L’Hérésie Rosicrucienne

ou les délires d’un Américains qui se prenait pour un Pharaon

(Source : site de Philippe Allard archivé sur http://web.archive.org/collections/web.html )


La publication de cet article sur le Web a eu l’effet d’une bombe sur les dirigeants de l’Amorc qui ont vivement réagi et ont tenté d'intimider ceux qui voulaient la faire connaître. Cliquez ici pour connaître les mésaventures de cette page web.

Préambule
Quand on parle anonymement et en généralité «d’enseignement rosicrucien» ou de «tradition rose-croix», les gens imaginent quelque chose d’ancien dont les origines se perdraient dans la nuit des temps. Il n’en est rien ! Il est tout à fait déplacé de parler d’enseignement rosicrucien puisque celui-ci n’existe pas et a été totalement inventé par un petit universitaire américain répondant au nom d’Harvey Spencer Lewis, atteint d’obésité et mort à 55 ans.

Les origines
Fondé en 1909, l’ordre rosicrucien Amorc est le plus connu et le plus populaire des quatre ordres rosicruciens qui existent dans le monde. Les trois autres sont la rose-croix de Max Heindel, la rose-croix d’or et la rose-croix CCRC. Ce sont les amorciens qui ont inventé l’adjectif rosicrucien.

Ancien franc-maçon, Harvey Spencer Lewis, né en 1889, se crut assez malin et assez intelligent pour fonder sa propre école mystique dont le nom s’inspirait de l’un des grades maçoniques : chevalier rose-croix. Appartenant à la classe intellectuelle et bourgeoise, Lewis sut tirer parti de ses facultés d’assimilation pour écrire peu à peu une vaste synthèse des différentes pensées, philosophies et religions du monde occidental et oriental [le tout saupoudré des références scientifiques en vigueur à l’époque]. Loin d’être inspirée, sa littérature n’est qu’une compilation parfois minutieuse, parfois superficielle des différents ésotérismes en vogue à l’époque. La plupart avaient été introduits dans la culture occidentale par la Théosophie, justement en plein essor à cette époque.

La doctrine
Lewis fait partie de ces pseudo-mystiques de salon qui défendaient la doctrine typiquement théosophique des races inférieures et supérieures. La Doctrine Secrète écrite par Héléna Pétrovna Blavatsky (la «bible» des théosophes) explique en effet que les différentes races humaines que l’on trouve sur terre correspondraient à différents degrés d’évolution, et selon elle, la race noire serait bien sûr la plus inférieure, c’est-à-dire celle qui serait la plus proche de l’animalité et de l’inconscience. La théosophie ayant conquis ses lettres de noblesse dans l’Angleterre du XIXème siècle, à l’époque de l’apogée de son empire colonial, on devine les raisons qui lui ont assuré un tel succès. La race blanche, évidemment, était placée au sommet de cette hiérarchie imaginaire et le citoyen britannique pouvait à son gré se considérer comme son plus digne représentant.

Lewis adhérant à ces vues cite souvent Blavatsky dans ses écrits. Il s’agissait de sa part d’une manoeuvre hypocrite construite dans la perspective de se dédouaner vis-à-vis du milieu spiritualiste qu’il côtoyait.

Sans entrer dans les détails de l’ascension de l’Amorc, le présent article n’ayant pas pour but de faire l’apologie ou l’historique de cette religion sectaire, il faut donc savoir que dès 1915, Lewis et ses collaborateurs commençaient à lancer un nouveau type de produit sur le marché de la spiritualité, dont l’idée s’intégrait parfaitement dans la société de consommation qu’allait être l’Amérique à partir des années 30. Cette idée commerciale a eu un succès progressif et malgré des hauts et des bas, se maintient encore aujourd’hui grâce à une politique commerciale payante : publicité dans les magazines, conférences, introduction dans les milieux politiques, etc. Il s’agissait de proposer aux chercheurs qui souhaitaient approfondir leur connaissance des mystères occultes ou spirituels un moyen simple et progressif d’y parvenir, relativement bon marché et... interminable : des cours par correspondance baptisés du nom savant de monographies. D’autres sectes se sont par la suite inspirées de cette méthode de diffusion : les témoins de jéhovah avec La Tour de Garde, le monde à venir avec La Pure Vérité, l’Ordre Rénové du Temple avec ses Mandamus, etc.

