MERCREDI 19 Novembre 1997, 21 heures
En 67, dotée de sa marine de scientologues, l'Organisation Maritime du Commodore Hubbard prit la mer. Hana Eltringham avait 24 ans. Elle n'avait jamais navigué sur un navire, mais Hubbard crut savoir qu'elle serait particulièrement capable pour le commandement maritime.
HANA
ELTRINGHAM:
"Hubbard me fit appeler à sa cabine; il s'installa devant
la porte, tripotant son électromètre, et commença
à me poser des question "quand avais-je été capitaine?".
Ce ne pouvait être que lors de vies antérieures, puisque je
n'avais jamais exercé dans celle-ci. Bon, j'ai commencé alors
- vous savez - à penser au passé, genre capitaine de vaisseau
interplanétaire, et j'ai trouvé une affaire où on
me faisait exploser sur la planète, et la planète était
envahie , et tout le bazar d'explosions, et à la fin il me dit "Ets-ce
que tu étais l'un des officiers loyaux?", et je me suis sentie brusquement
très bien. Je devais avoir été de ces officiers loyaux,
l'élite, quoi."
La jeune Hana fut donc promue Capitaine en second sur le bateau, un chalutier
de 400 tonneaux. A bord, Hubbard avait sa garde personnelle, qu'on appelait
les "Messagères du Commodore".
GERRY ARMSTRONG:
"Elles s'occupaient de tout à sa place: elles l'habillaient,
le préparaient à se mettre au lit, lui allumaient ses cigarettes
et lui tenaient le cendrier."
MIKE
GOLDSTEIN - Contrôleur de Finances d'Hubbard
"C'était pour la plupart de jeunes filles; de 13 - 15 ans.
Elles n'étaient que des extensions de sa communication: quand on
leur parlait ou qu'on les voyait venir, c'était comme si on lui
parlait, à lui."
Une fois, alors que Gerry Armostrong avait été expédié faire une course à terre, il reçut une des Messagères d'Hubbard:
GERRY ARMSTRONG:
"C'était Terry: elle deviendrait ma femme. Elle vint me voir
travailler et me dit: 'le Commodore veut savoir si c'est vrai que lorsque
tu es allé à terre, tu es allé à l'Ambassade
des Eats-Unis et que tu leur as demandé un visa de trente jours
ou quelque chose? Et j'ai dit "Yes Sir" (oui, Monsieur), parce que c'était
comme ça qu'il fallait répondre aux messagères. Son
message suivant, ce fut: "Le Commodore te dit que tu es un putain de trou
du cul!"
Les attaques envers la scientologie avaient fait sombrer Hubbard dans l'une de ses dépressions périodiques. Sa réponse consista à s'en prendre à ses adeptes, sur terre et sur mer. Il mit au point un nouveau code disciplinaire nommé "Code Ethique" qui poussa la plupart d'entre eux dans les "conditions inférieures d'existence", dans le style "Trahison, Ennemi, Doute, Risque". Pour en sortir, des pénitences étaient obligatoires. Par exemple, il fallait "délivrer un coup efficace aux ennemis de la scientologie" si on voulait remonter de "Risque".
VICTORIA DOWNSBOROUGH - membre à bord de l'Avon River:
"Tout le monde était censé se trouver dans l'une de
ces conditions, ce qui surprend plutôt quand on sait à quel
point ces gens aimaient Ron et désiraient contribuer à tout
ce qu'il désirait."
PAM KEMP:
"Il advint donc que tout cela se transforme en une organisation
vraiment lourde et quasi militaire. Les gens changèrent. Je crois
qu'ils eurent peur. Ils avaient peur de l'éthique, peur de ce qui
se passerait, ils étaient très effrayés."
La cruauté d'Hubbard alla jusqu'aux enfants. Une fois, Hubbard se mit en rogne parce qu'un gamin avait involontairement machonné un télex.
Hana Eltringham:
"Il a collé ce gamin de 4 ans et demi - Derek Greene - dans
le puits d'ancre du bateau, pendant deux jours et deux nuits. C'est une
sorte de local en fer, fermé, plein d'humidité et d'eau de
mer, ça pue. Mais Derek était assis là, sur la chaîne,
et ça a duré deux jours. On ne lui permettait même
pas d'aller faire ses besoins: il a fallu qu'il reste là, à
se faire dessus. On lui donnait à manger; je n'étais pas
dans les parages, mais les gens l'ont entendu pleurer. Ca, c'est du pur
sadisme, c'est de la violence gratuite contre un gosse."
GERRY ARMSTRONG:
"Les gens avaient peur de lui. C'était le patron, le dictateur.
