, parce qu'ils ne sont pas religieux au sens strict.

La traduction la plus appropriée du mot anglais "cult " est en Français le mot "secte

Mais en Anglais, le mot "sect" a un autre sens.

Aussi, la première question doit être : "De quoi sommes nous en train de parler ?

Vous pouvez alors vous demander ce que signifient les mots "nouvelles religions ', ?

Et au-delà, que signifie la notion de "liberté de religion", si vous parlez de "nouvelles religions " pour désigner les sectes ?

Je donne un autre exemple

Selon un "sociologue des religions ", seul le meurtre peut être considéré comme constituant une pratique illégale que l'on peut reprocher aux sectes (nouvelles religions ?). Il dit même parfois que les crimes rituels ne sont pas des pratiques illégales, parce qu'il s'agit de crimes de nature religieuse.

Que dire alors des crimes sexuels, des infractions dont sont victimes les enfants, les personnes handicapées ou en état défaiblesse, ainsi que les "incapables majeurs" ?

Que dire de la corruption, et des infractions économiques etfinancières ?

Que dire de l'éducation par référence à la Convention internationale des droits de l'enfant ?

Ainsi de suite

Il doit en être conclu que le premier travail àfaire, si nous voulons parler avec quelqu'un qui nous dit "Ne parlez plus de "sectes ", mais de "nouvelles religions " ", est d'expliquer le sens des mots que chacun va utiliser, et de se mettre d'accord sur le sens de ces mots. C'est à cette seule condition qu'il peut y avoir un espoir de se comprendre mutuellement.

Vous savez tous qu'utiliser des mots dans un autre sens que celui qu'ils ont habituellement, peut constituer une manipulation mentale. Aussi pour éviter de telles manipulations, nous devons connaître le sens que l'autre donne aux mots qu'il utilise, et ce n'est pas la tâche la plus facile.

Je vous recommande à ce sujet le livre du Français Paul Ariès - "La Scientologie, laboratoire dufutur " aux Editions Golias (Lyon-France). Vous y trouverez de très bonnes explications sur ce type de manipulation.

Je dis souvent à mes jeunes collègues : Avant de parler d'une loi, lisez là plusieurs fois, chaque fois que vous devez l'appliquer. En effet vous pensez que vous la connaissez, mais vous avez pu oublier son sens exact, notamment si quelqu'un d'autre discourt ou argumente sur le sujet (un avocat par exemple). Parfois, cela peut être une défaillance totale ou partielle de votre mémoire.

C'est la raison pour laquelle, je souhaite rappeler, une fois de plus, ce que sont exactement la "liberté de religion" et la "liberté de croyance", selon les conventions internationales. Trop souvent il est donné à ces mots un sens légal inexact.

2 - Les libertés et les droits dont nous parlons

La liberté de croyance est une application de la liberté de conscience. On peut aussi dire que c'est une application de la liberté de pensée.

Ces libertés sont des libertés individuelles.

La liberté de religion est une liberté qui vous autorise à pratiquer votre croyance avec d'autres personnes. C'est une application de la liberté d'association.

C'est donc une liberté collective.

Mais, bien sûr, il peut se produire des conflits entre ces libertés individuelles et ces libertés collectives.

Des problèmes peuvent également apparaître entre ces libertés et les lois d'un pays, voire les conventions internationales que nous avons à appliquer comme des lois. En Europe, nous avons parfois à appliquer les lois européennes (règlements) en lieu etplace des lois internes.

Dans ce contexte, quelles sont les libertés les plus importantes que nous ayons à respecter ?

Les libertés individuelles ou les libertés collectives ? Quelles lois fixent les limites de ces libertés ? Les lois de son propre pays ou les lois internationales d'application interne.

Pour répondre à un tel questionnement, il faut avoir à l'esprit que si les droits de chacun ne sont pas protégés par la législation en cours dans le pays considéré, ou si cette législation existe, mais qu'elle n'est pas appliquée défait, ce pays ne peut pas être considéré comme constituant une démocratie.

Dans une démocratie, les groupes sont autorisés et peuvent avoir des droits. Mais si dans un pays la notion de groupes est une considération juridique première, voire primordiale, alors nous ne sommes plus dans un pays avec des citoyens, mais dans un pays avec des clans, au sens où il peut être dit que la "MAFIA " est un clan.

Ainsi, la "liberté de religion " dont nous parlent certains sociologues des religions, est une sorte de liberté clanique. Le système politique qu'ils veulent mettre en place est donc un système politique fondé sur les clans. En une telle situation, le groupe est plus important que le citoyen. Le groupe de-vient alors rapidement la seule notion juridique prise en compte, ce qui conduit à mettre en place un système politique nonfondé sur les citoyens !