L’ensemble des cours correspond à environ 1000 monographies dont 600 ont été écrites par Spencer Lewis entre 1909 et 1915. Bien que tout le monde sache parfaitement que la plupart des monographies ont été écrites par lui, une précaution hypocrite et psychologiquement très subtile consista dès le début à ne pas faire figurer le nom de l’auteur. Celui-ci, anonyme, s’appelle simplement Le Maître de votre classe. D’autre part, au lieu de faire référence à ses idées, à ses opinions et à sa façon de voir la spiritualité, toute l’idéologie est rattachée à une mystérieuse tradition rosicrucienne que l’on vous révèle petit à petit. Cette façon très personnalisée de s’adresser au lecteur, malgré qu’il soit évident que ce n’est que du papier imprimé, donne le sentiment que le texte a été écrit pour lui exclusivement et flatte donc la corde sensible de son individualité [tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute].


Les techniques d’endoctrinement
Chaque monographie représente une pr
ouesse dans l’art de parler pour ne rien dire. Généralement, le rosicrucien reçoit quatre monographies par mois. Il est en effet censé en étudier une par semaine, de préférence le Jeudi soir, jour affecté par l’Ordre à ce qu’ils appellent la convocation (la petite "messe" rosicrucienne). Or lorsqu’on examine attentivement le contenu d’une monographie on se rend compte qu’il y a en définitive très peu à lire et très peu à apprendre. La façon de faire progresser l’enseignement, au cours des monographies successives a en plus quelque chose de vicieux : chaque sujet traité en appelle d’autres et dans le corps même du texte, Spencer Lewis ne manquait jamais de faire miroiter les secrets merveilleux qui seraient révélés plus tard, toujours plus tard.

Tout, absolument tout, dans l’organisation et la stratégie de l’Amorc, a pour but de retenir le plus longtemps possible le membre : le règlement d’abord, qui l’engage à demeurer fidèle et à servir l’Ordre toute sa vie et même au-delà, mais surtout, toute une panoplie d’arguments pernicieux et de chantages.

Le fil conducteur de l’enseignement rosicrucien transcrit dans les monographies n’échappe pas à la technique du saucissonnage publicitaire, comme on le subit désormais à la télévision ! Régulièrement, environ toutes les quatre monographies, le malheureux lecteur a droit à une bonne dose de litanie démagogique. En guise d’introduction, on lui explique que le fait pour lui d’être rosicrucien est une chance immense, qu’il doit remercier la Providence d’avoir pu connaître l’Amorc et qu’en guise de remerciement, il devra toujours témoigner de sa fidélité et de sa reconnaissance envers les guides invisibles qui lui ont montré le chemin de l’initiation. Ces coups d’encensoir répétitifs ne sont ni plus ni moins que la mise en pratique d’une technique de suggestion, c’est-à-dire de lavage de cerveau par la douceur. Le principe est simple; il consiste à induire dans le subconscient du lecteur l’idée-force suivante : vous êtes rosicrucien, donc vous êtes génial; vous êtes rosicrucien donc vous êtes sauvé !

À cause de cela tous les rosicruciens avancés se comportent d’ailleurs d’une manière épouvantable; ils éprouvent tout simplement du mépris envers ceux qui ne sont pas rosicruciens et les dédaignent d’autant plus lorsqu’après les avoir prêchés, ces derniers refusent de s’affilier. Être rosicrucien génère le besoin de rechercher des affinités électives : on ne peut plus être ami qu’avec des rosicruciens, partant du principe égoïste qu’avec les non-rosicruciens (les gens normaux donc), on ne peut pas partager d’intimité ni parler de «certaines choses».

La déontologie rosicrucienne recommande en effet aux membres de ne jamais parler du contenu de l’Enseignement avec des “profanes” puisque c’est par ce nom qu’ils désignent ceux qui ne sont pas des leurs. Pour prêcher et convaincre, ils ont recours à une abondante documentation illustrée qui ne fait que flatter l’ego de l’individu et ne présente l’enseignement que comme la panacée qui ouvre toutes les portes. Un autre argument implicite sourde de ces différents documents publicitaires : si vous devenez rosicrucien, vous serez plus beau, plus fort, plus heureux, vous connaîtrez tous les secrets de l’univers, vous développerez des facultés insoupçonnées telles que la télépathie, etc.

