Communauté Saint Jean

Les Petits Gris

(Source : Communiqué de l'AVREF - Bulles n°81 1er trimestre 2004)

Mis en ligne le 26 mai 2004
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L'AVREF est une association de parents et d'amis de religieux et de religieuses, déjà mentionnée dans Bulles n°74, p.7 ; elle se penche spécifiquement sur les problèmes de dérives sectaires à l’intérieur de communautés ou de groupes religieux catholiques et s’efforce de venir en aide aux familles qui s’adressent à elle ; l'AVREF remercie l’UNADFI qui lui permet de s'adresser aux lecteurs de BULLES.

Les médias se sont fait l’écho, à plusieurs reprises, de déviances de type sectaire existant au sein de diverses communautés religieuses catholiques. Notre article sera centré plus spécialement sur la « Famille St-Jean » qui comprend une branche masculine et trois branches féminines : les apostoliques, les contemplatives, et la branche annexe des adeptes de Tünde Szentes (Mère Myriam), dites Sœurs mariales d’Israël et de St-Jean.
Comment fonctionne le pouvoir au sein de ce groupe religieux ?

S'il existe dans chacune des branches au moins quelques règles écrites de fonctionnement plus ou moins bien adaptées, elles ne sont guère appliquées et le pouvoir réel est détenu par quelques initiés ayant fait totale allégeance à la personne du fondateur, le père Marie-Dominique Philippe. Ce pouvoir s’exerce au nom de l’Eglise et de Dieu lui-même. De nombreuses règles imposées par l’Eglise pour limiter le pouvoir des responsables ne sont pas respectées ; ainsi le rôle du maître des novices est souvent attribué au prieur d'un couvent, ce qui est en contradiction avec le Droit Canon ; la limitation de la durée des mandats des responsables des branches, imposée par l'Eglise, est rarement respectée surtout s'il s'agit du « Fondateur » ; celui-ci, à la fois « Maître » et « Père », est présenté comme le détenteur du Savoir et de la Vérité. Le pouvoir des responsables est contraignant, il s’exerce au nom de la « sainte obéissance », au détriment de l’intime liberté personnelle (for interne). Une réelle pression (qui va dans certains cas jusqu’à la violence) est exercée par les « pères-maîtres » qui sont chargés de guider les nouveaux arrivés. Les jeunes n’ont pas seulement intégré la communauté, ils sont réellement « possédés » par elle. On assiste à un véritable clonage des esprits. Ainsi formatés, les jeunes sont ensuite mis à contribution pour recruter au profit de la communauté.

Comment circule le savoir ?

Le détenteur du savoir a été le fondateur des frères de Saint-Jean maintenu très longtemps à la fonction de prieur général (jusqu’à l’année dernière, année de l’élection d'un nouveau prieur). Le message du fondateur est véhiculé en circuit fermé par un petit nombre de clercs. Aucune place n’est laissée pour une parole libre, toute forme de pensée étrangère est suspecte, le « Maître » a la connaissance et se place au-dessus de toute autorité. Cela a scandalisé de nombreux enseignants de la communauté : certains ont démissionné, d’autres n’ont pas accepté de reconnaître publiquement la prééminence du fondateur en matière d’enseignement et se sont vus prier de cesser immédiatement leurs cours.

Une vision manichéenne du monde diabolise tout ce qui s’éloigne un tant soit peu de la doctrine du fondateur et tous les adeptes sont littéralement inféodés à la pensée du maître jusque dans ses positions les plus extrêmes : ainsi le fondateur enseignait que la fin du monde se produirait à la charnière des années 2000 et 2001 et que la communauté St-Jean était créée pour les derniers temps de l’Eglise.

Comment est vécue cette « religion » ?

Une sollicitation constante de la générosité ajoutée au dépaysement lié à l’entrée dans la vie religieuse, amène rapidement les novices à un épuisement physique et neuropsychique qui fait disparaître leur sens critique et leurs systèmes de référence : ils perdent la faculté d’analyser le contenu idéologique qui leur est inculqué. Ainsi beaucoup d’adeptes s’attendaient, suivant l’enseignement du Fondateur, à voir la fin des temps arriver à la fin de l'année 2000.