Il pouvait donner n'importe quel ordre à n'importe qui, sur le bateau.
Il était brutal, mais pouvait parfois être charmant.
Mais il pouvait aussi être vraiment bagarreur, tout aussi bien que
cruel et négligent des autres"
Les disciples d'Hubbard continuèrent pourtant à croire en lui. En 68, il en choisit quelques uns pour les emmener sur son yacht, l'Enchanteur, pour un projet nommé "Mission dans le Temps". Il s'agissait de découvrir un trésor qu'Hubbard avait enterré lors de ses vies précédentes.
HANA ELTRINGHAM:
"On était tout excités, vous savez, tout ce truc qui
allait arriver - c'était une mission vraiment passionnante. Et je
faisais partie des quelques rares élus, nous sommes partis avec
nos détecteurs de métaux en divers endroits pour découvrir
du métal dans des fondations d'un truc qu'il prétendait avoir
été un temple où il avait eu une liaison avec une
prètresse, lors d'un voyage en Sardaigne. Il y avait du métal
enterré là. Il était carrément triomphal tout
du long. C'était le genre de chose qui nous hypnotisait, nous prenait
la tête, c'était magique, magnétique".
Hubbard s'occupait aussi d'étendre l'emprise scientologue. Quand un scientologue atteignait l'état de "Clair", il passait à celui de "OT" - un "Thétan Opérant": Hubbard avait écrit une série de niveaux OT secrets. Chaque niveau faisait partie d'une saga dont on découvrait peu à peu les étapes: on apprenait dans ces niveaux secrets que nous étions en réalité tous "infestés de thétans de corps", accrochés à nous, toutes ces âmes-thétans étant celles des âmes exilées sur terre par Xenu, Dictateur de la Fédération Galactique voici 75 millions d'années.
Si jamais vous arrivez au sommet des niveaux OT secrets, vous aurez traversé le "Pont vers la Liberté Totale". Comme d'habitude en Scientologie, chacun des niveaux OT ne s'obtient qu'après de coûteux cours. Est-ce que Hubbard y croyait lui-même, ou avait-il trompé ses adeptes?
CYRIL VOSPER:
"Il a probablement toujours su qu'il opérait en charlatan.
Il a dû savoir que tout ce qu'il faisait n'était que foutaise.
Mais je crois qu'en fin de compte, quand il s'aperçut que tous ces
milliers de gens l'adoraient, il a commencé à fléchir.
Je crois que s'il n'a pas cru qu'il était vraiment Dieu, il s'en
est en tous cas senti très proche."
La nouvelle cosmologie d'Hubbard s'accompagnait de nouvelles formes de punition à bord du navire. On balançait par dessus bord les staffs qui n'avaient pas l'heur de plaire, avant de les récupérer par une écoutille basse. Les récédivistes étaient jetés à la mer ligotés et les yeux bandés.
HANA ELTRINGHAM:
"J'ai vu jeter à la mer une femme, Julia Lewis Salmon, citoyenne
des USA. Elle devait avoir la cinquantaine. On lui avait lié les
pieds et les mains - peut-être seulement les mains - et on lui avait
mis un bandeau sur les yeux, mais elle reculait: elle était tellement
horrifiée à l'idée d'être balancée comme
ça qu'il a fallu la pousser, elle hurlait et se débattait.
Et j'étais là, sur le pont supérieur du bateau, en
train de regarder cette scène à côté d'Hubbard
et des autres assistants.
JIM DINCALCI:
"Il se méfiait de tout le monde et croyait que tous lui voulaient
du mal. Les gouvernements l'attaquaient, tous ses proches faisant
la moindre erreur l'attaquaient, et la seule chose dont il était
capable, c'est de contre-attaquer.
En 1973, un tribunal français inculpa Hubbard d'escroquerie. Il avait quitté le bateau amarré au Maroc, et partit se cacher à New York, où Jim Dincalci s'occuppa de lui."
Pour reprendre la main à ses ennemis, Hubbard élabora un plan bizarre, qu'il appella "Blanc comme Neige" (Snow White). Le but était de corriger les faux rapports émis contre la scientologie. Les scientologues commencèrent à inflitrer les services gouvernementaux. Hubbard écrivit même une série de directives sur l'art d'espionner.
ROBERT VAUGHN YOUNG:
"Il croyait en l'existence d'une cabale internationale contrôlant
l'attaque dirigée contre lui dans le monde, et contrôlant
toutes les attaques dans les pays. "Snow White" était censé
trouver la cabale, les connections entre ses groupes instigateurs et les
exposer au grand jour, puis les détruire. Cela se faisait par infiltration,
parfois par cambriolage. C'était du pur renseignement militaire."