L’expérience montre bien évidemment que tout cela est faux car le rosicrucianisme tend plutôt à gonfler démesurément le Moi égocentrique de l’individu. J’en veux pour preuve cette phrase ahurissante de Spencer Lewis où il ne se gène pas pour affirmer que le rosicrucien est un être supérieur et que le rosicrucianisme et le chemin le plus élevé pour parvenir à la réalisation. Malheureusement, le seul fait d’affirmer cela est bien la preuve du contraire ! Car l’orgueil et la présomption ne sont certainement pas les preuves d’une quelconque élévation spirituelle.

Les gens qui adhèrent aveuglément à cette religion “new style” ne font pas preuve de beaucoup de discernement. Pourtant, le seul fait pour l’ordre de ne proposer que des services payants devrait les faire réfléchir. Jésus demandait-il de l’argent à ses apôtres ? Exigeait-il une cotisation pour que l’on puisse être l’un de ses disciples ? Non, bien au contraire, il accueillait avec amour et compassion les pauvres, les déshérités et les plus démunis, ceux qui étaient précisément les moins aptes à donner. Il avait justement appris le métier de menuisier pour subvenir à ses besoins et ne dépendre de personne. Il chassa les marchands du temple parce que l’Éveil mystique n’a rien à voir avec l’argent et ne peut s’acheter. La démarche rosicrucienne est diamétralement et radicalement opposée à la voie christique : «seul celui qui garde le contact physique avec l’ordre peut être sauvé.» Qu’appelle-t-on le contact physique ? Simplement le fait de s’acquitter chaque année et sans retard de sa cotisation.

Spencer Lewis, doué d’une imagination fertile monta de toute pièce un canular invraisemblable auquel croient aveuglément les rosicruciens. Selon lui, il aurait été secrètement initié dans une pyramide, lors d’un voyage en Égypte, aux plus grands secrets mystiques. Il prétend avoir été chargé de mission par la «grande loge blanche» pour «restaurer» et installer l’ordre rosicrucien aux États Unis. Si l’on en croit sa prose délirante, l’ordre rosicrucien qu’il a fondé ne serait pas la première manifestation de l’ordre. Celui-ci apparaîtrait cycliquement sur terre et ses périodes de fonctionnement alterneraient avec des périodes de mise en veilleuse. Néanmoins, le représentant de l’ordre pour l’Europe, Raymond Bernard, a déclaré que la prochaine période de léthargie n’était plus à envisager...

Résumons : l’ordre se manifesterait tous les 144 ans pendant une période de 108 ans. Or, en guise de période ou de cycle, l’Amorc n’a jamais connu que cette seule tranche d’activité et n’existe que depuis 1909; logiquement, en l’an 2017, l’ordre devrait arrêter son activité. Mais voilà, ça rapporte du fric, les membres ont établi un lien de dépendance à l’égard de la secte et ni les dirigeants, ni les membres ne sont prêts à accepter l’arrêt des activités non seulement à cause de l’aspect lucratif, mais parce que beaucoup de gens se sont psychologiquement réfugiés dans la secte qui joue dès lors le rôle d’une mère protectrice. Raymond Bernard faisant partie des dirigeants préfère dès maintenant mettre les mains en avant en affirmant que l’ordre ne “retournera” plus en léthargie. Et pour cause, il n’y a jamais été ! Avant 1909, il n’existait pas.

Spencer Lewis prétend pourtant que les origines de la tradition rose-croix remontent à l’époque de l’ancienne Égypte et que sa doctrine aurait été fondée et codifiée par les pharaons Thutmosis III et AmenHotep IV. Paradoxalement les plus grands égyptologues n’ont jusqu’à ce jour trouvé aucune trace de ladite doctrine ni du symbole de la rose-croix (sous la forme d’un hiéroglyphe par exemple) pour la bonne et simple raison qu’en ce temps là, la rose n’existait pas. Il s’agit d’une fleur hybride, obtenue à partir de boutures sélectionnées d’églantiers provenant de Chine, qui ne fait son apparition dans l’histoire occidentale qu’aux premiers siècles de l’ère chrétienne, à l’époque de l’empire romain, donc bien après la chute du royaume égyptien. Il y a donc lieu de bien souligner qu’il n’existe aucune représentation picturale ou hiéroglyphique de la rose dans l’antique Égypte. Pour faire “couleur exotique” et malgré les innombrables contradictions, l’ensemble du rituel et le décorum rosicruciens s’inspire des hiéroglyphes et de l’architecture égyptiens. Ainsi les pages des monographies sont ornées de cartouches qui correspondent aux divers degrés du néophyte, du temple et des illuminati. La couverture est ornée de deux colonnes et du symbole solaire égyptiens. Tout cela n’est qu’un camouflage; nous avons soigneusement étudié l’enseignement de Spencer Lewis et loin de puiser ses sources dans l’antique Égypte, le fond est moderne, simpliste, effroyablement rationaliste, et n’hésitons pas à le dire : matérialiste !