Aucun contrôle en matière d’études n’a été réellement exercé dans la congrégation, pendant des années, par l’autorité ecclésiale. Un évêque, dans un document interne à l'Eglise, a souligné l’insuffisance de la formation des frères. Les erreurs de doctrine sont apparues clairement lors du départ récent, pour objection de conscience, de toute une partie du corps enseignant s'étant aperçu de ces déviances.

Dans la maison de formation, novices et profès vivent très nombreux dans un même lieu ; ils constituent un ensemble indifférencié de niveaux divers. Il en résulte pour beaucoup une sorte de confusion aggravée par les charges de travail. L’absence de temps pour soi, l’absence de liberté intérieure déstabilisent gravement les intelligences. La personne, valorisée lors de son recrutement, est ensuite fragilisée par une culpabilisation inhérente au système. La barre étant fixée très haut, la personne se sent dépréciée et finit par se couper de ses racines familiales, spirituelles et même culturelles : un vide total va se créer en elle, rapidement comblé par la doctrine « idéale » et « le maître » devient « le sauveur ». La destruction de la personne pourra être totale avec tous les signes d’une maladie psychique.

Certains frères, ainsi conditionnés, en viennent à adopter des comportements aberrants qui peuvent occasionner toutes sortes de dérèglements. S’ensuivent dans certains cas, abus sexuels, viols, de très nombreux dévoiements homosexuels. De multiples dépressions et admissions en hôpitaux psychiatriques ont été signalées ; ainsi sur les dix jeunes femmes hongroises entrées chez les Sœurs Mariales au cours de l'été 1998, cinq ont été traitées pour troubles psychiques dans les années qui ont suivi leur entrée. Pour expliquer ces maladies, certains responsables n’hésitent pas à prétendre que ces jeunes étaient déjà fragiles avant d’entrer dans la communauté.

Les responsables testent la résistance des jeunes en les soumettant au froid, au jeûne et au manque de sommeil ; ils voient ainsi jusqu’où va leur soumission, sans tenir compte des graves dangers qu'ils leur font courir. Les jeunes se referment sur eux-mêmes. Plusieurs cas de morts suspectes de jeunes, dues probablement à l’épuisement ou à un suicide, se sont produits. Ainsi une sœur contemplative mal soignée d’une dépression, s’est jetée d’un velux fin janvier 2003. Tous ces dérèglements aux conséquences très graves sont dus à l’enfermement psychologique des personnes. Certaines destructions psychologiques sont irréver-sibles, les responsables ne se rendent pas toujours compte de la gravité de l’état de certains religieux et, dans de nombreux cas, ce sont les familles ou les amis qui s’en aperçoivent à l’occasion d’une visite dans la communauté. Lorsque les responsables s’en rendent compte et envoient les religieux dans une maison de santé, ils ne préviennent pas toujours les familles ; ainsi des parents, ayant appris que leur fille religieuse avait une nouvelle adresse, se sont eux-mêmes rendu compte que l’adresse était celle d’une maison de soins psychiatriques.

Comment est assurée l'assistance médicale des religieux ?

L’assistance médicale est tout à fait inadaptée, notamment parce que d’une part, les jeunes, privés de leur faculté de juger ont perdu la conscience de ce qui est bien et mal pour eux-mêmes et ne reconnaissent pas qu’ils sont malades, et d'autre part, parce que les responsables les accompagnent dans ce déni. Quand cette assistance existe, elle peut faire appel soit à une médecine officielle, soit à une médecine parallèle.