Nous savons que ces groupes, la plupart du temps, fonctionnent dans une optique totalitaire. Je veux dire par-là que leurs membres n'ont pas, le plus souvent, le droit de critiquer le chef du groupe.

Comment dès lors un système politique peut-il être démocratique, si ces groupes totalitaires sont la base de ce système politique.

Par exemple:

Si je dis : "La MAFIA est un groupe religieux", allons-nous demander au gouvernement italien ou à la justice italienne d'arrêter les poursuites introduites contre les membres de ce groupe ?

Si je dis : "Ce groupe terroriste est un groupe religieux ", allons-nous arrêter de lutter contre ce groupe ?

Désolé de parler des Etats-Unis

Mais quand vous demandez un visa pour entrer aux Etats-Unis, l'officier d'immigration vous demande si vous appartenez à un groupe terroriste ! Qu'aurait dit cet officier, si j'avais répondu : "Oui, j'appartiens à un groupe terroriste, mais ce groupe est un groupe religieux" ?

Pour en finir avec ce sujet, je dirai encore que les libertés les plus importantes sont la liberté de conscience, la liberté de pensée et la liberté d'opinion, qui sont des libertés individuelles, parce que les démocraties ont besoin de citoyens libres dans leurs choix.

Avec ces libertés vous pouvez choisir d'entrer, de sortir ou de changer, comme cela est stipulé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ceci s'applique bien entendu aux groupes religieux, et à ceux qui se disent tels.

Et ces libertés doivent vous permettre d'avoir accès à la Justice contre ces groupes, quand vous avez été victime d'infraction, si tel est le cas. Si vous n'avez pas accès au système juridictionnel, cela constitue une immunité défait inacceptable, une violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Nous pourrons examiner lors d'une autre rencontre, ce qui est relatif aux preuves à apporter en justice, mais il doit être redit avant tout autre considération que chacun a le droit inaliénable de pouvoir saisir un juge impartial et indépendant afin de faire entendre sa cause. Cette faculté est prévue en Europe par l'art. 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales.

Je ne vous ai pas encore parlé d'une autre liberté qui est celle de dire en public que vous appartenez à un groupe (religieux, politique ou autre). Cette liberté doit être considérée comme une liberté individuelle, mais elle s'apparente par certains aspects à une liberté collective.

Je m'explique.

Quand vous dîtes, par exemple : "Je suis catholique romain ", vous laissez entendre que vous approuvez ce que dit le groupe et ce que disent les dirigeants de cette communauté.

Il se peut toutefois que vous désapprouviez ce que dit le Pape sur les problèmes sexuels.

Mais si vous ne dites pas publiquement que vous désapprouvez, on est en droit de penser que vous approuvez ce que dit le Pape sur les problèmes sexuels.

Dès lors, si vous ne désapprouvez pas publiquement ce que dit le Pape, avez-vous le droit de reprocher aux autres de dire que vous approuvez le Pape sur ces problèmes ?

Quand le sujet en cause fait partie intégrante de la croyance, il peut en résulter des difficultés sérieuses pour l'adepte, mais il est malfondé à s'en plaindre s'il ne désapprouve pas.

Ainsi, si voire "croyance" commande de ne pas être loyal envers son patron, quelle pourra être la réaction de ce patron, lorsque vous lui annoncerez: "Cette religion est ma religion" ?

En conclusion, je dirais que les autres doivent respecter vos droits et libertés mais que toutes les libertés ont des limites qui sont celles des droits d'autrui.

Le seul objectif à atteindre est de protéger les citoyens contre toutes les pratiques illégales

Nous avons à protéger les gens contre toutes les pratiques qui violent les libertés fondamentales et les droits de l'homme, simplement parce que ces pratiques détruisent les institutions démocratiques et l'avenir de l'homme.

Vous ne devez pas ignorer que 25 pages, peut-être plus, d'un rapport français établi par un service spécialisé sont relatives à la corruption dont se rendent coupables les sectes. Aucune organisation n'est nommée, et c'est pourquoi les organes de presse n'en ont que très peu parlé. Mais il est possible de comprendre de quelles organisations il s'agit, quand on le lit attentivement.

Nous attendons un autre rapport. Il sera l'œuvre du parlement français, et porte sur les activités économiques et financières des sectes. Il sera publié en juin ou juillet 1999.



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