Ayant démarré "Snow White", Hubbard rejoignit son bateau ancré aux Canaries. Il y eût un accident de moto assez sérieux. Son caractère empira encore.
HANA ELTRINGHAM:
"C'est cette période que j'ai appelé la bouderie,
le hurlement, la période folle où il jetait des objets contre
les murs, les cloisons, et il hurlait et boudait. Vers la fin, il
créa le "RPF" - le Projet 'Force de Rédemption ou de Réhabilitation'.
Le RPF, c'est encore un régime correctionnel disciplinaire. Les instructions sont terribles. Hana Eltringham, capitaine du bateau, devait les faire exécuter.
HANA ELTRINGHAM:
"J'ai été horrifiée en les lisant, car il s'agissait
de créer un genre de camp de travaux forcés pour esclaves.
Ce ne sont pas les mots dont il se servait, mais c'était l'impression
que ça donnait. C'est là qu'il fallait expédier les
indésirables; ils n'avaient plus de droits, de libertés,
ni de privilèges d'aucune sorte. Tout ce qui leur restait, c'étaient
des restes de repas et quelques heures de sommeil par nuit. Parmi les choses
les plus dures, il leur était interdit de parler à qui que
ce soit de l'équipage. Mais l'argumentaire d'Hubbard tenait en ceci:
il allait falloir bien plus de dureté, d'éthique, de punition
qu'il n' y en avait, bien plus que ce qu'on pourrait supporter, si l'on
voulait remettre ce monde en état; à cette époque,
j'y ai cru."
JIM DINCALCI:
"Les humains ont normalement des émotions et réactions
humaines. Et son point de vue sur l'humanité n'était guère
brillant. Il préfèrait l'idée des 'corps de poupée'
qu'on trouva dans d'autres civilisations. Les corps de poupée n'ont
ni émotions, ni réactions humaines. Vous savez, on pourrait
comparer ça à Spock, dans Star Trek -
tout est analytique, vous faites exécuter le boulot. Pas d'émotion.
On ne se préoccuppe pas d'amour, c'est un sentiment inconnu, et
je crois sincèrement que c'est une tragédie qu'il ait réussi
à insuffler cet état d'esprit au sein de l'organisation."
Hubbard expédia même son propre fils Quentin au RPF, alors que celui-ci exerçait déjà comme auditeur avancé à bord du navire.
MIKE
GOLDSTEIN:
"Quentin était vraiment un garçon très agréable;
vraiment gentil, pas un mot trop haut; il supportait très mal d'être
le fils d'Hubbard, et je pense que ça ne l'intéressait
pas vraiment de se trouver à cette position hiérarchique
élevée. Il avait seulement envie de devenir pilote; il était
homosexuel, et en scientologie, c'est intenable d'être homo. En particulier
lui, dans son poste de commandement, homo... C'était sûrement
quelque chose de terrible à encaisser pour lui."
Quentin fut envoyé au RPF après avoir commis le péché de tenter de se suicider. Il y réussit deux ans plus tard.
JIM DINCALCI:
"Hubbard considéra qu'il s'agissait d'une trahison, car tout
autour de lui était référencé, organisé,
on osait lui faire ça? Sa technologie était censée
fonctionner, et n'avait même pas réussi sur les gens les plus
hauts placés de la scientologie, Hubard et son fils? Alors, il a
considéré ça comme une trahison de son fils - vous
voyez, tout foutait le camp, il avait perdu l'amour."
Hubbard décida qu'il était temps, en 1975, de revenir sur la terre ferme. Il expédia des éclaireurs chargés de trouver une base à terre. Ils s'installèrent à Clearwater, au sein de cet état riche qu'est la Floride.
HANA ELTRINGHAM:
"Il déclara que ce serait avantageux de revenir à
terre, parce qu'on pourrait faire venir tant de gens à la Base de
Flag, pour les y entraîner et les auditer. Il voulait aussi amplifier
la formation de professionnels à Flag, car c'est eux qui avaient
l'argent. Ils avaient des fonds de pension, des dotations d'éducation,
et quelques uns étaient prèts."
Hubbard savait que la scientologie serait mal accueillie, aussi inventa-t'il un plan de bataille ultra secret, qu'il appela "Opération Mine d'Or". En se servant d'un nom d'emprunt, les "Eglises de Floride Unifiées", il entreprit la conquète de la ville.