quand il s’agit d’une pratique médicale officielle, le même médecin soigne tout le prieuré, parce que c’est un ami de la communauté - et il y a ainsi tout un réseau. Ainsi celui qui est malade souvent ne le dit pas, car il n’ose pas se confier à celui qui soigne aussi les supérieurs ; il ne peut pas non plus aller voir un médecin de son choix car il doit passer par le (la) prieur(e) et tout se sait. De nombreux docteurs sont parents de religieux et agissent de bonne foi, mais certains manquent à la déontologie. Des psychothérapeutes ou pseudo-psychologues sont recommandés par la communauté et commettent de graves fautes.
quand il s’agit de médecine parallèle, c’est le recours à des guérisseurs, magnétiseurs et radiesthésistes qui perpétuent par la superstition et l’occultisme l’état de sujétion obtenu par les techniques d’endoctrinement. Ceci, au grand dam de certains Africains, très étonnés d’être confrontés en ces lieux à des pratiques bannies dans leurs familles depuis longtemps. Certains frères de Saint-Jean ont même poussé des malades atteints de cancer à avoir recours à la méthode Hamer 2 .
quand l'assistance médicale est inexistante : telle postulante a eu un grave abcès à la mâchoire qui n’a pas été soigné. Arrivée en catastrophe à l’hôpital, elle s’est fait réprimander par le médecin d’être venue si tard et de courir le danger d’une septicémie. L’AVREF connaît les cas de deux religieuses assez jeunes qui sont mortes de cancers généralisés ; ont-elles été soignées à temps ?
Quand ça va mal, il est usuel de dire que c’est une tentation du diable et on va jusqu’à l’exorcisme pour endiguer la maladie.

Le malaise psychique des jeunes, pour les raisons déjà évoquées, se traduit par des symptômes physiques qui ne sont pas pris en compte. Ce déni de la réalité amène les jeunes à une incompréhension totale des inquiétudes de leurs parents qu’ils vont alors jusqu’à accuser des pires maux.

Les frères de St Jean ont été démis de leurs fonctions d’aumôniers à Passy-Buzenval de Rueil-Malmaison (92), au collège Stanislas à Paris, et au collège Champittet à Lausanne. Ils ont été interdits de catéchèse sur le diocèse de Paris. Un projet de prieuré à Lausanne a été annulé, l’évêque du lieu déclarant que le fondateur de St-Jean « vampirise les âmes».

L'évêque responsable de St-Jean a blâmé les frères dans sa monition de Juin 2000. À la demande du Vatican, des assistants religieux, extérieurs à la congrégation, ont été nommés pour contrôler le fonctionnement des communautés, deux chez les frères, un pour les sœurs contemplatives mais aucun chez les sœurs apostoliques alors qu’on y constate les mêmes symptômes.

Chez les frères de St-Jean, comme chez les sœurs apostoliques, il y a eu de nombreux départs (notamment, celui de la maîtresse des études des sœurs), toujours pour objection de conscience.

La situation est alarmante aussi chez les Sœurs mariales d’Israël et de St-Jean, déjà citées dans un article de Bulle 3. Leur statut ecclésial n’est pas clair : elles ont été admises dans la « Famille St-Jean » suite à la décision d’un chapitre général de la congrégation, mais l'évêque déjà cité, qui les a depuis longtemps expulsées de son diocèse, a demandé (sans l’obtenir !) la suppression de leur nom sur le bulletin de liaison de St-Jean. Elles sont, par contre, accueillies dans le diocèse de Lyon comme « association privée de fidèles du Christ ».

Pour conclure, toutes les branches de St-Jean ont en commun :

la destruction de la personnalité de beaucoup de religieux suite à la perte de leur intégrité psychique et de leur liberté individuelle de penser et d'agir.
la destruction des familles, ayant un ou plusieurs proches à St-Jean, qui peuvent devenir victimes : des couples se déchirent, des frères et sœurs perdent leurs repères et souvent la foi.

L'UNADFI et l’Association Vie Religieuse et Familles jouent chacune leur rôle pour lutter contre ces destructions, la première par sa connaissance générale des méthodes sectaires, la seconde par l'expérience qu’elle a des conséquences dramatiques des déviances dans l’Eglise sur les individus et sur les familles.

À l’heure actuelle, l’Eglise catholique ne semble pas avoir encore pris les justes mesures pour remédier à cette situation.

1 Association Vie Religieuse et Familles - 33 rue du Pavé des Gardes - 92370 Chaville - tel : 01.41.15.03.98 e-mail : avref@hotmail.com

2 Voir Bulles n° 80, p.35

3 Voir Bulles n° 80, p 28

 



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