Les superstitions rosicruciennes
Parallèlement à la diffusion des monographies, les rosicruciens se voient régulièrement sollicités pour acquérir différents objets rituels, symboliques ou sacrés. L’Amorc propose une panoplie d’insignes faits de roses, de croix et de triangles, les trois totems rosicruciens. Ces insignes sont proposés en or, en argent, ou plaqués, sous toutes les formes possibles : pendentifs, bagues, boutonnières, broches, et même autocollants et badges (à quand les tee-shirts ?). Les gens acquièrent ce genre d’objets dans le but de se sécuriser mentalement. L’usage des insignes distinctifs rosicruciens n’est qu’une manière voilée de sacrifier aux pratiques superstitieuses les plus primitives de l’être humain, celles précisément dont une véritable Initiation (ce n’est pas le cas ici) devrait le dépouiller : le fétichisme, le talismanisme, la recherche d’une protection mystique, bref, la superstition...


Le culte et les rites rosicruciens
Chaque degré du temple commence par une initiation. Intéressant me direz-vous ? Certes, s’il s’agissait vraiment d’une authentique initiation, ce serait passionnant; hélas ceux qui ne connaissent pas l’enseignement de Spencer Lewis sont à cent lieues d’imaginer ce que sont les initiations rosicruciennes. Tenez-vous bien : le membre doit s’initier tout seul !!! Désopilant non ? J’ai du mal à retenir mon fou rire, mais c’est nécessaire si je veux terminer cet article. Donc le rosicrucien fait ses initiations successives tout seul, à l’aide d’une monographie spéciale, de couleur pourpre (couleur «initiatique» affirme Lewis) décrivant le rituel initiatique. Le texte est en fait un dialogue (semblable à celui d’une pièce de théâtre) où tour à tour l’impétrant doit jouer le rôle de l’officiant, Maître de la cérémonie, et de lui-même que l’on va initier. Pour accomplir ce rituel, un lieu spécial, retenu pour sacré, doit être aménagé; c’est le sanctum, une sorte de petit temple privé.

Pour construire son sanctum, une fois encore l’Amorc propose à ses membres tout le matériel nécessaire moyennant finance. La panoplie minimale comprend un autel de forme triangulaire, deux grosses bougies, une nappe brodée aux insignes rose-croix, un tablier rosicrucien que l’on met autour de la taille, et un miroir. L’autel doit être orienté vers l’est. D’autres gadgets peuvent y être ajoutés bien qu’ils ne soient pas indispensables, par exemple une coupe, des statuettes égyptiennes, les effigies des plus grands membres de la secte : Spencer Lewis, un certain Kut Hu Mi, Ralph Maxwell Lewis (le fils) et d’autres... C’est selon les moyens de chacun.

Bien évidemment la superstition religieuse est flagrante : cet autel (ou shekinah), une fois “sacralisé” par le rituel de consécration qu’accomplit le membre lui-même (avec un mode d’emploi du genre do-it yourself, ça fait vraiment très “américain”), et le sanctum doivent être entourés de toutes sortes de précautions : toujours se laver les mains et se purifier avant de toucher aux objets rituels, et surtout, le préserver des regards indiscrets; personne d’étranger (épouse, enfants y compris) ne doivent voir le sanctum. Généralement, l’apparition du sanctum dans une maison pose toujours des problèmes cocasses : du jour au lendemain, une pièce ouverte (chambre noire, cave, grenier ou cagibi) devient “zone interdite” à toute la famille (sauf si celle-ci est rosicrucienne, ce qui est rare et exceptionnel, la majorité des rosicruciens sont des hommes). L’intrusion de cet espace impénétrable peut causer des troubles au sein du foyer, parfois même des divorces (maintenant que j’y réfléchis, je me rends même compte que je ne connais que des rosicruciens divorcés, mais ce doit être le hasard). Et que dire d’un couple vivant dans un studio ? Où donc le membre va-t-il cacher sa shekinah ? Dans une armoire de la salle de bain ou même dans les toilettes (ce n’est pas une plaisanterie, j’ai vu cela chez des rosicruciens logeant dans de petits studios).