GABRIEL
CAZARES - ancien Maire de Clearwater:
"Ces ordres très clairs étaient d'envahir, de trouver
qui étaient les amis et de les aider, trouver qui étaient
les ennemis et les détruire. Puis envahir tous les domaines possibles
de la vie communautaire, les affaires, le social, l'éducation, le
religieux."
Le plan marcha. Clearwater est un bastion scientologique. La Scientologie y possède plusieurs sites primordiaux. De grands noms de la scientologie s'y sont installés, Lisa Marie Presley par exemple.
MIKE GOLDSTEIN:
"On pouvait faire venir toutes ces grosses pointures, ces types
bourrés de dollars, et faire fortune. Je crois qu'en 78-79, les
rentrées hebdomadaires étaient de l'ordre de 500000 dollars
(4 millions de F) - c'est là qu'en effet on a commencé à
faire vraiment de l'argent."
L'argent coulant à flots, Hubbard déménagea en Californie, où il allait jouer son dernier grand rôle: il voulait faire des films genre science-fiction à partir de ses ouvrages, mais dut se contenter de faire des films d'entraînement scientologique.
JIM DINCALCI:
"Le géant du cinéma - le Cecil B. DeMille. Vous savez,
il était comme ça: il essayait d'être plus grand que
la vie, mais comme ce n'était pas vraiment ça, il faisait
des choses extravagantes, ridicules. Ce n'était pas de grandes productions,
juste des idioties, des trucs egomaniaques. Il essayait d'être tonitruant,
gros, énorme, mais si vous observez tout simplement, vous vous apercevrez
qu'il avait peur de tout; et que finalement, sa peur s'est transformée
en petits grains de poussière, de miniscules grains de poussière."
GERRY ARMSTRONG:
"Il avait des phobies à propos de la poussière, des
odeurs, des sons. Il entendait des bruits qui n'existaient pas, et hurlait
sur le technicien du son; il voyait même des choses qui n'y étaient
pas, et hurlait contre les cameramen; et il sentait des odeurs inventées,
et faisait rincer son linge 10, 15, 20 fois."
En 1977, pendant qu'Hubbard était à ses films, le FBI apprit l'opération Snow White et fit une descente au QG scientologue de Los Angeles et à celui de Washington. Mary Sue, la femme d'Hubbard et huit autres cadres scientologues furent inculpés et condamnés pour conspiration et vol de documents du gouvernement.
Hubbard disparut et personne ne le revit en public. Après avoir habité diverses cachettes, il se terra dans un ranch des montagnes caliorniennes. Le secret avait tiré le voile sur ses dernières années. Mais Robert Vaughn Young, alors Officier des Relations Publiques d'Hubbard, eut ensuite sa description par l'un de ses gardiens. Celle-ci, ajoutée au rapport d'autopsie, dépeint une triste vision.
ROBERT VAUGHN YOUNG:
"Il s'était laissé pousser la barbe, les chevuex,
les ongles - à peu près comme on le vit chez Howard Hugues.
Quant aux voisins, il en était terrorisé: l'un d'eux l'avait
aperçu un jour en passant, il fila se cacher. Il avait très
peur des gens, il était terrorisé à l'idée
de rencontrer des inconnus. Il disparaissait peu à peu dans son
monde étrange. L'ironie suprème, c'est que cet homme ait
voulu révolutionner le monde par ses dictats, ses technologies et
ses idées annonçant qu'on pouvait devenir de plus en plus
grand, immense... et le voilà disparaissant, terré jusqu'à
la fin."
Le 24 Janvier 1986, Hubbard mourait. L'église de scientologie annonça simplement "qu'il avait quitté le corps pour continuer son oeuvre ailleurs".
ROBERT VAUGHN YOUNG:
"Qu'il meure soudain le rendait brusquement très mortel:
et la dernière chose qu'on attendait de lui, c'est qu'il soit mortel.
Alors, il a fallu concocter une histoire disant qu'il allait continuer
ses recherches sur un autre niveau. On s'étonne que les scientologues
aient gobé cette histoire, et sans l'ombre d'un doute, on peut affirmer
qu'ils l'ont gobée."
De nos jours, l'image d'Hubbard est soigneusement entretenue par l'église de scientologie. Elle le présente comme le plus grand humaniste que nous ayions connus. Hollywood a baptisé une rue à son nom, après que des millions et millions de dollars aient d'année en année trouvé le chemin de l'église. Elle continue à prècher les enseignements d'Hubbard, disant qu'ils sont l'unique réponse aux misères du monde. La tragédie de l'affaire, c'est qu'il existe en scientologie un homme qu'elle n'a su aider: son fondateur.
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