L’exigence est redoutable : si quelqu’un profane le sanctum, c’est très grave; c’est un signe que les forces obscures sont contre lui. Il faut de toute manière recommencer le rituel de consécration et acheter de l’encens rosicrucien (parfumé à la rose évidemment [comme les désodorisants pour les chiottes]) pour purifier les objets qui ont été souillés. Notez que d’une manière ou d’une autre, il faut toujours acheter quelque chose...

De leur propre aveu, en les prenant en confidence, les rosicruciens reconnaissent que l’ordre est en fait une religion voilée. Bien que la totalité de la documentation, pour échapper à la qualification de secte, affirme que l’Amorc est une organisation non-religieuse et qu’elle respecte les croyances de chacun.

Or, qui dit culte rendu à une divinité, qui dit ensemble de rituels et de cérémonies, dit forcément religion, par définition. Certains membres ayant peut-être acquis la conviction que la rose-croix n’est pas une religion, sont pris au dépourvu lorsqu’ils découvrent qu’il y a néanmoins un service funèbre réservé aux rosicruciens décédés, un rituel de baptême pour les enfants nés de parents rosicruciens et des cérémonies commémoratives pour honorer la mémoire des grands rosicruciens décédés (qu’ils appellent «in memoriam»). Tout cela pue le catholicisme. Il y a donc une contradiction criarde entre l’affirmation que la rose-croix n’est pas une religion et le fait que le membre étudiant dans les degrés du temple doive faire sa petite messe tous les jeudis-soirs, devant son sanctum. On lui explique très rationnellement et très scientifiquement (ne riez pas) que ces rites servent à le mettre en harmonie avec les forces cosmiques [ou avec l’egrégore de la secte]. Un peu comme si la shekinah était une sorte de téléphone qui permettrait de se mettre en rapport avec l’au-delà.

Il y a d’ailleurs quelque chose de malsain dans cet effort perpétuel de double jeu, à savoir le discours très sérieux, froid, rationnel, très “bourge” comme disent les jeunes, contredisant les faits, les actes, et le décor 100% religieux. Cette volonté de tout rationaliser, de tout vider de la transcendance intuitive, de tout expliquer avec des mots, de tout intellectualiser est effroyable. Même lorsqu’on parle du Coeur, on ne fait qu’en parler; je veux dire que c’est le cerveau qui se met toujours au milieu et qui embrouille tout par son besoin de froideur rationnelle. Il faut d’ailleurs avouer que cette contradiction est mal vécue par les rosicruciens. Curieusement, cet enseignement vide fait l’effet d’une drogue et plus les membres avancent sans rien comprendre, plus ils veulent aller plus loin, espérant toujours la révélation qu’ils attendent mais qui ne vient jamais. C’est le principe de la carotte et du bâton, le piège des promesses interminables : on vous donne une miette en vous promettant le pain entier, mais personne jamais ne voit le pain.

Finalement l’enseignement s’en tire encore par une pirouette en présentant la mort physique comme l’ultime initiation, à laquelle ils donnent le nom hypocrite de «transition». Ce qui exclut toute réalisation terrestre. Pour le rosicrucien, excessivement prudent, à la limite du ridicule, une telle affirmation est insoutenable. Il pense qu’il est prétentieux de vouloir se réaliser dans cette vie et se cache derrière une hypocrite modestie; en vérité, c’est le rosicrucianisme lui-même qui est incapable de transmettre la flamme authentique de l’Éveil et cette fausse modestie ne fait que masquer l’incapacité de l’Amorc.

Il est donc exclu d’accepter l’affirmation un peu rapide selon laquelle le rosicrucianisme serait d’inspiration cosmique ou divine. C’est ce que prétend la lettre, mais les faits la contredisent. La plupart des rosicruciens pensent que leur appartenance à l’Ordre les protège. En vérité, c’est leur ego, leur petit moi personnel qui se sent à l’abri car si la véritable Initiation doit dissoudre l’ego, en revanche les simulacres initiatiques rosicruciens le protège, le confortent et le nourrissent.

Mais le comble, c’est que l’ordre lui-même, par la plume de ceux qui ont rédigé ses manuels actuels, avoue que l’enseignement rosicrucien est artificiel, c’est-à-dire non pas inspiré du cosmique, mais pensé par des hommes.

En effet, la principale hérésie consiste à déclarer que toute la pensée mystique des hommes s’est construite progressivement, au fur et à mesure de leurs méditations, de leurs recherches et de leurs découvertes. Lewis, en voulant décrire l’évolution religieuse comme une ascension continue justifia ainsi les additions et corrections successives faites au contenu de son enseignement. L’un d’eux déclare : «si une connaissance réelle susceptible d’aider efficacement les adeptes du mysticisme est connue quelque part d’un groupe d’étudiants quelconque, elle devient bientôt une partie des enseignements rosicruciens.»

En d’autres termes si les idées de l’élève sont bonnes, elles deviennent les idées du maître !

Grave erreur : un authentique Maître, s’il en est, a-t-il besoin de ses élèves pour parfaire son enseignement ? Non, en aucun cas s’il s’agit d’un Maître Véritable. Est-ce l’analphabète qui apprend à lire et à écrire à son professeur ? Mais de quelle sorte de “Maître” parle-t-on chez les rosicruciens ? Lewis lui-même se présentait “modestement” comme un étudiant et c’est pourtant lui qui a fait tourner la boutique pendant 29 ans avec le titre pompeux et prétentieux d’Imperator*... Quelle hypocrisie !

* empereur (du latin imperare : ordonner, commander)

Les gens qui entouraient Lewis avaient d’ailleurs une curieuse opinion de sa personne. D’aucuns allaient jusqu’à prétendre discrètement qu’H.S. Lewis était tout simplement la “réincarnation” d’AmenHotep ou de Toutmosis, rumeur savamment orchestrée dans le but de créer artificiellement cette indispensable filiation mystique à laquelle, dit-on, doit obligatoirement se rattacher une école prétendument initiatique. En fait, il fallait créer la mythologie, la part de rêve qui ferait “craquer” le gogo.
Autre hérésie, l’incinération... Il est en effet recommandé aux rosicruciens d’être incinérés après leur décès car c’est, selon Lewis, le meilleur moyen de retourner à l’état originel de poussière. Il a le courage de prétendre que la coutume d’enterrer les morts dans le sol où ils se décomposent aurait toujours été considérée par les mystiques comme une pratique barbare et malpropre. C’est ridicule car tous les mystiques authentiques pensent exactement le contraire et considèrent l’incinération comme une pratique inutile, polluante et contre-nature. Car telle est bien la vérité. Nos frères les animaux incinèrent-ils leurs morts ? Ne trouvez-vous pas au contraire qu’il est logique que toute la matière qui constitue notre corps puisse retourner le plus naturellement du monde là où elle était ? Et puisque le rosicrucianisme prétend tirer ses origines dans la science des prêtres de l’antique Égypte, comment concilier la pratique égyptienne -des plus sacrées- de la momification dont le but était de conserver les morts intacts le plus longtemps possible, et la pratique brutale, profane, mécanique et destructrice de l’incinération ? En fait, la coutume de l’incinération, typiquement anglo-saxonne et pratiquée sur tout le territoire des États-Unis prouve bien l’influence culturelle qu’a subi Lewis, et non une quelconque et tout à fait impossible “révélation” mystique.


Comme toutes les sectes et les religions, l’amorc n’a qu’un seul but : L’ARGENT, LE FRIC !

La preuve est dans le code de vie rose-croix : on recommande à ceux qui n’ont pas d’héritier ou qui ont des héritiers indignes, de prendre des dispositions testamentaires pour que l’Amorc hérite de tout ou partie des biens du membre. Et cela, vous dit-on le plus innocemment du monde, dans le but d’aider l’ordre dans sa mission altruiste. S’enrichir n’est pas de l’altruisme !

Dans ce même code de vie, l’article 30 stipule que l’ordre est incritiquable, je cite : «ne permets jamais à la calomnie d’atteindre le bon renom de ton ordre...»

Notons enfin que l’Amorc se veut tolérante et de ce fait recommande que chacun accorde son soutien à la religion de son choix et respecte celle d’autrui. Traduisez “surtout ne nous fâchons avec personne”.

[On remarquera la logique du système : nous ne critiquons personne, alors ne nous critiquez pas; si vous ne dites rien, nous ne disons rien non plus.]

Lewis affirme qu’une partie de l’autorité de l’Amorc vient des réponses qu’il trouve dans l’homme. Il avoue donc son ignorance et le fait d’avoir construit petit à petit sa doctrine en étudiant, observant et expérimentant, ce qui est par définition une pure démarche cartésienne, nullement une démarche spirituelle. Il est d’ailleurs curieux que personne n’ait relevé cette contradiction criarde. En effet, de deux choses l’une : ou bien le rosicrucianisme est une révélation (auquel cas, s’il est d’inspiration cosmique, il est nécessairement parfait), ou bien c’est une contruction intellectuelle hésitante, imparfaite et en perpétuelle réfection. En aucune manière, il ne peut être les deux à la fois !

Alors pourquoi cet effroyable rationalisme a-t-il tant de succès ? La réponse est elle-même pitoyable : parce que les hommes et les femmes qui trouvent leur satisfaction individuelle dans le rosicrucianisme ont peur de s’investir par le Coeur ! Le comportement des rosicruciens le prouve et il apparaît d’une manière flagrante que les gens qui adhèrent à l’Amorc souhaitent seulement se sentir protégés, se réfugier dans le giron d’un groupe. La plupart ont en fait besoin d’une psychanalyse, non d’une voie initiatique (qu’ils redoutent et espèrent secrètement ne surtout pas trouver), car ils n’ont pas terminé leur maturation psychologique. La vraie nature de l’homme ne peut se révéler que dans la liberté, surtout la liberté de penser. Or, l’enseignement rosicrucien sous des dehors de libéralisme et de tolérance impose peu à peu ses opinions et forge progressivement un troupeau de moutons bien uniforme, nivelé par une pensée unique ! Poser la même question à dix rosicruciens avancés revient à recevoir dix fois la même réponse ! C’est grave. Par moment, on se croirait chez les témoins de jéhovah. Ceux qui les connaissent verront d’ailleurs qu’il n’y a aucune différence.

Toute la littérature rosicrucienne, le manuel rosicrucien, le manuel de référence, les mandamus, les innombrables monographies (plus de mille), leur revue mensuelle Rose+Croix rassemblent les questions les plus importantes (celles qui sont posées le plus souvent) et les réponses qu’il convient d’y apporter. Il est flagrant que le rosicrucien idéal ne doit surtout pas penser par lui-même.

Le gag de la fin : la “parole perdue”...
Le fondement de la révélation suprême de l’enseignement rosicrucien repose sur la connaissance d’une parole magique et sacrée dont la force vibratoire serait si grande que tout peut être réalisé par elle. Lewis la présente comme étant la fameuse Parole Perdue que cherchent en vain (dit-il) tous les occultistes, celle dont parlerait l’évangéliste Jean au premier verset*. Par chance les instructeurs de l’Amorc seraient dépositaires de ce grand secret qu’ils révèlent aux membres réguliers comme l’élément le plus précieux et le plus important dans la voie mystique; quelle aubaine ! Selon Lewis, c’est un signe de reconnaissance : tous ceux qui connaissent la parole perdue sont sauvés. Aussi, sa révélation est-elle entourée de plein de mystères, comme pour mieux exciter la curiosité des pigeons qui payent pour connaître les «secrets».

* «Au commencement était le verbe...»

Bon hé bien j’ai décidé de sauver tous nos lecteurs car je vais moi aussi vous révéler cette fameuse parole perdue si chère aux rosicruciens : elle s’écrit «MATHREM», et comme il s’agit d’un mot qui se prononce à l’anglaise, le TH se dit TZ, donc on prononce «Matzrèm». Ce mot résulte en fait d’un simple jeu de cryptographie hébraïque que l’on appelle athbash, bien connu des kabbalistes. Une fois décrypté, on découvre que Mathrem signifie INRI, sobriquet donné à Jésus sur la croix, bref encore un sous-produit du délire biblique. Faites-en ce que vous voulez, pour ma part, je ne crois pas au pouvoir des mots mais à celui du Coeur et de l’Amour qui peut réunir les êtres. Pour cela, point n’est besoin d’enseignement compliqué, de signes, de kabbales, de paroles bizarres, d’interminables lectures; seules sont requises la sincérité et la spontanéité.

Notre voeu le plus sincère est que tous ceux qui se sont aliénés à la servitude aveugle de cette secte retrouvent le chemin du bon sens, de la raison et de la liberté.

ÉPILOGUE (cliquez ici pour connaître les mésavantures de cette page Web)




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